De la part de la classe dominante, il n’y a pas de pire injure contre les salariés que l’accusation « d’absentéisme ». Ça remonte à l’idée des fainéants, ça justifie le fouet contre les esclaves. Et cela vient d’être « monté » de toutes pièces par un des ministres les plus réactionnaires du gouvernement, Gasparian, celui hier chargé d’expulser les locataires ne pouvant payer, et aujourd’hui d’inventer des sanctions contre les fonctionnaires qui tombent malades.
Ça relève d’une essentialisation de « l’absentéisme » défini ainsi dans le Larousse : 1. Fait d’être absent du lieu de travail, de l’école, d’une réunion, d’une assemblée, de tout lieu où, pour des raisons de travail, de participation à une action, etc., la présence est obligatoire. 2. Comportement de certains grands propriétaires fonciers résidant loin de leurs terres, qui font administrer leurs domaines par des régisseurs. 3. Comportement des représentants élus de la nation qui ne participent pas régulièrement aux travaux de leur assemblée.
Le « taux d’absentéisme » qu’ils ont inventé n’est bien sûr, ni celui des grands propriétaires fonciers, ni celui des élus du bloc central Barnier Macron absents du débat à l’Assemblée nationale sur les budgets de la République, c’est le n°1 défini par Larousse pour 5,8 millions de fonctionnaires et assimilés « absents » : ce taux est un rapport invraisemblable « pour un lieu et une catégorie professionnelle donnés, entre le nombre d’heures d’absence au travail et le nombre d’heures de présence de l’ensemble des salariés au cours d’une certaine période » (sic).
En vrac. Ça couvre pêle-mêle les arrêts maladie, dépression burn out, fatigue, trouble musculosquelettiques les arrêts accidents du travail, accidents de trajet, les arrêts pour maladie professionnelle. Ils mélangent tout : nombre de jours d’absences en dehors de congés annuels, RTT, repos hebdomadaires et journées de récupération (les absences pour maladie sont évaluées par le nombre de jours d’arrêt). Et pourtant ils avouent que 30 % des arrêts sont de la faute du mangement et du patron : mauvaise organisation ou conditions de travail (9 %) ; manque de reconnaissance (7 %) ; charge de travail trop lourde (6 %) ; mauvaise ambiance (4 %) ; manque de soutien managérial (4 %). Ils reconnaissent que la durée moyenne des jours d’arrêt de travail est 23,7 jours (contre 22,17 jours en 2022), la part des AT due à la maladie : 83 % (- 3 points) est la 1ère cause des AT longs : les pathologies psychologiques. La maladie professionnelle est la cause principale des arrêts les plus longs : 89 % des arrêts de travail les plus longs (moyenne de 86,20 jours). La prévention aux risques professionnels au sein des entreprises reste donc toujours autant d’actualité, ce dont se moque la nouvelle ministre du travail qui fait des « spots télévisés « au lieu de rétablir les CHSCT.
Or l’accusation scandaleuse du gouvernement Barnier tombe mal : le taux douteux de leurs propres instituts en 2023 fait contradictoirement état d’une « baisse de l’absentéisme » : le taux moyen ne serait que de 5,17 % en 2023 et baisserait par rapport à 2022. 27,46 % des salariés auraient déclaré un arrêt de travail en 2023 contre 35 % en 2022. Quant à la productivité horaire du travail, les salariés Français seraient les premiers en Europe avec le Luxembourg, et dans le monde ils seraient entre la 1° et 3° place avec les US, la durée du travail réelle est plus élevée qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni.
Il s’agit donc d’une pure manipulation idéologique, d’un pur mensonge comme tout ce qui sort de ce gouvernement et d’une agression délibérée pour rabaisser les salariés de la fonction publique et, du même coup, les opposer aux salariés du privé. Le but est de les taxer sur leurs indemnités journalières d’une double façon, à la fois lorsqu’ils sont contraints a de petits arrêts et à la fois dans la durée lorsqu’ils sont longtemps en maladie.
Tout ça n’aura aucun effet en termes de prétendu absentéisme : des millions de salariés hésitent déjà à s’arrêter même quand ils en ont besoin : ce qui coûte plus cher, puisque toute maladie non soignée exige plus de soins quand elle se reproduit. Et ce sont les plus vulnérables qui vont subir : les travailleurs à faible qualification ; les seniors ; les femmes, dans les secteurs de la santé, de l’économie sociale et de l’éducation, du transport, du commerce et de l’industrie.
L’Insee a plusieurs fois mis en doute l’efficacité du jour de carence dans la #FonctionPublique. Il y a une baisse des courtes absences mais son effet diminue avec la durée de l’absence et peut aussi encourager certains agents malades à continuer de travailler Les fonctionnaires ne sont pas des profiteurs mais les agents par lesquels on accède aux besoins essentiels (éducation, santé, sécurité…) de manière protégée du marché. Irresponsable de laisser croire que ces absences sont liées à des abus, quand il s’agit de pénibilité des métiers, de conditions de travail dégradées, du vieillissement des agents, de problématiques de santé des femmes et des contraintes qui pèsent sur elles. Donc, sous prétexte d’économies (fondées sur des statistiques erronées), Barnier incite les fonctionnaires malades à aller travailler, au risque de contaminer leurs collègues, leurs élèves, le public (selon le cas) et d’aggraver leur mal.
Bannissez le mot « absentéisme » du vocabulaire. En plus, vouloir supprimer un 2e jour férié soi-disant pour la solidarité quand ça fait 7 ans qu’ils ont supprimé l’ISF c’est le comble du comble. Avec la suppression de l’ajustement des retraites sur les prix pendant six mois. Avec la baisse des taux de remboursement des visites au médecin, et des médicaments, tout ça charge durement la mule.
Gérard Filoche
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