Personnaliser la politique c’est dépolitiser les personnes

Depuis que De Gaulle le 28 octobre 1962 a imposé par referendum (il avait obtenu 62 % des voix, il faut se méfier des referendum, ils sont manipulables) l’élection au suffrage universel direct du président de la République, notre vie politique n’a cessé d’être pourrie par les obligations nées de ce type d’élection.

L’action politique des partis s’est organisée de façon contrainte comme des « écuries présidentielles ». Et les calendriers électoraux ont été subordonnés tous les sept ans puis tous les cinq ans, par la désignation d’un homme-roi providentiel dont les pouvoirs constitutionnels exorbitants le place au-dessus de l’Assemblée nationale. C’est lui, chef des armées, qui nomme le Premier ministre, il peut dissoudre l’Assemblée, il dispose même d’un article 16 qui lui permet de se donner les pleins pouvoirs. En fait, c’est l’élection-reine, qui l’emporte sur toutes les autres. Ce qui personnalise toute la vie politique et restreint d’autant la démocratie.

Que nos sociétés complexes soient soumises au desiderata d’un seul homme, est un contre sens total, du point de vue de la raison. On arrive à des solutions de chaos comme celle que la présidence Macron a produite. Elles ne peuvent être dénouées « par le haut », sauf par coup d’état aggravé, elles exigent un retour au pouvoir d’en bas. Il n’y a jamais autant eu besoin d’études, de concertation, de négociations, pour aboutir à des décisions collectives, autrement muries, et expressions de la volonté réelle des citoyens.

La démocratie réelle, populaire, ne peut pas être verticale, ni césariste, elle est pluraliste, horizontale, participative, de terrain, à l’opposé de la représentation personnalisée par un seul individu. La démocratie est d’abord l’action de masse de la socialisation, du partage, en sororité et fraternité. C’est l’apprentissage vécu, expérimenté collectivement, de la généralisation de l’égalité en droits, de la commune à l’Assemblée nationale et en cela, elle s’oppose frontalement à la décision bonapartiste du referendum de 1962, à la V° République, capable de devenir profondément anti-démocratique selon l’usage que le président en fait. La constitution drivée par un seul individu peut devenir même très dangereuse, dès lors qu’il cesse de prendre en compte les autres votes, et qu’il utilise ses pleins pouvoirs. Entre les mains des capitalistes illibéraux, de Macron s’impose le chaos, que sera-ce avec l’extrême droite, Le Pen ? (D’où notre programme en faveur d’une Constituante pour une VI° République).

La démocratie n’est ni un système nerveux centralisé, ni un système gazeux délétére, elle ne vient pas « d’ailleurs », pas de « l’extérieur ». Elle ne nait pas, ne vit pas en dehors de l’action des masses elles-mêmes. La démocratie est pensée et se pense en commun, s’organise de façon endogène comme interaction à tous les niveaux, de la base au sommet. Elle se nourrit de l’attention de tous, à la fois des désaccords et de l’accord de tous, des débats autant que de la décision. Impossible d’être aussi bien pour la réforme que pour la révolution sans pousser jusqu’au bout cette démocratie. C’est une praxis, un brassage d’actions qui homogénéise, intègre, développe en respectant à l’infini avec attention, endurance, volontarisme toutes les sensibilités politiques, elles-mêmes émanant des luttes des classes.

C’est la force des assemblées et des luttes qui exprime, incarne et soude le salariat majoritaire et qui émancipe, par ricochet, les autres parties du peuple. L’impératif d’unir le salariat c’est pour servir à ça, englober en les respectant soigneusement à chaque pas toutes les sensibilités politiques.  En actionnant par tous les moyens, en toutes les circonstances, de façon vitale, comme l’oxygène, comme une sève, l’exemple du collégial, du collectif. C’est ce qui fait qu’à tous les stades de la cordée, la cuisinière, l’infirmière, la femme de ménage, l’écrivaine, le chauffeur-livreur, le balayeur, le vendeur, l’ingénieur, le professeur, le conducteur de travaux, le gestionnaire, sont en mesure de connaître, comprendre, donner leur avis, de modifier le cours des décisions, de la construction, de l’élévation sociale commune.

Libérée et démocratisée, la société peut alors créer plus, innover plus, produire plus, redistribuer toujours mieux, faire face aux plus grands des défis, face à tous les besoins collectifs sociaux et écologiques.

Encore faut-il que les partis de la gauche aient cette conscience, se dotent des moyens, des instruments, d’une praxis adaptée, et soient vigilants afin de se prémunir des périls de la V° république, des déviations qu’elle impose aux esprits, qu’ils combattent lucidement la personnalisation nuisible et en tout temps fassent vivre l’étendard de la collégialité.

Pour un parti démocratique et pluraliste de la gauche sociale et écologiste

Il ne faut pas chercher à nier ou méconnaître que, dès qu’il y a représentation, élection, division des tâches, dans toute organisation qui combat la société capitaliste et au-delà, naissent des tendances négatives, matérielles qui facilitent la création d’appareils qui échappent et nuisent à la démocratie. Les appareils existent, petits ou grands, il faut éduquer les militants, inculquer la vigilance, instaurer le contrôle collectif sur eux mais il n’y a pas de vaccin, il n’y en aura jamais, pour les empêcher : seules la force de la démocratie, de l’union dans l’action et des mobilisations qu’elles génèrent peuvent les freiner, les contourner, les dépasser.

Des conquêtes matérielles partielles, des avantages moraux, intellectuels, surgissent facilement et sont l’apanage des directions et dirigeants des partis, syndicats et associations qui expriment, incarnent le salariat en lutte pour la révolution sociale. Il y a des dangers professionnels du pouvoir. Le capitalisme se défend en divisant et en corrompant : « La domination de la bourgeoisie n’est fondée que sur la concurrence des ouvriers entre eux, c’est-à-dire sur la division à l’infini du prolétariat, sur la possibilité d’opposer entre elles les diverses catégories d’ouvriers » (Friedrich Engels).

Gérard Filoche le samedi 20 septembre 2025

 

 

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