On mérite une retraite à 60 ans et même avant…
30 millions de salariés, 90 % des actifs, produisent toutes les richesses de notre pays et n’en reçoivent pas la part qu’ils méritent. Seul le travail crée de la valeur, le capital la pille. C’est donc une question de justice sociale, que les salariés soient assurés à tous les stades de leur vie professionnelle. Ils ne sont pas des « riens » ils sont tout.
Certes, ils n’ont que leur force de travail à vendre. Les patrons achètent cette force de travail et, comme le veut la logique du système capitaliste, cherchent à en tirer un profit maximum. Les patrons revendent les fruits de cette force de travail avec les marges les plus importantes possibles. Contrairement à une idée reçue, ce sont les salariés qui paient ainsi leurs patrons.
En échange de leur subordination, de leur production, ils reçoivent un salaire net et brut. Le salaire net c’est pour vivre au mois le mois. Le salaire brut c’est pour faire face aux besoins de toute la vie. Il a fallu plus d‘un siècle de luttes pour imposer le salaire brut au patronat lequel ne rêve que de le remettre en cause. Il est légitime que ce soient les patrons qui couvrent les conséquences et besoins nés du travail dont ils tirent le plus grand profit.
Le travail tue : la France est cruellement « championne d’Europe » des accidents mortels du travail, 903 morts en 2022, 759 morts en 2024. Il y a plus de 650 000 arrêts du travail par an et la Cour des comptes assure qu’un accident sur deux n’est pas déclaré. Il y a 4500 handicapés du travail par an et des dizaines milliers de maladies professionnelles dont les recensements et l’étude sont réputés insuffisants.
En France, l’essentiel de la protection des travailleurs ne dépend pas de l’État mais du patronat. Ce n’est pas le système fiscalisé anglo-saxon dit Beveridge, mais le système dit Bismarckien basé sur le travail. Cela ne dépend pas de l’impôt, mais des cotisations salariales et patronales. Les patrons doivent payer non seulement le salaire « net » mais le « brut », c’est-à-dire la protection et l’indemnisation contre les accidents du travail, les handicaps dus au travail, les maladies professionnelles, les trajets et transports, le logement, les charges liées aux enfants, la prévention des risques, de la santé, de l’hygiène de la sécurité, de la maladie, des congés payés, du chômage, et aussi la retraite. La retraite c’est quand le travailleur est usé par le travail et l’âge.
La protection après une vie de travail est une question vitale, fondamentale, pour toute la société. Personne ne travaillerait des décennies jusqu’à la mort « métro, boulot, tombeau ». Pas de productivité sans garantie d’une vie décente quand on est trop vieux pour produire. La vie est dure et pénible au travail : 25 % meurent avant 60 ans. À la naissance, les femmes peuvent espérer vivre 65,9 ans sans incapacité et 77,9 ans sans incapacité sévère ; les hommes, 64,4 ans sans incapacité et 73,8 ans sans incapacité sévère : mais les écarts sont considérables selon les métiers. Un ouvrier vit en moyenne 7 ans de moins qu’un cadre. Mais pas tous : par exemple, l’espérance de vie des égoutiers est inférieure de 17 ans à la moyenne générale, ils meurent 7 ans plus tôt qu’un ouvrier. L’écart de vie entre les plus pauvres et les plus riches est estimé à 13 ans.
L’espérance de vie est liée fondamentalement au travail. Ce ne sont plus les coups de grisou qui tuent mais la moitié des AVC et crises cardiaques est liée au travail. Le travail de nuit, nuit : 10 ans de travail de nuit c’est 15 ans de vie dépensée et depuis 1992 que le travail des femmes de nuit a été réautorisé par Martine Aubry, le cancer du sein s’est développé pour cette catégorie de travailleuses. La pénibilité des professions du secteur sanitaire à de lourdes conséquences sur la santé des 80% de femmes qui les assurent : 20% des infirmières et 30% des aides-soignantes arrivent à la retraite avec un taux d’invalidité important. Un malaise mortel au travail sur 5 concernerait à un conducteur de camion, la moitié survenant à moins de 51 ans ; l’espérance de vie d’un chauffeur commercial est 16 ans plus courte que la moyenne. Dans le bâtiment travaux publics, la pénibilité est telle que l’espérance de vie moyenne est de 64 ans, quand ils arrivent à la retraite ils sont « flingués ».
Chez les 10% d’actifs (environ 3,5 millions) « indépendants » non-salariés, la pauvreté est plus étendue (16,6%) que parmi les salariés (5,3%). Mis à part 1,2 million de patrons, commerçants, agriculteurs, et les artisans, environ 2,4 millions d’auto-entrepreneurs sont privés de droits, de cotisations de protection sociale et de retraite : ces derniers devraient être reconnus salariés (selon la directive de l’UE qui attend depuis septembre 2023 d’être transposée) et les lois de sous-traitance revues.
C’est pour cela qu’il n’y a nécessité d’un âge de départ relativement précoce comme 60 ans pour toutes et tous. Et qu’en plus il faut des conventions collectives pour tenir compte des disparités et pénibilités fixant des âges de départ spécifiques adaptés aux métiers et branches les plus frappées par la dureté du travail : 55 ans dans le bâtiment, plus tôt pour les ouvriers en général et particulièrement les égoutiers mais aussi les 154 danseurs du ballet de l’Opéra de Paris qui sont contraints légitimement de partir à 42 ans.
La retraite n’est pas d‘abord une affaire de chiffres et de budget, c’est une affaire de vie et de mort, c’est une question de justice sociale, de droit au partage des richesses. Et si on vit plus longtemps c’est pour en profiter plus longtemps. Le progrès, quand les sociétés s’enrichissent et se développent, c’est d’avoir une retraite plus longue et non pas abrégée, c’est d‘avoir droit à une retraite décente et non pas misérable.
L’idée que les riches, qui vivent le plus longtemps, s’acharnent depuis 4 décennies à reculer l’âge auquel des millions de travailleurs, qui vivent moins longtemps, peuvent partir en retraite, est totalement révoltante.
La retraite par répartition, c’est beau, progressiste, solide
Les libertariens détestent la retraite par répartition, comme ils haïssent la Sécurité Sociale. Ils ne veulent pas de système de solidarité ni de mutualisation. Ils veulent que tout repose sur l’individu, sur son labeur, sur l’exploitation par l’entreprise, sur l’accumulation capitalistique personnelle. Évidemment cela relève d’une vision grotesque de la préhistoire des sociétés, chacun pour soi. On sait pourtant que les humains préhistoriques s’entraidaient. Les libertariens ne veulent pas d’entraide, c’est à chacun de cotiser pour son propre cancer, pour sa propre maladie, pour sa propre retraite. Trump comme Mileï sont farouchement contre la Sécurité Sociale, c’est la ligne de partage dans le monde entier, entre le salariat et l’actionnariat, entre la gauche d’un côté, et la droite illibérale et l’extrême droite de l’autre. Ils ont tous ce point commun Macron, le Medef et Le Pen de vouloir supprimer les cotisations sociales, le salaire brut. Dans ses tracts et son programme de 2017, « Révolution », Macron prévoyait officiellement de supprimer les cotisations sociales, il l’a expliqué devant Jean-Claude Bourdin et Edwy Plenel dans un grand public télévisé, le 16 avril 2018 : baisser le salaire brut et augmenter le salaire net.
Les libertariens vont jusqu’à accuser les retraites par répartition d’être une « pyramide de Ponzi » expression citée sur France inter par la ministre du travail Astrid Panoyan-Bouvet. Une chaine de Ponzi est un montage financier frauduleux de type cavalerie qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Ils nient ainsi la solidarité intergénérationnelle qui fait que ce sont les salariés qui travaillent chaque mois qui cotisent pour financer en temps réel et direct, la retraite de ceux qui ne peuvent plus travailler. Les régimes redistribuent au cours d’une année, sous forme de pensions versées aux retraités, les cotisations encaissées la même année auprès des actifs. Le régime de retraite de base est obligatoire et concerne l’ensemble des salariés : vos cotisations permettent de financer les pensions de retraite de ceux qui ne sont plus en activité et ouvrent, en parallèle, vos droits pour votre future pension. Élément du salaire, la retraite est aussi un salaire continué.
Non seulement le système n’est pas une « cavalerie » mais il est plus sûr, plus solide que n’importe quel régime basé sur le rendement de l’argent. Car le travail est sans cesse renouvelé et c’est lui qui crée la valeur. Le travail est la seule source sûre, plus sûr que l’épargne plus sûr que l’impôt. La chaine entre génération est la plus généreuse, la plus idéale comme courroie de transmission sociale et comme garantie de répartition des richesses à condition qu’elle échappe aux aléas de la spéculation boursière et aux décisions arbitraires des capitalistes qui veulent s’ingérer dans la gestion des caisses de retraite. La gestion doit être publique, avec un système d’élection et de contrôle entre les mains des salariés et retraités eux-mêmes : résister aux mains-mises privées bureaucratiques corrompues, résister aux opérations de la finance, aux fonds de pension, aux assurances qui veulent remplacer peu à peu la cotisation de base et vous vendre des « complémentaires » individuelles et aléatoires.
C’est, avec la Sécurité sociale, une forme de préfiguration du socialisme, c’est la redistribution démocratique de richesses produites par les salariés eux-mêmes, entre salariés, c’est une « économie de solidarité », c’est-à-dire de partage par opposition au capitalisme qui est une économie de « concurrence », de « compétitivité » d’accaparement, c’est-à-dire de guerre.
La guerre contre la répartition ils la mènent depuis des décennies par tous procédés possibles.
Pour le patron de Bpifrance, la dette devrait « financer des canons » plutôt que les « loisirs » des jeunes retraités. Il considère qu’on ne peut avoir à la fois un État-providence généreux et réarmer le pays, estimant qu’il faudrait mettre dans la défense l’argent des retraités les plus jeunes. Il distingue deux périodes, la « vieillesse » et le « moment de loisir » que connaissent selon lui les retraités âgés de « 62 à 75 ans ». »Le grand loisir de la soi-disant vraie vie après la soi-disant vie difficile du travail ». Ça revient à défendre la retraite à 75 ans : ils osent par tous les moyens !
Surtout par l’allongement de la durée de cotisations pour rendre difficilement accessible le « taux plein » : en 1972, il fallait 30 annuités pour un taux plein, ils sont passés à 37,5 annuités puis à 40 annuités puis à 42, et 43 annuités, ce qui fait en France une des plus importantes durées du travail d’Europe.
Ils refusent d’inclure à équivalent temps plein, les durées de formation, les durées de chômage, les durées au RSA ou au temps partiel, ce qui brise les droits à retraite décente des salariés précaires et notamment des femmes « aux carrières hachées » comme ils disent. Ils mentent en prétendant que les retraités sont plus fortunés que les actifs. Non les retraité.es ne sont pas des riches !
Pension droit direct, y compris majoration pour 3 enfants ou plus |
Pension totale (droit direct, réversion, et majoration 3 enfants ou +) |
Brute |
Nette |
Brute |
Nette |
F |
H |
Ensemble |
Ensemble |
F |
H |
Ensemble |
Ensemble |
1268 |
2050 |
1626 |
1512 |
1539 |
2077 |
1786 |
1662 € |
Pension 2022, source DREES.
L’index des pensions de droit direct (avant éventuelle réversion) par rapport au revenu des actifs est de 60% (75% hommes, 47% femmes).
Pourtant la Cour des comptes affirme : « le niveau de vie des retraité.es est supérieur aux actifs ». Jean-Claude Chailley, de « Réseau salariat » fait observer que la raison fondamentale c’est que le niveau de vie moyen des actifs est plombé par les millions de chômeurs, précaires, RSA, ubérisés… Ce n’est pas le niveau de vie des retraité.es qui est trop élevé –il ne l’est pas assez – mais le niveau de vie des actifs qui est trop bas !
Ils dramatisent pour faire croire à des déficits gigantesques : Bayrou a osé parler de 55 milliards !
PLFSS 2025 définitif ; branche retraites en Md € |
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
Recettes |
272,5 |
287,6 |
296,6 |
306,3 |
314,0 |
321,9 |
Dépenses |
275,1 |
293,6 |
304,1 |
312,0 |
321,1 |
330,8 |
Solde |
-2,6 |
-6,0 |
-7,5 |
-5,7 |
-7,1 |
-8,9 |
Actuellement les soldes négatifs annoncés sont très modestes : 7 Mds en 2032. En 2045 (mais qu’en sait-on réellement ?) ils parlent d’une trentaine de milliards, soit seulement 1 point de PIB de besoin de financement.
Noter que pour le budget de guerre, Emmanuel Macron se soumettant aux exigences de Trump, parle d’aller jusqu’à 5 points de PIB, 150 milliards par an, soit, par rapport à 2018, 34,4 Mds et 2024 47,2 Mds : en 2025 50,5 Mds ; en 2026 53,7 Mds ; en 2027 56,9 Mds ; en 2028 60,4 Mds ; en 2029 63,9 Mds ; en 2030 67,4 Mds. A 4% c’est 120 milliards par an soit doublement de la Loi de Programmation Militaire. Mais « en même temps », ils trouvent que 7 mds de « trou » dans les retraites c’est insupportable ? Plonger les retraités dans la misère, ce n’est pas une obligation économique, c’est bel et bien un choix politique.
Alors même qu’ils font quotidiennement un chantage au recul à 65 ans, 67 ans (voire à 70 ans) de l’âge du droit à départ, ils imposent de continuer à travailler au maximum pour obtenir « les trimestres » nécessaires. De ce fait, le nombre de salariés du privé qui partent avec des pénalités sur leur pension a presque doublé et les départs anticipés pour invalidité augmentent dans le public. Même quand le « taux plein » est atteint, ils font reculer le niveau des retraites, en le désindexant des salaires et des prix, ou en défalquant la CSG (Macron 2018). Si bien que sur 15,4 millions de retraités à ce jour, on l’a vu dans le tableau ci-dessus, 50% ont une pension autour de 1000 euros, et la pension moyenne est estimée à 1600 euros, une misère. Ils ont l’intention proclamée, dans leur « planification » capitaliste, d’abaisser les 14% du PIB consacrés aux retraités, vers 11%, alors que nous allons vers 17 millions de retraités et qu’il faudrait marcher vers 20 % du PIB.
On comprend l’attachement des 30 millions de salariés, jeunes, adultes, seniors, à leur retraite par répartition à condition qu’elle soit décente D’où la mobilisation unitaire, intersyndicale extraordinaire qu’il y a eu au premier trimestre 2023 quand Macron et Borne ont voulu passer sans vote, par coup de force 49-3 aux « 64 ans » : il y a eu 14 manifestations en 6 mois, soit un total de 34 millions de manifestants, sans doute autour de 6 à 7 millions différents et 95 % de l’opinion des actifs était contre. Le sursaut électoral plaçant la gauche en tête le 7 juillet 2024 s’explique ainsi.
Non au poker de la capitalisation !
Les capitalistes et la finance, les assurances privées veulent s’emparer obstinément de ce marché juteux de 350 milliards. En entretenant le doute sur la retraite par répartition, en pronostiquant à la cantonade qu’elle fera faillite, ils disent « prenez des complémentaires », ils essaient ainsi de « cuire le retraité à petits feux sans qu’il s’en aperçoive ». Rognant la retraite de base, la menaçant en permanence de faillite selon des calculs apocalyptiques, ils poussent les salariés à « épargner » par avance, ce qui revient à placer les sous dans les banques au lieu de les donner aux caisses de retraités.
Ce détournement est un hold-up : pendant que vous êtes actif, vous épargnez en vue de votre propre retraite et non pas pour payer la pension des retraités. La promesse à ne pas croire, c’est que les sommes accumulées vous seront théoriquement reversées, au dénouement du contrat, sous forme de capital ou de rente viagère. Ils allègent la « participation » l’«intéressement », l’« épargne salariale », les « primes » de cotisations pour pousser les salariés, à abandonner le système collectif public et protecteur pour le système individuel privé aléatoire.
Ils jurent que ces « placements financiers » vous rapporteront plus gros : mais là est l’escroquerie, la vraie chaine de Ponzi, les spéculateurs flambent votre argent, les bourrasques financières à répétition l’emportent, des dizaines de millions de salariés anglo-saxons ont tout perdu ainsi à ce jeu de poker. Ils inventent des systèmes abracadabrantesques comme la loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), le « Plan d’épargne Retraite Individuel » qui succède aux contrats « PERP » et « Madelin » et même un « Plan d’épargne Retraite Collectif facultatif » qui succède au « Perco » ou un « Plan d’épargne Retraite obligatoire ».Tous ces montages financiers sont coûteux et incertains même si, côté fiscalité, les versements volontaires sur ces « nouveaux produits » (sic) sont déductibles de l’impôt sur le revenu (dans la limite de 32 419 € !). Tout ça ne concerne que des riches qui peuvent « économiser » : à l’image du fameux système « Préfon », censé être une complémentaire avantageuse pour fonction publique, qui n’attire que 200 000 fonctionnaires (surtout de catégorie A) sur 5,5 millions et qui a été plusieurs fois été au bord de la faillite.
Ne mettez pas un sou dans la capitalisation, ils vous prendront tout, vous perdrez tout. Résistez à leur offensive pour imposer « un étage » (sic) de capitalisation. Une « dose » de capitalisation pour une « dose » de pension de retraite n’a aucun sens : qui peut croire que les partis de droite et d’extrême droite veulent « sauver notre modèle social » par un étage de capitalisation obligatoire ? Le MEDEF est plus direct, pour lui notre modèle social est « à bout de souffle » : la baisse programmée des pensions pour les décennies à venir vise à opérer une substitution, préparant de nouvelles exonérations de cotisations sociales « patronales ».
Non aux fourberies de la retraite par points :
Edouard Philippe alors premier ministre, avait voulu mettre en place un « système de retraite par point » tout à fait différent de celui existant en France depuis 1945. Candidat à l’élection présidentielle de 2027, il annonce vouloir y revenir. Réforme incertaine au très long cours puisqu’il était annoncé, avant qu’elle ne soit retirée en hiver 2020, que rien ne changerait avant 2037 et que le système en vigueur continuerait à verser des pensions jusqu’en 2065.
Vanté comme un souci de « clarification » des règles, le système à points était particulièrement opaque : tout au long de votre carrière, les cotisations que vous devaient être converties en points. Quand vous arrivez à la retraite, l’ensemble de vos points est converti en pension de retraite. Plus vous avez de points, et plus votre pension est élevée. Sachant que le nombre de points a atteindre n’est jamais précisé.
Toute la manipulation commençait au niveau de la valeur d’achat du point. Comment était fixé le « prix d’achat », la « valeur d’acquisition », le « salaire de référence » ou « revenu de référence », le montant de cotisation nécessaire pour acquérir 1 point de retraite ? Les périodes non cotisées, les périodes « validées » ou « assimilées » de notre système actuel de retraite disparaîtront puisqu’elles n’auront pas été cotisées. « Il n’y aura pas de points gratuits » affirmait le haut-commissaire à la réforme des retraites en juillet 2018.
La manip’ se poursuivait au niveau du « service du point » souvent appelé simplement « valeur du point ». Qui détermine la « valeur » du point sachant que lorsque vous partez à la retraite, l’ensemble des points accumulés tout au long de votre carrière sont « convertis » en
Chaque année, la revalorisation du point (ou sa dévalorisation !) entraîne mécaniquement celle de votre pension de retraite. Qui décide de ça ? Bercy ? La majorité politique du moment ? Qui module les critères ? N’importe quel libéral zélé dira que « les retraités sont trop riches » : Édouard Philippe, dans son discours du 11 décembre 2019 déclarait alors que la valeur de service du point serait garantie et progressivement indexée sur l’évolution des salaires. Mais son projet de loi rendait totalement inconsistante cette garantie et cette évolution en permettant au gouvernement du moment, d’agir comme il l’entendait pour faire respecter la seule « règle d’or » proclamée du système de retraite à points : l’équilibre financier du système. L’article 1 (ce n’est pas un hasard) de la loi organique en 2020 imposait que le système de retraite soit en permanence équilibré (ou en excédent), non seulement pour l’année en cours mais pour les cinq années suivantes. Toute crise se traduirait donc mécaniquement par une diminution de l’activité, de la masse salariale et donc des ressources du système de retraite. Mais alors que durant la crise de 2009-2013 il avait été possible de tolérer un déficit de nos régimes de retraites, avec le système de retraite universel cela sera impossible : il faudra immédiatement combler le déficit et donc diminuer le montant des retraites, soit en reculant l’âge d’équilibre, soit en diminuant la valeur de service du point. Cela conduira inévitablement, comme le soulignait Romaric Godin, à « des mécanismes de protection par une augmentation du taux d’épargne au détriment de la consommation. Or, c’est exactement ce qu’il faut éviter en cas de crise ».
Il suffit d’examiner les retraites complémentaires des salariés du secteur privé (l’ARRCO et l’AGIRC) qui sont déjà des retraites à points. Elles ont subi un recul de 30 % de leur taux de remplacement en 19 ans, sans susciter la moindre mobilisation. Il aura suffi pour y parvenir d’augmenter discrètement le prix d’achat du point ou le taux d’appel et de diminuer la valeur du point de service pour faire baisser, sans coup férir, le taux de remplacement de ces retraites. La seule mobilisation suscitée par la baisse du montant des retraites dans l’AGIRC et l’ARRCO fut la mobilisation de plusieurs centaines de milliers de salariés fin 2000 et début 2001. Le Medef qui gérait de façon paritaire ces régimes avec les organisations syndicales des salariés avait alors menacé d’interrompre le paiement des retraites complémentaires de janvier à mars 2001 si l’âge de départ en retraite à 60 ans n’était pas remis en cause dans les régimes complémentaires. C’est bien parce que le Medef s’était attaqué à un point de repère collectif (l’âge de départ en retraite) que la mobilisation salariale avait pu avoir lieu et que l’organisation patronale a finalement été contrainte de retirer son projet.
Mais la mise en place généralisée de la retraite à points ferait disparaître tous repères collectifs : non seulement ce système est conçu pour qu’aucune « règle d’or » autre que financière ne puisse garantir le niveau des retraites mais il est aussi conçu pour effacer les points de repères symboliques (âge, annuités, taux, accords collectifs…) qui ont permis de défendre pied à pied nos retraites et les remplacer par des paramètres illisibles, modifiables progressivement par simples décrets pour diminuer le montant de nos retraites. La solidarité sera prise en charge par un « Fonds de solidarité vieillesse universel » exclusivement financé par l’impôt. Les impôts ne pouvant pas être affectés à une dépense précise, à la différence des cotisations sociales, le montant de ce Fonds de solidarité pourrait donc diminuer tous les ans.
Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT, déclarait le 5 décembre 2019 dans l’Humanité, à propos du système de retraites à points : « C’est un système qui nie tout débat politique. Plus question de réfléchir aux choix de société que sont l’âge de départ à la retraite, le niveau de richesses que l’on attribue au droit à la retraite. On se réfère à un algorithme qui va décider de tout pour tout le monde, à travers le seul prisme des économies à réaliser sur les pensions ».
Ils veulent morceler le salariat, nous voulons l’unifier : « un seul salariat ! De l’ingénieur au balayeur, de la caissière à l’infirmière, du métallo au cheminot, de l’informaticien au mécanicien de l’immigré au français de la secrétaire au manutentionnaire. »
Ils mentent : il n’y a pas de véritable problème de financement ni pour 62 ans ni pour 60 ans
Le système actuel, s’il est bien meilleur que le système à points n’est pas pour autant satisfaisant. Il est donc nécessaire de préciser les améliorations qui devraient y être apportées et comment les financer.
L’avenir proche et lointain ne peut être la régression sociale, les « sacrifices », à perpétuité. L’âge de départ comme le niveau de remplacement des pensions doivent être garantis. Les ressources doivent s’y adapter au lieu d’être des variables d’ajustement budgétaires.
Comment les financer dans les années et décennies à venir ? Les objectifs que devrait se fixer un système plus juste
Le 1er serait de permettre au retraité ou à la retraitée de profiter de sa retraite en étant le plus longtemps possible en bonne santé. Par une politique globale qui favorise le bon emploi (partage du temps de travail, 32h), l’industrie, les services publics, le droit du travail (CHSCT, hygiène santé sécurité) renforcé dans le cadre d’une transition écologique.
Le 2ème objectif serait de permettre à la population retraitée de mener une vie décente. La retraite est avant tout le prolongement du salaire et le niveau de rémunération auquel un salarié est parvenu doit être préservé durant sa retraite. Il ne s’agit pas nécessairement, de maintenir l’intégralité de la rémunération d’un salarié actif. Arrivé à l’âge de la retraite, les dépenses ne sont plus forcément les mêmes. Il faut garantir un taux de remplacement minimum du salaire par la retraite de l’ordre de 75 % pour une carrière complète moyenne en dessous du plafond de la Sécurité sociale (3428 € bruts par mois en 2020), en se rapprochant progressivement de 100% pour les salaires les plus bas, sans que jamais le montant de la retraite puisse être inférieur au SMIC. Le nombre d’annuités à cotiser pour cela devrait être fixé selon la moyenne des annuités réellement cotisés par le salariat (sans doute entre 37,5 et 40 annuités).
Le 3ème objectif serait de maintenir la valeur des retraites liquidées. Deux moyens : 1°) l’indexation, tout d’abord, du montant des retraites sur les salaires et non plus sur les prix. Atteindre cet objectif est nécessaire au maintien de la parité de niveau de vie entre les salariés et les retraités : il y a en moyenne une différence de 0,6% par an entre l’évolution des prix et celle, plus rapide, des salaires. 2°) l’interdiction, ensuite, de ponctionner le montant des retraites par le gel des pensions ou l’augmentation de la CSG.
Le 4ème objectif serait de rétablir la démocratie sociale. Nos régimes de retraite et, plus globalement, la Sécurité sociale, n’auront la garantie de remplir leurs fonctions de protection de la population contre les risques liés à la vieillesse, la maladie, les accidents du travail, les charges familiales, la dépendance, que si les cotisations sociales sont gérées démocratiquement. C’est pourquoi il faut revenir à l’élection démocratique des dirigeants des Caisses de Sécurité sociale et parmi elles, d’une caisse de retraite unifiant vers le haut tous les régimes existants. Ces élections devront se faire selon le principe « un ayant droit, une voix » et assurer une représentation proportionnelle de tous les assurés. Le patronat ne sera pas écarté de la gestion de la Sécurité sociale, mais les chefs d’entreprise ne participeront à ces élections qu’en tant qu’assurés sociaux et n’auront que les droits correspondant à leur représentativité.
Le 5° objectif commande tous les autres : augmenter les salaires nets et bruts est la première nécessité. Un rattrapage immense est nécessaire après ces décennies ou les profite ont pris plus de 10 points aux salaires. Jamais la France n’a été aussi riche et jamais les richesses aussi mal distribuées. Pour que la retraite soit la continuité du salaire il sera, en effet, nécessaire d’augmenter chaque retraite et de corriger les inégalités créées.
Ajuster les cotisations aux exigences de la prestation : quantité de calculs ont été faits, mais parmi les plus évidents et réalistes, ceux de l’économiste Michael Zemmour, indiquent qu’il faudrait hausser le taux de cotisations retraites salariales et patronales de 0,15% par an. « En termes de faisabilité, revenir en arrière à 62 ans est tout à fait possible d’autant que la réforme a à peine commencé à s’appliquer. Pour cela, il suffit de trouver des ressources, et pas dans des proportions démesurées. » « Le levier traditionnel de financement, c’est la hausse des cotisations sociales. L’abrogation de la réforme coûterait 0,6 point de PIB à l’horizon 2032, ce qui pourrait être financé par une hausse de cotisations de l’ordre de 0,15 point par an, à partager entre employeurs et salariés, pendant six ans. » « Les organisations syndicales et les partis politiques pourraient aussi discuter des modalités de cette augmentation : est-ce que les cotisations sociales seraient plus importantes pour les employeurs ? Pour les salariés ? Pour les hauts salaires ? Même si les salariés payaient l’intégralité de ces hausses de cotisations, au bout de six ans, cela représenterait quelques euros supplémentaires par mois (de l’ordre de 15 euros au Smic par exemple, mais ça pourrait être moins si d’autres payent plus). »
Corriger les inégalités des carrières professionnelles
Ayant garanti la retraite à 62 ans, il est possible de revenir dans le temps à 60 ans. Cela exige une évaluation de la hausse de la hausse de cotisations que cela représente mais en mobilisant toute une série d’éléments de salaire et d’aménagements du mode de calcul des pensions.
En premier l’égalité salariale femmes hommes : 6 milliards
Par le rattrapage de la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, dont l’égalité femmes – hommes. Le salaire moyen des femmes en France était 22,2 % inférieur à celui des hommes en 2023 (21 340 euros nets par an contre 27 430 euros) (selon l’Insee, le 4 mars 2025). Selon Myriam Lebkiri, secrétaire confédérale CGT en charge de l’égalité professionnelle et de la retraite : « L’égalité salariale concerne tout le monde et ce combat ne doit pas être que celui des femmes. La CGT ne peut pas promouvoir un syndicalisme qui combat tous les rapports de domination en laissant le petit patriarcat en forme ». L’égalité professionnelle (à poste égal, salaire égal), rapporterait a minima 6 milliards d’euros par an en termes de cotisations sociales chaque année plaide la CGT. Selon l’ONG Oxfam. « Une somme permettant, à elle seule, de combler le déficit des retraites annoncé par la Cour des comptes ».
En second les pénibilités : une prise en charge collective pas individuelle
La formule de Macron « pour un euro cotisé, les mêmes droits à la retraite » a-t-elle quelque chose à voir avec la justice sociale ? Non, c’est un nivellement (par le bas) alors qu’au sein du salariat, il n’existe pas le même travail ni le même euro (ni le même salaire, ni d’ailleurs le même « temps ») selon qu’on est éboueur ou ingénieur. Il faut donc corriger autant que faire se peut les inégalités du travail.
À Rodez, le 3 octobre 2019, Emmanuel Macron précisait « ne pas adorer le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Reprise ce qu’il avait déclaré en mars 2017 : « Le mot pénibilité ne correspond pas à ce dont nous avons besoin parce que le travail c’est l’émancipation, c’est ce qui vous donne une place. ». Il ignorait le travail posté, le travail du week-end, le travail de nuit, le travail à la chaîne, le travail dans des conditions physiques difficiles, dangereuses, le « juste-à-temps », le « zéro-stock ». Le travail s’intensifie, les pauses, les temps morts sont traqués. La flexibilisation du temps de travail, l’allongement de l’amplitude journalière, le raccourcissement des délais, l’augmentation de la pression hiérarchique génèrent un stress devenu une méthode courante de management. Le procès des anciens dirigeants de France Télécom a mis en évidence ce « management par le stress » et ses terribles conséquences pour la santé et la vie de ceux qui le subissent.
Le compte pénibilité (C3P) avait été instauré par la loi Touraine du 20 janvier 2014. Son nom exact était « compte personnel de prévention de la pénibilité » : 3 « P » : personnel, prévention et pénibilité. C’était déjà une appellation inappropriée car loin d’une quelconque prévention, les points acquis au titre de ce compte ne l’étaient que lorsque la pénibilité avait été constatée et le dommage sur la santé des salariés déjà occasionné.
Le C3P n’avait été mis en place qu’en 2016, avec une année de retard sur ce que la loi prévoyait, car le patronat ne voulait pas en entendre parler.
Il permettait à un salarié du secteur privé de cumuler des « points » Ces points permettaient d’acquérir des droits permettant, notamment, un départ à la retraite anticipée (deux ans au maximum). Un salarié exposé à l’un des facteurs de risques pouvait acquérir 4 points par an et 8 points s’il était exposé à plusieurs facteurs de risque. Il pouvait accumuler jusqu’à 100 points pour partir en retraite plus tôt ou bénéficier de temps de formation. Dix points donnaient droit à un trimestre de majoration de durée d’assurance avec un maximum de 8 trimestres. Il était donc possible, pour un salarié ayant cumulé ces points, de partir en retraite anticipée deux ans avant l’âge légal.
Les 10 critères de pénibilité retenus par le « C3P » ne tenaient aucun compte du stress qui joue pourtant un rôle déterminant dans l’étiologie de bien des maladies cardio-vasculaires et dans les suicides de salariés : ceux de France-Télécom, celui de Christine Redon directrice d’école à Pantin, ceux de Conti dans l’Oise ou de Goodyear dans la Somme…
Emmanuel Macron n’aimant pas le terme « pénibilité », l’une des ordonnances aggravant la réforme du code du travail de Myriam El Khomri, signée le 22 septembre 2017, l’a remplacé par le « C2P » ou « compte personnel de prévention ». La pénibilité a donc disparu. Emmanuel Macron estimait sans doute qu’en faisant disparaître le mot, il faisait du même coup disparaître la pénibilité. Il est vrai que le banquier d’affaires bien né ne doit pas connaître grand-chose du travail d’un égoutier, d’un agriculteur, d’une femme de chambre, d’une professeure des écoles, d’un poseur de pavé, d’un ouvrier du bâtiment ou de la sidérurgie, d’une factrice, d’un jardinier…
L’ordonnance Macron a diminué le nombre de critères permettant d’obtenir des points de pénibilité. Le « C3P » comportait 10 critères. Le « C2P » n’en comporte plus que six.
Le « C3P » prenait en compte 10 critères : l’exposition aux postures pénibles, l’exposition aux vibrations mécaniques, l’exposition aux risques chimiques, le port de charges lourdes, le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en horaire alternant (3 X 8…), le travail en milieu hyperbare (sous la mer), le travail en température extrême, le travail en milieu brûlant.
Le « C2P » ne prend plus en compte que 6 critères. L’exposition aux postures pénibles, l’exposition aux vibrations mécaniques, l’exposition aux risques chimiques, le port de charges lourdes ont été rayés de la carte. Ces 6 critères constituent, pourtant, le socle de la pénibilité du travail.
Arriver à faire comptabiliser et inscrire sur son compte pénibilité le temps passé lors de l’exposition à ces facteurs de risque est un véritable parcours du combattant pour un salarié. Il se heurte, bien souvent, le Medef étant opposé, à la mauvaise volonté de son employeur qui considère que « c’est une usine à gaz », au nombre d’heures minimum d’exposition pour valider un trimestre, à la précision des critères (température, seuil du milieu hyperbare…) et à la difficulté de les mesurer et d’en apporter la preuve.
Les seuils pour obtenir des points sont élevés : « une heure de travail de nuit entre minuit et cinq heures du matin (…) au moins 120 nuits par an » pour le travail de nuit. Pour se voir créditer de points au titre du travail répétitif, il faut « réaliser des tâches impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée sous une cadence contrainte ». Les caissières des hyper-marchés ne sont pourtant pas concernées…
La solution la plus équitable est évidente : il faut que des droits collectifs (et non individuels) soient accordés à tous les salariés qui exercent des métiers pénibles et dangereux. Il faut, non pas supprimer les régimes spéciaux mais les sauvegarder pour les salariés concernés de la SNCF, de la RATP, des industries électriques et gazières. Il est nécessaire, également, de conserver les catégories actives de la Fonction publique. Il faut étendre ces régimes dits « spéciaux » et ces catégories actives, sous forme de conventions collectives négociées, à tous les métiers pénibles et dangereux dans le secteur privé.
Des conventions collectives de branches et de métiers :
Les 42 régimes dits « spéciaux » sont des conventions collectives qui ont été bâties historiquement, négociées pour corriger certaines inégalités ou spécificités du travail : ils concernent autour de 1 à 3 % des retraités, ne constituent pas une source de gros déficits, ont été bâtis historiquement. Ce sont notamment : la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile, la Caisse autonome nationale de sécurité sociale des mines, la Caisse de retraite des salariés de la Caisse des dépôts et consignations, la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire, l’Établissement national des invalides de la marine, l’Établissement de retraite additionnelle de la Fonction publique (RAFP), la Caisse de réserve des employés de la Banque de France, la Caisse de retraite du personnel de la Comédie Française, la Caisse de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris, la Caisse de retraite et de prévoyance des vétérinaires, la Caisse d’allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non-salariés de l’assurance et de la capitalisation, la Caisse d’allocation vieillesse des experts comptables et des commissaires aux comptes, la Caisse nationale des barreaux français, l’Institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création, la Caisse de retraite des salariés du port autonome de Strasbourg, la Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes, la Caisse de prévoyance et de retraite des notaires, la Caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires ?
« Tout le foin » qui a été fait autour de ces régimes dits « spéciaux » n’a pas lieu d’être. Cela représente peu et n’est pas un problème : comptabiliser au même titre que les millions de retraités de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), que les millions de retraités des régimes complémentaires des salariés du secteur privé ou que les millions de retraités de la Fonction publique, les 203 retraités de la Caisse de retraite des salariés du port autonome de Strasbourg, les 7 676 retraités de la Caisse de prévoyance et de retraite des notaires ou, même, les 70 000 retraités de la Caisse de retraites des clercs de notaire, n’a strictement aucun sens.
Les retraités de la RATP sont 41 000, ceux de la SNCF 260 000 alors que le régime général des salariés du secteur privé (la CNAV) regroupe 12,365 millions de retraités et que le nombre des retraités de la Fonction publique s’élève à 3,295 millions !
Quand les différents régimes de retraite permettaient à tous (avant les réformes de 1993 à 2014) de bénéficier d’une retraite représentant 75 % de leur salaire, personne ne se souciait de savoir comment chaque régime de retraite y parvenait. L’équité était réalisée et les moyens pour y parvenir n’intéressaient personne. Ce sont les « réformes » imposées depuis 1993 qui ont remis en question l’équité de nos régimes de retraite.
Compenser les précarités et carrières hachées
Tout le monde n’a pas la possibilité de faire une « belle carrière » : l’accès aux diplômes est inégal (il suffit de constater la faible proportion d’enfants d’ouvriers ou d’employés dans les grandes écoles), les normes sociales en vigueur aujourd’hui attribuent encore le plus souvent aux femmes l’éducation des enfants. L’équité devrait contribuer, au contraire, à permettre à celles et ceux qui n’ont pas pu effectuer une « belle carrière » de bénéficier d’une retraite convenable.
Les étudiants en formation longue (plus de 2,9 millions d’étudiants du supérieur inscrits en 2023-24) reçoivent parfois une « Bourse » mais rarement, hélas, un présalaire : ils ne cotisent pas, donc ces années-là ne comptent pas, les voilà pour atteindre une retraite à taux plein repoussés au-delà de 65 ans. De 15 à 18 % des salariés sont des précaires, CDD, intérim, saisonniers avec, comme on dit, des « carrières hachées » : autant de brèches dans la somme des annuités exigées pour la retraite. Sans omettre les 2,4 millions de pseudos auto-entrepreneurs qui relèvent des loueurs de bras du XIX° siècle et non pas du salariat. 85% des temps partiels sont des femmes, ils sont donc fléchés, contraints, subis : toutes les périodes ne sont pas assimilées pour le calcul de la retraite, un trimestre est validé dès lors que vous avez travaillé 150 heures et s’il a été pris en compte par votre caisse de retraite. Au RSA il existe 4,09 millions de personnes fin 2020, soit 6,0% de la population : le RSA devrait inclure des cotisations retraites. Environ 930 000 personnes en recherche d’emploi bénéficient du statut de stagiaire de la formation professionnelle : tous les stages, à tort, ne sont pas automatiquement ni pleinement pris en compte. Il y a un taux de chômage de 11,4% soit 6,1 millions de chômeurs : un chômeur seulement sur deux est indemnisé : un trimestre est validé tous les 50 jours de chômage, dans la limite de 4 trimestres par année civile. Les trimestres validés dans ce cadre peuvent être pris en compte pour le droit à la retraite anticipée pour carrière longue mais dans la limite de 4 trimestres. Etc.
L’objectif devrait être que les années de formation, de RSA, de chômage, donnent droit à des annuités retraites pleines et entières. Cela compenserait la situation de misère dans laquelle les retraités du bas du salariat et hors salariés sont plongés.
Conclusion
L’ensemble des rémunérations 2023 était proche de 1500 milliards. Une augmentation de salaire de 2%, dont une partie peut être sous forme d’augmentation de cotisations sociales, ce serait 30 milliards.
Un ajustement lié de cotisations, permettait de revenir aux 62 ans puis aux 60 ans. C’est un simple rattrapage, très partiel, de la baisse des salaires passés. Certes ça diminuera dans le court terme les profits et dividendes, très excessifs. Mais il y aura solution de tous nos problèmes de protection sociale, santé et retraites et un effet relance de l’économie bien nécessaire.
Le rapport de la Cour des comptes du 20 février 2025 part encore du principe que quels que soient les votes dans les 30 prochaines années, la politique restera inchangée, comme Margaret Thatcher elle proclame « TINA », « There is no alternative » « à la politique de l’offre ». Précisément le programme du Nouveau Front Populaire se propose de rompre avec la politique dite « de l’offre ».
GF