Faute de temps j’ai été obligé de contracter mon intervention lors du congrès constituant de Laprès le dimanche 22 juin
En voilà l’intégralité rédigée
Bonjour à toutes et tous,
Bernie Sanders (impossible de ne pas commencer par ça aujourd’hui) parle de Trump, comme « king et clown », autocratie et idiocratie, comme un danger pas seulement pour les US mais pour l’humanité. Les opposants de Trump ont été, c’est un grand espoir, des millions et des millions le 19 juin dans les rues de plus de 2000 villes des US. Ce qui n’a pas malheureusement pas suffi à empêcher Trump, après l’État israélien, de bombarder directement, illégalement, l’Iran : entre deux balles de golf, il a envoyé des bombes de 947 kg, une rotation de 37 000 kms de ses terrifiants avions furtifs…
Pourquoi ? en 2012 Netanyahu expliquait à la télévision sur un graphique que l’Iran allait posséder l’arme nucléaire « dans quelques mois ». En 2015 Netanyahu expliquait encore que l’Iran allait posséder l’arme nucléaire « dans quelques mois », comme Collin Powell avait osé le faire à propos des « armes de destruction massives » de l’Irak avant 2003, et puis en 2015, une négociation a été conclue avec l’Iran sous couvert de l’AIEA, laquelle fut réputée respectée. Trump a pourtant lui-même dénoncé l’accord avec l’Iran en 2018. Puis revenu au pouvoir il a lui-même repris les négociations en 2025 et voilà que Netanyahu assassine le négociateur en chef de l’Iran la veille de la négociation et bombarde le peuple iranien, pas seulement les sites militaires, mais les quartiers populaires de Téhéran, ce que Trump reprend unilatéralement en plus terrible en ayant à peine fait semblant d’hésiter huit jours. Nous sommes plongés dans un monde irrationnel où le droit international est foulé aux pieds de façon impérialiste brutale ce qui menaces les équilibres politiques, économiques militaires sur toute la planète.
Quand je pense qu’on s’est disputés et clivés à tort au sein de la gauche, à propos du soutien à Gaza alors que toute la gauche dès le 8-10 octobre 2023 avait la position commune de « cessez le feu » et « deux états ». C’était la base concise, simple, pour mobiliser unitairement en masse notre peuple contre le projet de génocide annoncé dès les premiers jours par Netanyahu. Évidemment le Hamas est terroriste ! Il n’y avait aucune raison d’avoir une violente querelle sémantique insensée sur le mot « terrorisme », il n’y a d’ailleurs effectivement pas de définition du « terrorisme », il s’entend différemment selon les âges, les sociétés, les situations, du FNL algérien le 1er nov. 1954, du FLNA angolais le 15 mars 1961, de la lutte armée en Amérique latine, de Guevara à l’IRA, l’ETA, ou Manouchian, le mot a été utilisé avec un sens différent. Cette querelle brutale et vaine qui a duré d’octobre 2023 à juin 2024, était artificielle et on a vu comme elle aurait pu être évitée puisque le programme du NFP l’a refermée, je n’y étais pas le 12 juin 2024, mais on m’a dit, en vingt minutes, et en huit lignes rédigées dans le programme du NFP.
C’est derrière nous, et ça montre que quand on veut l’union on peut l’union.
Quand on veut l’union on peut l’union.
Bon, me voilà avec joie devant vous dans cette clôture de notre congrès constitutif. Les camarades voulaient qu’on tire au sort le tour de prise de parole, mais je ne voulais pas parce que c’était à moi de commencer, puisque ça se sait, je suis jeune depuis plus longtemps que les autres.
Nous sommes donc « salle Lénine » : l’anecdote que je préfère à son sujet, c’est celle où il sort de son bureau dans la neige le 73° jour après la victoire de la révolution d’Octobre 2017. Pourquoi le 73° jour ? Parce que la Commune de Paris avait tenu 72 jours. Et ils tenaient un jour de plus ! illustration de sa conscience internationaliste avec la Commune, et de sa lucidité aigue sur la nature brutale de l’ennemi de classe.
Bien, nous sommes nombreux, avec les camarades de GDS et d’Ensemble, regroupés enfin, enfin, enfin ! tous co-fondateurs de l’APRES « alliance pour la république écologique et sociale ». A qui ça servait, à quoi on servait, si on est divisés dans l’action, dans l’organisation, alors qu’on est si proches politiquement ? Ça fait longtemps qu’on attend, longtemps que c’est notre devenir et ça commence enfin à être notre présent.
Qu’attendent nos amis de Génération’s et de Picardie Debout pour nous rejoindre ? Nous sommes au cœur de la gauche, au coeur de l’union de la gauche, et notre démarche est légitime, pas seulement contre l’extrême droite menaçante, mais pour unifier le salariat, les 30 millions de salariés. Et nous avons vocation à être bien plus nombreux encore, majoritaires, car sans union de la gauche pas de victoire possible, et avec l’union, c’est une dynamique pour gagner.
La gauche est décidément pluraliste, foisonnante, riche en idées en débat, ni caporalisée, ni embrigadée, mais multiple, bouillonnante, elle est généreuse, vivante, elle a besoin de démocratie comme l’oxygène qu’on respire, comme la sève de l’arbre. La démocratie, c’est le débat organisé, contradictoire, elle ne s’use que si on ne s’en sert pas, la démocratie ce n’est pas une annexe au programme, ce n’est pas une technique en dehors du programme, ce n’est pas marginal au programme, c’est l’aliment et le ciment de tout programme, la condition pour qu’un programme existe et soit défendu, appliqué. Sans parti démocratique pas de futur, sans parti démocratique pas de société socialiste. Pas d’égos, pas de chefaillonnerie, on doit, on veut être un collectif, avec de libres initiatives créatives, mais un collectif. La démocratie doit être avidement poussée au maximum de façon pointilleuse, méticuleuse, scrupuleuse ce qui implique quand on fusionne par exemple, comme aujourd’hui et demain avec Génération’s et Picardie debout, qu’on respecte chaque sensibilité, susceptibilité, chaque identité, comme disait Jaurès. Attention : on ne pensera jamais tout à fait pareil, et c’est normal, chacun a tendance à écrire l’histoire du mouvement ouvrier à partir de la date où il y est entré et vu de la position ou il s’y tient, attention donc, l’unité ce n’est pas l’unité de pensée, c’est l’unité d’action.
Je le répète, l’unité ce n’est pas l’unité de pensée, c’est l’unité d’action. C’est comme ça que Jaurès en 1905 avait convoqué et réussi le Congrès du Globe, il avait réuni de nombreuses tendances socialistes, les Possibilistes, les Guédistes, les Vaillantistes, les Jauressistes, et ils avaient commencé comme nous l’avons fait hier, par des statuts, ils disaient « on se connait politiquement, on est proches, on peut on doit agir en commun, on se dote de règles en respectant nos personnalités antérieures ». Cela devait inclure les Écologistes, le PS, LFI et le PCF. Moi quand je vois là, présents, fraternellement les amis du Parti communiste, vous m’avez exclu en 1966, il y a prescription, si je me mettais à reparler de cela ce ne serait pas le souci, en fait on devrait refaire un « Congrès du Globe » tous ensemble, un grand parti social et démocratique, vous et nous, et le PS et toute la gauche !
L’union ce n’est pas crier comme un cabri « union, union, union » c’est sur un programme évidemment. Simple, clair chiffré…, 60 ans, 32 h, smic à 2000 euros… Nous étions ici nombreux à être « pour la NUPES avant la NUPES », ensuite pour le NFP car jamais la NUPES n’aurait dû être brisée comme elle l’a été. Il y aurait fallu des comités de base au contraire, NUPES hier et maintenant NFP dans tout le pays. C’est un front de classe nécessaire sur la base des excellents programmes NUPES et NFP : oh bien sûr, j’ai observé des légères différences entre les deux, certains l’ont noté avec malveillance, mais en fait ce sont deux excellents programmes de transition, et même si dans l’un, NFP il y a un chapitre sur la régulation de la sous-traitance, question décisive qui ne se trouve pas dans celui de la NUPES, et si dans la NUPES, il y a « pas plus de 5 % de non CDI » qui ne se retrouve pas dans celui du NFP, idem pour le « salaire maxima » inférieur à 20 fois le Smic, ou la sixième semaine de congés payés. On peut préciser le texte, la reconstruction nécessaire du code du travail, l’indexation des salaires sur les prix… L’important est qu’il y ait le social au cœur.
L’important est la lutte de classes dont nous sommes une composante. Car c’est la lutte de classes qui peut pousser, compléter, améliorer le programme. Le NFP c’est 9 millions de voix le 30 juin 2024, 192 députés le premier groupe, parlementaire, c’est notre périmètre politique, avec son programme, c’est la base politique pour des listes communes aux législatives, pour une primaire, pour un candidat commun en 2027. C’est la seule dynamique qui peut faire gagner face au RN et à Macron.
Car vous savez, seul le travail crée de la valeur, et notre base sociale, c’est le salariat. Ça ne se passe pas en haut. Ça se passe d’abord et avant tout en bas. Nous n’agissons pas en l’air, nous sommes matérialistes, nous défendons des revendications générées par le capitalisme et que le capitalisme ne pourra jamais satisfaire. Nous émanons des luttes du salariat, de son histoire glorieuse, de son expérience puissante, de son présent lourd de révoltes. 90 % des actifs, notre classe : nous sommes trente millions de salariés, 6 millions d’ouvriers, dont 2 millions d’industrie, 4 millions d’ouvriers d’entretien, 6 millions d’employés, 5,8 millions de fonctionnaires dont 800 000 au moins contractuels sans statut, 4,5 millions de cadres, 6,2 millions de chômeurs, actifs mais non occupés, le salaire médian est de 2028 euros, 98 % gagnent moins de 4000 euros, ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre, ceux qui produisent les richesses de ce pays et qui n’en reçoivent pas en retour la part qu’ils méritent.
Nous sommes l’expression de cette classe sociale qui est la plus forte, la plus capable de prendre le pouvoir si elle est unie et organisée démocratiquement. L’autre jour quelqu’un me disait, c’est ringard le salariat, tout est uberisé. Non ! 90 % des actifs, le salariat est la force montante malgré les coups qui lui sont portés de toutes parts. Macron le veut, il se dit porteur de la « suppression des cotisations sociales », l’ami d’une « société sans statuts », l’ami d’UBER, il veut détruire le salariat, son code du travail, ses institutions représentatives du personnel, ses conventions collectives, ses cotisations sociales et retraites par répartition, ses syndicats, mais il n’a pas gagné, il ne gagnera jamais ! Il y a un milliard de salariés de plus dans le monde dans les 30 dernières années, c’est l’économie informelle, uberisée qui recule et reculera.
Nous voulons œuvrer à ce que le salariat prenne le pouvoir en tant que classe, uni et démocratique. Pour le programme, attention aux pièges des mots : le mot « rupture » ou l’autre mot « radicalité » ne résument pas le sens du programme de transition que nous voulons. Nous avons beaucoup d’amis à gauche qui opposent les « mous » et les « durs », les réformistes et les révolutionnaires, deux gauches en fait. Il n’y a pas deux gauches. j’ai connu des réformistes qui sont devenus révolutionnaires et des révolutionnaires qui sont devenus réformistes. Il ne faut pas « cliver avec le réformisme » il faut se lier avec le réformisme. Pas de séparatisme, mais front unique. Du plastic d’un côté et un détonateur séparé ça n’explose pas : il faut que le détonateur soit dans le plastic.
Il faut faire le marathon en masse ensemble réformistes et révolutionnaires, et si les révolutionnaires sont bons ce sont eux qui gagneront dans les derniers kilomètres. Réforme et révolution ne s’opposent pas, mais se nourrissent l’un l’autre. Ce n’est pas le mot d’ordre le plus radical du genre « à bas l’état bourgeois » qui a le plus de sens et d’efficacité. Une petite revendication peut être explosive : que ce soit autour de la défense d’une charrette d’un marchand de légume en 2011 en Tunisie, ou contre la fermeture arbitraire des lumières d’un théâtre comme à Prague en 1968, une revendication salariale peut être explosive. Un mot d’ordre, aussi radical soit-il, n’a pas de sens en soi, le même peut etre reformiste ou révolutionnaire, il n’a de sens que dans le rapport qui existe entre lui et le mouvement de masse.
Le programme du rassemblement populaire en 1935 était mauvais et rédigé sous la pression du principal bourgeois de la coalition et qui était le Parti Radical. Malgré ce programme mauvais et cette alliance bancale, l’union a été fructueuse, dynamique, porteuse, et elle a mobilisé en force contre le fascisme, puis elle imposé une unité syndicale, la fusion CGT CGTU a fait 3 millions d’adhérents syndiqués de plus, cela a permis des luttes et la victoire électorale du Front populaire le 4 mai 1936, le démarrage de la grève générale par Berliet/Latécohère à partir du 15 mai, et du coup la peur du patronat qui concède les 40 h et les congés payés, ce qui n’était pas prévu dans le programme initial. C’est ainsi que la dynamique d’union pousse les accords d’appareils plus loin que ce qu’ils auraient voulu.
Les « appareils » existent, par définition dans tout parti, dans tout regroupement humain. Y a pas de « vaccin » contre la trahison des appareils mais plus l’union est forte, plus la mobilisation est forte, plus cette trahison est rendue difficile. L’union a une vertu dynamique nécessaire et pas suffisante s’il n’y a pas de mouvement de masse, il n’y a pas d’insurrection civique en soi mais une insurrection sociale qui débouche sur une victoire civique et sa concrétisation sociale.
Gérard Filoche prononcé le 22 juin 25