A contre-pied des dernières de Mélenchon

Pour prendre le contre-pied, il le mérite, d’un des derniers interviews de Jean-Luc Mélenchon, il ne doit pas y avoir, et il n’y aura pas de « renversement d’alliance » à gauche, sinon c’est toute la gauche qui meurt du PS à LFI.

C’est lui Mélenchon qui a déclaré le premier, le 16 février 2025, que le NFP était « une alliance toxique » et que cela avait été « une grosse bêtise » que de l’avoir signée. Tout ça pour imposer une candidature présidentielle de LFI envers et contre tous en exigeant unilatéralement avec le maximum de fracas une élection anticipée.

Bien sûr, Mélenchon peut prendre, contre la NUPES ou le NFP, des exemples de faute politique majeure de la part du PS (refus d’un siège LFI en été 2022 aux sénatoriales) ou, plus grave, des Écologistes (refus d’une liste commune aux Européennes de 2024). Mais au lieu de s’en régaler et « d’acter » à répétition de façon jouissive la division, il aurait dû normalement mener le combat idéologique contre ces éléments de rupture afin de les dépasser et surpasser.

Parce que l’union (que ce soit la NUPES ou ensuite le NFP) représente un enjeu stratégique supérieur aux différentes et finalement assez réductibles péripéties qui l’entravent.

D’abord l’union n’est pas et ne peut pas signifier l’unité de pensée.

La gauche est pluraliste, et les décennies d’histoire de la gauche ne peuvent être effacées. Les traditions sont profondes, et anciennes, il faut faire avec, et ne pas s’étonner des difficultés rencontrées à chaque sinuosité.

L’union c’est l’unité d’action : elle est précisément conçue pour résister aux différences propres à chacun, le droit de penser et réagir différemment, et le choix malgré tout d’agir au maximum en commun par-dessus les obstacles qui se dressent.

Tant qu’ils ne sont pas fusionnés dans un grand parti démocratique (et même sans doute après, mais avec moins d’âpreté après un nouveau congrès du Globe, on peut l’espérer), les appareils des organisations de la gauche EELV, LFI, PCF, PS (et d’autres plus petits), ont tendance à défendre leurs intérêts propres (leur esprit de boutique, dira-t-on).

Et alors ? la qualité de l’union dans l’action est précisément de surmonter ça

L’exercice de l’union implique une puissante volonté d’aboutir, un savoir-faire, une diplomatie, un respect, une écoute, et surtout une action capable de surmonter les divergences qui surgissent sur le chemin.

Il y a une obligation de résultat car le salariat, classe exploitée immense de notre pays, base sociale de toute de la gauche est composé de multiples courants et sensibilités. C’est une mosaïque géante mais il est impossible de gagner aussi bien dans les luttes, que dans les urnes, sans en rassembler la majorité écrasante. Pas seulement dans un front républicain défensif face à l’extrême droite, mais dans un front de classe combatif offensif pour prendre le pouvoir et disposer de forces sociales puissantes pour transformer la société en profondeur.

L’existence, la nécessité d’union correspond à cela : la façon dont Mélenchon traite de façon subalterne l’union, signe puis rompt avec la NUPES, puis le NFP, embrasse tantôt Olivier Faure en pleine place de la République puis le place un an après, en équivalence sur une même affiche LFI en médaillon vis-à-vis avec Le Pen, démontre qu’il ne veut pas comprendre que cette question est stratégique et qu’elle implique toute la gauche, toute la classe salariale et n’est pas subordonnable aux seuls intérêts et variations ni de son appareil LFI ni de ses humeurs.

Quand Mélenchon avait choisi de lancer une querelle sémantique violente autour des mots « terrorisme », « crimes de guerre » en octobre-novembre 2023, cela avait divisé cruellement toute la gauche, provoqué des manifestations opposées, au point qu’il avait « acté la mort de la NUPES » à cause de cette division idéologique, de ces cris et cortèges séparés. Et pourtant six mois après, en juin 2024, il signait le NFP ou, en moins de 20 lignes il y avait un accord sur la Palestine. Fallait-il que la querelle sémantique théorique, pratique, d’octobre 2023 ne soit pas si profonde ni décisive qu’elle ne puisse empêcher un accord sur un contrat de gouvernement six mois plus tard ? Mélenchon zigzague : en octobre 23, il les accuse d‘être des supplétifs de Netanyahu, en juin 24, il formule avec eux quatre points clefs d’un cessez le feu (reconnaissance de l’État Palestinien, embargo sur les armes contre Israël, sanctions contre Netanyahu, suspension de l’accord UE-Israël).

Disons-le avec fermeté : ce fut une faute de rompre la NUPES en 23 alors qu’il y avait déjà accord sur ces points et qu’en 24 ils faisaient consensus. C’est une faute aujourd’hui encore de considérer que le NFP est rompu.

Quand le Parti socialiste, travaillé par ses démons internes, choisit de refuser la censure a priori et estime face à Bayrou puis, malgré son congrès du 15 juin 2025,  face à Lecornu 1 et 2, qu’il faut « négocier », tenter le jeu parlementaire sans 49-3, amender, œuvrer à arracher pied à pied des concessions sociales… Cela se discute mais sans mériter de crier à la trahison.

On peut ne pas être d’accord (et je ne le suis pas précisément parce que cela nourrit la division, je suis pour la censure, l’abrogation des 64 ans vers 60 ans…  ) mais autre chose est de dénoncer comme le fait avec surenchère Mélenchon, une trahison permanente, « une nouvelle alliance des centres » « la macronie de gauche » la grande coalition avec la droite » (sic) » la volonté d’’inclure le RN dans leur arc républicain » (sic). Tant que le PS le nie, refuse toute compromission en acte, n’est pas au gouvernement, quel intérêt de le pousser au crime, ou de faire comme s‘il l’avait commis ? Mieux vaut lui tendre les bras jusqu’à ce qu’il revienne au NFP sans exclusive !

D’autant que la réunion de Cergy, opposée à celle de Trappes, le week-end des 15 et 16 novembre, a jeté les dés et posé une redoutable question qui entraine logiquement une nouvelle scission : d’un côté le lugubre rassemblement Cazeneuve Glucksman, Cazeneuve, Hollande, Le Foll, Rebsamen, Méadel, Delga, se proclame vouloir imposer un candidat on ne sait comment mais sans primaire, de l’autre le rassemblement dit du NFP27 du 2 juillet à Bagneux, avec Castets, Ruffin, Faure, Tondelier, Autain, appelle à un candidat unitaire de toute la gauche, choisi a l’automne 2026 lors d’une grande primaire démocratique.

Dans ces conditions c’est un comportement incroyablement sectaire que celui de Mélenchon, alors que le bon et correct combat pour défendre l’union serait de dire au PS, fraternellement, « nous ne croyons pas que c’est la bonne voie, vérifiez si vous le voulez mais en fait Macron manoeuvre sans rien céder, nous autres voterons comme nous l’avons fait en début 2025 ce qui va dans le bon sens… et retrouvons-nous ! » D’autant que le calendrier très instable des événements « budget par ordonnances, par loi spéciale, nouvelle censure, dissolution, démission » ne dépend pas de nous, ni de la gauche, ni de LFI, mais d’une conjugaison de plus vastes facteurs parmi lesquels c’est la crise d’effondrement de la droite et ce sont les luttes sociales qui sont décisives.

L’essentiel, au-delà de l’actuel brouillard dû aux navettes parlementaires, devrait être de préserver au maximum l’union en dépit des tactiques différentes apparues. D’autant qu’en dépit des polémiques ostentatoires, les gauches votent pareil à 90 %.  L’essentiel est de ne pas insulter l’avenir et de permettre à nouveau dès que possible l’unité d’action.

Au lieu de cela Mélenchon multiplie les diatribes, les excommunications définitives, agite menace et chantage aux municipales, affirme à tout vent qu’il n’y aura aucune candidature commune, qu’il est « le plus fort à gauche », qu’entre le RN et LFI, c’est « eux ou nous » clame qu’à lui seul « il est le mouvement du peuple » ! C’est une voie que nous combattons car elle mène au désastre, sape les espoirs, s’oppose frontalement au 72 % des 9 millions d’électeurs du NFP qui veulent encore et toujours l’union et une candidature commune.

Gérard Filoche, le 19 nov.  à 19 h

A suivre : RN contre NFP, abrogation des 64 ans vers 60 ans pourquoi et comment ?  Charte d’Amiens et indépendance syndicale !

Des municipales unitaires ou perdues, de l’immigration fière et accueillie, du désarmement nucléaire mondial multilateral, de la Chine qui n’est pas une économie mixte !

Et de l’union immédiate, dont Mélenchon ne parle naturellement pas, mais qui doit nous préoccuper en urgence et au premier chef, un tremplin pour peser, à LAPRES, avec Générations et Debout

 

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*