1. l’intersyndicale exige la mise en œuvre de cette suspension des 64 ans « préalable » à l’abandon définitif de la réforme.
Le front commun intersyndical perdure. C’est tant mieux ! Il prend acte de la suspension du départ en retraite à 64 ans trois ans après son instauration. Après les grandes batailles de 2003, de 2010, de 2013, de 2020, de 2023 en défense de notre système de retraite, contre la volonté de la droite de reculer l’âge de départ de la retraite, enfin le coup de force par 49-3 de Borne et de Macron est mis en échec.
Le gouvernement Lecornu n’a pas vu d’autre moyen de se sauver : « Nous suspendrons la réforme des retraites jusqu’à l’élection présidentielle » a lâché S. Lecornu le 14 octobre dernier devant le Parlement.
Dans son communiqué l’intersyndicale déclare :« Cela signifie que les générations nées en 1964 et en 1965 pourraient partir quelques mois plus tôt que prévu, a 62 ans et 9 mois et avec 170 trimestres de cotisations Nos organisations saluent cette première avancée après de longs mois de mobilisations dans la rue et alors que les gouvernements successifs cherchaient à refermer le dossier en continuant de mener leur politique hostile »…au salariat. « C’est à mettre à l’actif de la mobilisation des millions de françaises et de français qui depuis 2023, par des voies multiples et sans jamais renoncer ont exprimé leur rejet de cette injustice et de cette atteinte à la démocratie sociale. Des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs pourraient en bénéficier » disent les 8 syndicats CFDT, CGT, Solidaires, FSU, UNSA, CGC, .
Les 8 syndicats ont raison de souligner ensemble cette brèche, cette demi-victoire, car c’est un effet différé encourageant des 14 manifestations du premier trimestre 2023.
Depuis trois ans la colère sociale court dans les entreprises, usines, bureaux et dans les champs contre le coup de force de Borne-Macron-Dussopt. Et tant mieux, s’il y a un recul, enfin ! Quelques que soient ses limites et les détours pour l’obtenir il ne faut pas le diminuer, ni le sous-estimer, il faut pousser de toutes nos forces dans cette voie. Comment pourrait-on progresser si on minore l’impact des avancées que nous arrachons ?
Tricoter l’union syndicale tout en soutenant les luttes explosives, qui, de-ci de-là, peuvent faire irruption et changer la donne, tel est le bon plan. C’est dans les entreprises et appuyé sur les 30 millions de salariés que tout se joue.
2. L’instabilité est durable : clash Macron-Lecornu et budget impossible
D’autant que, toujours sur cette question décisive des 64 ans, la crise de l’exécutif macronien se révèle encore et encore : Macron lui-même a explosé contre son premier ministre Lecornu, celui-là même qu’il a eu tant de mal à nommer et renommer. Alors que Lecornu déclarait « Nous suspendrons la réforme des retraites » le 14/10, Macron le 21/10 depuis la Slovénie le rejette explicitement : « Ce n’est ni une abrogation ni une suspension de la réforme des retraites mais un simple décalage d’un an. » Il digère mal !
Cela a même désarçonné la communication de LFI qui, un temps, a accusé le PS d’être « piégé », « cocu » (sic) au lieu d’en profiter pour charger Macron. Coquerel et Mélenchon ont, du coup, appelé à une « lettre rectificative » laquelle ne règle pas la question en appelant « suspension » ce que Macron appelle « décalage » tout en annonçant faire payer cher la contrepartie aux retraités… en même temps que la commission de l’Assemblée refuse de les taxer.
Cette pratique « jupitérienne » explosive au service de la grande finance qui pousse Macron à ne jamais céder un pouce, à ne rien négocier, engendre une instabilité récurrente dans les 20 mois qui viennent. Il n’a plus de marges, il a le dos au mur. Il n’y a plus de calendrier électoral certain, la censure ou l’explosion sociale sont à tous les coins de rue. La crise sociale et politique est devenue institutionnelle.
Pour LFI comme pour la députée PCF @ElsaFaucillon « seul le départ de Macron offrira une possibilité de stabilité au pays ». C’est pour cela que des secteurs entiers de la droite plaident à leur tour pour un départ anticipé programmé de Macron. En mettant sous pression le gouvernement Lecornu sous la menace permanente de censure, même la maladroite et incomprise tactique du PS ne parvient pas à créer une « stabilité ». La non-utilisation du 49-3 tend à creuser les contradictions : l’absence de majorité est criante sur tous les sujets.
La V° république est en sursis, et la France est de gauche contrairement à ce que les gros médias des milliardaires essaient de faire croire. Les racines économiques et sociales de la crise viennent du fait que depuis deux décennies le capital pille brutalement le travail. Ce n’est pas une crise qui appelle des solutions de droite. Elle appelle une redistribution des richesses, en faveur des salaires, de la protection sociale et du recul des inégalités.
Comme dans toutes ces situations, il faut partir du réel, des besoins d’en bas, des luttes d’en bas, des revendications élémentaires sur le terrain les plus susceptibles de mobiliser des millions de salariés.
3. La bataille du budget « Frankenstein :
Le clash sur les 64 ans se reproduit à tous les échelons de la longue discussion du budget en cours. La droite ne veut même pas d’un « décalage » ni d’une « suspension ». Le RN cherche à masquer la question. Et les premiers jours aboutissent à ce que, même en commission, rien ne passe. Éric Coquerel souligne :
« À l’issue de trois jours de débat, le 23 octobre 2025, à 2 h du matin, la première partie du projet de loi de finance pour 2026, a été rejetée par un résultat sans appel de 37 voix contre 11. Seul le groupe EPR (Ensemble Pour la République) a voté pour le budget Lecornu. C’est sans doute la plus nette défaite d’un budget en commission des finances de la V° République ».
Sur les plateaux T.V., les épigones des médias des milliardaires prennent peur : ils parlent de « budget Frankenstein » car ils ne savent plus contrôler ni imposer comme avant, par Bercy, les coupes profondes dans les hôpitaux, les écoles, les services publics, et ils craignent que l’opinion publique, acquise à « faire payer les riches » ne l’emporte au hasard des votes. Sans 49-3 y a plus de gouvernement.
Malgré ce qu’on peut penser de la tactique choisie par le PS, s’isolant de la base du NFP pour mener une complexe bataille parlementaire, elle a pour mérite d’aller plus loin que ce qu’elle laissait prévoir : sans 49-3 les débats et votes se libèrent, et même LFI est entraînée dans le tourbillon des amendements votés à la roulette russe. Le RN est mis à nu dans son rôle de parti n°2 des riches, et la droite Les Républicains explose en vol. Il n’y a plus de prétendu « bloc central ».
Ni la « dette » ni les déficits ne sont des arguments pertinents pour mettre en place une austérité comme ils le veulent. Ils ne sont que le prétexte utilisé pour augmenter encore les superprofits, pas pour répondre aux besoins du pays et de ses citoyens. Nous n’avons pas un problème de « dette » mais de recettes
La première de toutes les batailles, est celle des salaires, de la relance, de la redistribution primaire. Elle est pour le moment esquivée, car ce qui rassemble le plus droite et extrême droite c’est de refuser la hausse du Smic, des points d’indice des fonctionnaires et des minimas sociaux. Mais à travers les méandres du budget, tous les détails de la redistribution secondaire, par la fiscalité, viennent à la lumière.
4. La bataille de la santé s’aggrave :
François Bayrou tablait sur 5,5 mds d’euros « d’économies » sur le PLFSS 2026. Sébastien Lecornu 2 décide de 7,1 mds en visant tout particulièrement l’assurance maladie.
On mesure combien le principe même d’une Loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS) décidée par une poignée de technocrates de Bercy et non pas par les assurés et leurs représentation syndicale, est un déni de démocratie. Elle fixe un ONDAM (objectif de dépense nationale de l’assurance-maladie) à 1,6% d’évolution (contre 3,4% en 2024). Cette méthode scandaleuse consistant à fixer a priori le maximum de ce qui doit être dépensé pour les soins (et sinon, mourrez…) doit être contestée dans son principe même.
On doit saisir toute occasion de dire qu’on veut supprimer la Loi de Financement de la Sécurité sociale et en revenir à des élections tous les 5 ans aux caisses de protection sociale (un assuré une voix) afin d’établir les priorités et les soins d’après les besoins et subordonner le budget aux humains et non pas les humains au budget.
Occasion aussi de répéter inlassablement qu’il y a trois budgets et que celui de la protection sociale, pourtant le plus élevé (850 milliards) est celui qui génère le moins de déficits et de dettes.
Si on les laisse faire, les arrêts maladie seront encore plus fortement encadrés et les pour les patients en arrêts longue durée, ceux qui seront considérés « stabilisé.e.s devront payer ! Ce qui est la négation même de la Sécu !
La taxe sur les mutuelles qui s’élève déjà à 14,1% sera majorée de 2 points (1 milliards d’euros pris dans la poche des cotisant.e.s) : occasion de critiquer le système injuste des complémentaires, et des 400 mutuelles inutiles, pour défendre « une seule grande sécu » universelle (ce qui fera des « économies » de budget). Le doublement des franchises et participation forfaitaire est défendu dans l’infame budget Lecornu : 2€ par boîte de médicament, 4€ par consultation médicale ou acte, avec une possible extension en dentaire, et la création d’une troisième « franchise » sur les transports sanitaires. Au total 300€ annuel non pris en charge par les mutuelles touchant avant tout les plus malades. Mesure qui passera par décret et ne sera pas discutée au Parlement. Et enfin toujours les attaques sur l’aide médicale d’Etat (AME). Sans compter les mesures d’austérité hors champ direct de la santé qui ne pourront que peser dans la limitation de l’accès aux soins
5. L’intense bataille contre les riches pour la redistribution :
Finalement le NFP en juillet 2024 voulait un gouvernement Lucie Castet, qui se proposait comme le signait Bompard « de former des majorités parlementaires texte par texte » et « en l’absence de la France insoumise » (idée proposée par Mélenchon) le NFP entier demandait à la droite de ne « pas censurer » un gouvernement Lucie Castets qui proposerait d’appliquer le programme du NFP.
Arcbouté sur les grands financiers qui l’avaient désigné à ses tout débuts, Macron n’a rien voulu savoir. On a eu Barnier, Bayrou, Lecornu 1 et 2, ce qui a l’inconvénient pour le Président d’être davantage démasqué dans sa défense des riches. On peut dire qu’il a perdu la bataille de l’opinion là-dessus et que la France salariée, de gauche, est braquée contre la façon dont est pillée le travail. La fameuse « taxe Zucman » (que la revue D&S n°213 découvrait et vantait dès mars 2014) est devenue à la fois célèbre et populaire.
Sans le garde-fou du 49-3, sans la possibilité d’esquiver les votes au coup, coup, Macron doit rendre des comptes jour après jour dans le débat sur le budget. Le chantage à la dette de Bayrou a échoué. La litanie des mensonges sur les déficits, les budgets, les fraudes fiscales, les 211 milliards d’assistanat versés aux chefs d’entreprises, tout cela atteint un niveau d’information inédit et au grand jour pour des millions de citoyens. Un « me too » contre les riches couve.
6. En quoi l’union et la censure auraient été préférables
La bataille parlementaire est « loin des gens » et complexe à saisir. Elle ne vaut pas des grèves, ni des manifestations massives directes de la rue. L’action de masse est toujours préférable, c’est elle qui détermine les millions de consciences.
Au moment où dans le monde entier, des millions de jeunes cherchent leur voie et se rebellent contre les méfaits du capitalisme, comme en Indonésie, aux Philippines, à Sri Lanka, au Népal, au Maroc, à Madagascar, au Pérou, en combattant pour le pain, la satisfaction des besoins élémentaires, les soins, le partage, au moment où ils se contaminent et se forgent des identités comme ils peuvent (« One pièce »), cela nous manque-t-il en France ?
A la fois oui et non.
Oui, car il y a des luttes partout dans le pays, pour l’emploi, pour les salaires, pour les droits du travail. Malgré les silences des gros médias, on observe les mouvements dans la grande distribution, dans la métallurgie, les transports, la culture. Nous avons un salariat très disponible.
Non, car si nous sommes un grand pays politisé, il n’y a pas généralisation de toutes ces luttes éparpillées, alors que tout devrait y pousser. Pourquoi ?
C’est parce qu’il n’y a pas d’issue politique positive, attractive. Faute à la non-réussite du NFP.
La crise du NFP, générée par les volontés sectaires et hégémonistes de LFI, est maintenant relayée par le PS, qui a voulu emprunter un chemin autonome à son tour. Alors que LFI misait tout sur la seule candidature de Mélenchon, le PS a cherché la voie parlementaire et les voilà se querellant encore plus, alors que tout cela se compléterait fort bien.
Ils sont pourtant tous condamnés à s’entendre, dans le climat général incertain, explosif et sous la menace d’une dissolution ou voire d’une élection anticipée.
Les 9 millions de voix du NFP cherchent toujours une union. Il n’y a aucun autre chemin que l’union pour mobiliser. LFI se trouve obligée de s’impliquer dans le débat budgétaire. Le PS se heurte à l’intransigeance du « Jupiter » en déroute. Des deux appareils sont condamnés à se retrouver au lieu de se suspecter de trahison.
7. Toutes les raisons de ne pas céder à la division
Observons que la soif d’unité, la soif de lutte et la soif d’une issue politique ne se démentent pas, ni dans les sondages ni dans les consciences. C’est puissant. Le salariat c’est 30 millions de personnes, 90 % des actifs, ne jamais l’oublier. C’est notre base, notre classe, notre conscience collective, notre force.
Dans les élections partielles, il y a beaucoup d’abstentions, mais pour autant la gauche ne s’effondre pas. Bien que les querelles au sein du NFP soient décourageantes et souvent lamentables, les électeurs sans se resigner votent « utile » et ce n’est pas vrai qu’il y aurait beaucoup moins de sursaut dans des élections à venir qu’en juillet 2024 contre le RN.
Le RN est un danger vital, violent. Il est aux portes du pouvoir, mais il ne faut ni avoir peur, ni se désarmer face à lui : c’est un parti fasciste, son arrivée au pouvoir serait un désastre, il est pire que le macronisme, c’est comme quand l’eau bout et passe de 99° à 100°, y a un seuil qualitatif et nous serons ébouillantés. Mais nous sommes forts.
N’ayons pas « peur », rien n’est joué, le comportement que l’on peut qualifier d’irresponsable des appareils qui choisissent la division grossière et souvent vulgaire (« tout le monde déteste le PS » sic) peut être combattu, renversé, sous la pression des luttes et des électeurs. Grâce à l’action volontariste, respectueuse et opiniâtre en faveur de l’union
Changer audacieusement la donne :
Sous la pression consciente et active aussi d’une organisation comme LAPRES alliée à Générations et à Debout. Nous sommes au cœur de la gauche et en prise sur toutes les questions sociales décisives. Appeler à nous rejoindre dans l’action, est ce qu’il y a de plus efficace et urgent dans l’immédiat.
Rejoignez-nous, car si nous avions davantage de forces militantes nous aurions entrainé la gauche la fois pour la censure et à la fois pour l’union. avec plus de forces nous pourrions davantage soutenir ceux qui, dans le PS (« Avenir socialiste », MJS, 7 députés déterminés qui ont vote la censure…) travaillent a l’union, et nous pourrions garantir a ceux qui, dans LFI qui sont pour l’union, que s’exprimer n’est pas impitoyablement payer le prix d’une purge. Placés au coeur de la gauche, nous cherchons non pas a dominer, mais a polariser, a dynamiser, voila a quoi sert notre combat au coeur de la gauche sans exclusive.
L’idéal serait de déplacer les lignes, de fusionner vite avec Debout et Générations dont nous sommes les plus proches.
L’idéal serait de bousculer toutes les lignes, c’est dans des moments comme ceux que nous vivons qu’il faut avoir de l’audace, dépasser les petits appareils, faire un « Épinay » comme certains disent encore ou plutôt proposer à toute la gauche sans exclusive un vaste et nouveau congrès du Globe.
C’est un grand parti de gauche unitaire qu’il faut !
Un parti ou les « durs » et les « mous », les réformistes et les révolutionnaires se retrouvent. Pas l’unité de pensée, mais l’unité d’action. Un grand parti pluraliste et démocratique.
L’idéal serait un grand appel en ce sens, puis d’aller vite, dans l’an qui vient, afin de stimuler les luttes et d’être prêts tous ensemble pour l’emporter dans le grand dénouement qui s’annonce.
Gérard Filoche 23 octobre 2025
PS : dans le N°213 de mars 2014, D&S fut la première revue au coeur de la gauche a mettre en avant la taxe Zucman.






 


