8 mars again : 5 promotions sans enfant, 5 enfants sans promotion

C’est une enquête largement avancée sur une plainte au pénal pour « harcèlement moral » : tous les témoignages sont là, avec la conclusion synthétique du Lieutenant de police, une femme, qui a terminé son rapport au procureur. Ce dernier demande l’avis de l’inspecteur du travail.
C’est à ce stade que je percute soudain l’énormité de l’enjeu.

Résumons de façon brutale ce qui arrive à une femme, cadre d’assez haut niveau commercial, qui travaille depuis 1981 dans la banque, dans un secteur sensible, qui rapporte :

de 1981 à 1988, elle est remarquablement bien notée, et elle bénéficie de cinq promotions.

De 1988 à 2008, elle a cinq enfants… et plus aucune promotion.

Le pire c’est que sa hiérarchie, certains témoins parmi ses collègues, et la policière relatent les faits en considérant qu’il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans. Le rapport conclut que c’était « normal qu’elle bénéficie de moins de promotions et d’augmentations que ses collègues qui étaient davantage présents ».

En rentrant dans le dossier, on s’aperçoit qu’après chacun de ses congés maternité, elle doit batailler pour retrouver un « poste identique » ou « similaire ». Elle doit subir des conditions dégradées, quasi reléguée dans une sorte d’intérim, à chaque fois, pour récupérer difficilement son statut, son niveau. Elle est quand même bien notée, appréciée. Mais au bout de 12 ans, les faits sont là : elle a perdu plus de 20 % de son salaire par rapport à ses collègues. Ce, dans un service où les femmes ont déjà, le bilan social de l’entreprise le démontre, 40 % de salaire en moins, tous bonus confondus, que les hommes.

Alors, après maintes revendications, restées sans suite, et qui la font mal voir de sa hiérarchie, elle ose saisir les prud’hommes. Vous imaginez ce que cela signifie comme courage, comme volonté, que de vouloir obtenir cette justice-là. Le code du travail affirme pourtant que les congés maternité sont du « temps de travail effectif ». Vous imaginez ce qu’en pense la hiérarchie, les cabales qui montent contre elle, au cours de ses absences et de ses retours…

Mais elle se bat. Les prud’hommes, en première instance, lui donnent raison sur la différence de salaire et imposent un rattrapage et une hausse au même niveau que les cadres qui n’ont pas… accouché. Mais ils ne lui donnent pas satisfaction sur sa plainte pour harcèlement : ils estiment, comme la policière le confirme, qu’il n’y a pas de « discrimination sexuelle ».

En fait, évidemment, année après année, la femme s’est heurtée à une incompréhension devenue conflictuelle avec sa direction : cinq enfants, vous pensez ! Puis elle rentre au boulot et elle voudrait se trouver au même niveau que ceux qui bossent ? Elle voudrait être attendue, respectée, et reprise avec progression « normale » de carrière ?  Ni une partie de ses collègues (cinq témoignent contre elle, trois pour elle) ni sa direction, ni le premier jugement des prud’hommes ne voient la chose ainsi. Il leur semble « naturel » qu’elle soit perdante. Il ne leur semble pas « naturel » qu’elle le refuse, se braque : ils disent que c’est sa faute, dans tout ce contexte, si elle se sent harcelée, écartée, méprisée !

C’est ainsi qu’en France sur 100 cadres supérieurs, 7 % sont des femmes et s’il y a en moyenne 20 % de différence de salaires. Ce n’est pas « sexuel » mais sexiste. Il n’y a pas de « plafond de verre », il y a, dans la vie réelle, discrimination et sanction contre les femmes qui accouchent

Gérard Filoche

7 Commentaires

  1. lulu
    Posted 8 mars 2011 at 16:06 | Permalien

    Beaucoup de ces patrons oublient que ces enfants sont de futurs consommateurs et de futurs salariés qui paieront leur retraite (dorée).
    Qu’il est loin le temps où la femme enceinte était une quasi déesse (voir statuette préhistorique).

  2. Posted 8 mars 2011 at 17:10 | Permalien

    Je pense que fonder une famille avec 5 enfants, cela se prémédite.

    Tout à son honneur, l’entreprise est tombée sur une femme avertie et a été forcée de prendre en ligne de compte son projet familial comme critère de réussite.

    Le harcèlement n’étant pas encore reconnu, l’entreprise peut tirer la couverture à elle après coup. C’est trop facile alors !
    Cela ne me paraît donc pas juste.

  3. LeJeune
    Posted 9 mars 2011 at 0:27 | Permalien

    D’une façon générale dans une entreprise les absents (homme ou femme) ont toujours tort. Pour avoir travaillé à temps partiel (4/5) pendant deux ans j’ai pu mesuré la perte de considération qui en résulte.

    C’est la conception même de la vie et du travail dans cette vie qui est à reconsidérer.

  4. luc
    Posted 9 mars 2011 at 20:46 | Permalien

    Gérard Filoche veut un autre partage des richesses entre le nord et la Tunisie.

    La société de lingerie Lejaby, installée en Rhône-Alpes, vient de délocaliser sa production à Sfax en Tunisie, où les ouvrières sont payées 170 euros par mois.

  5. Posted 10 mars 2011 at 8:05 | Permalien

    si la femme de Luc porte la culotte et si Luc est à côté de la plaque ?

    affirmatif.

  6. totolamouche
    Posted 11 mars 2011 at 0:44 | Permalien

    Vive la promotion des femmes ! Vite Marine présidente de la République!

    tiens au fait gégé, au second tour entre sarko et MLP tu appelles à voter Sarko ?

    ps : toute autre réponse que NON sera signifiera OUI

  7. Posted 11 mars 2011 at 8:11 | Permalien

    Toto, pourriez-vous vous appuyer sur autre chose que la remarque de Gainsbourg à Catherine Ringer pour réagir, svp ?

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