Cigare

Au boulot n°26

Depuis 2007, un décret interdit de fumer sur le lieu de travail. Est-ce que cela peut gâcher le plaisir d’un grand patron qui fume son cigare ? Non, n’est-ce pas, puisqu’il se croit au-dessus des lois. Dans un des plus célèbres instituts de sondages de ce pays, l’interdiction de fumer fut affichée dans tous les locaux et, pour les modestes salariés accrocs à leurs cigarettes, il fut donc obligatoire, qu’il vente ou qu’il pleuve, de descendre dans la rue. Tous ? Non. Roland C., membre de la direction, politologue bien connu des plateaux de télévision en avait décidé autrement. « Celui qui m’empêchera de fumer n’est pas encore né » avait-il claironné haut et fort. Et il continua de tirer sur ses longs cigares, confortablement installé dans son bureau, grand ouvert. Une quarantaine de salariés continuèrent de subir la forte odeur des magnifiques « barreaux de chaise » qu’il affectionnait particulièrement. Jusqu’au fond du long couloir, impossible d’en perdre l’effluve.

L’affaire ne paraissait pas de la première importance, mais l’odeur persistante finit par devenir une humiliation : au nom de quoi la loi ne s’appliquerait-elle pas aux membres de la direction ? Plusieurs longs mois plus tard, les salariés saisirent donc les délégués du personnel pour porter réclamation à la direction. Celle-ci répondit par le sourire, comme pour un enfantillage, mais accepta de rappeler à tous l’interdiction de fumer.
Quelques jours plus tard, l’odeur de cigare planait toujours à l’étage du bureau de Roland C. La réclamation fut à l’ordre du jour de la réunion suivante, avec le même accueil et…les mêmes effets : un air toujours irrespirable. Les salariés décidèrent donc de contacter l’inspecteur du travail. Je leur annonçais ma disponibilité pour assister à la réunion suivante de la délégation unique du personnel (DUP), qui, dans l’entreprise, tenait lieu de CHSCT (Comité hygiène sécurité conditions de travail). Il faut savoir que les inspecteurs détiennent des « carnets à souche » (du même type que ceux des contraventions comme pour les interdictions de stationner) afin de dresser procès-verbal dans ces cas-là. Nous ne nous en servons jamais. Mais la direction, préalablement informée, obtint immédiatement et comme par miracle, que Roland C. cessa de fumer immédiatement, à la grande surprise et satisfaction des salariés. L’inspection du travail est en sous-effectif : quel plaisir de n’avoir pas à se déplacer. Ah ! s’il était possible que l’annonce seule de mon nom suffise en d’autres occasions. Trop rare.
Gérard Filoche

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