La crise de la dette a rattrapé l’Allemagne

« Émission obligataire allemande : un désastre complet absolu » titre la Tribune du 23 novembre 2011.

Il est vrai que, pour Angela Mercel et la CDU, c’est une sacrée douche froide. L’Allemagne a essayé de placer pour 6 milliards d’euros d’obligations d’État à 10 ans (les Bunds) mais les marchés financiers n’ont, finalement, acheté que pour 3,6 milliards de ces « Bunds ». Certes, les taux proposés par l’Agence allemande de la dette étaient très bas mais la raison principale est ailleurs : les « marchés financiers » ont entériné le fait que la crise de la dette européenne n’épargnera pas l’Allemagne. Après avoir critiqué, vilipendé les pays du « Club Med », l’Europe du sud, Merkel et la CDU se rendent compte que « les marchés » commencent à mettre l’Allemagne dans le même sac.

Le plus haut des dominos vacille à son tour :

Les marchés financiers avaient découpé les pays de la zone euro en quatre groupes :

- ceux qui ont dû faire appel aux prêts du FMI et de l’UE (Grèce, Irlande, Portugal) et dont les taux vont de 8 à 32 %.

- Ceux qui sont tout près d’avoir à faire appel aux prêts de la Troïka comme les pays précédents : l’Espagne et l’Italie.

- Ceux qui sont déjà dans les collimateurs des marchés : la Belgique, la France et l’Autriche.

- Les pays AAA : Allemagne, Pays-Bas, Finlande, Danemark, Luxembourg. Mais même dans ce dernier groupe, l’Allemagne tendait à faire cavalier seul et bénéficiait de taux d’intérêts nettement plus bas pour ses obligations d’État.

Tout s’effondre et tout ce qui a été annoncé, claironné, s’effondre aussi.

Les bons et les mauvais élèves de l’euro, ça ne fonctionne plus.

Dire qu’il faut « rassurer les marchés » est une devenu très très grosse bêtise. Les « marchés », ils sucent le sang de tous les états européens à ce jour, ils n’arrêtent pas, ils s’attaquent à toutes les dettes, et ils visent au plus haut : l’Allemagne.  Il faut non pas les rassurer mais les stopper, les matraquer, les étrangler avant qu’ils ne fassent exploser l’Euro et l’Europe. Or ce sont les amis de Sarkozy et Merkel : ils sont copains/coquins à la tête de l’UE, les néo libéraux et banquiers spéculateurs, d’où leur difficulté à trancher quoi que ce soit. Sarkozy est l’homme des banques françaises et Merkel la femme des banques allemandes. Et tout ce beau monde est derrière Goldman Sachs qui contrôle directement la BCE, la Grèce l’Italie, l’Espagne, le Portugal. Comment ne pas trop se faire souffrir entre amis ?

L’échec de l’émission obligataire allemande du 22 novembre marque une rupture (sans doute à confirmer) de la part des marchés financiers. Ils ont maintenant intégré le fait que l’Allemagne ne pouvait pas être disjointe des autres pays de la zone euro, en particulier quand les plans de rigueur généralisent la récession à toute l’Europe. La vision du monde, ou du moins de l’Europe, d’Angela Merkel en prend donc un sacré coup. Deux coups en réalité.

Le premier c’est sa vision de l’Union européenne divisée entre les bons et les mauvais élèves et où l’Allemagne finissait par être le seul bon élève. Les taux d’intérêts extrêmement bas dont bénéficiait l’Allemagne au détriment des autres pays de la zone euro lui paraissaient parfaitement mérités puisqu’elle prônait l’austérité et la rigueur budgétaire. La réalité était d’ailleurs un peu plus complexe puisque le Danemark et les Pays Bas dont la dette publique est largement inférieure à celle de l’Allemagne subissaient des taux d’intérêts plus élevés.

Avec l’échec de cette émission obligataire, cette vision n’est plus soutenable. C’est tout le bateau européen qui est menacé de couler.

Le deuxième c’est la justification de son refus de laisser la Banque centrale européenne acheter massivement les titres des dettes publiques des pays en difficulté. Cela n’était pas possible selon le dogme de Merkel parce que laisser ainsi agir la BCE aurait consisté à accorder une prime aux mauvais élèves, à tous ceux qui étaient incapables de tenir rigoureusement leurs finances publiques. L’absence de capitaine dirigeant le navire, aggrave le risque de catastrophe.

En autorisant la Bundesbank a acheter les 39 % de Bunds dont les marchés n’ont pas voulu, Angela Merkel fait à Berlin ce qu’elle ne veut pas que la BCE fasse à Francfort. Mais elle perd la  justification pour refuser que la Banque centrale européenne agisse de la même façon non seulement en rachetant les titres des dettes publiques en difficulté sur le marché secondaire (la bourse) mais même sur le marché primaire lors de leur émission puisque c’est ce que fait la Bundesbank.

Nouveau jeu de l’oie : si vous tombez sur la case BCE où elle n’est plus « indépendante » Merkel vous envoie à la case menace de rupture des traités. Si vous évitez de passer par la case BCE, Merkel veut bien faire semblant de ne pas voir que la BCE indépendante fait d’elle même ce qui ne lui est pas imposé. Mais sans le dire. Sarkozy obséquieux appelle ça : ne pas pas faire pression sur la BCE ni en « positif » ni en « négatif ». D’où il est question un jour oui, un jour non, de réviser la règle du jeu  : revoir les traités hier intouchables ou faire comme si de rien n’était ? Mais les marchés continuent donc leur chantage tant que la BCE n’a pas garanti toutes les dettes. Le jeu de dupe Sarkozy/Merkel consiste à se cacher interminablement les yeux d’une main pour ne pas voir ce que fait l’autre. Alors ils laissent la BCE violer les traités sans le dire pour que personne ne perde la face. Rachat de  la dette ou pas rachat ? Si rachat par la BCE, Merkel, Maastricht, TCE, Lisbonne, tout ça perd. Si pas rachat, tous les dominos tombent, même le berlinois.

Cruel dilemme pour Angela Merkel, le capital allemand et  la plupart des dirigeants européens, de Sarkozy à Barroso avec leurs  différences pseudo doctrinaires concernant le rôle de la Banque centrale européenne. Les théories si longtemps, si âprement défendues par les néolibéraux volent en éclats. Ce n’était pas la peine que Sarkozy viole le vote de 55 % des Français du 29 mai 2005, en imposant anti-démocratiquement le traité de Lisbonne en 2008, pour capituler ainsi en rase campagne en 2011 sur la question centrale des ces traités.

Il leur devient de plus en plus difficile, maintenant, de présenter l’Allemagne comme modèle et d’imposer, concession sur concession aux « marchés », aux banques et plan de rigueur sur plan de rigueur. Toute la politique néolibérale au service de la finance est en voie d’effondrement.

Lire « dette indigne » par JJ Chavigné et gérard Filoche 240 p 14,9 euros,  10 questions 10 réponses sur la crise de la dette.

3 Commentaires

  1. Jocelyne
    Posted 26 novembre 2011 at 20:51 | Permalien

    Eh voui. Et les participants au « Siècle », Aubry (la copine de Minc) , et Hollande, il envisagent quoi???

  2. Posted 28 novembre 2011 at 19:27 | Permalien

    de quel « siècle » vos fantasmes complotistes vous font-ils parler ? le XIXe celui ou ce pourri de Sarkozy veut nous ramener ?

  3. Posted 4 décembre 2011 at 8:56 | Permalien

    vous êtes d’une pauvreté intellectuelle digne de « Gringoire », de « Je suis partout », etes vous aussi vraiment encarté au FN ?

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*