Députés de gauche, ne votez pas la casse de l’inspection du travail

Le projet de loi Sapin-Rebsamen-Robillard qui vise à casser l’inspection du travail est un cadeau au Medef en « dessous de table » du « pacte de responsabilité ». Dés juin 2012 la droite autour de JD Combrexelle à la Direction générale du travail (DGT) a été maintenue en place par le ministre de gauche avec un double projet déclaré :  mater l’inspection du travail et truquer la représentativité syndicale. Elle a atteint son but le 31 mars en réussissant à proclamer que le bloc CFDT CFTC CGC était majoritaire aux termes de scrutins douteux collationnés par des DRH.

Elle est en passe de l’atteindre contre l’indépendance de l’inspection. Il s’agit d’empêcher que les inspecteurs du travail soient nommés par arrêtés sur leur poste, sur leur territoire, afin qu’ils puissent être mutés facilement au gré de leur hiérarchie. Il s’agit d’imposer que les propositions de sanction par observations, mise en demeure ou procès verbal ne relèvent plus de l’inspecteur mais soient désormais sous contrôle de la hiérarchie.

Ainsi y aura t il dépénalisation du droit du travail, les patrons échapperont au juge correctionnel et pourront négocier, « plaider coupable », arranger le coup, avec des chefs des nouvelles « Direccte » (lesquels sont nommés par le haut et ne sont pas passés par l’inspection).

Des tractations politiques remplaceront la défense de l’état de droit dans les entreprises ! Les missions des agents de contrôle sur le terrain pourront librement être détournées par la hiérarchie politisée sur ordre des préfets.

La loi s’intitule « pour un ministère  du travail fort » et va à l’encontre d’une « inspection du travail forte ».

Lors de mon audition par le député rapporteur mercredi 7 mai,  celui-ci était déjà tout acquis à ce sabotage de l’inspection telle qu’elle existe depuis 1945. Il refusait les trois amendements minima que je proposais :

1°) réaffirmer en préambule l’indépendance des missions des inspecteurs du travail conformément à la convention OIT n°81 qui indique qu’ils ont pour « mission d’alerter LES gouvernements en place sur le sort qui est fait aux salariés ». Le rapporteur fut hypocrite en prétendant que cela y était déjà et que la convention « existait ». Mais non, l’indépendance des missions, de la fonction, du rôle, ne supportent pas une phrase vague sans référence ! Elle exige d’être réaffirmée.

2°) de préciser qu’à l’intérieur de chaque unité de contrôle, chaque inspecteur serait affecté par arrêté sur son territoire de compétence et ne saurait donc être soumis aux caprices de son hiérarque. Le rapporteur a répondu que c’était du domaine réglementaire et pas législatif : il se moquait car la loi peut évidemment (et doit) préciser quels genres de règlements doivent s’appliquer.

3°) de préciser que les sanctions, qu’elles soient pénales ou administratives relevaient de la compétence souveraine des agents de contrôle. Là, le rapporteur n’a même pas fait semblant, il s’agit bien de déposséder les inspecteurs des suites de leurs contrôles, ce qui revient à vider la fonction de contrôle de son pouvoir.

Le rejet des ces trois amendements est décapant. Il met le doigt sur le sens profond de l’opération. Le Medef fait semblant de se plaindre des « sanctions administratives » qui arrivent, mais en fait il en est profondément réjoui, c’en est fini du juge, il ne restera plus aux patrons qu’à bien se faire comprendre des hiérarchies du ministère sélectionnées non pas sur leurs capacités de contrôle le nez sur le terrain, mais sur leur yeux fermés et leurs connivences politiques.

Manuel Valls l’a proclamé et sa phrase était un « collector » passé inaperçu :  « il est difficile de faire quelque chose pour les salariés ». Là il s’agit de porter un coup terrible CONTRE les droits des salariés. Après l’ANI, après le refus d’amnistier les syndicalistes, après le travail le dimanche, ce sont autant de cadeaux au Medef, en espérant que celui ci renvoie l’ascenseur en « emplois ». Ce qui n’arrivera naturellement jamais.

Il faut que les députés de gauche rejettent cette loi qui fait l’objet de 100 % d’opposition parmi les syndicats dans l’inspection du travail. C’est aussi grave que tout le reste du « pacte de responsabilité », il ne s’agit pas de milliards distribuées en vain, mais de droits et de dignité perdus.

Gérard Filoche  (gerard.filoche@gmail.com) (in l’Humanité de mardi 20 mai)

 

3 Commentaires

  1. Rêveur
    Posted 20 mai 2014 at 13:05 | Permalien

     » Manuel Valls l’a proclamé et sa phrase était un « collector » passé inaperçu : « il est difficile de faire quelque chose pour les salariés ». Là il s’agit de porter un coup terrible CONTRE les droits des salariés. Après l’ANI, après le refus d’amnistier les syndicalistes, après le travail le dimanche, ce sont autant de cadeaux au Medef, en espérant que celui ci renvoie l’ascenseur en « emplois ».Ce qui n’arrivera naturellement jamais.  »

    RIEN à ajouter. tout est dit.

    « Il faut que les députés de gauche rejettent cette loi qui fait l’objet de 100 % d’opposition parmi les syndicats dans l’inspection du travail. C’est aussi grave que tout le reste du « pacte de responsabilité », il ne s’agit pas de milliards distribuées en vain, mais de droits et de dignité perdus. »
    Et si les députés de « gauche » ne rejettent pas cette loi mais la votent, QUE FERAS-tu Gérard ?
    Je suis ici tes efforts pour amener le PS vers ses origines socialistes (libertaires?). Je suis aussi les piques et les railleries dont tu fais parfois l’objet (à tort ou à raison). Je lis tes papiers, souvent instructifs en droit du travail. J’apprécie certain commentaires. Et j’attends, patiemment que tu rejoignes ou que tu crées une formation de gauche (un des orga du FDG, le NPA, …). Il n’y a que deux voies possibles la grisaille morbide, ou le soleil chaleureux (le spleen ou l’idéal quoi, aurais dot Baudelaire)!

    Pas la peine de me dire que le PS est de gauche. Son constat parle pour lui. Les dernières élections ont entériné la rejet des électeurs. Et la nomination de l’actuel premier ministre (2% aux primaires, soit quoi, un très faible % de la population votante…) a inscrit dans le marbre que ce parti avait quitté la gauche depuis belle lurette…

    Tout indique que la casse du code et de l’inspection du travail va continuer. J’espère que tu vas bouger. Car avec toi les lignes risques également de bouger.
    Banzaï.

  2. Gilbert Duroux
    Posted 20 mai 2014 at 13:15 | Permalien

    Parallèlement aux attaques sur les inspecteurs du travail, le MEDEF, aidé par les libéraux du gouvernement (pléonasme) cherche à s’attaquer aux tribunaux des Prud’hommes. Il y a un élément de l’accord sur l’assurance chômage qui y participe, c’est le différé d’indemnisation. Les salariés licenciés qui auront touché des indemnités supra-légales pourront avoir un délai de carence de leur indemnisation jusqu’à 6 mois. Autrement dit, à quoi bon aller aux Prud’hommes, puisque les indemnités obtenues vont être prises par l’assurance chômage.
    C’est (entre autres raisons) pourquoi il me semble nécessaire que les militants de PS et les élus écrivent à Rebsamen pour lui demander de ne pas agréer l’accord sur l’assurance chômage signé dans des conditions scandaleuses au MEDEF. Martine Aubry et Cambadélis, sous la pression des intermittents à Lille, l’ont fait, suivi par quelques députés. Il faut maintenir la pression sur Rebsamen.
    Voir ici en ce qui concerne le différé d’indemnisation :
    http://www.lesaf.org/blog-droit-social.html?fb_744639_anch=1408364

  3. Posted 21 mai 2014 at 21:33 | Permalien

    Je vais tenter un éclairage non passionné sur le sujet.

    Dés juin 2012 la droite autour de JD Combrexelle à la Direction générale du travail (DGT) a été maintenue en place par le ministre de gauche : je confirme mais il n’y a pas que dans cette administration que des personnes ayant activement porté des projets politiquement orientés incompatibles avec la neutralité du service public ont été maintenus. Il en est de même au ministère de la santé au niveau central comme déconcentré (ARS)

    bloc CFDT CFTC CGC était majoritaire aux termes de scrutins douteux collationnés par des DRH : le seul moyen de mettre un terme à toute contestation est de rendre obligatoire l’affiliation à un syndicat; cela aurait aussi le mérite de ne plus stigmatiser les syndiqués tout les salariés l’étant.
    Je sais que Gérard Filoche ne partage pas ce point de vue

    Des tractations politiques remplaceront la défense de l’état de droit dans les entreprises : c’est déjà le cas.

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