Dans l’Humanité : travailler mieux, moins, tous pour gagner plus

 

Le Figaro titre « Les Républicains face au casse-tête de la sortie des 35 heures » et « Nicolas Sarkozy renvoie la durée du travail à des accords d’entreprise, en promettant que chaque heure travaillée sera rémunérée » A t il conscience quand il concède : « Chaque heure travaillée sera rémunérée » ?

Encore heureux n’est-ce pas ? La première vérité, c’est qu’il s’agit pour Sarkozy ou son émule Macron, de baisser le salaire puisque les heures supplémentaires ne seront plus majorées à partir de la 36° heure.

La seconde vérité c’est qu’il s’agit de tenter de faire tourner la roue de l’histoire à l’envers. Car l’histoire du droit du travail depuis 175 ans, c’est celle de la réduction du temps de travail. Il a fallu 80 ans pour passer de la journée de 17 h à celle de 10 h entre 1840 et 1920. Il a fallu 70 ans pour passer de la semaine de 40 h à celle de 35 h entre 1936 et 2002.

Et pendant tout ce temps, on a fait quatre choses en même temps :

1°) entre 1936 et 2002, on a produit énormément plus, personne ne le nie

2°) entre 1936 et 2002, on a doublé le nombre de salariés puisqu’on est passés de 9 5 millions environ à 18 millions.

3°) entre 1936 et 2002, on a gagné plus, personne ne le nie non plus

4°) et on a fait cela en diminuant la durée du travail de 40 à 35 h. Et on a rajouté 5 semaines de congés payés !

Il a donc été prouvé, dans les faits, pendant 70 ans, (en dépit d’une guerre mondiale et deux guerres coloniales destructrices) qu’on pouvait « travailler mieux, moins, tous, en gagnant plus ».

Pourquoi inverserait on cette tendance aujourd’hui ?

Si on avait encore une durée du travail de 40 h, on aurait 10 millions de chômeurs.

Et on est certains que les 35 h en 2002, même réalisées dans des conditions très flexibles, ont, de l’avis unanime, créée 400 000 emplois de plus que les autres pays à croissance égale.

Si on a 6 millions de chômeurs aujourd’hui, c’est parce qu’on est désormais et à nouveau en retard dans la réduction du temps de travail.

Ceux qui nient qu’on puisse « partager le travail » mentent : car le travail est partagé, toujours partagé, forcément partagé ! Soit sauvagement avec des combinaisons de temps plein excessifs, de temps partiels subis et de chômage de masse, soit par la régulation autour d’une durée légale adaptée, contrôlée et sanctionnée par la loi.

Il n’y aura jamais de réduction de l’actuel chômage de masse sans passer aux 32 h ou aux 30 h. Cela implique à la fois de partager le travail et les richesses qu’il produit. D’autant que nous sommes en plein boom démographique depuis l’an 2000 avec 850 000 naissances par an : ces bébés vont commencer à arriver sur le marché » du travail en 2018 et chaque année, nous aurons 400 000 demandeurs d’emploi supplémentaires. Comme les progrès technologiques s’accélèrent, la mutation numérique imposera la semaine de 4 jours, de 32 h et bien davantage ensuite, sauf à créer les conditions d’une explosion sociale géante.

Evidemment c’est le moment que choisissent des « gourous » libéraux pour vanter une catastrophique « ubérisation » de la société, c’est à dire très peu de salariés (« seule l’élite sera salariée » dit Attali) et des nébuleuses de serfs tout autour, « indépendants » ou pseudos « auto-entrepreneurs » sans horaire, ni salaire, sans droit ni loi. Tous VTC en quelque sorte ?

Mais personne ne saurait se rabaisser à cette société à la Mad Max, au retour à la jungle féroce du salariat sans droits, des loueurs de bras à bas salaire aléatoire, des journaliers flottants autour d’un chœur de riches privilégiés.

C’est pourquoi il y va de la survie sociale collective de défendre le mouvement historique de la baisse programmée, progressive de la durée du travail. Non seulement c’est la seule solution pour l’emploi, mais c’est aussi la seule pour la santé physique et morale des salariés. Car le stress, le harcèlement, de multiples risques sociaux, le burn out accompagnent l’actuelle élévation des durées du travail, lesquelles sont déjà, hélas plus proches, dans les faits, de 41 h que de 35 h. Ce ne sont plus les coups de grisou comme du temps de Zola, qui tuent mais c’est pire, ce sont les AVC : il y a 250 000 accidents cardiaques et vasculaires par an dont la moitié sont liés au travail. C’est aussi pourquoi en plus de la durée légale, il faut baisser les durées maxima du travail de 48 h vers 40 h. Redonner du travail à tous, de la santé, du temps pour vivre va de pair avec la redistribution des richesses. La France n’a jamais été aussi riche de son histoire, c’est le moment pour le faire.

 

Gérard Filoche (dans l’Humanité, le 1 er octobre 2015)

 

 

8 Commentaires

  1. sans ressources
    Posted 2 octobre 2015 at 10:04 | Permalien

    ouais, tout ça c’est bien beau mais tu sais depuis des lustres qu’il ne faut pas compter sur la clique au gouvernement pour le faire, ni FH, ni MV ni EM ne le feront, alors qui vois tu en 2017, et ne nous appelle pas à voter pour eux s’il te plait sois cohérent, ils ne feront jamais ce que tu préconises, alors ????????

  2. 1956
    Posted 2 octobre 2015 at 12:16 | Permalien

    Le débat sur le « travailler tous » et le salariat est intéressant et doit être poursuivi, ne serait ce que de manière théorique. Mais malheureusement la mise en pratique reste hors de portée du contexte politique français mis en place depuis 2012.
    On mesure ainsi les reculs sociaux provoqués par la droite, entrenus et prolongés depuis plus de 3 ans par les deux gouvernements PS.
    Ce gouvernement s’attaque aux droits des salariés, bafoue la représentativité syndicale, inverse la hiérarchie des normes, privilégie le Medef, … Il sera remplacé dans un fauteuil par une droite sans plus aucun contre pouvoir.
    Voilà l’oeuvre réalisée par ces députés godillots que nous avons élus (double forfaiture) sur un autre programme.
    La troisième forfaiture est d’assumer la responsabilité d’assassiner la gauche.
    Au tribunal de l’histoire leurs délits politiques seront jugés.
    « Ras le bol », « stop, stop, stop » le plus vite sera le mieux avant d’avoir tout effondré.

  3. cyril
    Posted 2 octobre 2015 at 12:56 | Permalien

    D’accord pour travailler moins.

    Cependant, vous ne parlez jamais de ce que l’on produit!

    Produit des marchandises inutiles, aliénantes, nuisibles voire mortifère ne me semble pas le bon paradigme!

    L’idéologie de la croissance détruit notre humanité et nos milieux de vie.

    Nous devons absolument sortir de ce système qui nous emmène à technification à outrance de nos vies donc à une dictature des technoscientistes.

    Ils nous faut produire moins. Il faut aller vers l’essentiel et rejeter le superflu.

    A quoi cela sert de travailler sous l’emprise de la valeur économique capitaliste et d’ aller en vacances pour recharger les batteries tout en consommant comme des imbéciles pendant ces vacances?

    Je ne vois pas très bien où est le progrès là-dedans?

    Nous devons nous désaliéner de la société de consommation, du productivisme, de l’économisme, de la société de loisirs, enfin tout ce qui représente cette société occidentale qui ravage notre planète.

  4. Gilbert Duroux
    Posted 2 octobre 2015 at 14:16 | Permalien

    La baisse du temps de travail doit s’accompagner de droits continus suffisants pour vivre, avec ou sans travail. C’est la seule façon de pouvoir tenir tête aux négriers qui mettent en concurrence les pseudos auto-entrepreneurs. Quand on a de quoi vivre, on n’accepte pas un boulot à n’importe quel prix.

  5. JEAN
    Posted 3 octobre 2015 at 4:00 | Permalien

    Journal L’OBS :

    « La Suède teste la journée de 6 heures. Et ça fonctionne ! :

    A Göteborg, la municipalité tente une expérience originale : faire travailler une partie de son personnel « seulement » six heures par jour pour augmenter sa productivité. Un exemple dont il faut s’inspirer ?  »

    30 HEURES HEBDOMADAIRES !

    http://tempsreel.nouvelobs.com/bien-bien/20151001.OBS6854/la-suede-teste-la-journee-de-6-heures-et-ca-fonctionne.html

    Bonne lecture Monsieur Filoche.

  6. Posted 3 octobre 2015 at 11:59 | Permalien

    Et pourquoi un tel texte n’est pas paru dans « l’Unité »

  7. Posted 3 octobre 2015 at 12:15 | Permalien

    Ils réquisitionnent des chaises dans les banques pour dénoncer la fraude fiscale

    par Sophie Chapelle 2 octobre 2015

    A visage découvert, trente militants de différents mouvements et organisations [1] ont « réquisitionné », le 1er octobre, douze chaises dans une agence BNP Paribas à Paris. Cette action fait suite à un appel à la désobéissance civile, lancé la veille par 100 personnalités, pour mettre fin au système organisé de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux. « Rien qu’au niveau de l’Union européenne, l’évasion fiscale coûte 1 000 milliards euros par an aux budgets publics, écrivent les signataires. Elle est organisée en grande partie par les banques, comme l’a montré le scandale HSBC. Les banques françaises ne sont pas en reste : la première d’entre elles, BNP Paribas, détient 171 filiales dans les paradis fiscaux, dont 7 aux Îles Caïmans ! » [2]

    D’ici l’ouverture de la COP21 le 30 novembre à Paris-Le Bourget, 196 chaises devraient être réquisitionnées dans les agences des banques françaises les plus implantées dans les paradis fiscaux (BNP, Société générale, Crédit agricole, BPCE). Soit autant que le nombre de parties représentées au sein de ces négociations sur le climat. Ces chaises serviront à organiser une action symbolique visant à dénoncer l’immobilisme des États et à inciter les citoyens à entrer en action.

    Les négociations bloquent notamment sur le financement du Fonds Vert – 100 milliards de dollars d’ici 2020 par les pays riches – pour aider les pays du Sud à réduire leurs émissions et à s’adapter au changement climatique. Les organisations à l’initiative du fauchage de chaises reprochent aux gouvernements de se tourner vers le secteur privé et les banques pour alimenter ce Fonds, non pas avec des dons mais des prêts. « L’argent ne manque pas, il est dans les paradis fiscaux, lancent-ils. C’est une question de choix politique : en finir avec l’évasion fiscale dégagerait des financements publics décisifs pour des politiques de transition écologique et sociale. »

    En France, la fraude fiscale représente un manque à gagner pour les fonds publics de 60 à 80 milliards d’euros, et atteindrait 2000 milliards d’euros au niveau européen. D’importants moyens policiers ont été déployés ces derniers mois pour retrouver des chaises réquisitionnées chez HSBC [3]. Un excès de zèle que l’on espère aussi vif dans la lutte contre l’évasion fiscale.
    Notes

    [1] Cette action est revendiquée par Bizi, Les Amis de la Terre, Attac, les Désobéissants, les J.E.D.I. for climate et Actions non violentes COP 21.

    [2] Lire à ce sujet : Évasion fiscale, fraudes et manipulations : découvrez le casier judiciaire de votre banque

    [3] Lire à ce sujet : Le recel de chaises est-il un délit plus grave que la fraude fiscale ?

  8. Posted 3 octobre 2015 at 13:42 | Permalien

    Le 3 oct. 2015 à 11:00, pierre lienemann a écrit :

    Situation AF … Sauvons la compagnie nationale

    Envoyé depuis Windows Mail
    Bonjour
    Macron, Valls et le gouvernement ont validé les licenciements décidé par le Président d’ AF.
    Cette attitude est inacceptable, elle remet en cause l’ avenir de la Compagnie Nationale.
    Des syndicalistes, des agents AF en appel à tous les citoyens, pour obtenir de l’ Etat un réel soutien et éviter la casse sociale en cours.
    Oui Macron doit démissionner, le licencieur à AF.
    Merci, si vous le souhaitez, de faire connaître la mise en ligne de la lettre ouverte sous forme de pétition : http://www.sauvonsaf.com.
    Il est urgent de fédérer tous les mouvements sociaux et citoyens
    Vive la Sociale
    Pierre LIENEMAN
    Représentant et Elu du Personnel AIR FRANCE
    07 82 91 66 52

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