Intervention au Bn du PS lundi 5 octobre : Air France, le « referendum » sur l’unité de la gauche et la victoire électorale au Portugal

 

D’abord, je voudrais évoquer le conflit d’Air France

… que personne n’a mentionné, alors qu’il est très grave et aura des conséquences lourdes. Le comportement de la direction De Juniac pose de gros problèmes à l’ensemble des personnels inquiets à juste titre de la survie de l’entreprise. De Juniac, c’est celui de la bande vidéo qui circule sur internet où pendant 20’ il tient des propos délirants contre les salariés, le droit du travail , le travail des enfants, contre la durée légale du travail et contre les grévistes que son « collègue du Qatar aurait vite fait de mettre en prison ». ( lien vers la vidéo de de Juniac : https://vimeo.com/116748738) Rien que ces propos auraient mérité qu’il soit démis, d’autres l’ont été pour moins que ça. Les personnels et syndicats, qui ont vu  cette vidéo, disent que le PDG s’est augmenté de 70 %, et provisionne une cagnotte de 150 millions pour les retraites chapeaux des dirigeants. Encore un patron qui partira avec 20 millions,  façon Combes (patron d’Alcatel 14 + 14 millions) ou Winterkorn (patron de Volkswagen escroc à 28 millions) Comment dans ces conditions avoir confiance en de tels patrons pour diriger, comment croire au « dialogue social» (voir la vidéo du désarroi d’une salariée d’Air France dans la salle des négociations).

Air France pourrait bien se porter  avec un prix de l’essence qui n’a jamais été aussi bas, 88 % de taux de remplissage, 85 millions de touristes ;  mais il semble que le fanatisme financier l’emporte aux dépens de la conservation et du développement de l’outil industriel. Les personnels ont payé un prix lourd pour ces choix, 15 000 suppressions de postes, salaire bloqués, déclassification pour les low cost, durées du travail allongées. S’il y a des sacrifices à faire, c’est aux actionnaires qui ne travaillent pas de les faire, pas aux pilotes qui bossent.

De toute façon si les pilotes cédaient, ça ne servirait à rien, les autres personnels à leur tour seraient attaqués. Vouloir aligner les salaires sur les salaires plus bas ailleurs, le « benchmarking », c’est pur scandale : à la fin, il n’y aura plus de pilotes ni d’avions français. La marine marchande française a été détruite comme ça. Les financiers veulent faire connaitre le même sort aux cheminots et remplacer 40 % des TER par des autocars, sous traitants avec des intérimaires  sous payés. ET là ils ne veulent plus d’Air France sauf pour les trés riches, ils renvoient les pauvres sur Transavia en brisant les atouts et qualites des pilotes et personnels qui seront « ryanisés » comme d’autre sont « uberisés ». Ces logiques de casse industrielle pour plaire aux marges financières,  aux gourous des banques, coulent les fleurons de notre pays. Ils viennent d’un fanatisme des actionnaires et dirigeants qui veulent ça partout.

Aujourd’hui les manifestations ont été celles de deux tiers des personnels syndiqués, une intersyndicale. Les personnels navigants ce sont 14 000 personnes, leur convention collective a été dénoncée, ils sont pris en otage par la direction et les négociations sont piétinées : alors ils sont indignés et la lutte se tend forcément. Il n’y a pas eu de dialogue social, il n’y a même pas de diagnostic commun sur la situation de l’entreprise, tout ça pour masquer la question : faut-il faire un forcing pour rembourser la dette ou bien l’étaler ?

En trois ans, la direction propose de rembourser 900 millions contre 40 millions d’innovation : c’est tuer l’entreprise. Il faut bien davantage un plan de développement qu’un plan de remboursement de la dette. Rembourser massivement la dette, c’est fermer l’activité et augmenter la dette.  Au conseil d’administration, les 3 représentants de l’Etat qui a encore 17 % d’air France, ont voté 2900 licenciements bruts. Valls et Macron ont licencié avant de discuter, on a 6 millions de chômeurs et voilà comment ils traitent les personnels d’Air France. Après ça, étonnez-vous des violences, de la colère des personnels et des suites probables du mouvement.

Notre parti devrait donner conseil au gouvernement de mettre la pédale douce, tout de suite, de nommer une commission d’enquête pour faire vraiment le point sur l’état réel contesté d’Air France, pour établir un diagnostic commun et reprendre des négociations loyales.

Ensuite le referendum.

Bien sûr qu’il faut l’unité de la gauche : sans ça on perd tout. Il faut un gouvernement rose –rouge-vert, ça aiderait à coup sûr ! Cela fait plus de deux ans que nous le réclamons. Mais cette histoire de « referendum »  du 16 octobre a été décidée hors de nos instances et a été imposée à tous. Je suis contre tout cela, et à vrai dire, je ne la comprends pas. Ni la technique, ni le but politique.

Referendum pour qui ? Referendum pour quoi ?  C’est une façon de brusquer, de mettre au pied du mur nos partenaires ? Si c’est ça, ça ne va pas aider à faire l’unité ; ça risque même d’avoir l’effet inverse.  Quand on veut l’unité, on ouvre la discussion, on propose des rapprochements de points de vue. On sait ce qui ne va pas en ce moment  les attaques contre le code du travail, contre la fonction publique. Macron propose de supprimer 100 000 emplois dans la territoriale, 12 700 dans la fonction publique d’Etat et 22 000 dans les services hospitaliers. Les syndicats qui représentent 51% des fonctionnaires s’opposent au projet d’accord « Parcours professionnels Carrières Rémunérations » PPCR et Valls-Macron passent en force. Comment faire l’unité de la gauche en défendant cela ?

Disons au moins sur quels points on propose d’ouvrir et de discuter. Ce referendum, c’est une sorte de fermeture, avec nous ou contre nous. Comment faire cela sur un marché ? On va recevoir des bulletins de vote ou des pavés dans nos urnes ? C’est contrôlable par personne, donc soupçonnable par tous. On pourra toujours dire qu’il y a eu des centaines de milliers qui ont « voté » par internet. Pas sûr que ce soit cru ni que ça convainque.

Mais bon, puisque le coup est lancé, au moins un conseil : que la direction annonce une « conférence ouverte », une vrai discussion de programme pour un accord négocié entre tous les partis, qu’on dise qu’on ne demande pas un « ralliement » mais une dynamique de rapprochement sur des questions politiques de fond. Avançons au moins des propositions politiques claires sur trois ou quatre points importants en ce sens. Ça évite l’échec, la non unité et la chronique annoncée d’une défaite.

Encore un mot, sur le Portugal.

La gauche l’avait déjà emporté en Allemagne le 22 septembre 2013, Angela Merkel avait été battue en voix et en sièges… et la gauche (SPD, Grünen, Die Linke) avaient renoncé à gouverner ensemble, ce qui explique tout le pouvoir de Merkel-Schaüble depuis. Là, au Portugal, premier scandale, les médias français présentent les résultats de la législative du 4 octobre, comme une victoire de la droite alors que c’est carrément le contraire :  la droite a 104 sièges, la gauche en a 121 ( PSP 85, PCP, 17, Bloc de gauche 19). C’est mieux qu’un  »referendum » étrange dans des urnes aléatoires. Le peuple donne la majorité nette à la gauche… et la gauche ne gouverne pas ? La gauche pourrait absolument gouverner comme Syriza en Grèce (que François Hollande va aller voir….) il suffit de s’entendre. Il faut le vouloir. Il faut se battre pour l’unité de la gauche partout. Vous dites qu’elle ne se fera pas à Lisbonne, que c’est quasi fatal, et puis… c’est tout. Qui peut entendre cette résignation et voter ici le 16 octobre pour l’unité ? Comment défendre l’unité de la gauche en France, si on se résigne à ce que, ailleurs, là où elle gagne, la gauche ne gouverne même pas et laisse la droite le faire ?

 

On peut me dire que des violences ont desservi la cause, c’est vrai, puisqu’elles peuvent être mises en avant de façon forcenée dans une curée extraordinaire des médias, moi je suis toujours du coté des personnels, les patrons ont plus de responsabilités que les autres

voila ce qu’en disait Jean Jaurès :

« Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. [...] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »

Jean Jaurès, discours devant la Chambre des députés, séance du 19 juin 1906

10 Commentaires

  1. JEAN
    Posted 6 octobre 2015 at 8:24 | Permalien

    Bonjour Monsieur Filoche ; J’écoute France Inter ce mardi 6 octobre 2015 et j’apprends que le gouvernement Valls & Macron détruit la Sécurité Sociale en fermant des dizaines de permanences et cela mêmes dans des zones sinistrées par le chômage et la pauvreté.

    Madame Touraine légitime la manœuvre qui vise à privatiser à plus ou moins long terme l’assurance maladie. Je propose donc que Monsieur Cambadélis aille dans les permanences de Sécurité Sociale en voie de fermeture, pour faire son sondage pro-gouvernemental pour voir s’il est bien reçu – Plutôt que sur les marchés où il risque de se faire déchirer sa chemise couleur bleue police ou de recevoir des tomates, il pourra peut- être in extremis toujours s’y faire encore soigner. Qui sait ?

    Bonne journée à vous.

  2. bugsy
    Posted 6 octobre 2015 at 9:19 | Permalien

    tiens le lien vers la vidéo de de Juniac :
    https://vimeo.com/116748738
    Que tes lecteurs puissent l’entendre.

  3. Bruno Bovar
    Posted 6 octobre 2015 at 9:55 | Permalien

    Ne pas condamner une agression qui a mis dans le coma des salariés qui ne faisaient que leur boulot, cela donne juste envie de vomir.
    LAMENTABLE

  4. Posted 6 octobre 2015 at 10:49 | Permalien

    je ne condamnerais ni n’approuverais les violences qui ont eu lieu hier, à Air France, spontanément, d’autant que tous les syndicats ont essayé de les encadrer de les limiter, de les éviter. Allez dire à des salariés, par exemple qui ont 35 ans, qui sont endettés pour 30 ans pour leur maison, qui ont trois enfants, à qui il a été demandé déjà il y a 2 ans, de se sacrifier, à qui on a bloqué les salaires depuis 3 ans, qui ont dû travailler plus, et malgré, cela, et sans négociation, par coup de force, pour des raisons douteuses, avec un PDG qui s’augmente de 70 millions et prévoit 150 millions de retraite chapeau, qui est en train de couler le fleuron de notre flotte aérienne, ils apprennent qu’ils vont être licenciés brutalement : étonnez vous surtout qu’ils n’explosent pas davantage. Ce qui est étonnant devant la violence de la finance, c’est qu’il n’y ait pas plus de violence. Mais si les fanatiques de la finance, qui veulent couler Air France et ses personnels pour les basses oeuvres de low cost, continuent, ils généreront bien pire.

    On peut me dire que ces violences ont desservi la cause, c’est vrai, puisqu’elles peuvent être mises en avant de façon forcenée dans une curée extraordinaire des médias ( les indignations sont sélectives, comparez les réactions de Valls lors de la MORT de Rémi Fraysse et celles là),moi je suis toujours du coté des personnels, les patrons ont plus de responsabilités que les autres, surtout de Juniac (voire son inquiétante vidéo de 20′ contre le droit du travail, les grèves et les salariés, le travail des enfants). Je soutiens ceux qui travaillent et défendent leur pain. Depuis 170 ans, les violences ont bien plus souvent frappe les personnels que les patrons à ce qu’on sache :

    Voila ce qu’en disait Jean Jaurès :

    « Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. [...] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »

    Jean Jaurès, discours devant la Chambre des députés, séance du 19 juin 1906

  5. Posted 6 octobre 2015 at 12:46 | Permalien

    Monsieur Filoche bonjour,
    je viens par ces quelques mots vous dire tout mon soutien et tout mon respect pour l’abnégation et le courage donc vous faiites preuve.
    Dans ces temps difficiles ou bon nombre de salariés en particulier des PME ne peuvent pas s’exprimer de peur de perdre leur emploi.
    Bien à vous J.Bou…

  6. 1956
    Posted 6 octobre 2015 at 18:07 | Permalien

    Merci à GF d’avoir rappeler le discours du député J.JAURES. Lui est resté dans l’histoire glorieuse du socialisme.
    Les députés PS godillots et soutiens inconditionnels à ce gouvernement entreront eux dans les mémoires à la place des traîtres à la cause ouvrière et à la république.
    Je n’attends rien des capitalistes et du MEDEF, ils sont à leur place. Mais il est important que la gauche sache identifier ses traitres. Puisqu’ils soutiennent ceux qui ont et vont « générer bien pire », alors la situation est mûre pour une insurrection populaire sous quelque forme que ce soit.
    « Y en a marre » « stop, stop, stop » le plus vite sera le mieux avant qu’ils n’aient tout détruit.

  7. Gilbert Duroux
    Posted 6 octobre 2015 at 20:45 | Permalien

    Gérard, je crois que tu te plantes quand tu dis que ces violences ont desservi la cause. Tu es trop esclave des médias. La vraie vie est ailleurs. Et dans la vraie vie, les salariés ne sont pas dupes de la propagande médiatique. Au contraire de ce que tu dis, cette action un peu raide des salariés en colère, c’est une bouffée d’oxygène. Elle montre qu’on peut faire autre chose qu’attendre tranquillement que les syndicats, le plus souvent de collaboration de classe (d’ailleurs ils s’appellent « partenaires sociaux du MEDEF, c’est dire !), annoncent les mauvaises nouvelles. Ces images de salariés déterminés, au contraire, c’est un encouragement à ne plus se comporter comme des moutons.

  8. berahou
    Posted 7 octobre 2015 at 20:47 | Permalien

    Merci GF pour votre éclairage…et le rappel des propos de J Jaurès….Cela nous montre que la manip n’est pas nouvelle et que la lutte des classes parait de plus en plus clair…

  9. Mazon Michel
    Posted 7 octobre 2015 at 22:43 | Permalien

    Il ne faut pas désapprouver la mise à poil des dirigeants d’Air France car en plus il manquait le goudron et les plumes. On ne doit pas avoir honte et on doit les soutenir car pour eux les saloperies en tout genre arrivent. La meute est lâchée avec Valls à la manœuvre et la gauche, je parle ici de la vrais gauche, pas celle du PS en tout cas, doit faire rempart pour les défendre.
    Alors stop aux discours convenus de non soutien aux révoltés d’Air France.
    Monsieur Filoche aujourd’hui, si vous restez au PS vous perdez votre crédibilité.
    Jamais vous ne changerez de l’intérieur comme vous le soutenez le PS. Au contraire en y restant vous lui permettez de continuer car vous servez d’alibi.

  10. Posted 2 novembre 2015 at 5:13 | Permalien

    bravo pour votre site très bien écrit

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*