Plus que jamais, les fonctionnaires indispensables ! (David Cayla)

 

Les attentats de Paris ont montré les capacités de la France et des Français à faire face à l’horreur. Les personnels hospitaliers, les pompiers, la police ont réussi, par leur professionnalisme,  à gérer un évènement dramatique exceptionnel. Dans les prochains mois, on peut s’attendre à ce que tous les services publics : la justice, l’armée, mais aussi (et surtout) les services sociaux, les personnels éducatifs, les fonctionnaires territoriaux, les agents qui gèrent les services indispensables à nos concitoyens, soient mis à contribution pour réparer un pays meurtri et une société fragilisée par la violence.

Les fonctionnaires rempliront leur fonction, sans prime au mérite, en semaine et les week-ends, sans compter leurs heures, comme ils le font la plupart du temps, comme le font les enseignants, les personnels hospitaliers, les agents de police.

Pourtant, avant les attentats, on expliquait partout, jusqu’aux membres éminents de notre gouvernement, que la fonction publique était inefficace, que ses agents étaient privilégiés, qu’elle était trop nombreuse et coûtait cher. D’ailleurs, depuis 2010, les salaires de la fonction publique sont gelés et il n’est pas question de hausse avant 2017. Le gouvernement, qui se targue pourtant de démocratie sociale, n’a jamais cherché à négocier sérieusement avec les syndicats de la fonction publique. L’État est un employeur irresponsable qui refuse de s’appliquer les règles qu’il impose aux employeurs privés. Tout juste a-t-il admis la nécessité de revoir les grilles indiciaires qui sont devenues absurdes : le SMIC finit par se généraliser dans la fonction publique à force de rattraper les premiers échelons des carrières les moins rémunérées.

Du côté des collectivités territoriales, des hôpitaux, des opérateurs publics, l’austérité imposée par Bruxelles et avalisée par le gouvernement conduit à dégrader jusqu’à l’absurde les conditions de travail. Dans telle école maternelle on supprime des postes d’assistant d’éducation, dans tel hôpital des aides-soignants, au CNRS les secrétaires sont moins nombreux à traiter toujours davantage de dossiers. Les emplois  disparaissent et ne sont pas remplacés. Ce sont le plus souvent des catégories C, les fonctionnaires les plus fragiles, les moins rémunérés, les emplois les plus féminisés aussi, qui font les frais de ces économies.

Il faut le répéter : les emplois publics sont utiles, nécessaires à l’économie. Dans l’imaginaire des libéraux, la fonction publique est perçue comme un coût pour la société financé par les travailleurs du privé. Rien n’est plus éloigné de la réalité. Les fonctionnaires produisent de la richesse, une richesse non marchande, essentielle et complémentaire de la production marchande. Pour 2014, l’INSEE a calculé que les administrations publiques ont produit 360 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit 17% du PIB, et financé au total 516 milliards d’euros de dépenses de consommation collective. Un tiers de cette dépense a été consacrée aux services publics non individualisables (entretien de la voirie, fonctions régaliennes…). Le reste, soit 334 milliards d’euros, est allé aux services dont bénéficient directement les ménages, principalement sous forme de services de santé et d’éducation.

Ces prestations ne sont pas payées par les usagers, ou alors à un tarif très inférieur à son coût de production. Elles sont financées essentiellement par l’impôt. Mais elles contribuent incontestablement au bien-être. Il suffit de comparer ce que dépense un ménage américain qui n’en profite pas pour comprendre à quel point les services publics sont utiles aux Français. Ainsi, aux États-Unis, l’assurance santé pour une famille de quatre personnes coûte plus de 15 000 dollars par an. Pour un an à l’université, il faut compter entre 20 000 et 50 000 dollars. Toutes ces dépenses contribuent à accentuer les inégalités et poussent de nombreuses familles dans le surendettement, notamment les étudiants. En France, au contraire, les services publics réduisent les inégalités. Dans une étude de 2009, l’INSEE évaluait que les services publics contribuaient à près de la moitié (43%) de la consommation effective des catégories les plus pauvres (1er quintile)[1]. Cette même étude montrait que les services publics sont plus progressifs que les impôts et les prestations monétaires.

Il est plus que temps  de réaffirmer l’importance des services publics. Face aux discours libéraux ou démagogiques, l’efficacité économique et le souci de la cohésion sociale convergent. Les services publics doivent être renforcés pour être efficaces. Les fonctionnaires doivent enfin être considérés à la mesure des services qu’ils rendent à la population. Ce ne sont ni des privilégiés ni des parasites. Ils sont les garants des droits sociaux et économiques essentiels de la population. Leur statut protège leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique et leur capacité à remplir ces missions.

Aujourd’hui plus que jamais, la France a besoin de ses fonctionnaires.

David Cayla

David Cayla, économiste, membre du CA des Économistes atterrés, enseignant-chercheur à l’université d’Angers, fonctionnaire.

 

 


[1] « Les transferts en nature atténuent les inégalités de revenus », INSEE Première (2009).

6 Commentaires

  1. Jean-Jacques
    Posted 17 novembre 2015 at 19:16 | Permalien

    Aujourd’hui , Bruxelles déclare Que La France fait le strict minimum pour réduire le déficit mais que fait l’Europe pour lutter contre le terrorisme ? Junker se contente d’alimenter le coffre fort du Luxembourg . L’Europe des 3% et de l’égoïsme est rejeté par une majorité de Français .

  2. 1956
    Posted 17 novembre 2015 at 22:38 | Permalien

    La France a plus besoin de ses fonctionnaires et de ses services publics que de Valls, de Macron, de leurs obligés à l’Assemblée nationale et de leurs alliés du Medef.
    Les uns unissent la nation, les autres développent la discorde et la pauvreté.
    Les uns subissent et réparent la misère de la société, les autres demandent aux jeunes de devenir milliardaires.
    Les uns défendent les valeurs de la république, les autres sanctionnent les fonctionnaires, les agents des services publics et les salariés des entreprises détenues par l’État qui résistent à leur politique libérale. Cette dernière fait le jeu de la droite et le terreau du FN.
    Les fonctionnaires et agents des services publics vont s’en souvenir aux prochaines élections.

  3. Prétalece Davetirecor
    Posted 17 novembre 2015 at 22:55 | Permalien

    Pour résumer l’article le gouvernement joue sur deux tableau à la fois pour choisir celui qui l’arrange à chaque fois. Ce n’est pas une vision à long terme. D’ailleurs on en arrive à la fin.
    Mais l’État employeur irresponsable devrait jeter un œil sur ce qui se dit :

    « Tout est monté en épingle pour faire oublier l’incompétence et la corruption du gouvernement. Mais le Peuple n’est pas dupe et veille.
    Tout est fait pour « donner suite aux objectifs » us-isra-isla et la réponse est opportuniste.
    Le Peuple prend conscience de son implication, de sa Responsabilité. Les heures sont comptées de paix « apparente » et tout va se précipiter dans l’obligation de réaction face aux évènements usa-israel-islamistes qui engagent encore plus loin la France et l’Europe.
    Parallèlement, la vie intérieure de la France est suspendue à l’état général des comptes, du budget, et rien ne va plus.
    Tout va aller de mal en pis et ce n’est pas en restant docile et dans l’acceptation de la situation catastrophique sur tous les plans que les solutions viendront. Les solutions sont intégrées à la volonté de réagir, de s’engager dans la Vie Juste. » -17.11.2015-
    http://www.clefsdufutur-france-afrique.fr/news/france-volonte-et-unite-dans-laction/

  4. Posted 19 novembre 2015 at 10:35 | Permalien

    L’alternance n’a eu aucun effet sur les turpitudes coûteuses des administrations qui font peu de cas du respect de la loi au sens large, et l’on comprend mieux pourquoi la France se situe seulement au 26ème rang et au 15ème rang européen des Etats perçus comme les moins corrompus selon l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2014.

    C’est même pire depuis l’élection de Hollande (En 2013, la France se situait seulement au 22ème rang et au 10ème rang européen des Etats perçus comme les moins corrompus. En 2011, la France se situait seulement au 22ème rang et au 9ème rang européen des Etats perçus comme les moins corrompus. Il y a donc une dégradation).

    En tant que contribuables, nous payons des impôts pour que ces fonctionnaires appliquent la loi et fassent appliquer la loi. C’est la base d’un Etat de droit.

    Nous payons aussi des fonctionnaires, y compris pour les emplois discrétionnaires, pour qu’ils respectent les principes de service public :
    - l’égalité devant le service public, et ses corollaires la neutralité et l’égalité par le service public,
    - la continuité du service public
    - la mutabilité du service public.

    Les articles 28, 29 et 30 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires doivent s’appliquer avec sévérité jusqu’à la révocation pour mettre un terme à l’irresponsabilité de fait et justifier l’action des agents de l’Etat avec les prérogatives de puissance publique.

    Combien de hauts fonctionnaire ayant fait des conneries avérées ont été virés quand on analyse la chaîne de responsabilité/commandement ?

    L’autorité de l’Etat s’en trouve affaiblie pour décider avec les prérogatives de puissance publique sans parler de l’effet dévastateur pour l’exemplarité vis à vis des jeunes :
    comment exiger des jeunes le respect des lois de la République quand, au mépris de l’exemplarité, administrations et élus autorités constituées donneurs de leçons ne les respectent pas voire cautionnent ouvertement, au quotidien, rapports de force et violence ?

  5. socrate
    Posted 20 novembre 2015 at 20:40 | Permalien

    Hollande et Valls ont déclaré que le pacte de sécurité est plus important que le pacte de stabilité ….adieu les 3 %
    il a donc fallu ces malheureux morts des attentats pour qu’enfin on en vienne la.
    Quid du pacte de l’emploi avec plus de 5 millions de chômeurs ?
    et du pacte de survie avec 9 millions de pauvres ?
    Faut il une guerre pour remettre l’humain au centre des préoccupations de nos gouvernants ?

  6. Posted 21 novembre 2015 at 17:40 | Permalien

    Bonjour à tous,
    En complément de ce qu’a écrit notre camarade David Cayla, je vous invite à lire l’article intitulé « Le fonctionnaire, parfait bouc-emmissaire », disponible à l’adresse suivante : https://2ccr.wordpress.com/2015/09/13/le-fonctionnaire-parfait-bouc-emmissaire/
    Solidairement.

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