Chronique Humanité-dimanche n° 454 défense de la loi Cressard

 

Votée à l’unanimité, la loi du 4 juillet 1974, dite «  loi Cressard  » (dernier alinéa de l’article L. 761-2 du code du travail) précisait que  » toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel, est présumée être un contrat de travail ».

 

Elle permettait de faire bénéficier les journalistes « pigistes » du statut des journalistes professionnels, syndicats, associations et collectifs de journalistes.  Toute commande de pige devait être payée, et une circulaire de 1991 précisait qu’elle devait l’être en équivalent temps et non pas « au feuillet ».

 

La présomption de salariat posée par la loi implique un contrat de travail, qu’il soit écrit ou non ; la loi reconnaît aussi la pluralité de collaboration. Enfin, la loi a inversé la charge de la preuve : le pigiste n’a plus à prouver le lien de subordination, mais ce sera à l’employeur de prouver l’inexistence de celui-ci.

Mais évidemment depuis 45 ans, les patrons de presse n’ont eu de cesse de rogner ces droits. Ils, commandent des piges qu’il ne publient pas et ne paient pas. Ils ont généralisé les « piges » au point que plus de 50 % des 38 000 journalistes sont devenus « pigistes » sur des postes pourtant permanents.  Et il est difficile de lutter, de se plaindre, d’aller aux prud’hommes, car vous vous faites rayer de la liste des « commandes ».

 

« Est-il normal que les journalistes payés à la pige – je préfère cette formule à celle de « pigiste » car elle ne fait pas entrer dans une catégorie ceux qui exercent cette profession sous cette forme, elle en fait des journalistes à part entière, alors que la dénomination « pigiste » en faisait des journalistes entièrement à part – est-il normal, dis-je, que les journalistes à la pige vivant d’un travail contrôlable et d’ailleurs contrôlé – le fisc est là – soient en général moins payés que les journalistes professionnels, qu’ils soient toujours, ou presque, en retard d’une ou deux revalorisations, d’ailleurs minorées ? » demandait Jack Ralite.

 

Maintenant  des patrons de la PQR, (presse régionale) demandent à leurs correspondants de se déclarer en « auto-entrepreneurs » et leur « achètent » la pige sous forme de transaction commerciale, ce qui permet d’éviter tout  contrat de travail. L’ubérisation, sous Macron frappe peu à peu partout, elle s’étend, elle est présentée comme l’avenir alors que bien entendu elle annule des décennies de droits sociaux.

 

Les 45 ans de la loi Cressard ont été l’occasion le 4 juillet 2019 pour les syndicats, associations et collectifs de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT Journalistes, SGJ-FO, Profession : Pigiste, Ras la Plume, UPP…) de se coordonner pour mieux lutter dans l’unité contre la précarisation du métier.

 

Gérard Filoche

 

 

 

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