Siné mensuel : Aimer la verrerie à en mourir ?

 

 

Les images des ouvriers exténués et tués au travail depuis les fabriques et les mines ont traversé les siècles. Chez les verriers cela fait 200 ans que les maladies sont connues.

Depuis la fermeture de leurs usines en 2003, les verriers de Givors sont morts tour à tour d’une épidémie de cancers : poumons, foie, intestins, pharynx…  Mais comme le droit à la santé des travailleurs est toujours aussi maltraité, le combat engagé par les Verriers de Givors visant à faire reconnaître les maladies qui les déciment, dure depuis plus de 10 ans.

 

En mai 2011, déjà Lyon Capitaleévoque ces anciens salariés des verreries de VMC BSN Danone Glasspack, O-I Manufacturing, à Givors : leur taux de cancers est dix fois supérieur, ils meurent 9 ans avant l’âge moyen de décès des hommes de ce pays.

L’entreprise s’en était allée, laissant un sol gravement pollué à l’arsenic, aux hydrocarbures, solvants. Dans son dernier bilan, elle avait provisionné 530 millions de dollars pour le risque amiante, mais ils ont été distribués aux actionnaires. L’entreprise n’a même pas supporté les frais de nettoyage du terrain, restés à la charge de la collectivité ; tout comme elle s’est refusée d’assumer les conséquences des maladies de ses anciens salariés et a multiplié les recours judiciaires contre eux.

Christian Cervantès avait été le premier à se lancer dans la bataille juridique. Avec ses camarades, il s’est appuyé sur une ancienne enquête de santé, du printemps 2009 parmi 645 anciens verriers. À partir de 209 réponses on observait alors 127 cas de malades ou décédés. 210 pathologies étaient observées (un même individu pouvant en développer plusieurs). Parmi ces pathologies : 93 cancers, 82 autres pathologies déterminées, 10 autres non déterminées, 11 morts subites et 10 décès causes non précisées.

Il a fallu en 2013 saisir les prud’hommes pour exiger les « attestations d’exposition aux produits toxiques » pourtant obligatoires mais que Danone n’avait pas données à la fermeture de la verrerie en 2003. La cour d’appel du TASS (Tribunal des affaires de sécurité sociale) a fini par reconnaitre que la polyexposition (amiante, hydrocarbures et dérivés) au poste de travail était bien la cause du cancer de Christian Cervantes.

 

La procédure a été si longue que Christian Cervantès a succombé à la terrible maladie qui le rongeait. Sa famille a été obligée de poursuivre son combat. Le jugement est devenu définitif mais le montant des arriérés à rembourser devait être calculé par la Sécurité sociale elle-même et la famille est encore restée très longtemps sans nouvelles.« Tout cela est fait pour jouer la montre ! On attend que les hommes meurent, que les veuves se découragent… » explique  Laurent Gonon,Docteur en gestionAssociation des anciens verriers de Givors

 

10 ans pour 60 dossiers de verriers :

 

Chaque verrier malade a du plaider, faire face aux dénis. Premiers jugements, jugement, appel, Cassation. Pour aller plus vite, lesverriers de Givors ont demandé aux ministres du Travail le classement officiel de la verrerie de Givors dans la liste des sites amiantés. Obstinément, les ministres du travail successifs, Sapin, Rebsamen, El Khomri, Pénicaud, ont refusé.

Après six longues procédures engagées devant le Conseil des Prud’hommes, les TASS de Lyon et Saint-Étienne, la Cour d’appel de Lyon, le Tribunal administratif a finalement accordé ce classement « amiante ».

Les anciens salariés givordins ont réclamé alors l’indemnisation du « préjudice d’anxiété » pour exposition à l’amiante pendant leur carrière professionnelle. Celui-ci enfin accordé au bout de dix ans de procédure, laisse encore un goût amer : « 10 000 euros (le montant moyen des indemnités pour préjudice d’anxiété)… la vie d’un bonhomme, ça se résume à ça ».

Gérard Filoche

 

 

Dossier complet : www.verriers-givors.com

Pascal MARICHALAR, Qui a tué les verriers de Givors ? Une enquête de sciences sociales

Dans Revue européenne des sciences sociales 2019/1 (57-1), pages 283 à 286

 

 

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