Qu’est-ce qui se passe au PS ?

Ce n’est pas si facile que ça de voir où l’on va.  La nouvelle direction de Martine Aubry n’est pas vraiment lisible.

Le congrès de Reims a été très politique et s’est terminé par un vote aile droite contre aile gauche. C’était la première fois que la direction sortante ne s’auto reproduisait pas. François Hollande voulait un « grand bloc central » autour de Bertrand Delanoé, ce fut un échec. Le « clan » Royal n’a cessé de louvoyer et de se diviser, entre grands barons calculateurs et petits arrivistes qui l’ont instrumentalisée, l’ex-candidate se révélant elle-même versatile.

In fine, Martine Aubry a été élue en s’appuyant sur la gauche du parti, la motion C. Chacun pensait qu’elle lui en serait redevable, mais à l’usage rien n’est moins sûr car  elle a surtout consacré ses efforts à réintégrer des « royalistes » dans la direction nationale, même si c’est en pièces rapportées. Au lieu de parier sur une dynamique de sa propre nouvelle majorité, qui aurait ensuite attiré, elle a freiné celle-ci et joué d’emblée son dépassement. Avant d’avoir prouvé quoi que ce soit de neuf…

La motion C, la plus claire politiquement, qui devait son succès, près de 20 %, au rassemblement des diverses gauches socialistes, dans un contexte si embrouillé, a, en conséquence,  du mal à s’affirmer et à se transformer en courant durable capable de peser.

Du coup, la nouvelle première secrétaire louvoie, oppose les uns aux autres, impose des veto contre untel ou unetelle, intègre celles et ceux qui l’arrangent, négocie des textes mi chèvre mi chou. Pour les Européennes, elle refait ce que faisait François Hollande, elle soutient le « Manifesto », texte droitier du PSE, et accepte en même temps de dire que l’alliance avec la démocratie chrétienne relève du passé, que « le juste échange » doit remplacer le « libre échange »,  et qu’il faut harmoniser une Europe sociale et fiscale (ce qui va de facto contre le traite de Lisbonne qu’elle défend pourtant).

Je viens de résumer un peu vite, mais globalement, ce qui s’est passé au Conseil national du 28 février lors de l’adoption d’un texte de référence pour la campagne européenne du 7 juin et lors de la constitution des listes de candidats socialistes.

Aux forceps, un document de travail a été adopté, ni bon, ni mauvais, que l’on peut voter si l’on a un vrai souci de compromis et de nécessaire unité à deux mois du début de la campagne et à quatre mois du scrutin. On peut penser que des éléments indéfendables dans ce texte (un Smic européen à 60 % du salaire médian par exemple, ce qui vaudrait 933 euros en France -sic)  passeront forcément sous la table en cours de campagne et que finalement, on défendra vigoureusement une Europe sociale. De surcroît, l’UMP va payer le discrédit de Sarkozy. Verts et Modem ne sont guère attirants en l’état. La division des forces « à gauche de la gauche » voulue par le NPA fera aussi que le vote PS s’assurera comme le seul solide, en dépit même de son contenu.

Les listes PS du 28 février ont été établies avec un souci  de dosage féroce : des candidats voltigeurs vont du nord au sud, de l’Ouest à l’est, et formellement la proportionnelle semble respectée. Mais derrière les communiqués de victoire ( « on a réussi à mettre le parti en ordre de campagne ») la grogne est forte : des barons comme Gérard Collomb, Savary, sont fous de rage. Des Vincent Peillon ou Henri Weber se sentent « baladés ». Des incongruités de choix de personnes et des mises à l’écart aggravent le malaise. C’est grave.

Mais est-ce l’essentiel ? Très probablement non. Car la situation sociale est explosive et va peser plus sûrement que la volonté de la première secrétaire.

Celle-ci a pourtant expliqué que le PS était un parti de gouvernement et ne pouvait se réjouir que les choses se passent dans la rue : elle semble ne pas avoir perçu que c’était chaque fois que la rue et la grève avaient battu la droite… que la gauche gagnait. La victoire de mai 1981 fut un résultat différé de mai 68. Celle de mai 1988 fut acquise grâce aux mobilisations de l’hiver 1986. La victoire de juin 1997 a été due au grand mouvement de novembre – décembre 1995. L’immense bataille –pourtant non victorieuse – de 2003 en défense des retraites a assuré la victoire dans 20 régions sur 22 en mars 2004 et 30 % des voix en juin  de la même année. Les « 55% «  du non » du 29 mai 2005 et la grande victoire sociale contre le CPE en 2006 aurait également permis la victoire en mai 2007 si le PS, cette fois-ci, était resté en phase avec les aspirations populaires légitimes et majoritaires. C’est encore le rejet de la politique antisociale de Sarkozy dés l’automne 2007 qui a permis de gagner 2 villes sur 3 et 61 % des départements en mars 2008.

L’irruption du mouvement social comptera plus dans la campagne électorale qui vient que le texte adopté le 28 février, et les petits arrangements en clans…  D’ailleurs on verra si la prochaine convention nationale du PS prévue le 21 mars, le lendemain du 19 mars,  défend d’aussi faibles augmentations de salaires que celles actuellement prévues dans « le plan d’urgence » ou dans le « texte européennes ». ou si les « 200 euros » ne se frayent pas un chemin.

200 euros d’augmentation mensuelle de salaire pour tous, répétons-le, c’est possible en Guadeloupe, c’est possible en Martinique, c’est possible à la Réunion, c’est possible en Guyane, c’est possible en Auvergne, c’est possible en Bretagne et en Bourgogne, c’est possible dans le nord et dans le midi.  C’est possible à Dacia en Roumanie, c’est possible en Europe. D’ailleurs en Auvergne, les huit syndicats ont appelé au 19 mars en réclamant 200 euros pour tous comme les 40 organisations en Guadeloupe qui ont formé le LKP.

On devrait être des millions pour les 200 euros en métropole aussi. Des millions de grévistes et des millions de manifestants dans l’unité. Des millions en collectifs sur une plateforme qui contienne les 200 euros.

- Donner des centaines de milliards aux banquiers, c’est arroser le sable, c’est alimenter la même économie casino qui a produit la crise.
- Donner des centaines de milliards aux salariés, c’est relancer l’économie, c’est relancer l’emploi, c’est stopper la récession.

Voilà ce que la gauche socialiste, motion C devrait défendre collectivement…

Mais c’est là qu’il y a le problème le plus décisif : alors que cette motion ne doit sa réussite qu’à l’unité qu’elle a réalisée, cette unité n’a pas du tout été préservée, il faut le dire fortement, dans la façon de diriger, de travailler, et  dans la mise en place de listes veillant à représenter toutes les sensibilités…Marie Noëlle Lienemann, Anne Ferreira, Gérard Filoche écartés, un seul candidat, placé fort loin, de D&S, Eric Thouzeau, sur 25 candidats, 4 éligibles sûrs, 6 à 8 possibles, 9 ou 10 « charniéres » à terme, c’est choquant.

Il y avait sept contributions à l’origine, une synergie a assuré ainsi 20 % des voix. Mais là, il n’y a eu de candidats que pour l’une des contributions. Exclusives et erreurs de ce genre ne peuvent assurer l’indispensable unité de la motion.

Ca c’est à nous de le résoudre et c’est la première chose à laquelle nous voulons nous consacrer.

4 Commentaires

  1. Posted 5 mars 2009 at 14:21 | Permalien

    Merci pour ce rappel du lien toujours nécessaire entre luttes sociales et débouchés politiques.

    En espérant que le message parvienne à tous les hémiplégiques de gauche, qu’ils se trouvent à la rue de Solférino ou à la direction du NPA.

  2. Posted 5 mars 2009 at 22:07 | Permalien

    je suis pour le respect des; handicapés. Et je voterai contre des listes incohérentes. Et effectivement illisible; le compromis a selon moi tué la crédibilité de la politique et les français n’en veulent plus. ce qu’ils veulent, ce sont de s choix de société plus clairs. Et pour ce qui em concerne, plus novateurs.

    pour une gauche de combat ! et de transformaiton sociale.

  3. Posted 9 mars 2009 at 17:10 | Permalien

    Je ne suis pas sur que vous ayez un avenir au PS. Mais si vous devez être candidat aux européennes, et élu, tant mieux. Sinon, le parti de gauche aurait bien besoin d’une figure comme vous. Après, je ne sais pas si vous vous entendez avec Mélenchon.

  4. questionsdemilitant
    Posted 15 mars 2009 at 23:01 | Permalien

    Bonne question Gérard ! Qu’est-ce qui se passe au PS quand au nom de la représentation proportionnelle des courants on passe sur la parité des têtes de liste et donc sur le nombre d’élues au parlement européen dont nous ne manquerons pas de signaler qu’il a une marge de progression certaine en la matière. « On fera mieux la prochaine fois » : ben voyons ! Sûrement pas en tout cas si des voix ne s’élèvent pas pour dénoncer cette acceptation de fait d’une inégalité que nous condamnons bien sûr la main sur le cœur.
    Qu’est-ce qui se passe au PS quand on fait valoir que le vote des militants du centre n’est que statutairement consultatif et n’impose pas un nouveau vote sur une nouvelle liste (ouf!) mais qu’on permet, par contre, à l’encontre des statuts à un candidat non carté d’être désigné ? Pourquoi voter et être militant si nos voix ne comptent pas plus que nos cartes !
    Qu’est-ce qui se passe dans notre courant quand nous ne débattons ni des candidats que nous souhaitons voir figurer sur les listes ni du texte pourtant problématique pour bon nombre d’entre nous ?
    Qu’est-ce qui se passe au PS et dans notre courant quand la 1ère secrétaire nationale demande à Mireille Le Corre de démissionner parce qu’elle a refusé en interne de signer l’appel des 1ers fédéraux et d’approuver la liste de l’Est où figure une députée qui ne voit aucun problème à lâcher les salariés de Gandranges pour un mandat moins incertain et que nous ne disons rien.
    Silence sur la parité, silence sur le sens du vote et son non-respect, silence sur les petites entorses aux statuts, silence sur un autoritarisme déplacé (et sans doute stratégiquement sélectif …) : j’aimais mieux un peu de polyphonie, en interne au moins !

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