A propos du Honduras : « Zelaya putsch au crime ».

Libération n’a pas hésité à soutenir les putschistes : Manuel Zelaya, (un libéral pas vraiment révolutionnaire) président élu, qui a été  écarté, arrêté, expulsé, y est qualifié carrément de responsable de son sort : « Zelaya putsch au crime » et accusé : « Destitué dimanche, il avait scellé son sort en violant la Constitution ».

Le JDD titre : « Honduras : Le président crie au coup d’État ». Ah bon car il n’y en a pas ?

Le Monde.fr avec l’AFP, le 26 juin, falsifie les faits  : « Avant un référendum prévu dimanche, le Honduras plonge graduellement dans une crise politique. Le président Manuel Zelaya a forcé l’entrée d’une base militaire, jeudi, pour récupérer les urnes nécessaires à cette consultation, qui pourrait déboucher sur une réforme constitutionnelle qui lui permettrait de briguer un deuxième mandat présidentiel. L’armée, hostile à une réélection de M. Zelaya, avait refusé de distribuer les urnes ».

La majorité de la presse française, pro pouvoir,  signale de façon ambiguë et indulgente : « le premier coup d’état depuis la fin de la guerre froide » oubliant la tentative du patronat et de l’armée qui a duré 48 h au Venezuela contre le président Chavez le 22 avril 2002.

L’AFP a donné le ton : «  Honduras : le président Zelaya force l’entrée d’une base militaire ». C’est carrément la faute du président s’il est victime d’un putsch. L’agence dénonce « la destitution du chef d’état-major général par le président Manuel Zelaya face à l’opposition de l’armée à son projet de briguer un deuxième mandat présidentiel, selon les médias locaux » et « une consultation populaire organisée par le chef de l’État, malgré l’opposition de l’armée, du Parlement et de la Cour suprême, qui avait jugé ce scrutin illégal. M. Zelaya, élu en 2006 pour un mandat de quatre ans non-renouvelable, avait convoqué les électeurs pour ouvrir la voie à une révision de la Constitution qui lui permettrait de briguer un deuxième mandat le 29 novembre. »

Pour bien dramatiser l’AFP rajoute : « Putsch au Honduras : Chavez place son armée en état d’alerte» (repris par Le Monde) comme si l’armée vénézuélienne s’apprêtait à envahir le Honduras. Menace en fait, contre tous ces démocrates partisans, dans cinq, six, sept pays, d’assemblées « constituantes » démocratiques en Amérique latine.

Sauf que Manuel Zelaya ne violait pas la constitution, ne demandait pas un deuxième mandat. Il ne proposait qu’un premier vote, en vérité, une consultation facultative qui ne portait pas sur l’éventualité d’un deuxième mandat du Président, mais sur un vote ultérieur convoquant une assemblée constituante.

A t on ou pas le droit de demander à ce qu’une assemblée constituante soit convoquée par les urnes ?

Cette question ne vaut pas que pour le Honduras ! (Comment parviendra t on à changer la constitution de la V° République, ici, sinon ?)

Cette consultation du 28 juin visait à demander au peuple hondurien, s’il voulait d’une quatrième urne lors des élections de novembre, pour voter en faveur ou non de la convocation d’une Assemblée constituante. « Appuyée par 400 000 signatures, la consultation populaire sans caractère contraignant posant la question suivante : “Êtes-vous d’accord pour que, lors des élections générales de novembre 2009, soit installée une quatrième urne pour décider de la convocation d’une Assemblée nationale constituante destinée à élaborer une nouvelle Constitution politique ? »

L’élection présidentielle était en novembre, le mandat de Zelaya arrivait à terme en janvier, et donc, tout ce qui concerne l’appel à l’Assemblée Constituante aurait dû être traité par son successeur. Par conséquent, il n’existait pas l’ombre d’un projet de réélection présidentielle, de deuxième mandat, c’était une pure invention des militaires pour justifier leur putsch parce qu’ils ne voulaient pas changer une constitution antidémocratique mise en place en 1952 et qui avait servi toutes les dictatures depuis.

Manuel Zelaya était en droit et même en devoir de proposer une élection pour une assemblée constituante pour une vie plus démocratique au Honduras. Il lui fallait pour cela, dans le respect pur du droit constitutionnel plusieurs étapes : car la constitution ne peut être réformée que par le Congrès à la majorité des deux tiers (article 374), elle est « inviolable », c’est-à-dire inamendable sur des points décisifs (article 375) : « Ne pourront être reformés l’article antérieur [l’article 374], le présent article, les articles constitutionnels qui renvoient à la forme du gouvernement, au territoire national, à la durée de la présidence, à l’interdiction d’être à nouveau président de la république pour un citoyen qui aurait rempli ce rôle à quelque titre que ce soit ».

La chronologie est claire.
- Le chef d’état-major a refusé la tenue du scrutin, le président Zelaya l’a destitué.
- L’armée a séquestré les urnes, le président a pris les mesures pour que le scrutin légal ait lieu.
- L’armée a fait un coup d’état, a arrêté, exilé, Zelaya.

Elle a « désigné » Roberto Michelletti, qui s’est appuyé sur les faucons des USA (nommant même comme nouveau conseiller du président putschiste, le chef des escadrons de la mort, Billy Joya, connu pour avoir dirigé les tortures et assassinats dans ce pays pendant les années 80). Hugo Llorens, l’ambassadeur US au Honduras (directeur des Affaires Andines au Conseil National de Sécurité à Washington lors du coup d’État contre le Président Hugo Chávez en avril 2002) a soutenu le putsch.

Mais l’affaire est apparue tellement grossière et scandaleuse, menaçante pour toutes les démocraties en Amérique latine, que finalement l’ONU à l’unanimité a condamné le putsch – avec l’appui du Président Obama (en dépit des hommes et clans de l’ombre, héritiers de la politique de Bush).

La majorité de la presse française a tu, déformé, tronqué les faits réels et entretenu l’ambiguïté sur ce scandaleux coup d’état condamné dans le monde entier. Car Sarkozy, Kouchner et l’UMP sont nostalgiques des faucons de Bush, pas des défenseurs des démocraties montantes en Amérique latine.

PS : Il faut lire l’analyse d’Henri Maler dans Acrimed, qui développe ce qui est résumé ici.

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