Le « Louvre des sables » d’Abou Dhabi, Disney de la culture

Ça affiche beau : « Louvre des sables ». Après avoir installé une branche de la Sorbonne, la France a vendu la marque « Le Louvre » pour 400 millions d’euros aux Emirats arabes unis, comme si c’était un vulgaire Mirage ou un char Leclerc.
C’est le fruit d’un accord signé pour 30 ans en janvier 2008 par Christine Albanel (1). D’un coût total d’un milliard d’euros, le projet devrait être achevé en 2013, conçu et mis en œuvre par une « Agence France Muséum », avec prêt dans les quatre premières années de 300 œuvres d’art par les musées français (Centre Pompidou, Musées d’Orsay, Guimet, Rodin, du quai Branly, châteaux de Versailles et Chambord, Bibliothèque nationale, …). « Construit sur l’eau, il ressemblera à une île recouverte d’une ombrelle d’acier de 180 mètres de diamètre reposant sur trois pieds » selon son architecte Jean Nouvel. Le futur bâtiment de 24 000 m2 sera installé dans une réserve naturelle située dans « l’île du Bonheur (Saadiyat) » qui groupera six institutions culturelles : un Musée en hommage au cheikh Zayed fondateur de la pétromonarchie, un Musée maritime, un campus de l’université de New York, une cité des Arts vivants, un Musée Guggenheim (de 42 000 m2)…
Ces objets culturels seront entourés de deux golfs, de résidences de luxe, sept marinas, des dizaines d’hôtels internationaux, trois ponts, un tunnel, une autoroute à 12 voies, un aéroport.
La « Tourism Development and Investment Company » nous vante joliment l’expression d’une « volonté de dialogue entre civilisations venant d’un pays arabe moderne, désireux de s’ouvrir au monde ». En fait, l’émirat, pays le plus riche de la planète, avec ses immenses ressources pétrolières et son fonds souverain de 875 milliards de dollars, achète « l’après or noir » et s’offre « un sanctuaire de la culture universelle », comme si c’était un Parc Astérix, escomptant porter à 3 millions le nombre de ses touristes à horizon 2015.
Les dessous spéculatifs de toute cette affaire ont peu à voir avec la culture « universelle » : experts, amateurs d’art, directeurs de Musée français ne s’y sont pas trompés, en dénonçant, dés 2007, cette délocalisation, privatisation du Louvre comme « prêteur sur gages ». Car derrière la « disneylandisation » de notre plus grand Musée républicain, il y a surtout des gros sous, de la diplomatie et de la guerre.
Les EAU absorbent 1/3 des exportations françaises au Moyen-Orient. 232 sociétés françaises y sont présentes : aérospatiale, défense, eau et électricité, électronique, BTP, environnement, informatique, télécommunications, transport, luxe… Total est le premier investisseur français. Un Haut fonctionnaire français crachait déjà le morceau dans le Figaro du 23 mars 2007 : « La France, dont les grosses entreprises sont déjà présentes et qui vient de faire une percée formidable avec l’installation de la Sorbonne et bientôt du Louvre Abou Dhabi, a maintenant une vraie carte à jouer pour ses PME ».
La Joconde des sables et des dattiers n’est qu’un mirage : Areva, Thalès, Dassault, EADS, Suez, Véolia, BNP, Calyon, Giat, Gemaco, Saint-Gobain, Dior, Rolex en sourient encore. Derrière la Vénus de Milo, Sarkozy et son Quai d’Orsay déploient un tout autre art : celui de la préparation de la guerre avec l’Iran, la vente d’armes et de Rafales, l’installation d’une base militaire.

(1) celle qui disait de Siné « plus jamais ça », elle préfère le cheikh.

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