L’Europe semblerait venir en secours des grecs mais au prix fort, à 5 %. Moins que les spéculateurs ( à 7 ou 8 %) mais plus que la BCE ( 1 %. Absurde : cela se heurte aux profiteurs qui ont encore de la marge et surtout au peuple grec qui n’a aucune raison de supporter cet arbitraire. L’affaire est à suivre. Et est ce à dire qu’on voudrait nous contraindre a élire demain un Papandréou français ?
Voilà quelques réflexions de mon ami Jean Jacques Chavigné :
Crise de la dette publique
L’Europe des spéculateurs
La « bonne affaire de la dette grecque » titrait le Figaro du 29 mars 2010. Un titre pertinent.
Ce jour là, en effet, quatre jours après le « plan d’aide à la Grèce » adopté par le Conseil de l’Europe, la Grèce refinançait sa dette en émettant des obligations à 7 ans. Le taux de cette émission atteignait 6 % (0,5 points de moins qu’avant le « plan d’aide » à la Grèce, mais 3 points de plus que les taux exigés de l’Allemagne). Ces 6 %, ce sont les citoyens grecs qui les paieront.
Les souscripteurs étaient, pour l’essentiel, des banques européennes qui se sont empressées d’aller mettre ces titres en dépôt auprès de la Banque Centrale Europe et d’obtenir, en contrepartie, des prêts à court terme au taux de 1 %. Les banques spéculatrices restent propriétaires des titres et empocheront les intérêts au taux de 6 % chaque année pendant 7 ans, mais, en même temps, elles retrouvent leurs liquidités à un taux de 1 % seulement. Une marge de 5 % transférée directement de la poche des citoyens grecs dans celles des banques. Une parfaite illustration de la fonction de l’Union européenne née des traités de Maastricht, Amsterdam et Lisbonne. .
Le plan d’ « aide à la Grèce »
La Grèce a une dette publique qui s’élève à 115 % de son PIB. Cette dette est encore plus illégitime que la dette publique français (voir article sur ce sujet) puisqu’elle a augmenté brusquement après qu’aient été dévoilés les artifices déployés par le précédent gouvernement grec, le gouvernement conservateur de Karamanlis.
Comme tout Etat, pour rembourser ses créanciers lorsqu’une partie des titres de la dette publique arrive à échéance, la Grèce doit souscrire de nouveaux emprunts. Et c’est là que le bât blesse. Les spéculateurs n’acceptaient (avant le plan d’ « aide » à la Grèce) de prêter à la Grèce qu’à un taux de 6,5 %, supérieur de 3,5 points aux taux accordés à l’Allemagne pour le même type d’opération.
Un tel taux est une catastrophe pour la Grèce qui voit sa dette augmenter du montant des intérêts dus à ses créanciers (l’ « effet boule de neige »). Il lui faudra donc de nouveau emprunter pour payer ces intérêts et, ainsi de suite. Dans ces conditions l’objectif du gouvernement grec est d’obtenir que ces taux diminuent d’au moins 2,5 points.
Certaines ambiguïtés du traité de Lisbonne (contradiction entre l’article 122-2 et l’article 125) auraient pu permettre à la Banque Centrale Européenne de financer à un taux réduit la dette de la Grèce. Il suffisait pour cela de considérer que la Grèce faisait face à des « évènement exceptionnels échappant à son contrôle ».
Les Chefs d’Etat et de gouvernement des 16 Etats dont l’euro est la monnaie s’y sont refusé le 25 mars. Ils ont préféré adopter leur « plan d’aide à la Grèce ». Ce plan, tout d’abord, est suspendu à la mise en place de mesures de rigueur frappant de plein fouet la population grecque. Il prévoit, ensuite, la possibilité que soient accordés à la Grèce des prêts bilatéraux « coordonnés »des Etats-membres et non de l’Union européenne elle-même. L’objectif de ces prêts serait de permettre à la Grèce de ne pas se retrouver dans « l’impossibilité » de rembourser ses créanciers et de le faire à des taux qui ne soient pas « irraisonnables ». Ces prêts (qui pourraient représenter les 2/3 de l’aide accordée à la Grèce) seraient compléter par des prêts du FMI.
Le problème de la Grèce n’est pas résolu pour autant puisque les taux des prêts accordés ne seront pas subventionnés et incluront une marge due « au risque grec ». Sous l’effet d’un taux maintenu à un haut niveau, la dette publique grecque aura donc beaucoup de mal à diminuer. Ce qui amènera l’Union européenne à exiger de nouvelles mesures d’austérité contre le peuple grec.
L’opacité des termes employés dans ce plan : « impossibilité » de se refinancer, taux « irraisonnables » fait planer un doute sur les modalités de ces prêts, comme sur la volonté des Etats-membres de la zone euro à le mettre en œuvre. Ils auront, en effet, à donner leur accord unanime avant son éventuelle mise en œuvre. Cette opacité laisse une belle marge de manœuvre aux spéculateurs. Jean Quatremer affirmait, à juste titre, dans Libération du 25/03/2010 « Le pistolet chargé sur la table que réclamait le gouvernement grec est chargé, mais à blanc. Autrement dit, les marchés vont pouvoir continuer à se goinfrer aux frais des citoyens grecs ».
Pas l’ombre d’un « gouvernement économique » européen
Nicolas Sarkozy après avoir ressorti le serpent de mer du « gouvernement économique européen », triomphait à la sortie du Conseil de l’Europe, le 25 mars dernier. Le communiqué final utilisait, en effet, pour la première fois le terme de « gouvernement économique ». Mais, horreur, la version en langue anglaise de ce même communiqué ne parlait que de « gouvernance », un terme d’une portée beaucoup plus restrictive que celui employé dans la version destinée à Sarkozy. Mais nul doute que ce dernier aura utilisé son séjour chez Obama pour parfaire son anglais.
L’Union européenne, est, en effet, bien loin d’une forme quelconque de gouvernement économique. Elle n’a même pas été capable de mettre de l’ordre (injuste !) dans sa propre maison sans faire appel au FMI qui ne peut rien décider sans l’accord des Etats-Unis et de sa minorité de blocage. Ce plan démontre, une fois de plus, que l’Union européenne actuelle est incapable de la moindre solidarité. Sa devise devrait être « Un contre tous ! Tous contre un ! ». Ce n’est pas l’Europe solidaire mais celle des « pères fouettards ». Sa seule fonction est de punir les citoyens des Etats dont les gouvernements ne respectent pas (dans sa lecture la plus dure) la « concurrence libre et non faussée » et les limites budgétaires fixées par le traité d’Amsterdam. La seule exception – de taille – à ce dispositif concerne les banques, leurs spéculations et leur renflouement qui s’est effectué sans regarder à la dépense.
L’Europe offerte aux spéculateurs
Cela ne devrait pas surprendre. Une fois balayées les ambiguïtés liées à la lecture de l’article 122-2, le traité de Lisbonne ne laisse que cette seule possibilité à un Etat qui a des difficultés financières.
La clause de « no bail-out » des traités (article 125 du traité de Lisbonne) interdit à l’Unions européenne, comme à tout Etat-membre, de se porter au secours d’un Etat-membre qui connaitrait des difficultés financières. La taille dérisoire du budget européen (1 % du PIB européen) ne laisserait de toute façon aucun moyen à l’Union européenne de mettre en œuvre cette solidarité.
Si l’on ajoute à ces deux facteurs l’interdiction pour la BCE d’opérer un rachat « direct » des titres de la dette d’un Etat-membre, il est facile de comprendre que la seule solution est de faire appel aux spéculateurs dont la libre circulation des capitaux (Acte unique de 1986) a considérablement renforcé la puissance.
Ces spéculateurs, avant la crise de 2008-2009 portaient le nom plus honorable d’ « investisseurs ». La crise a mise à jour leur véritable nature et tout le monde sait maintenant que ces « investisseurs » ne sont en fait que des « spéculateurs ».
Ce n’est pas un hasard, c’est voulu, c’est structurel, c’est l’essence même des traités européens. C’est pour cela que le Commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier s’est déplacé, le 2 mars dernier à la bourse de Londres, pour rassurer les fonds spéculatifs en leur affirmant qu’ils étaient « un aspect important du système financier », qu’ils jouaient « un rôle positif » (les citoyens grecs apprécieront) et qu’ils ne sauraient donc être soumis qu’à « une réglementation et une supervision appropriées».
C’est pour cela que l’Union européenne laisse la bride sur le cou aux agences de notations qui, après avoir déclenché la spéculation contre la Grèce, baissent la note de a dette publique Portugaise et menacent l’Espagne et la France. Ce n’est plus Barroso ou Trichet qui dirigent aujourd’hui l’Europe, mais Fitch rating, Moody’s et Standard and Poor’s. Ce n’est pas nouveau. Mais, hier, cela se voyait moins, même lorsque Trichet imposait, aux dépens de la croissance, des taux d’intérêts élevés pour faire monter l’euro face au dollar. Il faisait, ainsi, d’une pierre deux coups. D’abord il maintenait la valeur du capital de ceux que l’on appelait alors les « investisseurs ». Ensuite, il obligeait les Etats-membres à accélérer les « réformes structurelles » (baisse de la part des salaires, « réformes » des retraites et de l’assurance-maladie, « flexibilité » du marché du travail…) pour pouvoir exporter malgré l’euro cher.
Le plan d’aide à la Grèce vient de donner un nouveau coup de pouce à la spéculation. En accordant, tout d’abord, un délai étonnant aux spéculateurs avant de décider d’un plan d’ « aide à la Grèce ». En mettant, ensuite, en place un plan d’une incroyable imprécision dans les termes employés comme dans les modalités d’application. En faisant appel, enfin, au FMI pour « aider » un Etat dont l’économie ne représente que 3 % du PIB de l’Union européenne, ce qui jette les plus grands doutes sur les possibilités de l’Union européenne de venir en aide au Portugal et surtout à l’Espagne qui est la quatrième économie de la zone euro. Tout cela ne peut qu’inciter les spéculateurs à s’attaquer à ce qu’ils considèrent comme le prochain maillon faible de l’Union, le Portugal, puis à l’Espagne. Ils sont prêts, dans leur seul intérêt, à faire éclater la zone euro, comme ils avaient réussi à faire sombrer la lire et la livre au début des années 1990.
« Stabiliser la zone euro »
Les plans de rigueur qui se multiplient sous la pression des spéculateurs, de l’Union européenne et des gouvernements (conservateurs et malheureusement, socialistes, comme en Grèce, au Portugal ou en Espagne) risquent d’aboutir à l’effet exactement inverse de ce qui est soi-disant recherché, l’assainissement des finances publiques et la stabilisation de la zone euro.
La crise économique, en effet, est loin d’être terminée. Le chiffre du chômage est le meilleur indicateur de cette crise et il ne cesse d’augmenter. Des centaines de milliers de licenciements sont en préparation pour permettre de rétablir les marges des entreprises. Nous ne savons même pas si la crise bancaire ne va pas rebondir un jour ou l’autre puisqu’aux dires du FMI lui-même les banques détiennent encore près d’un millier de milliards d’euros d’actifs toxiques.
Et c’est ce moment là que choisissent les dirigeants de l’Union pour lâcher les spéculateurs et imposer des plans de rigueur qui risquent d’étouffer la demande et donc toute possibilité de reprise économique. Ils prennent ainsi le risque de faire éclater la zone euro, avec tous les dangers d’une telle explosion.
La faute de l’Allemagne ?
La Chancelière allemande, Angela Merkel était, certes, en première ligne pour imposer la lecture la plus dure, la plus bornée, des traités européens.
Mais tous les dirigeants des autres Etats-membres connaissaient depuis belle lurette la position de l’Allemagne : elle n’en a pas changé depuis le traité de Maastricht en 1991.Cela ne les a pas empêché de ratifier les traités européens, en particulier celui de Lisbonne, qui prévoient que les décisions du Conseil européen ne pourront se prendre qu’à l’unanimité et donc avec l’accord de l’Allemagne. Qu’ils arrêtent donc de jouer les innocents et de se retrancher derrière la « femme de plomb ». Ils sont faits du même métal.
Christine Lagarde et le « modèle allemand »
Les réactions de Christine Lagarde, ministre de l’Economie, face au « modèle allemand » sont significatives de l’impasse dans laquelle se trouvent aujourd’hui les néolibéraux qui dirigent l’Europe.
D’un côté, elle tresse des couronnes à l’Allemagne qui « a accompli un extrêmement bon travail au cours des dix dernières années environ, améliorant la compétitivité, mettant une forte pression sur le coût de sa main d’œuvre ». Les salariés allemandes apprécieront.
De l’autre, elle se rend bien compte que cette compétitivité de l’Allemagne pose un problème de débouchés à l’ensemble des autres économies européennes puisque la forte pression sur les salaires allemands a du même coup tari la demande allemande pour les produits français, britanniques, italiens…
La solution qu’elle propose, la baisse des impôts allemands, ne résoudrait en rien le problème mis en évidence par Christine Lagarde. Il ne peut s’agir, en effet, pour cette dernière, comme pour Angela Merkel, que de baisser encore les impôts des riches. Or, les riches consomment peu (en proportion de leurs revenus…) et épargnent beaucoup.
L’embarras de Christine Lagarde est compréhensible, la construction européenne fondée sur la baisse des salaires et la recherche de la compétitivité à tout prix trouve maintenant toutes ses limites. La pression sur les salaires exercée par toutes les économies européennes a abouti à un rétrécissement de la demande globale européenne qui ne permet plus à chacune des économies européennes, quelle que soit sa compétitivité, d’écouler sa production. Les plans de rigueur vont encore aggraver cette situation en imposant chômage, précarité, baisses des salaires et des prestations sociales. L’Allemagne elle-même ne pourra qu’en pâtir puisque ce sont les débouchés de ses exportations qui fondront alors comme neige au soleil.
Choisir entre les spéculateurs et le salariat
Le choix va rapidement s’imposer : il faudra être du côté des spéculateurs ou du côté du salariat. Il faudra choisir son camp : celui des plans de rigueur ou celui des peuples européens.
Les conservateurs européens ont choisi, ils sont du côté des plans de rigueur. Sarkozy va bientôt donner le coup d’envoi du sien avec sa « réforme » des retraites.
Les socialistes grecs, portugais ou espagnols, malgré leurs réticences ont choisi d’obéir aux exigences des spéculateurs et de mettre en place des plans de rigueurs.
Les socialistes et les sociaux-démocrates européens qui ne sont pas encore directement concernés essaient de ménager la chèvre et le chou : des plans de rigueur oui, mais équitables. Comme si le remboursement d’une dette illégitime pour le seul profit des spéculateurs pouvait être équitable. Cette situation ne sera pas tenable très longtemps, il leur faudra choisir. Les mobilisations sociales qui se préparent devraient les aider à choisir le salariat plutôt que les spéculateurs.
Jean-Jacques Chavigné
3 Commentaires
Merci pour cette belle, exhaustive et claire analyse.
Il ne faut donc pas s’étonner que les valeurs bancaires qui étaient en baisse la semaine dernière (car soit disant trop exposées aux « titres grecs ») sont en hausse, en flêche depuis qu’elles sont assurées de pouvoir être volontairement exposées aux mêmes titres, mais avec l’assurance de gagner 4% dessus, sur le dos du PEUPLE GREC.
Que pouvait-on attendre d’autre de la part de l’Union Européenne, lorsqu’on voit la manière dont elle s’est construite depuis le traité de Rome. Déjà à l’époque de la conférence de Messine, Jean Monnet, l’un des négociateurs français, était banquier ! Même si on lui laisse le bénéfice du doute quant à la pureté de ses intentions, le mépris souverain avec lequel les peuples d’Europe ont été traité par ceux qui ont construit ce «machin» révèle la véritable nature des institutions. La démocratie n’en est que le verni, comme Auguste se vantait d’être le restaurateur de la république. Au mieux la convergence des intérêts des peuples d’Europe créera une nouvelle frontière de classe à l’échelle européenne, au pire nous nous enfoncerons lentement dans la domination de l’oligarchie finanicière.
J’ai aimé très intéressant