Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre de la Grèce, a envoyé ce courrier au journal Allemand Handelsblatt:
« Chers lecteurs de Handelsblatt, Je sais d’avance que la plupart d’entre vous ont probablement une opinion déjà formée sur le contenu de cette lettre. Je vous invite, cependant, à la lire sans préjugés. Les préjugés n’ont jamais été un bon conseiller, et encore moins à un moment où la crise économique les renforce, en entretenant l’intolérance, le nationalisme, l’obscurantisme, et même la violence. Avec cette lettre ouverte, je souhaite vous exposer un récit différent de celui qui vous a été fait au sujet de la Grèce depuis 2010. Et je tiens aussi et surtout à exposer avec franchise les projets et les objectifs de SYRIZA, si le 26 Janvier par le choix des électeurs devient le nouveau gouvernement grec. En 2010, l’État grec a cessé d’être en mesure de servir sa dette. Malheureusement, les dirigeants européens ont décidé de faire croire que ce problème pourrait être surmonté par l’octroi du plus grand prêt jamais consenti à un état, sous condition que certaines mesures budgétaires seraient appliquées, alors que celles ci, manifestement, ne pouvaient que diminuer le revenu national destiné au remboursement des nouveaux et anciens prêts. Un problème de faillite a été donc traité comme s’ il s’ agissait d’un problème de liquidité. En d’autres termes, l’attitude adoptée, était celle du mauvais banquier qui, au lieu d’admettre que le prêt accordé à la société en faillite a « sauté », il lui accorde des prêts supplémentaires, prétextant que les anciennes dettes restent servies et prolonge ainsi la faillite à perpétuité. Il s’agissait pourtant d’ une question de bon sens de voir que l’application de la doctrine «extend and pretend» [étendre les maturités de la dette et prétendre que payer les intérêts ne pose aucun problème] dans le cas de mon pays aboutirait à une tragédie. Qu’au lieu de stabiliser la Grèce, l’application de ce dogme installerait une crise auto-alimentée qui sape les fondations de l’UE. Notre parti, et moi-même, nous nous sommes opposés à l’accord de prêt de mai 2010, non pas parce que l’Allemagne et nos autres partenaires ne nous ont pas donné assez d’argent, mais parce que vous nous avez donné beaucoup plus d’argent que ce qu’il fallait et que nous pouvions accepter. De l’argent qui par ailleurs ne pouvait ni aider le peuple grec puisqu’il disparaissait aussitôt dans le trou noir du service de la dette ni arrêter l’alourdissement continu de celle-ci, obligeant de la sorte nos partenaires prolonger ce fardeau à perpétuité aux frais des citoyens. Et cette vérité était bien connue par les gouvernants allemands, mais ils n’ont jamais voulu vous la dévoiler. Et en effet, et avant même que la première année ne se soit écoulée et depuis 2011, nos prévisions ont été vérifiées. L’enchaînement des nouveaux prêts aux réductions drastiques des dépenses a non seulement échoué à dompter la dette, mais il a par surcroît puni les citoyens les plus faibles, en transformant les citoyens ordinaires qui avaient un emploi et un toit à des chômeurs sans-abri qui ont tout perdu, de plus, leur dignité. L’effondrement des revenus a conduit à la faillite de milliers d’entreprises, augmentant ainsi le pouvoir oligopolistique des entreprises qui ont survécu. De ce fait, les prix diminuaient moins que les revenus tandis que les dettes, publiques et privées, ne cessaient de s’alourdir. Dans ce contexte, où le déficit d’espoir a dépassé tous les autres déficits «l’œuf du serpent » n’a pas mis longtemps pour éclore – et les néo-nazis ont commencé à patrouiller les quartiers en semant la haine. Malgré son échec manifeste, la logique de «extend and pretend» continue à s’appliquer systématiquement encore aujourd’hui. Le deuxième accord de prêt de 2012, a ajouté une charge supplémentaire sur les épaules affaiblies de l’état grec, en réduisant les fonds de pension, en donnant un nouvel élan à la récession, en finançant aussi une nouvelle kleptocratie avec l’argent de nos partenaires. Des commentateurs sérieux ont parlé récemment de stabilité et même de croissance à propos de mon pays pour « prouver » que les politiques appliquées ont été efficaces. Aucune analyse sérieuse ne soutient cette «réalité» virtuelle. L’ augmentation récente de 0,7% du revenu national réel ne marque pas la fin de la récession mais sa poursuite, puisqu’elle a été réalisée dans une période d’inflation de 1,8%, ce qui signifie que (en euros) le revenu national a continué de baisser. Simplement, il diminue moins que la moyenne des prix – tandis que les dettes augmentent. Cet effort de mobilisation des «statistiques grecques», pour démontrer que l’application de la politique de la troïka est efficace en Grèce, est outrageant pour tous les européens qui ont enfin le droit de connaître la vérité. Et la vérité est que la dette publique grecque ne peut pas être honorée tant que l’économie sociale grecque se trouve en situation de simulation de noyade budgétaire (fiscal waterboarding) . En outre, persévérer dans ces politiques misanthropes et sans issue, dans le refus de reconnaître une simple question d’arithmétique, coûte au contribuable allemand et condamne en même temps un peuple fier à l’indignité. Et le pire: de cet fait, les Grecs se retournent contre les Allemands, les Allemands contre les Grecs, et l’idée d’une Europe Unie Démocratique est offensée cruellement. L’Allemagne, et plus particulièrement le contribuable allemand qui travaille dur n’a rien à craindre d’un gouvernement SYRIZA. Au contraire. Notre objectif n’est pas d’entrer en conflit avec nos partenaires. Notre objectif n’est pas d’obtenir des prêts supplémentaires ou un blanc-seing pour de nouveaux déficits. Notre objectif est la stabilité économique, des budgets primaires équilibrés et, bien sûr, la cessation des saignées fiscales opérées sur les contribuables depuis quatre ans par un accord de prêt inadéquat aussi bien pour la Grèce que pour l’Allemagne. Nous exigerons la fin de l’application du dogme «extend and pretend» non pas contre le peuple allemand, mais pour le bénéfice de nous tous. Je sais, chers lecteurs, que derrière les demandes d’une «stricte application des accords» se cache la peur que « si nous laissons les Grecs de faire ce qu’ils veulent, ils vont refaire le même coup». Je comprends cette inquiétude. Mais ce n’était pas SYRIZA qui a érigé en institutions dans mon pays la collusion des intérêts privés et la kleptocratie qui feignent de se soucier de l’observation «des accords» et des réformes puisque celles ci ne les affectent pas, comme le démontrent les quatre dernières années des réformes engagées par le gouvernement Samaras sous la direction de la troïka. Nous, nous sommes prêts à entrer en conflit avec ce système afin de promouvoir des réformes radicales au niveau du fonctionnement de l’état, en établissant la transparence de l’administration publique, la méritocratie, la justice fiscale, la lutte contre le blanchissement d’argent. Ce sont ces réformes que nous soumettons à l’appréciation des nos citoyens aux prochaines élections. Notre objectif est la mise en place d’ un New Deal pour l’ensemble de la zone euro qui permettra aux grecs comme à l’ensemble des peuples européens de respirer, de créer, de vivre avec dignité. Avec une dette publique socialement viable. Avec une croissance qui est stimulée par des investissements publics financés – seul moyen de sortir de la crise – et non pas par la recette échouée de l’austérité qui ne fait que recycler la récession. En renforçant la cohésion sociale, la Solidarité et la Démocratie. Le 25 Janvier en Grèce, une nouvelle opportunité surgit pour l’Europe. Ne ratons pas cette chance ». (Traduction:Vassiliki Papadaki)
Quelque soit la manière dont on analyse son projet politique, cette lettre n’est pas le fruit d’un imbécile en matière économique. La position de Tsipras est tout à fait exacte. Et bien que je sois en désaccord avec de nombreux points sur le projet économique de SYRIZA, il n’y a pas un seul point dans ce courrier sur lequel je pourrais être en désaccord. Une règle simple en économie est que ce qui ne peut pas être remboursé ne sera pas remboursé. Et un simple calcul mathématique.montre qu’il est matériellement impossible de rembourser cette dette. Malheureusement, la Grêce doit convaincre 17 autres pays Européens de renégocier sa dette. L’Allemagne et la Finlande on dit non. Et les règles de l’Eurozone impliquent que chaque pays doit donner son accord. La Sanction Mathématique Il n’y a pas que les calculs sur les taux d’intérêts qui posent problème pour la Grece. D’autres conflits se sont ouverts. La Grèce s’oppose à des sanctions sur la Russie, une position avec laquelle j’adhère fondamentalement. Les sanctions créent inévitablement des dommages des deux cotés. Malheureusement, tout comme avec les règles de l’Eurozone, les sanctions Européennes ne peuvent être adoptées qu’à l’unanimité. Concernant les sanctions, 1 vote sur les 28 membres (un nombre plus important que pour l’Eurozone) peut bloquer tout le processus. Ce vote est un levier considérable, particulièrement lorsque les 27 autres pays veulent obtenir quelque chose de vous. Et que seront-ils prêts à offrir en échange ? Est ce que ces situations seront résolues par du bon sens ou par un conflit ? S’il y avait deux parties impliquées, ells pourraient s’entendre. Mais est ce que 19 ou 28 gouvernements différents en Europe pourront se mettre d’accord sur exactement la même chose ? Permettez moi d’être sceptique. Mike « Mish » Shedlock http://globaleconomicanalysis.blogspot.com |
-
Comment résister aux lois Macron, El Khomri et Cie ?
-
« Vive l’entreprise ? » LE CODE DU TRAVAIL EN DANGER
-
Comment résister à la démolition du Code du travail
Comment résister à la démolition du Code du travail
(G. Filoche, en collaboration avec Richard Abauzit.)
Préface de Thierry Le Paon
Aux Éditions Le Vent se lève, collection Ô Rages ! Nouveauté 116 p. 10 euros -
Une vraie retraite à 60 ans
Une vraie retraite à 60 ans c‘est possible
(G. Filoche, J.J. Chavigné)
Jean-Jacques Chavigné et Gérard Filoche ont publié en 2010 « Une vraie retraite à 60 ans c’est possible » (éditions Jean Claude Gawsewitch). Ils publient courant septembre un nouveau livre intégrant la réforme des retraites de 2010, la crise économique et celle de l’Union européenne, l’arrivée au pouvoir d’un Président et d’un gouvernement de gauche…
Lire la suite -
Le choc
Le choc, après Cahuzac
128 p, 9,90 € Éd. Gawsewitch – en librairie le 13 juin (G. Filoche, C. Gispert, JF Claudon)
Le « choc Cahuzac » du 2 avril 2013 a ébranlé toute la France. Ce jour-là, des millions de citoyens ont découvert, abasourdis, une insupportable vérité.
Le chef du Budget fraudait le Budget.
Le ministre chargé de lutter contre la fraude fiscale trichait.
Le ministre de la rigueur l’appliquait aux autres mais pas à lui. Le défenseur intransigeant de la « règle d’or » planquait son or. L’homme qui jouait le « père la morale » n’avait aucune morale.
Lire la suite -
« La dette indigne »
La dette indigne
10 questions, 10 réponses
Par Jean-Jacques Chavigné et Gérard Filoche.Éditions Jean-Claude Gawsewitch, 240 p., 14,90 euros
En 10 questions, 10 réponses, les deux auteurs avancent leurs propositions après un passage en revue détaillé de toutes les solutions présentées : de la restructuration des dettes publiques aux plans d’austérité en passant par la « règle d’or », la sortie de la zone euro, les euro-obligations ou la monétisation des dettes publiques.
-
-
« Au boulot ! », ma chronique dans Siné Hebdo et maintenant dans l’Humanité
-
Pages
-
D&S
www.democratie-socialisme.org
Le site de "Démocratie & Socialisme", la revue dont je suis le rédacteur en chef. -
Articles récents
-
Blogoliste
-
Archives
- mars 2025
- février 2025
- décembre 2024
- novembre 2024
- septembre 2024
- juillet 2024
- juin 2024
- mai 2024
- avril 2024
- mars 2024
- février 2024
- janvier 2024
- décembre 2023
- novembre 2023
- octobre 2023
- septembre 2023
- août 2023
- juin 2023
- mai 2023
- avril 2023
- mars 2023
- février 2023
- janvier 2023
- octobre 2022
- septembre 2022
- août 2022
- juin 2022
- mai 2022
- avril 2022
- mars 2022
- février 2022
- janvier 2022
- décembre 2021
- novembre 2021
- octobre 2021
- septembre 2021
- août 2021
- juillet 2021
- juin 2021
- mai 2021
- avril 2021
- mars 2021
- février 2021
- janvier 2021
- décembre 2020
- novembre 2020
- octobre 2020
- septembre 2020
- août 2020
- juillet 2020
- juin 2020
- mai 2020
- avril 2020
- mars 2020
- février 2020
- janvier 2020
- décembre 2019
- novembre 2019
- octobre 2019
- septembre 2019
- juillet 2019
- juin 2019
- mai 2019
- avril 2019
- mars 2019
- février 2019
- janvier 2019
- décembre 2018
- novembre 2018
- octobre 2018
- septembre 2018
- août 2018
- juillet 2018
- juin 2018
- mai 2018
- avril 2018
- mars 2018
- février 2018
- janvier 2018
- décembre 2017
- novembre 2017
- octobre 2017
- septembre 2017
- août 2017
- juillet 2017
- juin 2017
- mai 2017
- avril 2017
- mars 2017
- février 2017
- janvier 2017
- décembre 2016
- novembre 2016
- octobre 2016
- septembre 2016
- août 2016
- juillet 2016
- juin 2016
- mai 2016
- avril 2016
- mars 2016
- février 2016
- janvier 2016
- décembre 2015
- novembre 2015
- octobre 2015
- septembre 2015
- août 2015
- juillet 2015
- juin 2015
- mai 2015
- avril 2015
- mars 2015
- février 2015
- janvier 2015
- décembre 2014
- novembre 2014
- octobre 2014
- septembre 2014
- août 2014
- juillet 2014
- juin 2014
- mai 2014
- avril 2014
- mars 2014
- février 2014
- janvier 2014
- décembre 2013
- novembre 2013
- octobre 2013
- septembre 2013
- août 2013
- juillet 2013
- juin 2013
- mai 2013
- avril 2013
- mars 2013
- février 2013
- janvier 2013
- décembre 2012
- novembre 2012
- octobre 2012
- septembre 2012
- août 2012
- juillet 2012
- juin 2012
- mai 2012
- avril 2012
- mars 2012
- février 2012
- janvier 2012
- décembre 2011
- novembre 2011
- octobre 2011
- septembre 2011
- août 2011
- juillet 2011
- juin 2011
- mai 2011
- avril 2011
- mars 2011
- février 2011
- janvier 2011
- décembre 2010
- novembre 2010
- octobre 2010
- septembre 2010
- août 2010
- juillet 2010
- juin 2010
- mai 2010
- avril 2010
- mars 2010
- février 2010
- janvier 2010
- décembre 2009
- novembre 2009
- octobre 2009
- septembre 2009
- août 2009
- juillet 2009
- juin 2009
- mai 2009
- avril 2009
- mars 2009
- février 2009
- 0
-
Méta
3 Commentaires
Jusqu’à quel point la « justice sociale » évoquée dans cette lettre concerne les « kleptocrates » tels que les armateurs, l’église orthodoxe et autres grands détenteurs de biens et de ressources dont les intérêts n’ont pas été touchés, en raison d’une crainte légitimé d’évasion totale?
Ces « bons grecs » seront-ils disposés à aider leur « peuple fier » ou vont ils continuer à se nourrir sur leurs concitoyens et sur l’Europe?
L’argumentation de Mr Tsipras est habile et rondement menée. Et pour cause, il est ingénieur. Il maîtrise donc les chiffres. Quand il évoque les désastres sociaux, je l’approuve car il a raison. Sur ce point, la politique de la Troïka est désastreuse.Mais il oublie de rappeler les conditions frauduleuses que la Grèce a employées avec la complicité d’une célèbre banque américaine pour rentrer en Europe. Il oublie aussi de dire que, non seulement les subventions reçues de l’Europe ont été dépensées sans le moindre discernement mais aussi que c’est un sport national en Grèce de gruger le fisc et les institutions sociales à tous les niveaux. Ca aussi il fallait le dire…
mais NON ! pas du tout
la « gréce » n’y est pour rien !
c’est Goldmann Sachs la coupable
et c’est l’oligarchie grecque qui a planqué 400 milliards en Suisse
la dette a été multipliée par 4 sous la dictature 1967-74 des colonels, avec la constitution de 1975 qui dispense armateur et popes d’impôts, avec les achats d’armement (4 sous-marins à 1,4 millds) à Thyssen Krupp, avec les Jeux olympiques de 2004 ( 40 milliards de trou… a « nos » betonneurs)
la dette n’était pas si forte en 2008 ( 100 % du Pib… comme les USA ou la France to day)
elle n’est devenue forte qu’à cause de la politique criminelle de la troîka qui a poussé la dette à 175 % du Pib
La BCE prêtait à moins de 1 % aux banques qui prêtaient à 10 % a la Gréce, les escrocs sont là
la Grèce n’a reçu aucun centime de l’UE, aucun, aucun
pas d’aide
seulement du pillage
ce qui a été versé l’a été aux banques créancières, pas à la Grèce !
c’est criminel d’accuser le peuple grec de « gruger le fisc » : il ne le peut pas !!!! car l’impôt est prélevé à la source et la TVA a été fixée à 23 % par la troïka
mais les armateurs (Onassis, Niarchos..) et l’Eglise orthodoxe eux ne paient pas d’impôts ! distinguez l’oligarchie et le peuple svp !
les institutions sociales ont été brisées … par la troïka
One Trackback
can ho ton that thuyet…
La “lettre ouverte » d’Alexis Tsipras aux citoyens Allemands sur ce qu’on ne leur a jamais dit sur la dette (aux Français non plus) – Le blog de Gérard Filoche…