Droit du travail ou travail sans droit ? Taxis contre uberisation et macronisation !

Entre les taxis et Uber c’est une bataille de civilisation. D’un côté un métier réglementé (plus ou moins bien) de l’autre un métier sans règle.

La pieuvre US multimilliardaire UBER, avec 50 milliards, est partie à la conquête du contrôle de tous les transports individuels des capitales du monde. Pour cela son système est simple : pas de salariés, pas de chauffeurs professionnels, simplement des « sujets » qu’on siffle et qui roulent au forfait, sans droit, sans salaire, sans horaires, sans dignité et sans liberté.
Des volontaires d’autant plus facilement trouvés que les salaires stagnent et que la vie est difficile.
Ces « post esclaves » sont moins bien traités que des esclaves. Les VTC « co-voiturants » (pour faire « cool ») ou les VTC auto entrepreneurs (pour faire faussement juridique) ont ce point commun d’être attachés, non par des chaînes, mais par des appels téléphoniques et, au sifflet, ils font la course commandée, au prix payé calculé d’en haut dont ils gardent un pourcentage pour survivre. A eux de payer cotisations sociales, voiture, assurances, accidents à tout moment, de rouler 70 h.
Uber n’a aucune obligation vis à vis de ces  post esclaves  : pas de « crainte » du licenciement puisque pas de contrat.

Comme dit Attali, « c’est l’avenir, tous les travailleurs vont devenir intermittents, c’est l’ubérisation de la société, c’est la fin du salariat ». « Sauf pour exception talentueuse » prend-il soin de préciser. Plus de code du travail, plus de convention collective, plus rien. Soumission librement consentie, « compliance without pressure » sans contrepartie…

Pour l’heure, c’est « l’illégalité absolue » répond Bernard Cazeneuve et l’interdiction de UBER est même réclamée par les autorités. Il faut dire que les taxis, malgré tous leurs défauts, sont mobilisés et en colère et ça fait peur, car en dépit de leur individualisme, de leur discutable réputation, de leur faible taux de syndicalisation, les taxis sont du bon coté de la barricade juridique ; ils défendent du droit du travail contre le travail sans droit ubérisé.
Le gouvernement semble donc « lâcher » Attali et son « ubérisation ».

Mais la partie n’est pas jouée : car la macronisation, si sa loi passe en 3ème lecture, va prendre le relai de l’ubérisation ! En effet, en modifiant l’article 2064 du Code civil et la loi du 8 février 1995, (article 83) qui renvoie toute relation de travail au code du travail, la loi Macron ouvre la possibilité de contrats civils, commerciaux, de gré à gré qui pourront échapper aux conventions, aux inspections, aux contrôles et aux prud’hommes.

Lisez « L’opinion » qui, comme Attali, prône la fin du salariat. Ecoutez tous ceux qui disent que le Code du travail est obèse : l’offensive générale réactionnaire est lancée, l’épisode TAXIS contre VTC,  c’est cent ans d’histoire et de construction du droit des salariés qui sont en jeu.

Etre contre UBER lucidement c’est être contre Macron-Medef. C’est défendre le salariat et ses droits contre le néo-esclavagisme.

 

 

 

 

annexe

 

Inspecteur du travail : «l’ubérisation de l’économie, c’est Mad Max !»

29 juin 2015 11:46

L'ubérisation de l'économie touchera-t-elle tous les aspects de la vie? (Capture écran Manpower)
L’ubérisation de l’économie touchera-t-elle tous les aspects de la vie? (Capture écran Manpower)

Après avoir fait trembler les chauffeurs de taxi, le modèle économique d’Uber touche aussi d’autres domaines: banque, assurance, loisirs, achats. Rien ne semble échapper à cette ubérisation, ou économie de partage, pas même le code du travail.

Imaginez la journée type dans une économie sous ubérisation. La famille Dupont, plongée dans l’économie informelle, trouve une application qui peut répondre à chacun de ses besoins. Monsieur se rend au travail en commandant un taxi Uber. Madame réserve leurs futures vacances en louant un appartement à des particuliers via AirBnb puis commande le déjeuner sur Mon-voisin-cuisine. L’alimentation en électricité de la maison Dupont se fait auprès d’un particulier qui possède des panneaux solaires. Le petit dernier révise ses cours dans des Mooc. De quoi complétement révolutionner un modèle basé sur le salariat et le classique contrat de travail.

Pourtant Gérard Filoche, inspecteur du travail, voit dans cette nouvelle économie dite du partage, une menace sur les acquis sociaux des salariés et sur le modèle social français.

RT France : Que pensez-vous du nouveau modèle de l’économie qu’on appelle l’ubérisation ?

Gérard Filoche : C’est un recul barbare que cette économie informelle. Cela ressemble à l’économie du tiers-monde. Uber c’est quoi ? Moins de 1000 salariés pour un million de chauffeurs. Le milliardaire américain Georges Soros avait pu parler de «holding sans entreprise». Là, il s’agit d’une entreprise sans salariés. On nous invente des mots pour couvrir ça. On parle d’«économie collaborative». Ce sont des ânneries. Il s’agit d’enlever tous les droits aux salariés : salaires, horaires, santé, couverture sociale, représentativité, les droits liés au licenciement.

RT France : Quelle modèle de société cette économie implique-t-elle ?

Gérard Filoche : C’est une sorte de société Mad max qu’on nous prépare. On nous présente ça comme une avancée alors qu’il s’agit d’un recul social. On retourne à la période post-esclavage, quand on avait dû libérer les esclaves. Pour vivre, il ne leur restait plus que la possibilité de se louer au plus offrant. L’ubérisation de l’économie, c’est ça, c’est retourner à l’époque où le salariat n’avait rien.

En savoir plus : Taxis, VTC, Uber : la guerre de tous contre tous

RT France : Qu’entendez-vous exactement par là ?

Gérard Filoche : Sous l’esclavage, il n’y avait évidemment pas de liberté. Mais le maître assumait la totalité des aspects de la vie de son esclave, de sa naissance à sa mort. L’Ubérisation, c’est payer les gens seulement quand on a besoin d’eux. L’histoire du salariat a été une lutte constante contre cela : en 150 ans, le salarié a bâti, autour de son salaire net, un salaire brut qui lui a permis de bénéficier de logement, d’assurance maladie, accident du travail, chômage retraite. Une partie de son salaire prend en charge et protège sa capacité de travail. Ce que fait Uber est de supprimer ces 150 ans de lutte et ne payer le salarié que pour la tâche accomplie. Le reste n’est pas leur problème.

RT France : L’essayiste et économiste Jacques Attali estime que le modèle futur du salariat est celui de l’intermittent. Qu’en pensez-vous ?

Gérard Filoche : Il essaie de dire quelque chose aux franges libérales et au patronat : transformez tous vos salariés en intermittent, en auto-entrepreneur sur le modèle du chauffeur Uber et vous augmenterez vos marges de bénéfices. Il a la précaution de dire que seuls les plus talentueux resteront salariés. Seuls ceux qui auront des qualifications spécifiques ou des talents particuliers pourront rester salariés, avec la protection que cela permet. C’est une violence sociale inouïe qui s’annonce.

En savoir plus : UberPop contourne la loi et débarque dans 3 nouvelles villes françaises

RT France : Pourtant Uber avance que ce nouveau modèle économique profite au client.

Gérard Filoche : Ce n’est tout simplement pas vrai. Ils fixent les prix de la course à partir d’algorithmes, de façon centralisée. Sur dix euros, deux sont pour Uber, huit pour le chauffeur. Avec cela, ce dernier doit tout payer : l’entretien de sa voiture, son assurance, son essence, sa retraite, sa maladie… Mais si demain le prix de la course varie, sans que le chauffeur puisse dire quoi que ce soit, car les prix varient comme ils veulent puisque ce n’est pas au compteur, que se passera-t-il ? Le chauffeur ne peut rien dire, rien contrôler. Les usagers vont finir par y perdre : au début ils commencent par des prix bas pour casser le marché puis ils vont augmenter la course selon leur seule volonté. Alors que dans le modèle classique, la course est au pro rata du temps et du chemin parcouru.

RT France : Il n’y a aucun avantage à l’ubérisation de l’économie ?

Gérard Filoche : Non, que de la barbarie. Une anecdote personnelle, j’ai pris sans le savoir hier un taxi Uber qu’on m’avait commandé. Le chauffeur travaillait depuis 7h du matin et il était 23h. Il marchait avec plusieurs applications. Il travaillait 7 jours sur 7. Les risques liés à sa santé, les dangers pour le client étant donné les amplitudes d’horaires, le non partage du travail, puisque ce chauffeur faisait facilement 2 temps pleins, tout cela est une aberration… C’est du travail au sifflet, on siffle et la personne doit être disponible.

RT France : Un débat a eu lieu récemment à propos du code du travail que certains jugent dépassé, notamment par rapport à ces pratiques nouvelles qu’induit cette ubérisation. Qu’en pensez-vous ?

Gérard Filoche : Le code du travail est l’indice du développement d’une civilisation. Plus ce code est protecteur, plus la civilisation est protégée. Il y a effectivement un débat en France sur l’idée que le code du travail serait obèse. Or c’est le plus petit code législatif. Je suis un praticien du code du travail depuis plus de 30 ans. Il y 18 millions de salariés. C’est un bon texte qui exprime les rapports sociaux, les luttes dans la société et qui s’est construit par strates. Il est justement protecteur dans le sens où il instaure un socle qui ne doit pas être modifié parce qu’il y a des nouveaux modes de relations contractuels tels Uber.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

2 Commentaires

  1. PERRIN Evelyne
    Posted 4 février 2016 at 1:36 | Permalien

    Cher Gérard, vous êtes très pris et sollicités, mais si le réseau Stop Précarité organise un débat sur uberisation et auto-entreprenariat, seriez-vous disponible pour y intervenir en mars ou avril et à quelles dates ? On le ferait dans une grande salle de la Bourse du travail, et avec d’autres syndicalistes et pourquoi pas aussi avec Coopaname comme alternative à l’auto-entreprenariat, à moins que ce soit 2 débats différents. Merci de votre réponse, Evelyne Perrin tel 06 79 72 11 24

  2. Posted 5 février 2016 at 11:37 | Permalien

    oui, c’est possible, passez par gerard.filoche@gmail.com

One Trackback

  1. Par www.thongtinlachong2.net le 14 décembre 2016 à 23:24

    http://www.thongtinlachong2.net...

    Droit du travail ou travail sans droit ? Taxis contre uberisation et macronisation ! – Le blog de Gérard Filoche…

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