Mon intervention au BN du lundi 29 juin 2015

Je vais commencer par un point que tu n’as pas abordé, Jean-Christophe, avant de parler de la Grèce. Car quoi qu’en disent certains parmi nous, maintenant, c’est bien et toujours les questions sociales et du travail qui sont au cœur des préoccupations de la population, et plus précisément de 93 % des actifs, les salariés.

Il y a une tentative de campagne d’opinion pour faire croire que le salariat n’existe plus ou ne va bientôt plus exister. Voilà que, ce matin dans Les Echos,  Nathalie Kosciusco-Morizet reprend certains délires que Jacques Attali tenait l’autre jour à Europe 1, sur le fait que l’avenir n’est plus le salariat ni le code du travail mais ce serait les « intermittents », les « indépendants », les pigistes, les loueurs de bras, les VTC, notre société serait en voie « d’ubérisation »… Uber /  Uber pop sont en effet est une pieuvre multinationale 50 fois multimilliardaire qui essaie de marchandiser tous les aspects de nos vies, même ce qui relève de nos échanges humains, associatifs et bénévoles. Ils font de l’argent sur ce qui relevait de la fraternité, des collaborations, de toutes les pratiques humaines. Les voilà qui monétisent le co-voiturage ou l’échange d’appartements et demain bien d’ autres services intimes. Et avec quelques plateformes informatiques et une poignée de donneurs d’ordre, ils assujettissent des post esclaves, sans droit, sans loi, sans salaire, sans horaire, sans  dignité, sans liberté.  Leur principe est simple : habiller des relations de travail ordinaires d’une couverture extraordinaire, prétendument moderne : un VTC obéit quand on le siffle et il est payé 17 h par jour et 7 jours sur 7, au forfait et sans cotisations sociales. C’est du travail dissimulé que de prétendre organiser des «co-voituriers» ou faire société hyper lucrative avec des milliers d’«auto-entrepreneurs ».

Ça n’a rien d’une « nouvelle économie », c’est un retour au 19 ° siècle et une préhension financière des formes d’économies informelles qui existent encore partout dans le monde peu développé. Ca casse les droits du travail, les protections sociales. L’OIT s’élève contre ces formes de post-esclavages  depuis des décennies, et souligne que c’est le salariat qui gagne dans le monde,  avec un milliard de salariés en plus en 20 ans, mais des illuminés comme Attali n’hésitent pourtant pas à nous proposer cela comme « modèle », « on sera tous intermittents »  et c’est maintenant approuvé par l’UMP et Gattaz. Bernard Cazeneuve a fort justement déclaré « qu’UBER était dans l’illégalité absolue » et que des mesures de contrôles seraient prises pour le contrôler, le sanctionner  et l’interdire. Espérons le très fort. Le président a dit la même chose.

Mais ATTENTION, il y a contradiction, car je le redis encore, comme je l’ai déjà dit en décembre dernier, en janvier dernier, en mars dernier, ici, devant vous,  et dans la presse : l’article 83 de la loi Macron qui modifie l’article 2064 du code civil et aussi la loi du 8 février 1995 ouvre une brèche géante aux avocats d’UBER : car elle ouvre la porte a des relations de travail qui ne relèvent plus du code du travail. Ce ne sera pas « l’ubérisation » ce sera la « macronisation » mais ce sera pareil. Cela rendra possible des rapports de travail qui se fassent sous des formes commerciales et forfaitaires, sans droit ni loi, sans horaire ni salaire. Je l’ai dis et je vous le redis avant qu’il ne soit trop tard, enlevez cela de la loi Macron, c’est une bombe thermonucléaire contre le droit du travail qui est nichée là.

Ensuite je veux vous dire toute ma surprise de cette invention du Premier ministre qui amende la loi Macron en permettant « trois CDD de suite ». C’est littéralement stupéfiant. Même ceux qui défendaient l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi Sapin du 14 juin 2013, c’est à dire la majorité ici, affichaient qu’ils voulaient lutter contre la précarité, contre les CDD. La « ligne » était que l’on ferait reculer les CDD, qu’ils seraient taxés, il avait été inventé des taxes de 0,5, de 1,5 et 3 % pour « dissuader » les employeurs de recourir à des CDD. J’avais bien dis que c’était insuffisant et qu’il fallait bloquer un quota maximum de CDD et d’intérim, 5 % par entreprise, mais ce fut ainsi, pour lutter contre les CDD, l’ANI les taxa. Mais c’est un retournement à 180 %  aujourd’hui que d’ouvrir la porte à davantage de CDD, notamment pour les jeunes qui en souffrent abusivement de 19 à 29 ans. Autoriser 3 CDD consécutifs n’a aucun sens sinon de modifier les premières formes d’existence du CDI, comme le tenta le « CPE » de Villepin en 2006 : c’est un CPE de 18 mois, gradué avec deux RV pour être viré au gré du patron, sans motif, comme le CPE. On sait que les CDD c’est politique, ce n’est pas économique, ça sert à faire courber l’échine des jeunes,  pas à assurer leur véritable embauche dans un vrai job. On sait que les CDD étaient motivés pour « surcroit exceptionnel de travail » ou « remplacement de salarié absent », là ce ne sera plus le cas, ce sera comme une période d’essai prolongé ce qui était illégal jusque-là. Les organisations de jeunesse ne s’y trompent pas, qui appellent à mobiliser contre ces 3 CDD, et je vous conseille d’ôter ces 3 CDD de la loi Macron.

Et puis il y a cette affaire indigne de « barème » pour protéger les patrons, ceux qui commettent des licenciements abusifs, de sanctions qu’ils méritent et que des juges peuvent leur infliger – à juste titre. Il faut qu’un patron ait peur de se comporter comme un voyou en licenciant abusivement, il ne faut pas qu’il soit rassuré et protégé pour le faire. Je signale que 8 syndicats sur 8 ont lancé une pétition qui remporte un énorme succès contre ce nouvel aspect de la loi Macron 2 ou 2 en 1 je ne sais plus. Parfois on m’a dit ici, oui, mais les syndicats sont divisés, ils ne sont pas tous d’accord, là ils le sont TOUS !  TOUS ! Et on serait sages, en tant que parti de peser pour que le gouvernement retire cela, car c’est une mesure indigne, peut-être anticonstitutionnelle (en ce qu’elle remet en cause le pouvoir des juges) et qui va soulever, sinon, de justes mobilisations.

Maintenant je voudrais dire mon admiration et mon soutien au gouvernement actuel du peuple grec qui résiste aux exigences exorbitantes de Juncker, Schraüble et Merkel.

Plusieurs mois de négociations démontrent que la Commission et l’Eurogroupe ne font pas de l’économie mais de la politique basse et vengeresse : ils exigent des nouveaux et insupportables sacrifices du peuple grec et non  de son oligarchie, ils exigent la hausse des taux de TVA, la baisse des retraites, la casse aggravée du droit du travail et des services publics,  dans un pays qui est déjà exsangue, qui a perdu 25 % de son PIB, où les salaires et retraites ont baissé de 30 à 40 %, dans un pays qui a inutilement été sacrifié, sa santé, son école,  par une politique d’austérité cruelle et absurde dont le seul résultat a été de faire  passer sa dette officielle (mais illégitime) de 100 % de PIB à 177 % de PIB, dans un pays qui a démocratiquement voté pour une autre orientation en confiant le pouvoir à Syriza et Tsipras….

Démocratie ! Souveraineté du peuple grec ! L’Union européenne, la belle union n’est pas créée pour étouffer les peuples mais pour écouter les peuples ! Comment Christine Lagarde se permet elle de dire que le referendum du 5 juillet 2015 est « incredible » et « illégal » ? Comme elle le pensa du referendum de 2005 en France ? Elle qui vit avec 31 500 euros par mois sans payer d’impôt comment ose-t-elle s’en prendre aux 664 euros des retraites grecques alors que là-bas l’impôt est prélevé à la source et la TVA est imposée à 23 % ?  Le FMI ne veut pas que Tsipras baisse les dépenses d’armement mais il exige qu’il baisse le niveau des petites retraites et c’est le FMI qui est revenu empêcher l’accord qui était presque signé la semaine passé. Comment Juncker l’homme des blanchiments d’argent du Luxleaks se permet il de dire que « la démocratie ne permet pas de remettre en cause les traités » ?

Michel Sapin n’a pas raison de dire que c’est Tsipras qui a arrête les négociations en appelant à un referendum lequel serait, de ce fait un « coup de force » de sa part.  C’est l’Eurogroupe qui a fait le coup de force depuis des semaines, et qui a bel et bien exclu le représentant grec de sa dernière réunion (et cela alors que de nombreux membres de l’Eurogroupe se plaignaient que les dernières propositions des Grecs ne leur aient même pas été communiquées par Juncker). En quoi Juncker se permet il de dire ensuite, il y a quelques heures, qu’il appelle à voter « oui » au referendum ? N’est ce pas ce qui doit nous pousser en réaction à appeler à voter « non » ? A soutenir à fond Tsipras et Syriza ?

Rappelle-toi Jean-Christophe quand ici le 27 janvier 2015 tu nous as dit « nous sommes tous Syriza » ? Car il s’agit d’un bataille essentielle pour le droit et la vie des peuples face aux grandes et puissantes banques européennes et face aux néolibéraux qui les écrasent, qui écrasent nos salaires et nos retraites, nos services publics et nos droits du travail !  Nous ne sommes pas « au centre » à équidistance entre Schraüble et Tsipras, entre les bourreaux et les victimes ! Oui il faut ré ouvrir les négociations, arrêter de renverser les rôles et d’accuser grossièrement les Grecs de les avoir interrompues, écouter la voix du peuple le 5 juillet quand il aura dit « non » aux exigences inadmissibles de Juncker et des néolibéraux de l’UE.

Vive le peuple grec, nous sommes à ses côtés et pas aux côtés de ses féroces créanciers !

3 Commentaires

  1. Gilbert Duroux
    Posted 30 juin 2015 at 13:23 | Permalien

    On voit en ce moment, à propos de la Grèce, se reproduire ce qu’on a connu lors du référendum sur le TCE, avec les mêmes chefferies éditoriales qui se mettent en campagne contre ce qu’ils appellent le populisme. Aujourd’hui, si l’on revotait, le non serait encore plus écrasant. Et malgré cela, les éditocrates n’ont tiré aucune leçon. Et quand les journalistes, aujourd’hui, se désolidarisent des politiques, jamais ils ne reconnaissent leur responsabilité, et encore moins leur complicité avec ces mêmes politiques au moment de la campagne du référendum.
    http://www.acrimed.org/article4706.html

  2. Posted 30 juin 2015 at 13:38 | Permalien

    Parmi les divergences qui demeuraient samedi entre les propositions d Athènes (G) et les créanciers (T comme troika) :0,93% hausse Tva (G) /1% pour les créanciers avec suppression des taux réduits pour les îles ! En clair : on tue le tourisme et que fait on de la vie + chère pour les iliens ? Chiche on fait pareil pour la Corse ?

    Réduction dépenses militaires : 200M€ (G) 400M€(T). Plutôt pour mais faut voir l impact sur l emploi.

    suppression des pre-retraites : à partir du 30 octobre (G), immédiatement (T). OK sur le trend mais l application immédiate paraît hard : en France on a mis 10 ans à inverser la tendance et il y a encore pas mal de retraites anticipées qui servent d amortisseurs lors des plans sociaux. Rappelons que l âge effectif de départ à la retraite en France est inférieur à celui effectif en Grèce !

    Suppression de l allocation supplémentaire pour les retraités (EKAS) : d ici fin 2019 (G), suppression immédiate pour 20% et fin totale en 2019. Solution brutale des créanciers et franchement inadmissible quand on connaît le taux moyen des pensions grecques et leur nécessite vitale pour nombre de familles qui survivent grâce à cela.

    Augmentation contribution santé des retraites : + 4 à 5% (G), + 4 à 6% (T). Bien sûr, encore une louche sur les retraites !

    Compagnie publique d électricité : privatisation pour les créanciers !!! Ben tiens c est vrai que ça marche bien les privatisations dans les pays aides par le fmi !! On fait pareil pour EDF ?!

    Introduction d une taxe de 12% sur les profits (au delà de 500M€) pour les entreprises : proposition G refusée par les créanciers !! Surprise, ils préfèrent taper les vieux ! !

    En conclusion, honte à nous français qui soutenons les propositions de la Troïka alors que nous les refuserions pour notre pays. Honte à ceux qui osent faire croire que le gouvernement grec pouvait (et pourrait) accepter ces propositions. Et OXI le 5 juillet

  3. Posted 30 juin 2015 at 18:31 | Permalien

    Bonsoir à tous,
    En complément du message de notre camarade Gilbert Duroux (n° 1), je vous invite à lire l’article intitulé « Référendum en Grèce : les éditocrates et la démocratie en 140 signes », disponible à l’adresse suivante : http://www.acrimed.org/article4709.html
    Solidairement.

One Trackback

  1. Par Grèce et démocratie contre Europe mafieuse le 2 juillet 2015 à 12:57

    [...] Gérard FILOCHE blog :  Mon intervention au BN du lundi 29 juin 2015 [...]

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