Chronique Humanité dimanche Au boulot n°455 La mer et la mine

 

Installés sur une petite table bleue avec deux chaises bleues, les pieds dans l’eau de mer bleue, avec un ciel bleu, on commande de l’ouzo, une salade grecque et des poissons grillés avec du vin blanc. Y a t il plus grand bonheur ? 23° avec un léger vent,  que demander de plus ?

Nous sommes à Serifos. Précisément à Mega Livadi.  La petite baie est enchanteresse.

 

Sauf là bas, des poutrelles qui dépassent sur la mer… un pont d’embarquement, des wagonnets sur les rails rouillés, c’était l’une des mines de fer de l’ile.  Fer qui fut férocement exploité durant 90 ans, de 1866 à 1956.

 

On imagine mal ce qu’était ce mélange de paradis et d’enfer. Ce que cela devait être en hiver glacial, et dans les chaleurs brûlantes de l’été.

A l’origine ce fut une compagnie d’exploitation minière française de Lavri qui passa un accord avec de riches allemands, les Gromman. Leur famille y avait une gigantesque maison de maitres néoclassique, installée là, avec entrée majestueuse, pièces spacieuses, et des cours intérieures fraiches.

 

Emilios puis Georges Gromman volèrent leurs champs pour des bouchées de pain et forcèrent les habitants de l’ile à travailler au fond des galeries. Des ouvriers sont venus d’autres iles, Paros, Karpathos, Amorgos et du Péloponnèse. Jusqu’à 2000 mineurs trimardaient ici pour un  misérable salaire.  Des milliers, faute de sécurité, dans des conditions de travail inhumaines, moururent dans les galeries.

 

C’est le 7 aout 2016 que les mineurs ont refusé de charger le minerai sur un bateau à l’appel de Constantinos Speras, anarcho-syndicaliste,  revendiquant la journée de 8 h, une hausse de salaires et la prise de mesures de sécurité.  Gromman utilisa la police qui donna un ultimatum de 5 minutes aux grévistes avant d’ouvrir le feu et de tuer quatre d’entre eux. Les mineurs et une insurrection des femmes ont riposté et tué deux policiers,  lapidés par la population et ils ont eu gain de cause : une stèle est érigée en leur faveur, à côte de la maison de maitres abandonnée,  et une autre statue à la mémoire du héros, Constantin Spéras.  Les Gromman qui ont ensuite collaboré avec les nazis ont été expulsés, et sont partis faire la même chose en Afrique du sud. Les mines de Serifos ont été fermées en 1963.

 

Vous pouvez aujourd’hui, au coeur de ces lieux,  gouter les délices de la petite table bleue, des calmars grillés, et de la retsina. Le sympathique serveur est un immigré venu d’Albanie.

 

Gérard Filoche

 

 

 

 

 

 

 

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*