Chronique Humanité dimanche Au boulot n°461 Lubrizol : Extension du préjudice d’anxiété

 

Employés, en qualité de mineurs de fond et de jour par les Houillères du bassin de Lorraine, les salariés avaient saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la condamnation de leur employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d’anxiété et du manquement à une obligation de sécurité.

 

La cour d’appel de Metz a rejeté le 7 juillet 2017 les demandes des salariés en considérant les témoignages insuffisants

En audience publique la Cour de cassation, le 11 septembre 2019 casse et annule, en toutes leurs dispositions, les arrêts de la cour d’appel de Metz. Elle cite, ce qui est rarissime, les attestations des mineurs de Lorraine sur leurs conditions de travail. Ils sont en effet très convaincants :

 

« La plupart des mineurs ne portait pas de masques à poussières, certains d’entre nous achetaient des masques en mousse en pharmacie »

« Dans les années 90 on portait des masques jetables ils se colmataient vite avec la respiration et on n’en avait pas assez à disposition et ils n’étaient pas adaptés à un travail physique intense »

« Les différentes sortes de masques présentaient chacun leurs lacunes… distribution limitée au jour »

« En sachant que les buses d’arrosage étaient souvent bouchées car la qualité de l’eau était médiocre ».

« Avec ce qu’il y avait des buses à eau sur les tambours le débit était insuffisant pour éliminer toute la poussière du havage. Même avec des buses bouchées le havage continuait car le plus important était avant tout la production »

« Nous sommes donc descendus par la tête de taille pour accéder à la haveuse en plein abattage, la poussière était tellement dense qu’on n’y voyait pas à 2 mètres. Nous avons progressé jusqu’au pied de la taille pour les essais de serrage au couple en situation réelle, mon masque à poussière était bon à jeter, quand je me suis mouché, le mouchoir était noir »

 

Alors, conclut l’arrêt en Cassation : « en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité »

 

Ce n’est pas le moment de remettre en cause le régime de retraite des mineurs !

Une créance de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la violation de l’obligation de sécurité de résultat est ouverte.

Au-delà de cette grande victoire, l’arrêt offre une surprise de taille. Il étend le préjudice d’anxiété à tous les produits dangereux et toxiques.

De quoi susciter une légitime inquiétude pour les nombreux employeurs concernés. Imaginez chez Lubrisol à Rouen.

 

Gérard Filoche

 

 

 

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