Au boulot dans une pêcherie 60 h par semaine, 15 h par jour

 

« T’imagines, Maman, si elle avait dû bosser 60 heures par semaine. T’imagines.

C’était l’horreur déjà quand il fallait se fader 39 heures de taf à la pêcherie. Les horaires décalés. La vie rythmée par l’usine. Côte-à-côte, sur la chaîne. Alignés. La proximité des corps, l’esprit à la tâche. Quand elle racontait la fatigue, les petits chefs qui houspillaient, l’attente de la pause pour aller faire pipi et cette putain de chaîne qui, jamais, ne s’arrêtait. Ces sardines, ces maquereaux qu’il fallait nettoyer, vider, préparer. Et maman, qui tentait de ne faire juste que ce qu’il fallait. Ni plus, ni moins. Consciencieuse, travailleuse mais lucide. Travailler plus ne faisait pas gagner plus. Les 5 semaines de congés payés en ligne de mire. La retraite en attente. Le vendredi, il y avait une heure de moins à tirer. C’était déjà ça. Le bonheur, la délivrance. Et encore mieux avec les 35 h : ils ont été obligés d’embaucher.

Et puis, il arrivait qu’il faille produire davantage. Parce que la pêche était bonne. Parce que le carnet de commandes était rempli. Alors, ils ré exigeaient 42 h sur cette chaîne infernale. Fatigue, blessure. Pendant que le patron contournait le code du travail peu à peu démantelé, les corps lâchaient. Et pareil, quand « l’activité économique » comme ils disaient, se porte mal.

Maman, si elle avait dû bosser 60 h par semaine, elle aurait fini par être arrêtée par sa toubib, une polonaise venue en Vendée car il n’y avait pas assez de médecins. Elle aurait pu glisser sur un sol détrempé. Se brûler avec l’huile bouillante de cuisson. Elle aurait martyrisé son dos d’être trop longtemps debout.

Ou elle aurait eu un accident de trajet, sur la route départementale pour se rendre à l’usine. Longue ligne droite à 22 h. 23 h. Minuit, pourquoi pas ? Si elle avait embauché à 13 h et qu’il s’agissait de turbiner 60 h par semaine, le compte y est à peine.

Comment elle le supporterait si on lui disait que maintenant le repos est réduit de 11 h à 9 h par jour,  journée de 15 h ?

Et t’imagines si Maman était allée jusqu’à la retraite et qu’elle avait appris que ses anciennes collègues devaient attendre jusqu’à 65 ans et faire 60 h ?

Semaine de 60 h, 44 h de nuit, journée de 15 h, travail le dimanche, congés reportés, c’est dans la « loi sanitaire ». Sous prétexte de coronavirus. T’imagines, Maman, vulnérabilisée par les 60 h ? Elle aurait chopé le virus.

Macron nous a livré à la pandémie par sa politique d’austérité anti-hôpital, et le voilà qui profite de la pandémie pour faire adopter 25 nouvelles ordonnances dont celle sur les 60 h, Maman ne le sait pas, elles ont été adoptées par une « commission mixte » du Parlement avec seulement 7 députés et 7 sénateurs. Maman, ceux là n’iront jamais à ta pêcherie. »

 

Gérard Filoche (merci à Marlène)

 

 

4 Commentaires

  1. Inger
    Posted 28 mars 2020 at 17:22 | Permalien

    Votre interview extrêmement clair sur le système des retraites sur taddei est introuvable, pouvez vous recommencer aussi clairement car cela m’a permis au mois d’août de comprendre le système établi depuis le conseil national de résistance, je vous remercie

  2. Posted 30 mars 2020 at 15:06 | Permalien

    vous avez deux moyens : le mieux c’est d’aller sur u tube et faire gerard filoche, vous retrouverez toutes les videos

    ou vous allez sur notre site http://www.gds-ds.org vous la trouverez aussi,
    mieux
    regardez la « formation » que j’ai faite pour le parti de gauche elle dure 1 h 15 et est trés complète

  3. Posted 30 mars 2020 at 15:08 | Permalien

    Salut Gérard,

    Oui c’est possible avec Jitsi (l’équivalent de Skype, la NSA en moins). Soit par téléphone portable avec l’application (gratuite, casque et micro obligatoire), soit par ordinateur (webcam, caque et micro impératif aussi), sans logiciel à installer, car tout se fait par le navigateur.

    Les connexions doivent être en 4G minimum et internet illimité pour le téléphone, et en fibre optique ou ADSL++ pour l’ordinateur. La personne responsable de Facebook ou de YouTube est la personne qui diffuse et qui gère le système, elle doit avoir une excellente connexion (important).
    D’après mes recherches, la diffusion peut se faire sur YouTube ou sur Facebook avec plusieurs personnes connectées de différents endroits.
    Maintenant, il y a d’autres solutions je pense (peut-être plus simple) que je ne connais pas. Qui peut contacter Mediapart rapidement pour savoir ce qu’il utilise pour leur émission « à l’air libre » ?

    Il faut aussi m’en dire plus sur ce que tu envisages de faire pour voir ce qui existe techniquement.

    En attendant :

    https://jitsi.org/

    Pour diffuser :

    https://jitsi.org/live-streaming-and-recording-a-jitsi-conference/

    Télécharger les applications téléphone :

    https://jitsi.org/downloads/

    La version française basée sur Jitsi existe, mais les explications sont un peu justes et pas sûr qu’il soit possible de diffuser :

    https://framatalk.org/accueil/fr/

    Je vais regarder avec Skype ce qu’il est possible de faire.

    Bien amicalement,

    Stéphane

  4. Posted 30 mars 2020 at 17:58 | Permalien

    CAPITALISME HONEYWELL et PRODUCTION de MASQUES en Bretagne

    L’entreprise de fabrication de masques HONEYWELL a d’abord commencé
    par réduire ses effectifs au fil des années à Plaintel (au sud de
    Saint Brieuc 22). En 2018 (et pas en 2020), ce groupe a licencié ses
    ouvrier.e.s (38 ) pour délocaliser en Tunisie afin de faire encore plus
    de profit à partir d’une main d’oeuvre moins chère !

    Elle a fait de même pour une autre usine à Condé sur Noireau au
    profit de la Roumanie, pays ou l’on travaille le plus en Europe, en
    moyenne 2000 heures par an environ au lieu de 1600 environ en France (cf
    carte européenne du volume de travail salarié) .

    Là ou le volume de travail imposé aux travailleurs et travailleuses
    est très élevé il devient très pénible et très excessif tout à la
    fois pour bien travailler et bien vivre . Il y a un cercle vicieux du
    travaillisme (faire travailler plus celles et ceux qui travaillent
    déjà 35 heures hebdomadaires) surtout pour certains travaux. C’est
    pire encore si au travaillisme s’ajoutent les bas salaires . Avec ce
    cumul, on est alors dans une forte exploitation de la force de travail .
    Il y a alors besoin de syndicats dignes de ce nom pour s’y opposer,
    pour la réduire au maximum . Autrement dit, agir sur les deux plans :
    pour travailler moins (RTT à moins 35 heures hebdo) et pour être payé
    à l’identique, voir plus si sur-exploité avant . Il y a à être
    vigilant sur d’autres aspects.

    Cette exploitation renforcée ne tombe pas du ciel ! On voit que les
    territoires à durée de travail supérieure (à la France) avec des
    salaires inférieurs sont vus comme des paradis extrêmement séduisants
    pour les exploiteurs capitalistes obsédés de gros profits à
    accumuler. La logique capitaliste mondialisée excuse et banalise cette
    forme d’immoralité . Et plus encore avec la financiarisation des
    entreprises et des économies.

    A Plaintel, il y a eu cette même logique de profit capitaliste qui
    écrase toute autre considération, tant le souci des bonnes conditions
    de vie des ouvriers et ouvrières que le souci de mise à disposition
    assurée d’un bien (devenu marchandise) que l’on sait à forte
    valeur d’usage en mars 2020 mais qu’on aurait du conserver en 2018
    comme bien nécessaire au service public de la santé.

    Dans ce monde-là, les salarié.e.s souffrent au travail car on fait
    trop d’heures pour des salaires modestes et souffrent encore d’en
    sortir et d’être au chômage car ils-elles ne perçoivent, soit plus
    rien, soit très peu ! Cercle vicieux dont on doit sortir !

    Reprenons l’activité à Plaintel – voire ci-dessous en fin de
    communiqué – avec une RTT à 32 heures et de bons salaires car ce
    serait alors une entreprise modèle au plan social et au plan du
    bien-marchandise produit.

    Christian DELARUE (militant CGT ) et Serge LE QUEAU (SUD SOLIDAIRES 22)

    Contribution complémentaire :

    Que se cache-t-il derrière la fermeture de l’usine Honeywell de
    Plaintel ? Un scandale d’Etat !

    Fin 2018 le groupe multinational américain Honeywell fermait son site
    de production industriel de Plaintel pour le délocaliser en Tunisie
    licenciant en même temps 38 salarié(es). Cette entreprise, créée il
    y a une cinquantaine d’années et qui compta jusqu’à 300
    salarié(es) avant son rachat en 2010 par Honeywell, au groupe Spirian
    fabriquait des masques respiratoires jetables et des vêtements de
    protections sanitaires en quantité considérable. Sa production était
    de 200 millions de masques par an, soit près de 20 millions par mois,
    fabriqués sur des machines ultras-modernes pouvant produire chacune
    4000 masques à l’heure.

    Non contente de faire appel aux aides de l’Etat pour financer les huit
    plans sociaux que la multinationale Honeywell à mis en œuvre pour se
    débarrasser de ses salariés, Honeywell a pris la décision
    irresponsable en novembre 2018 de détruire ses huit machines en les
    faisant concasser par la déchetterie située sur la zone industrielle
    des Châtelet à Ploufragan.

    Les sections syndicales Cgt et Cfdt de l’usine de Plaintel avaient à
    l’époque, lancé un cri d’alarme pour empêcher la fermeture du
    site et la destruction de leur outil de production. Elles avaient
    multiplié les actions et les démarches pour éviter le pire. Elles
    s’étaient même adressées au Président de la République Emmanuel
    Macron et au Ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Mais ces derniers
    ce sont contentés d’accuser réception de leurs courriers mais se
    sont bien gardés d’intervenir. Ils pensaient sans doute en bon
    libéraux, qu’une intervention de l’Etat ne servirait à rien,
    puisque que dans un monde mondialisé et heureux, la main invisible du
    marché finirait par montrer son efficience pour préserver
    l’intérêt général.

    Aujourd’hui, le retour au réel est brutal et c’est avec stupeur que
    le pays tout entier découvre avec la catastrophe sanitaire du
    coronavirus qu’il ne possède pratiquement pas de stocks de masques,
    pourtant indispensables pour protéger les personnels soignants,
    l’entourage des malades et tous les salarié(es) obligé(es) de
    travailler pour éviter que le pays tout entier ne s’écroule. Pour
    l’union syndicale Solidaires des Côtes d’Armor, la fermeture de
    l’usine Honeywell de Plaintel et la destruction de ses outils de
    production, comme l’inaction des autorités publiques représentent un
    scandale qui doit être dénoncé. La chaine des responsabilités dans
    cette affaire doit aussi être mise en lumière. Les Dirigeants
    d’Honeywell et les autorités de l’Etat doivent aujourd’hui rendre
    des comptes au pays. D’ores et déjà Solidaires a demandé à
    plusieurs Parlementaires de la Région d’interpeller le Gouvernement
    sur ce scandale. Solidaires propose également que le site industriel de
    fabrication de masques de protection sanitaire de Plaintel soit
    récréé en urgence sous un statut d’Etablissement Public Industriel
    et Commercial (EPIC) ou sous la forme d’une Société Coopérative
    Ouvrière de Production (SCOOP). Le personnel compétent et disponible
    existe et ne demande que cela. De l’argent il y en a. La Banque
    Centrale Européenne vient de débloquer 750 milliards de liquidités.
    Que cet argent soit mis en priorité au service de l’urgence sanitaire
    et de l’intérêt général, plutôt que de laisser aux seules banques
    privées le privilège de le prêter ou pas.

    Saint Brieuc le 26 mars 2020.

    Le Bureau Départemental de
    Solidaires des Côtes d’Armor

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