À l’écoute des populations d’outre-mer

 

 

Il y a une grève générale en Guadeloupe qui s’est étendue en Martinique, il y a des mouvements en Guyane, à la Réunion et en Polynésie, il y a une exigence (que nous soutenons) du report de la date du referendum prévue le 12 décembre en nouvelle Calédonie.

Comment répond Macron à toutes ces exigences des départements d’outre mer ?

Comme d’habitude, par le mépris et la répression.

 

Macron a instauré le couvre-feu aux Antilles, il envoyé un escadron de 200 policiers, 70 CRS et10 membres du Raid et GIGN (c’est la première fois depuis les massacres de Pointe à Pitre de 1967) mais Macron n’a envoyé ni des soignants, ni l’argent qui sont nécessaires pour faire face à la crise.

Envoyer 300 hommes armés ça doit couter plus cher que de répondre à certaines revendications. Pour l’outre-mer, avec Macron pas question de « coûte que coûte » aux besoins aggravés par la pandémie du Covid19. Le ministre de Macron, Sébastien Lecornu a fait une visite éclair, le temps de rencontrer la police, de proférer des menaces contre les manifestants, et a refusé d’entendre les causes des 3 semaines de grève générale. Les Guadeloupéens ont été traités d’alcooliques, de superstitieux et même de vaudous. La condamnation de la « violence «  a été exigée comme un préalable à toute discussion. Pire, ils ont essayé de faire diversion en proposant une « autonomie » que personne n’avait mis à l’ordre du jour (les mêmes qui refusent de reporter un referendum sur l’indépendance en Kanakie) !

 

À quoi ça sert le GIGN et l’autonomie sinon à éviter de répondre  aux vrais et incontournables problèmes des Antilles ?

Pourtant les quatre représentants du « collectif contre l’exploitation » LKP (1) guadeloupéen, Elie Domota, du LKP, Maité Hubert-M’touo de l’UGTG, Jean-Marie Nomertin de la CGT, et Max Evariste de F0 (il y a l’unité là-bas) ont remis au ministre Lecornu un cahier de 32 revendications  parfaitement équilibré contre la vie chère, la hausse des prix du gaz et de l’essence et contre le scandale des effets mortifères du chlordécone :

 

°  Fin des arrestations arbitraires, harcèlement des travailleurs, violences policières, condamnations, suspension des contrats de travail et des rémunérations, fermeture des cabinets et suspension des professionnels libéraux. »

Revendications sociales :

  • Le respect de tous les accords signés, y compris celui du SDIS-971, toujours pas appliqué ;
  • L’augmentation généralisée des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite en même temps que l’augmentation des prix ;
  • Le remplacement de tous les départs à la retraite ;
  • L’arrêt des licenciements, dans le privé et des suppressions de postes, dans le public ;
  • L’embauche massive de titulaires, dans toutes les fonctions publiques, à la poste, dans les écoles, à l’université…;
  • L’arrêt de la répression judiciaire et patronale, contre les militants, les travailleurs et les organisations syndicales ;
  • L’abrogation des règles d’indemnisation du chômage ;
  • Le maintien de toutes les primes de vie chère ;
  • L’ouverture de négociations collectives, dans toutes les branches professionnelles, sur les salaires, l’emploi, la formation, la durée du travail, la protection sociale, la priorité d’emploi des jeunes, des chômeurs et des salariés de Guadeloupe, le fait syndical guadeloupéen.
  • La résorption de tous les emplois précaires et des embauches massives, dans le privé ;

Gestion de la crise Covid et la situation sanitaire locale :

  • L’abrogation de la loi du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire ;
  • La suppression de l’obligation vaccinale ;
  • La suppression du pass sanitaire ;
  • Le maintien de la gratuité des tests ;
  • Des protocoles sanitaires stricts, adaptés aux établissements publics et privés ;
  • Des recrutements de soignants et de personnel, dans les hôpitaux et cliniques privées, ainsi que dans le secteur social et médico-social ;
  • La mise en place d’un plan d’urgence pour l’embauche et la formation des jeunes ;
  • Des moyens matériels pour la santé, le secteur social et médico-social ;
  • La mise en place d’un système de santé de qualité pour accueillir et soigner les usagers, dignement et efficacement ;
  • Des mesures immédiates pour approvisionner les établissements en oxygène ;

Revendications des pompiers :

  • Le recrutement de 15 sapeurs-pompiers volontaires (SPV), sur dossier, dans l’immédiat ;
  • Le recrutement de personnel administratif technique et spécialisé (PATS), pour la filière administrative et technique ;
  • La réparation, l’entretien et le renouvellement des engins véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) et fourgon pompe tonne (FPT) ;
  • L’organisation de concours pour les sapeurs-pompiers professionnels, au grade de caporal ;
  • La mise en place d’une nouvelle organisation : 12h00 de travail jour et 24h00 de repos, 12h00 de travail nuit et 72h00 de repos, pour le sapeur-pompier ;

Revendications sociétales et pour le secteur de l’éducation :

  • Des moyens supplémentaires et des recrutements de personnels techniques et encadrant, pour le dédoublement des classes et le respect des mesures sanitaires dans les écoles ;
  • Un bâti scolaire et des équipements sportifs et culturels, rénové au plus vite, conforme aux normes parasismiques et débarrassé des rats ;
  • Un plan d’urgence pour l’eau, pour un accès permanent de tous à une eau potable, buvable, sans pesticide, sans chlordécone, à un prix bas et unique, dans le cadre d’un véritable service public ;
  • Le nettoyage de toutes les citernes dans tous les établissements publics ;
  • La condamnation des empoisonneurs au chlordécone et la dépollution des sols ;
  • La mise en place d’un véritable service public de transport permettant aux usagers de se déplacer à toute heure sur l’ensemble du territoire.

 

Selon l’INSEE le niveau des prix alimentaires est de 32,9 % plus élevé qu’en France métropolitaine,  45 % des guadeloupéens vivent en dessous du seuil de pauvreté, 30 % ont moins de 1000 euros par mois, près de 1 000 morts du Covid, état de délabrement du CHU, sous-équipé, qui ne compte que 35 lits de réanimation, absence depuis des années de politique sanitaire : exemple avec le diabète, une comorbidité très importante ici. Il existe une loi de 2007 sur le taux de sucre dans les aliments : elle n’est toujours pas appliquée, faute de décrets, car l’industrie agroalimentaire s’y refuse, il n’ y a pas de service public de l’eau,  60 % des jeunes sont au chômage et 40 % de tous les guadeloupéens

 

En Martinique qui détient le record du monde de cancers de la prostate, provoqués par le chlordécone, soit 227 cas nouveaux pour 100 000 hommes et le syndicaliste Philippe Pierre-Charles explique les terribles effets du chlordécone mélangés à ceux de la pandémie :

« En février 2020, il a fallu que le peuple se mobilise et manifeste contre l’arrivée de touristes en provenance d’Italie, où l’épidémie flambait à l’époque alors que ce n’était pas le cas en Martinique. Ce sont les menaces de la population qui ont fait que l’avion reparte, les autorités n’auraient rien fait sinon.

Une fois que le virus est arrivé ici, il y a eu une disproportion dans les mesures prises, comme si on voulait rattraper les erreurs passées. Le premier confinement s’est déroulé dans un climat de terreur exagéré alors qu’on n’avait pas beaucoup de cas. Il y a eu une série de mesures plus ou moins à contre temps avec une concertation limitée.

Le caractère contraignant de la vaccination et l’obligation vaccinale, mis en rapport avec l’histoire martiniquaise et notamment le scandale du chlordécone, créent forcément un effet terrible. La population pense que si on veut lui imposer quelque chose, c’est que ce n’est pas bon pour elle. Le caractère colonial de la gestion de la pandémie en Martinique a aussi accentué la défiance de la population envers les autorités. Elles pensaient que faire parler le préfet et le directeur de l’ARS allait suffire. Elles n’avaient pas conscience du niveau de défiance des Martiniquais.

Autre problème, les mesures ont été prises depuis Paris. Il y a même l’un des confinements, ici en Martinique, qui n’a pas été annoncé par le préfet mais par Macron depuis la capitale de l’Hexagone.

Il y a quelques jours, j’ai été en contact avec le préfet au nom du CDMT [Centrale démocratique martiniquaise du travail, syndicat anticolonialiste et anticapitaliste – ndlr]. Je lui ai suggéré d’organiser une confrontation des thèses autour de la politique menée pour lutter contre le Covid. Une confrontation sous l’égide de personnes et de structures qui bénéficient de la confiance de la population. Il m’a répondu qu’il travaillait sur quelque chose, sans préciser ce dont il s’agit.

Quelques jours plus tard sort dans la presse l’information suivante : le préfet met en place un comité citoyen de transparence. En le communiquant de cette manière, il tient à montrer que c’est lui qui a décidé de la chose. Là encore, c’est un réflexe colonial typique.

Les élus locaux ont-ils un poids pour rassurer la population martiniquaise ?

Les élus locaux n’ont pas un grand poids auprès de la population. Il suffit de voir l’abstention assez forte sur le territoire. La CTM [collectivité territoriale de Martinique] a déjà pris position contre l’obligation vaccinale et contre le passe sanitaire. C’est passé relativement inaperçu. Les critiques des élus continuent de tomber parce que cette motion n’a pas été accompagnée d’action collective. Elle n’a débouché sur rien du tout. »

 

Nous ne pouvons que manifester toute notre solidarité avec les grévistes, les syndicats qui combattent contre un tel comportement colonial de l’état-Macron dans les départements d’outre mer.

 

Matti Altonen

 

(1) LKP = Liyannaj Kont. Pwofitasyon, (Collectif contre l’exploitation outrancière), structure guadeloupéenne qui regroupe une cinquantaine d’organisations syndicales, associatives, politiques et culturelles de la Guadeloupe. Ce collectif est à l’origine de la grève de 2009 qui a touché l’Île entre le 20 janvier et le 4 mars. Son porte parole est Elie Domota, le secrétaire général du syndicat majoritaire de la Guadeloupe, UGTG (Union générale des travailleurs de Guadeloupe).

 

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*