1982 – 2022 : Naissance, croissance et mort des CHSCT, pandémie, climat, canicule, accidents au travail

Crées en 1982, la tragédie de la suppression des CHSCT en 2015-2017 s’est ressentie particulièrement face aux accidents du travail, à la pandémie du Coronavirus et face au climat et aux fortes chaleurs.

D’où venaient et qu’étaient les CHSCT ?

Cela faisait 40 ans, en 1982, que les Conditions de travail (CT) avaient été ajoutées aux missions des Comités d’hygiène et de sécurité (CHS) donnant ainsi les CHSCT (comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail). Il y a 20 ans encore, les CHCST étaient la meilleure des instances dont les salariés disposaient face aux risques d’hygiène au travail, de santé au travail et de conditions de travail.

 

Un siècle de combat pour l’hygiène, la santé, la sécurité des salariés

 

La notion de prévention des risques professionnels venait de loin, elle avait lentement évolué depuis le XIXesiècle.

C’est après 1841, qu’ont été prises les premières mesures d’hygiène, de sécurité, de protection du travail des femmes et des enfants avaient été préconisées, suite au célèbre rapport du DrVillermé.

D’abord limitée strictement à l’accident du travail, la prévention a été lentement mais progressivement étendue à tous les éléments ou facteurs susceptibles de porter atteinte à la sécurité physique et mentale des travailleurs.

C’est une loi du 12 juin 1893 qui a étendu un certain nombre de mesures de protection à tous les établissements industriels et à toutes les catégories de travailleurs tout en prévoyant que des règlements d’administration publique devaient déterminer d’autres mesures particulières en matière d’éclairage, d’aération, d’évacuation des poussières et vapeur, etc. Pour la 1iere fois, cette loi définissait la notion de « prévention collective applicable à l’ensemble des travailleurs ». On passait lentement de la responsabilité individuelle du salarié accidenté à celle de l’employeur qui devait prévenir les accidents.

Puis une loi du 9 avril 1898 « concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail » a mis en place une législation spéciale dérogeant aux règles de droit commun en créant une indemnisation à la charge du chef d’entreprise.

En 1923, la Conférence internationale du Travail, adopte une recommandation sur l’inspection du travail qui stipule que pour devenir de plus en plus efficace, l’activité de l’inspection doit s’orienter « vers l’emploi des méthodes de sécurité plus appropriées pour prévenir les accidents et les maladies, pour rendre le travail moins dangereux, plus salubre, plus aisé même, par une intelligente compréhension, par l’éducation et la collaboration de tous les intéressés ».

Un décret du 4 août 1941 (sous Pétain !) institua dans les établissements de plus de 500 salariés et les chantiers du bâtiment et des travaux publics de plus de 100 ouvriers, des « comités de sécurité » composés de l’employeur, du responsable de la sécurité, d’un contremaître, du médecin de l’usine et de délégués du personnel. Ils avaient pour mission de procéder à des enquêtes à l’occasion de chaque accident du travail (ou maladie professionnelle) grave, de s’assurer de l’application des prescriptions législatives ou réglementaires par voie d’inspection, d’organiser l’instruction des équipes d’incendie et de sauvetage et de développer le sens du risque professionnel (les nazis avaient le souci de garantir les conditions de la production dans la France qu’ils occupaient et exploitaient, pillaient). Un arrêté du 17 novembre 1943 étendit cette obligation à la plupart des établissements industriels de plus de cinquante salariés. Si l’on excepte le cas des délégués à la sécurité des mineurs créés par la loi du 8 juillet 1890, ce texte est le premier à mettre en place les premiers délégués du comité de sécurité qui, conforté par le décret du 1eraoût 1947, deviendra le « comité d’hygiène et de sécurité », CHS, c’est-à-dire une commission spécialisée distincte du comité d’entreprise.

 

A la Libération sont créés des comités compétents sur l’hygiène et la sécurité, puis, en 1973, au sein de ces Comités d’entreprise (CE), les Commissions d’amélioration des conditions de travail (CACT).

Puis une loi de 1973 apporte de substantielles modifications :

-d’une part, favorisant l’aménagement du temps de travail par le développement du travail à temps réduit et l’institution d’horaires individualisés ;

-et d’autre part, mettant en place de nouvelles instances de concertation et d’incitation dans le domaine de l’organisation et des conditions de travail et améliorer les mesures relatives à l’hygiène et à la sécurité.

L’apport de la loi Auroux de 1982 :

La loi du 23 décembre 1982 a fusionné l’ancien CHS et la CACT. La loi Auroux ne fut pas un simple apport mais une sorte de bond en avant, une petite révolution, fruit d’une lente évolution historique des CHS.

Le nouveau Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail « Auroux », il y a 40 ans, est devenu juridiquement, le premier acteur chargé de la prévention des risques professionnels dans l’entreprise. Il a, alors, franchi un pas décisif, acquis une réelle indépendance et commencé à se rapprocher davantage d’un comité d’entreprise spécialisé que d’une commission ad hoc chargée de la sécurité.

En 2001, vingt ans après, une enquête de la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques du ministère de l’emploi et de la solidarité (DARES) signale l’existence de 22 000 CHSCT, regroupant 140 000 membres et couvrant 73 % des entreprises concernées (de plus de 50 salariés). Ils sont associés dans leur œuvre de prévention à d’autres acteurs importants comme la médecine du travail, les CRAM, l’inspection du travail, des experts et des formateurs, des spécialistes de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), de l’INRS, l’OPRI, l’OPPBTP, … Et, bien sûr, au premier chef, les organisations syndicales.

Le législateur a entendu, de manière très nette, élargir et renforcer les attributions du comité qui a ainsi vocation à « contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés (…) ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail (…) » (Art. L. 236-2 du Code du travail).

Cette volonté est affirmée par la circulaire d’application du 25 octobre 1983. La compétence unique reconnue au CHSCT doit permettre de favoriser un examen global des problèmes rencontrés, intégrant tant les aspects économiques et organisationnels que la politique de santé ou de sécurité et d’éviter les dysfonctionnements rencontrés antérieurement en raison du partage de compétences entre les deux anciennes instances.

Le CHSCT, ayant compétence sur l’ensemble des conditions de travail, considére que les risques professionnels sont fréquemment le résultat de mauvaises conditions de travail liées à l’organisation du travail ou aux modes de production.

Le CHSCT et le médecin du travail doivent donner un avis sur les mesures à prendre pour l’entretien et le nettoyage régulier des locaux de travail et leurs annexes. Ceci implique les consignes d’utilisation des dispositions prises pour la ventilation des locaux, le mesurage des bruits, les dispositions contre le froid et les intempéries, l’aménagement des vestiaires, des lavabos, des douches ou la liste des postes de travail nécessitant la mise en place de distribution gratuite de boissons non alcoolisées. C’est donc un ensemble très vaste de responsabilités lequel, année après année, va être élargi.

Une autre mission très importante a été ajoutée, qui inclut et dépasse toutes celles qui sont énumérées ci-dessus : « le CHSCT doit être consulté avant toute décision modifiant de façon importante les conditions de travail ». C’est une prérogative essentielle : donner « un avis » sur les changements de poste de travail, les nouveaux modèles de machine, une automatisation, aussi bien que pour l’éclairage, la température, la sécurité des issues, les locaux annexes, vestiaires, cantine, sanitaires, ou encore la réorganisation des services, la redéfinition des tâches.

Le plan d’un nouvel atelier, le réaménagement de bureaux paysagers, par exemple, ne peuvent donc être mis en œuvre par l’employeur sans consultation préalable du CHSCT. Ainsi les salariés doivent être véritablement associés en amont, avant même qu’un plan soit établi, avant qu’une décision soit prise, à l’aménagement de leurs lieux de travail. L’employeur doit informer et proposer, c’est-à-dire consulter le CHSCT « en temps utile » avant d’avoir tranché ou décidé. En cas de non-consultation, le principe de sa responsabilité pénale est engagé. Cela concerne également toute transformation de postes, modification d’outillage, changement de produit, organisation des cadences, et des normes de productivité, liées ou non à la rémunération, toute réorganisation des services, redéfinition des tâches, des équipes, et il y a là un champ immense de responsabilités pour le CHSCT.

Il en est de même lorsque l’employeur envisage un plan d’adaptation ou de mutation technologique, pour des questions aussi diverses que la lutte contre le tabagisme, contre le harcèlement sexuel, le harcèlement moral et pour de nouveaux risques recensés : contre l’exposition à l’amiante, au benzène, aux éthers de glycol, aux pollutions dues aux climatisations, etc.…

On est frappés de l’ampleur des missions attribuées au CHSCT par la loi du 23 décembre 1982 et par toutes celles qui ont été ajoutées, pendant les trois décennies suivantes (mais il est vrai, sans que les moyens d’action pratique initialement accordés n’évoluent au fur et à mesure à la  hauteur de ces développements).

Les membres du comité bénéficient d’une protection en cas de licenciement, identique à celle des représentants du personnel au comité d’entreprise ainsi que, dans les établissements de plus de 300 salariés, d’une formation à la sécurité. La loi uniformise ensuite le seuil de 50 salariés en élargissant l’obligation à l’ensemble des établissements, qu’ils soient industriels, commerciaux et agricoles, à l’exception toutefois des secteurs du bâtiment et des travaux publics où le seuil de création resta fixé à 300 salariés jusqu’en 1991 (date à laquelle, il fut égalementramené au même seuil de 50).

La loi a également modifié de façon sensible la composition des CHSCT, et tout en donnant une place particulière aux intervenants extérieurs (inspection du travail, caisse régionales d’assurance maladie, médecin du travail) elle accorde la primauté aux représentants du personnel qui sont seuls à disposer, avec le chef d’établissement, d’une voix délibérative au sein de la nouvelle institution, les autres participants n’ayant qu’une compétence purement consultative.

Droit de visites, d’enquête, droit d’alerte, droit de retrait, danger grave et imminent, expertises :

La dernière et non moins importante innovation se traduit par l’instauration d’un droit de refus de travailler dans des conditions dangereuses.

Le CHSCT conserve un droit d’alerte en cas de danger, mais c’est désormais l’ensemble des salariés (à titre individuel ou collectif, et indépendamment d’ailleurs de l’existence ou non d’un CHSCT dans l’établissement) qui peuvent se retirer d’une situation dangereuse dont « ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux. »

Les CHSCT sont informés de toutes les situations d’urgence ou de gravité telles que définies aux articles L. 236-7 du Code du travail :

- accident du travail ;

- incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle où à caractère professionnel grave ;

- recherche de mesures préventives dans toute situation d’urgence ou de gravité.

Face à un « danger grave et imminent », le salarié peut cesser le travail. Selon l’article L. 231-8-1 du Code du travail « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie et pour la santé de chacun d’eux ».

Un danger « grave » est un danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée. L’exercice de ce droit n’est pas simple : un simple inconfort ne peut suffire à caractériser un danger grave. Pourtant lorsque la loi utilise le mot « santé », elle implique le stress ou l’épuisement professionnel qui peuvent relever de cadences élevées dans une activité professionnelle courante…

La notion de « danger pour la santé » élargit la notion de « danger grave » : elle implique des risques quotidiens, répétés, inhérents à l’exercice prolongée d’une activité qui, en elle-même, dans un moment donné, ne représente pourtant pas un « risque grave ». Un salarié ne peut user de son droit de retrait au seul motif que son travail est dangereux : les convoyeurs de fond n’ont pas fait usage, en général, du droit de retrait pour la seule raison que leur travail était « dangereux » mais dans certaines circonstances, parce qu’un risque particulier d’agression était accru, étant donné la disposition de guichets ou de banques particulièrement vulnérables.

Le « danger imminent », selon la circulaire du 25 mars 1993 vise « les situations où le risque est susceptible de se réaliser brusquement et dans un délai rapproché ». Mais l’imminence n’est pas le seul critère : par exemple le maintien d’une salariée dans un poste de travail contre indiqué par le médecin du travail, et le fait que l’employeur ne tienne pas compte des modifications du poste de travail demandé par ce dernier, constituent une circonstance où l’on a pu justifier un retrait de la salariée, au nom d’un danger « grave et imminent » (Cass. Soc. 11 décembre 1986, n° 84-42.209, Bull. civ. n° 597).

Ainsi aux notions de danger grave et imminent se sont intégrées des notions ayant trait non seulement à la sécurité, mais aussi aux conditions de travail et à la santé, telles qu’on peut les constater dans la durée (et non pas seulement dans l’imminence, l’urgence).

A propos du « droit de retrait », les juges accordent le droit à l’erreur, selon l’expérience, l’âge, la santé du salarié : il suffit d’un “ motif raisonnable ” de croire à l’existence d’un danger grave et imminent, une fois écartées les erreurs grossières ou encore révélatrices d’une mauvaise foi. Mais le champ est vaste pour les interprétations : un conducteur de grues ayant alerté son chef des risques encourus à cause de vents croissants, a, sur ordre de celui-ci, dû continuer de travailler, un accident grave étant survenu, le tribunal l’a solidairement condamné parce qu’il n’avait pas fait usage de son droit de retrait.

Pour l’exercice du droit de retrait, le salarié doit informer l’employeur de l’existence du danger, justifiant ainsi qu’il se retire de la situation de travail, et de façon à ce que sa responsabilité ne puisse être engagée si un accident du travail survenait à un autre salarié. Il doit également informer le CHSCT ou à défaut les délégués du personnel de l’existence du danger supposé. Le CHSCT dispose, dans ces circonstances de la faculté de mettre en œuvre la procédure d’alerte.

L’usage du droit de retrait est donc articulé avec un devoir d’alerte.

il est même articulé avec la création du « préjudice d’anxiété », le simple risque d’être exposé à des dangers pouvant donner matiére à sanction contre l’employeur (Houillères de Lorraine, Charbonnages de France, Verreries de Givors…)

Le CHSCT a une obligation qui exige de lui une importante responsabilité (donc un besoin de formation, une compétence technique, une disponibilité, une protection dans l’exercice de son mandat, etc..) : il peut constater lui aussi qu’il existe un danger imminent et grave. Ce constat est une sorte de comportement d’expert : il est censé, en tant que CHSCT pouvoir analyser le risque, juger de la gravité de celui-ci, et dès lors, saisir l’employeur oralement et dans un registre particulier conçu à cet effet (R. 236-9 du Code du travail).

Cette procédure d’alerte emporte des effets de droit si le risque vient à se réaliser sans que l’employeur ait répondu à cette alerte.

Le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur est alors de droit pour le salarié, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, lorsque le danger a été signalé par lui-même ou par un membre du CHSCT. En dehors même d’un accident on peut envisager dans ce cas des poursuites pour mise en danger d’autrui (article L. 223-1 du Code pénal).

Cette responsabilité d’un CHSCT est très lourde : l’alerte est un acte entraînant des obligations de l’employeur. Mais pour autant le CHSCT n’est pas doté de pouvoirs propres, il ne peut ordonner l’arrêt d’une machine ou d’une activité. Tout au plus peut-il conseiller aux salariés menacés de faire usage de leur droit de retrait. Il y a dans l’intérêt du salarié, pour sa survie, sa protection, complémentarité de l’acte de « retrait » et de « l’alerte ».

Lors du vote de la loi du 23 décembre 1982  il a été envisagé d’accorder aux membres du CHSCT le pouvoir d’arrêter les machines ou une activité en cas de danger grave et imminent. Le législateur n’a pas retenu cette idée compte tenu des responsabilités liées à l’exercice d’un tel pouvoir inhérent aux prérogatives de chef d’entreprise.

La question reste cependant ouverte : pourquoi avoir accordé un droit de retrait individuel au salarié à ses risques et périls, et ne pas permettre à l’instance collective mandatée et spécialisée, un droit collectif, qui serait évidemment in fine, tout comme le droit de retrait, replacé sous l’autorité de l’employeur… ?

Pourquoi l’instance collective, composée de responsables formés et chargés spécialement des questions de sécurité, n’aurait-elle pas davantage de compétence, d’autorité, et le pouvoir d’organiser le retrait du ou des salariés, en attendant les mesures nécessaires ?

Ne serait-ce pas plus efficace que de laisser le salarié isolé prendre seul le risque de retrait, son jugement individuel pouvant être ensuite contesté ? Sa vie et sa santé peuvent être en jeu, mais le salarié seul, craint aussi pour son emploi : le droit de retrait est certes associé à une certaine protection, mais quelle meilleure protection que la décision soit également prise par un représentant du CHSCT ?

En cas d’alerte, les textes prévoient que l’enquête doit être menée, par l’employeur, avec le ou les membres du CHSCT qui ont signalé le danger, tous moyens devant lui ou leur être donnés pour ce faire, sous peine de délit d’entrave. Cela peut impliquer un déplacement sur les lieux, la mise en œuvre de procédés techniques adéquats, d’analyse, de réunions éventuelles avec les salariés concernés, afin d’identifier les risques et d’ordonner les mesures permettant d’y mettre fin quel que soient leur coût et leur résultat sur la production.

En cas de divergence entre l’employeur et le CHSCT, il est important de souligner que l’employeur est dessaisi de la situation au profit du CHSCT (art. L. 231-9 alinéa 2) : « En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt de travail, de la machine ou de l’installation, le CHSCT est réuni d’urgence et en tout état de cause, dans un délai n’excédant pas vingt-quatre heures ». La décision se prend alors à la majorité des présents.

Parallèlement, l’employeur doit informer l’inspecteur du travail, qui tranche en cas de désaccord persistant. Il s’agit d’un exemple qui relie une action individuelle d’un salarié (retrait), à une action collective d’une institution représentative du personnel (alerte) pour déboucher sur une action de l’administration par le biais de l’inspection du travail. L’inspecteur peut :

-  Soit faire une mise en demeure (L. 230-2 et 5 du Code du travail) constatant une situation dangereuse résultant du non-respect des principes généraux de prévention qui obligent le chef d’entreprise de veiller à la sécurité et à la santé des travailleurs. La mise en demeure est écrite, datée, et fixe un délai d’exécution qui doit tenir compte des difficultés de réalisation des mesures de prévention imposées ;

-  Soit recourir au juge des référés pour supprimer rapidement le danger afin de sauvegarder la vie, l’intégrité physique et la santé des travailleurs. Le juge des référés dispose de mesures efficaces : ordonner la fermeture temporaire d’un chantier ou d’un atelier, la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines dispositifs, produits, ou autres.

Le directeur départemental du travail peut mettre en demeure les chefs d’établissement d’y remédier : lorsqu’il constate une situation dangereuse résultant d’une infraction aux dispositions des articles L. 232-1 et L. 233-1 du Code du travail, notamment dans le cas ou « le risque professionnel trouve son origine dans les conditions d’organisation du travail ou l’aménagement du poste de travail, l’état des surfaces de circulation, l’état de propreté et d’ordre des lieux de travail, le stockage des matériaux et des produits de fabrication ».

On notera que ces trois interventions de l’inspecteur et du directeur du travail, demandent forcément un délai, même si elles sont mises en œuvre avec diligence. Et si le droit de retrait est immédiat, le droit d’alerte du CHSCT relativement rapide, l’action de l’inspection du travail ne peut généralement pas être aussi rapide dès qu’il y aconnaissance du danger  : il faut le temps de la saisine de l’inspection, puis passer par des médiations telles la réunion avec l’employeur, la mise en demeure et ses délais d’application, et/ou la décision du juge, ce qui peut ne pas correspondre aux exigences d’une réaction à un « danger grave et imminent ».

La loi n°92.1414 du 31 décembre 1991 a fait évoluer le régime des mises en demeure de l’inspection du travail, distinguant trois grandes catégories :

- celles qui sont préalables à la mise en oeuvre d’une action coercitive, sauf en cas de danger grave et imminent.

- celles qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un texte réglementaire précis, mais relèvent des principes de la prévention.

- celles qui donnent à l’inspection du travail le pouvoir de faire procéder à des vérifications, contrôles ou analyses par le biais d’un organisme agréé, en vue de connaître plus précisément les risques auxquels les salariés sont exposés, et qui, dans les textes, sont de plus en plus appelées demande de vérification afin de les distinguer des deux autres catégories de mises en demeure.

La mise en demeure s’analyse comme une décision administrative pouvant faire l’objet, en tant que telle, d’un recours hiérarchique ou contentieux, à la différence de la simple observation. Elle présente un caractère obligatoire lorsqu’elle est prévue par la loi mais le recours devant le Directeur régional du travail et de l’emploi (DRTE) a un caractère suspensif.

L’autre aspect important de la prévention mise en œuvre par un CHSCT, selon le droit théorique qui a été accordé et défini, est la possibilité de mettre sur pied des enquêtes, et de faire appel à des expertises.

Pour accomplir sa mission, le CHSCT peut se faire assister de personnes diverses. À titre consultatif et occasionnel, il peut solliciter toute personne qui lui paraît qualifiée. Cette décision est prise à la majorité des présents, l’employeur vote, mais ne peut s’opposer à la décision. Le CHSCT peut faire appel à un responsable de formation, un assistant social, un ou une infirmière, ou un expert agrée dans deux cas :

- lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, est constaté ;

- en cas de modification importante des conditions de travail.

Ces experts sont agréés conjointement par les ministères chargés du travail et de l’agriculture, en fonction de leurs compétences, soit en matière de santé, de sécurité, ou au titre de l’organisation du travail. L’agrément est donné pour trois ans, et de fait, durable. L’expert a accès aux locaux, reçoit toutes informations nécessaires. Dès lors que le CHSCT n’a pas fait un usage abusif de cette demande d’expertise, les frais sont à la charge de l’employeur. Il peut y avoir contestation si l’employeur s’y oppose. En cas de désaccord sur ce dernier point, entre l’employeur et le CHSCT, c’est au juge d’en décider.

Il faut cependant rappeler à cette occasion que le CHSCT ne dispose pas de budget spécifique de fonctionnement, alors c’est le chef d’entreprise qui est tenu donc, selon les besoins, au coup par coup – de lui donner les moyens nécessaires à la préparation et à l’organisation des réunions et aux déplacements imposés par les enquêtes ou inspections.

Contrairement au Comité d’entreprise, le CHSCT ne dispose pas d’un local propre, mais les textes prévoient sans autre précision qu’il dispose au minimum de moyens de rédaction, d’impression, de reproduction, de transmission, et de diffusion des procès-verbaux (panneaux d’affichage) ainsi qu’une documentation juridique et technique adaptée aux risques particuliers de l’entreprise.

C’est peut-être à cause de ce manque de précision sur les moyens disponibles et les difficultés de nommer un expert, que seulement 1 % des CHSCT (sur 22 000) ont fait usage de ce droit.

L’évolution des missions

En premier lieu, la loi a créé des CHSCT dans les établissements du bâtiment et des travaux publics dès lors que ceux-ci ont un effectif égal ou supérieur à 50 salariés ; c’est donc au niveau de l’établissement et non plus à celui de l’entreprise, que le seuil doit être apprécié.

Environnement :

L’accroissement du rôle du comité s’est aussi traduit par l’élargissement de ses missions à la protection de l’environnement ; la loi prévoit en effet, dans les établissements comportant une ou plusieurs installations classées, la consultation du CHSCT, sur les documents établis à l’attention du Préfet. Il s’agit, de lui permettre d’intégrer cette dimension dans ses missions et d’avoir une approche globale de la prévention en raison des recouvrements existants entre les risques professionnels et ceux de l’environnement.

Là, il s’est ouvert tout un champ de compétences qui, dans une transition écologique pour faire face au dérèglement climatique, aurait pu s’épanouir pour aider, contrôler les entreprises et renforcer le pouvoir des salariés.

La formation des représentants du personnel, réservée jusqu’ici aux entreprises d’au moins 300 salariés, a été étendue au bénéfice de l’ensemble des représentants du personnel au CHSCT ; elle doit être renouvelée à l’expiration de deux mandats consécutifs. Le recours à un expert agréé est non seulement possible en cas de risque grave identifié mais, et c’est nouveau, à l’occasion de tout projet important modifiant les règles d’hygiène et de sécurité.

On mesure ce que les CHSCT auraient pu devenir s’ils n’avaient pas été supprimés par Hollande, Rebsamen, Valls, Macron.

Sous-traitance : entreprises intervenantes et entreprises utilisatrices :

Enfin, est apparu le souci du législateur de prendre en compte les risques professionnels liés à l’intervention de travailleurs de plusieurs entreprises sur un même site en fixant une obligation de coopération des employeurs concernés pour la mise en œuvre des dispositions réglementaires sur la sécurité, l’hygiène et la santé. L’objectif est de permettre, par cette coordination, la prévention des risques résultant de l’interférence entre les activités, les installations et les matériels des différentes entreprises présentes sur un même lieu de travail.

Les statistiques nous l’enseignaient déjà : là où il y a le plus d’accidents du travail, c’est là où il y a le plus de salariés en situation précaire (intérim, contrats à durée déterminés, sous-traitance). Quand l’unité de production n’est pas homogène, quand ses caractéristiques ne sont pas celles d’un groupe avec des règles sociales et un fonctionnement régulier des institutions représentatives du personnel, c’est-à-dire quand il y a multiplicité, imbrication de personnels de niveaux et de statuts très différents, les risques augmentent, les accidents et les maladies également.

C’est pourquoi, dés la loi de 1991, le décret n 92-158 du 20 février 1992 (qui modifie le décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977) réglemente les interventions des entreprises extérieures au sein des entreprises utilisatrices. Ce fut un grand pas en avant dans les années 1990 et 2000 qui a été interrompu avec la fin des CHSCT en 2015.

Alors que les entreprises « externalisent » certaines de leurs activités, multiplient les sous-traitances, ce décret précise les responsabilités des entreprises donneuses d’ordre : quand une entreprise extérieure intervient au sein d’une entreprise utilisatrice, il doit y avoir une inspection préalable commune en présence du chef de l’entreprise utilisatrice et celui de l’entreprise extérieure. Cela signifie précisément une rencontre des deux chefs d’entreprise sur le terrain afin d’examiner les risques professionnels encourus lors de l’opération.

Les CHSCT des entreprises utilisatrices et des entreprises extérieures, s’il en existe, doivent être prévenus trois jours au moins à l’avance, de cette inspection commune afin de pouvoir y participer. Ce rôle est important car c’est à cette occasion qu’il est possible de déterminer l’interférence des risques suscités par l’intervention particulière de l’entreprise extérieure. Si l’inspection préalable commune effectuéedans ces conditions, fait apparaître des risques et si l’opération représente une durée supérieure ou égale à 400 h, ou si elle figure sur la liste des travaux dangereux définis par l’arrêté de 1993, un plan de prévention doit être établi conformément aux dispositions de l’article R. 237-7 du Code du travail. Le plan de prévention doit être soumis pour avis au CHSCT. De même, le CHSCT doit être informé des modifications apportées au cours des travaux au plan de prévention.

Dans les évolutions de la sous-traitance des entreprises et l’interpénétration des activités de travail, cette fonction du CHSCT a été amenée à se développer significativement. De grandes entreprises font travailler parfois des centaines, sinon des milliers d’entreprises extérieures, et, dans ce cas, les CHSCT sont destinataires d’autant de plans de prévention qu’ils doivent examiner.

Il s’est posé alors de vastes problèmes de temps (heures de délégation) et de compétences (formation) pour pouvoir, avec efficacité, déceler à la lecture détailléede chaque « plan », les risques encourus et la façon d’y remédier. Il faut notamment s’assurer que ces plans n’ont pas un caractère « automatique », ne sont pas une simple photocopie répétée à l’infini, sans lien réel avec la mission concernée. Des bilans annuels de CHSCT, dans de grandes entreprises témoignent de la difficulté, faute de temps, de moyens, pour exercer cette missionen contradiction avec son importance, puisque, nous le savons, c’est dans ces cas-là, que les risques et les accidents sont les plus fréquents.

Par ailleurs, il se trouve que seul le CHSCT de l’entreprise utilisatrice détient le pouvoir juridique de faire les visites dans les lieux où interviennent les salariés des entreprises extérieures, ce qui accroît cette mission. Une circulaire du 18 mars 1993 a voulu accorder le même pouvoir, de façon réciproque, aux CHSCT des entreprises extérieures, mais elle a été invalidée par le conseil d’Etat qui a précisé que cette mesure relevait de la loi. Ce problème reste lui aussi posé : pourquoi le droit ne serait pas réciproque ? Pourquoi est-ce le CHSCT de la grande entreprise du donneur d’ordre qui a ce pouvoir, alors qu’il y a une moindre fréquence de risque que dans l’entreprise intervenante et que le CHSCT de celle-ci ne peut pas agir de même ?

On aurait pu progresser là aussi au lieu de régresser.

Pendant les travaux, des réunions de coordination doivent avoir lieu. Les membres des CHSCT des entreprises extérieures et utilisatrices doivent y être conviés. Si le chef d’entreprise ne prend pas l’initiative d’organiser ces réunions, la demande motivée de deux représentants du personnel au CHSCT de l’entreprise utilisatrice peut permettre de l’imposer. Parallèlement, deux membres du CHSCT de l’entreprise extérieure, ont le pouvoir de demander à leur propre chef d’entreprise, si celui-ci ne s’y rend pas, d’assister aux réunions de coordination, ou de saisir le chef d’entreprise utilisatrice afin que celui-ci organise les réunions de coordination.

On le voit les CHSCT avaient un immense champ d’action, les salariés (malgré la limite de 2 h de délégation, auxquelles pouvaient s’ajouter des temps d’enquête et de visite) qui y siégeaient avaient une immense responsabilité, l’instance collective réunie trimestriellement en présence du médecin du travail, du représentant de la CRAM, et de l’inspecteur du travail,  en présence de  l’employeur avait une vraie fonction.

Il fallait faire évoluer ce droit des CHSCT positivement

Un avis du Conseil économique et social avait été adopté en ce sens les 13 et 14 mai 1980, il y a donc plus de 40 ans, juste avant les lois Auroux, sur l’hygiène et la sécurité dans le travail (Journal officiel année 1980, mardi 24 juin 1980, rapporteur dans un premier temps, Antoine Antoni puis Georges Denizet, adopté par 121 voix et 26 abstentions.)

Déjà ce document signalait : « La législation, axée initialement sur la réparation, s’est progressivement tournée vers la prévention en même temps qu’elle s’élargissait à l’ensemble des facteurs professionnels qui peuvent porter atteinte à l’intégrité physique ou mentale des travailleurs ».

« Ce souci de prévention est d’ailleurs commun à l’ensemble des pays industrialisés. Un rapport du comité économique et social des communautés européennes en date du 13 juin 1978 note à cet égard : « l’évolution de la technologie moderne est génératrice de risques nouveaux au point qu’il paraît indispensable de procéder à une reconnaissance préventive des causes possibles de dommage et partant de développer une politique globale de prévention et de lutte à l’égard de tous les risques professionnels ».

Cet avis proposait déjà il y a 40 ans, de ne pas relâcher l’effort, « l’insatisfaction étant un devoir ».

Déjà il proposait de mieux connaître les causes, d’évaluer les risques, et dans le secteur public aussi. Il proposait une sécurité intégrée, une information, une formation à la sécurité dans les enseignements, une meilleure harmonisation, des moyens plus importants et une simplification des réglementations de prévention, et la création de CHS partout  où le besoin s’en fait sentir.

Il proposait déjà une meilleure coordination entre l’INRS, l’OPP-BTP, la CRAM, l’ANACT et la MSA. Il recommandait que les effectifs de l’inspection du travail et plus particulièrement de ses corps de contrôleurs lui permettent de répondre sans difficultés aux demandes d’intervention.

Un autre avis a été adopté par le Conseil économique et social en août 2001, « vingt ans de CHSCT »(Gérard Filoche rapporteur, Cf. Journal Officiel septembre 2001) proposait de valoriser les CHSCT, leur donner les vrais moyens d’action qui correspondent à l’ambition de leurs missions, un 2° CE.

Il proposait différentes pistes qui visaient à faire des CHSCT un « 2° CE » avec

- un système d’élections directes des membres du CHSCT comme celui des CE et des DP

- la mise en place de suppléants,

- un alignement par le haut, avec les CE et DP, du nombre des heures de délégation,

- de meilleurs droits en matière de formation (alignés aussi par le haut sur les droits des membres de DP et CE)

- des moyens matériels (finances, matériels, locaux) similaires

- un abaissement des seuils de mise en place de CHSCT (20 salariés ?)

- la mise en place de Commissions paritaires-CHSCT au niveau d’un site ou d’un département pour les entreprises qui n’en disposent pas.

- l’élection et la protection des salariés participant aux CISSCT dans les chantiers concernés;

- la mise en place d’une « obligation de faire » qui donnent des moyens plus importants d’action aux CHSCT (« obligation de faire » : cela pourrait être un mécanisme qui permettrait lorsqu’une majorité de membres du CHSCT se prononce pour une mesure importante et urgente en matière de sécurité, santé conditions de travail, avec l’approbation des personnalités extérieures, d’imposer une mise en oeuvre  plus rapide (avant le CHSCT suivant… ou selon un calendrier semblable aux mises en demeure déjà prévues…) : lorsque l’employeur s’y refuse, dans cette éventualité, il devrait payer une astreinte forte.)

Il s’agissait surtout d’aller de l’avant dans l’implication des salariés dans leur protection collective.

Le but était de réduire l’immense contradiction entre les moyens et les missions des CHSCT et leur permettre de devenir adultes et comparables aux autres institutions représentatives du personnel,  de développer leur existence et leurs moyens dans les entreprises de moins de 50 salariés là où les risques sont plus grands et le besoin de prévention plus fort

Pour les entreprises de plus de 50 jusqu’à 300, l’avis adopte par le CES de 2001 jugeait déjà nécessaire de renforcer les droits des CHSCT de façon à les rapprocher des droits et moyens d’action des CHSCT des plus grandes entreprises.

Pour les moins de 50, il fallait donner les mêmes droits là où ils existent aux DP et là où il n’y en a pas, à défaut, permettre une certaine mutualisation de la prévention au niveau des sites et des branches, peut être selon le principe qui a prévalu à la mise en place des conseillers des salariés ?

Ou sur le système de la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 : celui de la mise en place d’une Commission paritaire d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CPHSCT) (de façon plus avancée car les pouvoirs de ces CPHCST apparaissant très limités puisqu’ils n’ont pas le droit d’enquête ni d’entrée dans les exploitations et entreprises).

Pourquoi ne pas simplifier et unifier le système dans tous les secteurs et notamment dans la fonction publique ?

Enfin développer les ressources de tous les autres organismes concourant également à la prévention des risques, (doubler les effectifs de l’inspection du travail, renforcer les moyens des CRAM, de l’INRS, ANACT et des autres organismes consacrés à l’amélioration des conditions de travail) assurer leur coordination, faciliter les enquêtes, les études statistiques au plus haut niveau.

En ce début du 21° siècle, il n’y a pas de fatalité, alors qu’il y a tant de progrès technologiques, à ce que nous ne puissions pas endiguer la progression du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles, que nous ne puissions pas soulager la souffrance humaine au travail : nous avons, comme l’écrivait le conseil économique et social, il y a 20 ans, un « devoir d’insatisfaction » et, nous ajouterons, des obligations nouvelles de résultats. »

Cet avis adopté à une large majorité par le CES sous le gouvernement de Lionel Jospin ne fut suivi d’aucune application sous les autorités et gouvernements de MM Chirac, Raffarin, Fillon, de Villepin, et Sarkozy.

Mais au moins n’y eut il pas régression juridique jusqu’en 2015.

 


La suppression des CHSCT indépendants par MM. Hollande, Sapin, Rebsamen, Macron et Mmes El Khomri et Pénicaud

C’est terrible à dire mais la suppression des CHSCT produit de décennies de batailles du salariat et de conquêtes de droits nouveaux, a été essentiellement le fruit contre nature d’un président qui s’était fait élire à gauche, François Hollande. Sous sa direction, différentes lois les ont restreints puis supprimés.

Les effets sont terribles :

On comprend quand on relit la liste ci-dessus des prérogatives des CHSCT de 1982 à 2014, tout ce qu’ils pouvaient devenir, au service des salariés et du bon fonctionnement contrôlé des entreprises.  On imagine comment on aurait pu les faire progresser  (et comment on pourrait, on devrait les reconstruire maintenant). Ils étaient immensément utiles et on ne pouvait que se féliciter de leur existence et pousser à leur développement, extension, généralisation.  Notamment dans les domaines de l’égalité femmes-hommes, du combat contre les formes de harcèlement moral et sexuel, contre les violences faites aux femmes, contre les maladies professionnelles (TMS, pollution,  exposition à des perturbateurs endocriniens,  amiante, rayonnements ionisants..) pour la formation aux risques

On ne peut a contrario, que déplorer combien ils ont manqué face à de grands évènements d’ampleur récemment survenus comme la pandémie du Covid19, et le changement climatique.

Même le nombre d’accidents du travail a augmenté (y compris particulièrement celui des jeunes)

1°) sous la pandémie : les CHSCT auraient pu jouer pleinement leur rôle de prévention, d’alerte, de retrait, d’aménagement des conditions de travail. Il n’y aurait pas eu besoin d’un état d’urgence,  de la suppression de tous les droits du travail, et surtout pas de donner tous les droits aux employeurs, ni de briser le secret médical.

On imagine, comment cette instance polyvalente composée des salariés eux mêmes, aurait assurer l’information, la consultation, et prendre démocratiquement les décisions qui auraient pu assurer dans de meilleures conditions l’hygiène, la santé, la sécurité et le travail des salariés. Sur le terrain, au cas par cas, elle aurait été en mesure de suivre l’évolution des tests, de la mise en place des barrières de protection (confinement, télétravail, suivi des arrêts et des reprises, aménagements des horaires et des locaux) et du déroulé des soins (tests, confinements, vaccinations)

D’autres pandémies surgiront : il urge de reconstruire les CHSCT pour y faire face.

2°) face aux dérèglements  climatiques et aux canicules : le code du travail français est vide de toute protection sérieuse face au climat et aux chaleurs.

En Allemagne c’est l’ordonnance ArbStättVO, article 3, paragraphe 1 qui régit les mesures de protection face à la chaleur : le point 3.5 des règles techniques pour les lieux de travail (ASR) régit les conditions au travail selon 3 seuils : 26°, 30° et 35 degrés. L’employeur doit prendre des mesures de climatisation et de modification des horaires et conditions de travail à chacun de ces seuils, et en aucun cas il ne peut dépasser 35°, car au-delà il est prévu que les salariés cessent de travailler.

En France devant le vide juridique, l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) rappelle qu’« au-delà de 30°C pour une activité sédentaire et 28°C pour un travail nécessitant une activité physique la chaleur constitue un risque pour les salariés.

Dans sa recommandation R 226, la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés): « il est recommandé aux chefs d’entreprises de faire évacuer le personnel des bureaux quand les conditions deviennent mauvaises : Température Eté 34°C Hiver 14°C.

Et oui, il faut absolument se protéger : la chaleur tue au travail crampes/syncopes de chaleur, malaises cardiaques, coup de chaleur (température corporelle > à 40,6°C, peau sèche et chaude, pouls rapide et fort, perte de conscience possible), décès possible par défaillance de la thermorégulation : 12 morts au travail par la chaleur en été 2020.

Entre le 1er juin et le 15 sept 2020 il a été reconnu au moins 12 accidents du travail mortels directement « en lien avec la chaleur » : 11 hommes et 1 femme salariés âgés de 28 à 61 ans (âge médian 48,5 ans) Morts survenues principalement à l’extérieur dont 5 en agriculture/sylviculture.

Des mesures légales d’une part et d’autre part négociées par branches et entreprises, sont impératives pour l’adaptation des locaux et des horaires face aux fortes chaleurs.  Mais pour les mettre en œuvre quelle meilleure instance que les CHSCT impliquant à la fois les salariés, l’inspection, la médecine, les experts et l’employeur ? Climatisation, chauffage, modification discutée et consentie employeurs/salariés des horaires de travail…

3°) accidents mortels du travail : depuis la suppression des CHSCT  la courbe des accidents, qui baissait insensiblement depuis deux décennies, a remonté  et la France dépasse l’Allemagne, et elle est devenue  triste « championne » des accidents mortels en Europe : 1800 accidents du travail par jour, 14 morts pas semaine, 550 par an et 700 suicides liés au travail. Et il faut rajouter 4500 handicapés du travail par an.  C’est stupéfiant, en 2019, sur 19,6 millions de salarié-e-s du secteur privé, les accidents du travail concernent 655 715 personnes, dont 62,7% d’hommes et 37,3% de femmes. Rien qu’en 2022, mi-mai y’a déjà 125 morts. Les accidents sont plus fréquents chez les jeunes, les précaires, saisonniers, CDD, intérimaires, auto-entrepreneurs ubérisés, sous-traitants.

Puisqu’on travaille davantage le travail tue davantage. L’intensification du travail dans l’urgence, les tâches polyvalentes et en sous effectifs, et la retraite toujours repoussée, ça tue aussi. Un auto entrepreneur couvreur âgé de 68 ans est mort récemment en tombant d’un toit ! Qu’est ce qu’il y faisait encore à son âge ? Faute d’avoir tous ses trimestres et une pension décente, il était revenu bosser.

La « pénibilité », s’est accrue et il est devenu urgent de reconstruire un vrai droit du travail, avec notamment retour amélioré des CHSCT, une prévention, une médecine et une inspection du travail et un ordre public social protecteur.

« La santé au travail mérite une institution représentative du personnel de même niveau que le comité d’entreprise ou les délégués du personnel. Son mode dedésignation devrait être le même et il devrait pouvoir disposer des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions. » (Liaisons sociales n° 16 de novembre 2000, François Desriaux, rédacteur en chef de la revue Santé et Travail publiée par la Mutualité française.)

Gérard Filoche  le 25  juin 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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