L’hécatombe des institutions représentatives du personnel

 

Dans les années 1990 l’UIMM (union des industries métallurgiques et minières) branche particulièrement réactionnaire du patronat français avait calculé que l’existence des IRP (institutions représentatives du personnel, CE, DP, CHSCT, DP, DS…) augmentait le « cout du travail » d’environ 4,5 % pour les entreprises qui y étaient assujetties. Ils demandaient à ce que ce coût soit abaissé.

Ils ont mis plus de 20 ans, mais ils ont réussi : on est passés depuis les lois Sapin, Rebsamen, Macron, El Khomri, Pénicaud, de 425 000 élus mandatés du personnel à moins de 200 000. C’est une saignée : moins de délégués, moins de syndicalistes, moins d’information et contrôle, les très modestes formes de contre-pouvoir et de démocratie qui existaient dans les entreprises ont reculé férocement dans la dernière décennie sous les coups combinés de Hollande, de Macron et du Medef.

En 2022, 73,2 % des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole ne sont plus couvertes par au moins une instance représentative du personnel, une baisse de moins 8 % sous Macron. Ces entreprises emploient 76,7 % des salariés du champ concerné.

Autrement dit les ¾ des salariés et les ¾ des entreprises qui devaient avoir des IRP n’en ont plus !

Il n’y a plus de délégués syndicaux dans 90 % des entreprises éligibles !

Quant aux commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT ex CHSCT « fondus » sous forme de commission dans les CESE), leur implantation plafonne dans les 5000 entreprises d’au moins 300 salariés, où elle est obligatoire (83,9 % d’entre elles). Elles ne sont mises en place que dans un quart des entreprises de 50 à 299 salariés (25,8 %, en recul d’un point par rapport à 2021).

Couvertures syndicales et par des instances représentatives du personnel élues, en 2022. En %

Entreprises Salariés
Couverture syndicale    
Délégué syndical (DS) 10,9 56,6
Représentant de section syndicale (RSS) 2,1 27,8
Couverture des instances représentatives du personnel    
Comité social et économique (CSE) 36,0 76,6
Conseil d’entreprise (CE) NR NR
Représentants de proximité 1,8 20,2
Commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) 6,8 50,1
Au moins une instance élue 36,2 76,7

NR : non représentatif; le nombre d’entreprises répondantes est trop faible pour permettre une estimation suffisamment précise.
Lecture : en 2022, 10,9% des entreprises disposent d’au moins un délégué syndical (DS) au niveau d’un établissement, de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale (UES), représentant 56,6% des salariés du champ.
Champ : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole en France (hors Mayotte).
Source : Dares, enquête Acemo « Dialogue social en entreprise ».

Abaisser encore les « seuils » :

Macron, Attal et Vautrin ont annoncé vouloir « simplifier » les CE/DP en « bougeant les seuils ».

Ils proposent de passer le seuil d’élection des délégués du personnel de 11 salariés par entreprise, à 20, et le seuil d’élection des Comités d’entreprise de 50 salariés à 250 par entreprise.

Donc au lieu de 207 000 entreprises de plus de 10, et 35 700 entreprises de plus de 50 salariés (3% du total) éligibles à un CE, il n’en restera que 6300 et près de 80 % d’entre elles n’auront plus cette obligation.

Depuis le 1er janvier 2020, pour remplacer les anciens délégués du personnel, des CSE avaient été mis en place (théoriquement !) dans les entreprises de 11 à 49 personnes (à condition qu’un salarié se porte candidat et que le patron laisse faire !) la proposition d’Attal de repousser le seuil de 11 à 21, va écarter plus de 50 % du total de ces entreprises.

Devinette : sachant que, déjà, dans 66 % des entreprises, l’état de droit n’était pas appliqué par les patrons et qu’il n’y aucun salarié élu dans aucune des instances en vigueur, seulement 81 900 des plus de 11 (sur 207 000) avaient réellement un CSE, combien va-t-il en rester après cette hausse des seuils ?

Moins de 9% des entreprises éligibles de plus de 50 ayant actuellement un CSE et ne couvrant que 19,3 % des salarié concernés, si la loi Vautrin passe avec les seuils à 20 et à 250, ce sera joué, le libertarien Macron entre 2015 et 2024, aura eu la peau de plus de 90 % des institutions représentatives du personnel.

Exit 75 ans de représentation du personnel dans les boites !

C’est une défaite en rase campagne pour l’ensemble du salariat. La revanche est à prendre et s’impose !

Gérard Filoche

 

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