Macron agent d’Uber

 

À peine révélée dans la grande presse avant l’été, la trahison de Macron est bien trop vite passée à la trappe. Et pourtant ce n’est pas une mince affaire qu’un ministre de l’Économie en exercice, dès 2105 se soit fait le complice masqué d’une entreprise de démolition du statut du salariat comme Uber.

Ca vient de loin, des 316 propositions de la commission Attali mise en place par Sarkozy, de la volonté de casse du statut des taxis, le but étant de libéraliser totalement leur métier en faisant d’eux des esclaves d’une plateforme donneuse d’ordre. Dès sa 1e loi 2015 Macron cachait dans ses 106 articles un « bug » : il supprimait subrepticement l’article 2064 du Code civil qui excluait le droit du travail des conventions amiables, permettant le rapprochement du contrat de travail d’un contrat commercial, et attribuant aux  simples tribunaux d’instance la fonction jusque là dévolue aux prud’hommes. Le Monde diplomatique d’avril 2015 voulut bien m’entendre lorsque je dénonçais ce point précis : en douce Macron frayait le chemin d’Uber.

 

Avançant masqué, Macron était déjà le lobbyiste d’Uber alors même que le gouvernement Hollande-Valls n’allait pas encore jusque là. Dans son livre « Révolution » de 2017, il en révélait davantage en se prononçant à la fois pour « la suppression des cotisations sociales », pour une « France start up », pour une « société sans statuts » et pour « une société post-salariale ». En fait c’était l’énoncé d’un programme libertarien, sans code du travail, sans protection sociale, sans garanties d’emploi. Nous fumes peu nombreux à le dénoncer clairement : des millions d’électeurs ne perçurent même pas le danger.

Contrairement à ceux qui le peignent en girouette, Macron a une vraie ligne politique : celle « d’ubériser » la société française. Il a commencé par casser le Code du travail, les institutions représentatives du personnel (il a diminué par deux le nombre des DP, DS, CE, CHSCT, il y en avait 425 000 il en reste 200 000). Il a fait reculer de 2 % le nombre de salariés déclarés par rapport aux indépendants et « auto entrepreneurs ». Il a permis les contournements des durées du travail quotidiennes, hebdomadaires et annuelles, forfaits, saisonniers, intérim, CDD, sous-traitance, et remis en cause les repos quotidiens et du dimanche. Il a affaibli les prud’hommes, l’inspection et la médecine du travail. Il a baissé toutes les cotisations sociales, ce qui revient à tuer le principe qui fonde la Sécu. Les dérogations multiples et le choix d’attribuer des « primes » sabotent gravement le versement du salaire brut et super brut par les patrons.

Bref Macron préfigure et encourage tout ce que pratique Uber de façon illégale. Il vise à ramener le salariat aux anciens statuts de loueurs de bras, de journaliers, de tâcherons. Les VTC travaillent 14 h par jour et 60 heures par semaine pour un Smic. Macron l’a théorisé : « Je préfère que les jeunes travaillent chez Uber qu’être dealer à Stains »  C’est d’un très grand cynisme : plutôt Uber que dealer, plutôt travail illégal que pas de travail, plutôt nourri par une mafia que pas nourri !  Ken Loach a bien illustré, dans son film « Sorry we Miss you » comment ça casse toute la vie.

Uber tente de faire régner ce système partout dans le monde et ça lui rapporte des milliards : ces brigands des plateformes font travailler des pauvres hères, VTC assis 15 heures par jour dans leurs berlines en leasing, ou Deliveroo des pédaleurs livreurs aussi bien dans les canicules que dans le froid de l’hiver. Ils les paient à la course, ils n’ont aucune des garanties d’un contrat de travail, pas de Sécu, pas de Smic, pas d’horaire, aucune protection. Ils les poussent à rouler tellement vite qu’ils les tuent comme ce jeune homme de 16 ans mort écrasé par un camion à Lille avec un sac Deliveroo sur le dos. On en est au douzième mort dans ce « métier » et ce n’est pas reconnu comme des accidents du travail.

Pourtant Uber, représente un tel esclavage qu’il a perdu des procès partout dans le monde : en Californie, le 4 novembre 2020, en même temps que l’élection présidentielle aux US, celle où Biden a battu Trump, il y avait d’autres votations et referendums, et Uber a dépensé 200 millions de dollars pour « gagner » le sien, connu sous le nom de « l’article 22 ». Il permet que ses chauffeurs ne bénéficient pas des droits des salariés. Uber a suffisamment dépensé et manipulé l’opinion pour obtenir 58,6 % de voix. Joyeux de l’article 22 l’Uber californien s’est dit prêt à faire passer le même genre de loi dans toute l’Europe. Mais ils ont été heureusement bloqués, à Madrid, aux Pays-Bas, à Londres, à Francfort, à Milan, à Bruxelles et même à Londres. Et un juge californien, Frank Roesch, a déclaré le referendum de novembre 2020 « anticonstitutionnel »  et son résultat inapplicable parce qu’il « limite le pouvoir d’une future législature californienne a définir les conducteurs des applications mobiles comme des travailleurs reconnus par la loi sur les compensations dues aux travailleurs ».

Le Parlement européen le 12 septembre 2021 a émis un avis reconnaissant « la présomption de salariat » pour les travailleurs victimes des plateformes.

Même en France, un tribunal, le 16 mars 2022 à Paris a condamné Uber à de fortes amendes (375 000 euros) et peines de prison (dix mois) avec sursis pour travail dissimulé, illégal, fraude aux URSSAF, et les contrats des salariés ont été requalifiés, selon les juges, en contrat de travail ! Fini le paiement à la tâche, fini le labeur épuisant du jour et l’incertitude du lendemain. 86 ans après 1936, il est possible que les congés payés soient rendus à des dizaines de milliers de salariés. La retraite aussi. 76 ans après la mise en place de la grande Sécurité sociale, il devient possible de la rendre à des milliers de livreurs et chauffeurs, avec un salaire net et brut.

Mais l’obstacle c’est Macron : les gouvernements Philippe, Castex, Borne ont refusé de donner suite à tous les jugements et de légiférer, ils se sont démenés pour faire comme s’il ne s’agissait que de jurisprudences égarées, et malgré tous les constats, rapports, procès-verbaux de l’inspection du travail, continuent de protéger le système Uber.

C’est donc bien, après les juges, après l’Europe, le combat contre LE protecteur n°1 d’Uber qu’il faut mener : Macron !

L’acharnement de Macron prouve la vigueur de son engagement idéologique auprès d’Uber, et confirme qu’il y a des liens profonds entre eux. Une rumeur explosive court dans les médias anglophones, étayée par des documents difficilement contestables : il a profité de sa position au ministère de l’Économie pour favoriser Uber (et McKinsey) qui ont ensuite travaillé gratuitement pour sa campagne. C’est une bombe. C’est là que la presse doit cesser de se taire et que le journalisme d’investigation a toute sa place. Il y a tous les éléments d’une trahison du droit et de corruption liés.

Gérard Filoche

 

 

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