Amnistie sociale, pas de fausse symetrie

Amnistie sociale

C’est incroyable, les grands médias s’émeuvent de l’amnistie de syndicalistes mais pas des délits patronaux : le Medef qui s’indigne contre quelques militants qui ont forcé des portes pour se faire entendre, lui, il détournait 600 millions d’euros dans une caisse noire, révélée en 2007 ! C’était des détournements en bande organisée de biens sociaux, une double comptabilité dans les entreprises, un trafic d’influence et de salaires en liquide (versés par le Président de l’UNEDIC d’alors qui était pourtant chargé de veiller aux rentrées de cotisations sociales ! C’était un Cahuzac avant l’heure). Cet argent servait à casser les grèves. De « l’argent sale » avait dit Laurence Parisot, avouant « beaucoup savaient inconsciemment ». Mais eux ils ne risquent pas de demander l’amnistie, car 6 ans après ils ne sont toujours pas jugés ! Pourtant n’importe quelle bande organisée de voleurs de mobylettes en banlieue, pour beaucoup moins que ça, aurait été placée sous les verrous.

Si nous avons des congés payés, c’est parce qu’il y a eu des occupations d’entreprise et des séquestrations de patrons ! L’histoire du syndicalisme, ça a été d’abord la lutte pour exister lorsqu’il y avait des massacres contre les ouvriers, depuis le 1er mai 1891 à Fourmies. Si on a une retraite et une Sécu, c’est qu’il en a fallu, des piquets de grève, des échauffourées et les militants ont été plus souvent humiliés, matraqués, licenciés que violents eux mêmes  !

L’UMP réclamait il y a quelques semaines l’amnistie pour les fraudeurs fiscaux ! Il y a 590 milliards d’avoirs français dans les paradis fiscaux, 60 à 80 milliards de fraude fiscale, mais là ils demandent l’amnistie, ils n’arrêtent pas les gens, ils ne les condamnent pas, ils ne reprennent pas l’argent fraudé.

On nous dit : « - On n’amnistie pas les syndicalistes aujourd’hui pour que demain les fraudeurs fiscaux ne soit pas non plus amnistiés ». Il n’y a pas symétrie entre ceux qui défendent notre pain et ceux qui volent notre pain. Pas davantage entre ceux qui défendent nos droits et ceux qui les piétinent.

Il n’y a pas d’égalité dans les entreprises, un contrat de travail c’est un lien de subordination juridique permanent, c’est terrible, c’est difficile de défendre ses droits du travail, son salaire, sa promotion, sa carrière, sa dignité, sa santé, c’est pour ça qu’il y a si peu de syndicalistes, ils sont courageux, ce sont des héros ! Qu’on se souvienne de ceux à Peugeot Sochaux dont il a fallu redresser la carrière parce que pendant 25 ans ils avaient suivi préjudice, ils étaient moins payés, moins bien traités alors qu’ils défendaient les droits républicains dans l’usine. Les patrons, eux, se sont se goinfrés sans être jamais poursuivis.

Il y a des centaines de milliers de syndicalistes, qui se lèvent tous les matins, sans avoir l’intention de séquestrer leur patron, et puis un beau jour devant l’inhumanité de l’exploitation, la souffrance au travail, le fait d’être virés sans contrôle sans recours, ils « craquent » ! Hé bien ce sont des soulèvements nobles, et quelques temps plus tard, on leur rend hommage parce que c’est ainsi que l’histoire sociale avance !

Gérard Filoche

 

Pour une amnistie asymétrique

On nous dit, « pas d’amnistie pour les syndicalistes, car c’est plus juste pour établir une « symétrie » avec les patrons et fraudeurs fiscaux ».

Mais non, il n’y a pas symétrie, il n’y a pas égalité entre ceux qui exploitent et ceux qui sont exploités. Entre les malheureux qui se soulèvent un jour et ceux qui se goinfrent tous les jours. Entre ceux qui défendent notre pain et ceux qui nous l’ôtent de la bouche. Entre ceux qui réclament leurs salaires et ceux qui les pillent sans rien faire. Entre celui qui perd sa vie à la gagner et celui qui la gagne sans la perdre. Entre l’argent de la sueur et l’argent reçu en dormant.

Sous René Coty, il n’y avait pas d’amnistie en droit du travail. Sous De Gaulle non plus. Cela a commencé après mai 68, en 1974 avec Giscard d’Estaing. Cela a été renforcé sous François Mitterrand en 1981 avec un “équilibre” entre l’amnistie des employeurs et celle des « 10 de Renault ». Pareillement en 1988. Enfin le niveau de l’amnistie a été encore plus élevé en 1995 avec Jacques Chirac 1er.  Puis, d’un seul coup, une nouvelle théorie est apparue, il ne fallait plus amnistier… les syndicalistes !  « Chaque délit chaque infraction doivent être sanctionnées, c’est ce qu’on appelle « tolérance zéro » se met à raconter Jacques Chirac le 14 juillet 2001.

Ainsi le premier pas du combat contre “l’insécurité ” a été de s’en prendre aux acteurs des luttes sociales. Comme par hasard, c’est le salarié qui a tout pris sur la tête.  En 2002, en 2007 et en 2012, plus d’amnistie !

Pourtant l’injustice est creusée ispso facto, et jusque là, précisément l’amnistie des syndicalistes servait à corriger une asymétrie. Tous les patrons qui ont volé leurs salariés, par exemple, en ne leur payant pas leurs heures supplémentaires sont, eux amnistiés de facto, parce que pas poursuivis, ni condamnés. Faute d’inspection du travail, faute de juges et de tribunaux. Ne pas payer correctement le salarié au taux prévu par la loi, vu qu’il est “subordonné” c’est un abus contre une personne en position de faiblesse… abus d’autant plus intolérable que chacun des 18 millions de salariés du privé est soumis au chantage à l’emploi et au chômage. Or plus d’un employeur sur deux ne paie pas correctement les heures supplémentaires, ce qui est un délit grave de travail dissimulé.

Si on parle de « tolérance zéro », on doit commencer par le haut ! Le droit du travail, la loi de la République face au marché, est le moins sanctionné, il ne représente que 2,5 % de l’activité des tribunaux répressifs. Trois procès-verbaux de l’inspection du travail sur cinq sont classés sans suite. L’amnistie est donc refusée à ceux d’en bas qui se révoltent contre cette inéquité sociale, mais en haut ceux qui en sont la cause, ne sont ni poursuivis ni jugés. C’est ce qu’il faut compenser, en accordant une amnistie asymétrique aux syndicalistes et pas aux patrons.

Gérard Filoche

 

chronique humanite dimanche 27 avril et 11 mai 2013

 

 

 

 

 

2 Commentaires

  1. GUILLIAUMET J.-Pierre
    Posted 8 octobre 2015 at 13:03 | Permalien

    Encore merci pour tes publications, utiles à ceux qui ont la mémoire courte et aux jeunes qui n’ont pas ces références.
    J’aime ta persévérance.

  2. cyril
    Posted 8 octobre 2015 at 17:25 | Permalien

    Cher M. FILOCHE,

    Malheureusement, je crois que la classe dominante a en partie gagné la guerre de propagande.

    Ce matin, j’ai bien failli me faire tabasser par un petit entrepreneur à qui j’expliquais que ceux qui se goinfrent méprisent autant les salariés que les petits patrons encore indépendants. Je lui ai fait remarquer aussi que les cotisations n’étaient pas une charge, mais une partie du salaire socialisé et que cet argent produit par le salarié était ventilé aussitôt dans l’économie.

    Je ne vous dit pas la réaction!!! Arrêtez, vous dites n’importe quoi!, les cotisations ce sont des charges, on nous fait crever, etc..

    J’ai eu beau lui expliquer que ce n’étaient pas les cotisations qui le faisait crever, je parlais à un mur!

    Le plus effarant est que les personnes qui nous écoutaient étaient salariées et le soutenaient!

    J’ai eu aussi droit aux étrangers, aux migrants, aux fainéants de chômeurs comme quoi si l’ on veut, on peut, aux assistés du RSA, des allocs et tutti quanti.

    J’ai quand même essayé d’expliquer que les assistés étaient généralement touts ces bonnes âmes du MEDEF qui ne peuvent se passer de subventions, CIR, CICE, défiscalisation, baisse de cotisations, etc..

    Je vis dans une petite ville qui se meurt (presque plus d’industrie) et si l’on demandait à tous ceux qui cherchent un emploi de bouger, il n’y aurait presque plus personne dans cette petite ville ( nous sommes à plus de 20% de pauvreté!).

    Comme quoi, le MEDEF a bien manipulé pour faire croire que les salariés sont des charges et que l’employeur est le deus ex machina!

    PS: il paraît que pour monter sa boîte, il faut des c…..s! Je lui ai dit que la majorité des travailleurs, travailleuses étaient salarié(e)s dans notre pays et donc que peu de mondes devait avoir ce qu’il disait (notamment les femmes salariées!)

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