Ne pas mettre sur le même plan les violences spontanées de l’exploité et celles, calculées, de l’exploiteur

Les  lois humiliées ( Par Pierre Hamp, inspecteur du travail, sa chronique en 1906 – 1912 dans l’Humanité)

« Un bon moyen que trouve un patron d’enfreindre les lois sur la durée du travail ou sur l’âge d’admission des enfants le rend content. Reprendre une parcelle de la liberté égale pour soustraire un pruneau à la devanture de l’épicier : « - Me prenez vous, dirait-il pour un voleur ? » Il choisit pour manquer aux lois entre celles où l’infraction est déshonorante et celle où elle est, dans son esprit de l’ordre héroïque. Sa fille va voir à Guignol rosser le commissaire. Lui, patron, veut rosser l’inspecteur du travail. Il établit, contre la loi, sa coutume qui est qu’il n’y a pas de loi respectable que celle qui lui profite.
Contre ce qui attente à la propriété son indignation est prête, son chien, son fusil. Il faudrait voir que les juges ne soient pas prêts. Ils le sont. Ses habitudes civiques ne portent point que par manquer à la loi soit indigne, d’une même qualité d’indignité quelque loi que ce soit. Il n’admettra pas être citoyen indigne pour avoir violé les lois sur le travail. Il est braconnier. S’il gagne, il rit et il s’en vante.  Dans son esprit tient un énorme respect pour les lois heureuses à son bénéfice et un égal dédain de celles qui le limitent. Surtout il a l’horreur de l’illégalité. Un des signes d’infériorité de ses ouvriers est pour lui leur promptitude à sortir de la légalité, des convenances, du respect de sa propriété. Que M. le Préfet de son département tarde à lui envoyer en temps de grève, beaucoup de gendarmes résolus et de soldats résignés, au premier caillou dans ses carreaux, il dira : « - Beau pays ! Elle y est propre l’application de la loi (…) ». Dans ce cas-là, il exige « le maintien de la légalité ». Il ne consent pas à « entrer en pourparlers avec les grévistes tant qu’ils ne seront pas venus au respect de la légalité ».
« Il faudrait souhaiter de la part de M. le Préfet, cette expérience et ce discours : « M. le patron, vos ouvriers sont en grève parce que vous avez enfreint les lois ouvrières. Ils brisent vos vitres ce qui est un attentat aux lois propriétaires. Eux et vous paraissez avoir, le gendarme ôté, une même promptitude à vous passer des lois. Vous choisissez lesquelles passer dessous.
Je me rends à vos goûts. Je vais mettre mes utiles soldats et mes précieux gendarmes, non pas entre vos deux ordres d’illégalité, mais autour de votre illégalité et je vous regarderais faire. Quand vous en aurez assez, vous le direz, la loi viendra. ». « M. le patron peut-être alors deviendrait citoyen, s’étant aperçu qu’en violant les lois, les lois sur le travail, mais lois, il est un bandit ».
Voilà : c’était un extrait d’un des nombreux articles d’un inspecteur du travail, Pierre Hamp, qui, entre 1906 et 1912, écrivait dans « L’Humanité » de Jean Jaurès, les réflexions que lui inspiraient ses contrôles dans les entreprises.

Gérard Filoche (dans l’Humanite dimanche 2 aout 2011, chronique hebdomadaire au boulot n°57)

7 Commentaires

  1. Gilbert Duroux
    Posted 9 octobre 2015 at 14:29 | Permalien

    Une vidéo très intéressante qui montre le PDG d’Air France parler des acquis sociaux :
    https://vimeo.com/116748738
    À gerber ! Il faut voir comment il envie son alter ego du Qatar, chez qui la grève est inenvisageable car les grévistes iraient en prison.
    Si ça ne donne pas envie de le foutre à poil avant de l’enduire de goudron et de plumes.

  2. ROSSIGNOL LILIANE
    Posted 10 octobre 2015 at 12:27 | Permalien

    lire l article de frédéric lordon du diplo « le parti de la liquette  » génial et instructif  »
    à faire lire et à débattre si l on veut avancer
    Pas de temps à perdre , revenons à l éducation populaire dans la bouillasse médiatique aux ordres des néolibéraux

  3. Posted 10 octobre 2015 at 15:07 | Permalien

    Libor

    à Londres proces d’un sandale financier mondial,

    un reseau organisé mafieux de toutes les plus grandes banques mondiales comparait pour avoir manipulé en leur faveur les taux d’interêt qui leur servaient de base d’échange entre elles

    En 2011, 550 000 milliards de dollars de produits financiers étaient adossés sur le taux du Libor, selon un rapport du parlement britannique.

    Les banques manipulaient tous les jours ce taux a leur avantage

    Certaines ont écopé d’amendes s’élevant à plus de 8 milliards d’euros au total. La plupart des grands établissements ont été condamnés :

    Société générale,
    Barclays,
    UBS,
    Royal Bank of Scotland,
    JPMorgan,
    Citigroup…

    La palme est revenue en mai à Deutsche Bank, qui a dû verser à elle seule une amende de 2,2 milliards d’euros.

    Dans l’Union européenne, ca s’est passé pareil avec l’Euribor, ce n’est toujours pas réglée une « réforme » est prévu…pour 2017

    une proposition : que tous ces banksters soient présentés devant des juges grecs

    GF

  4. Gilbert Duroux
    Posted 10 octobre 2015 at 15:19 | Permalien

    Un petit lien vers l’article réjouissant de Lordon :
    http://blog.mondediplo.net/2015-10-09-Le-parti-de-la-liquette
    Il faut arrêter de se laisser intimider. J’ai honte d’appartenir à la CGT quand j’entends la CGT d’Air France parler de débordements et quand elle renvoie dos à dos « les deux violences ». Pour une fois que les salariés relèvent la tête, il faut s’en réjouir. C’est tellement rare dans un monde anesthésié par la consommation à outrance.

  5. Posted 10 octobre 2015 at 21:58 | Permalien

    j’aime bien le parti de la liquette et le salaire de la peur

  6. Gilbert Duroux
    Posted 11 octobre 2015 at 8:30 | Permalien

    CQFD ressort une Une de 2009 en soutien aux salariés d’Air France :
    https://pbs.twimg.com/media/CQtF9O5WoAAfeXw.jpg:large

  7. Gilbert Duroux
    Posted 12 octobre 2015 at 15:43 | Permalien

    Duflot et Mélenchon ont réagi aux conditions d’interpellation des salariés d’Air-France ce matin. Est-ce que les frondouilleurs ont réagi ?

One Trackback

  1. Par Bravo les LABORIEUX d'AirFrance le 14 octobre 2015 à 12:11

    [...] Ne pas mettre sur le même plan les violences spontanées de l’exploité et celles, calculées, de… [...]

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