11 septembre 2009 : mort de la médecine du travail ?

Conçue à l’origine comme un magnifique outil de prévention en matière de santé dans les entreprises, la médecine du travail a été délibérément dégradée, décimée, déconsidérée par les employeurs. Le Medef juge le moment opportun de lui porter le coup de grâce puisque, après une négociation de février à juillet 2009, il propose à signature des directions syndicales, le 11 septembre, un texte brutal et définitif.

Les médecins du travail n’assurent plus officiellement le service de santé au travail, remplacés par une nébuleuse « service de santé au travail » (SST). La « pénurie » de médecins du travail ne sera pas combattue mais entérinée puisque infirmiers, personnel médical, médecins de ville, et des IPRP (Intervenants en Prévention des Risques Professionnels) au statut mal défini et non protégé, s’y substitueront. Les visites avec de vrais médecins du travail seront espacées tous les 4 ans « sur demande » et si « l’infirmier en santé au travail évalue le besoin de voir le médecin du travail ».

La visite d’embauche aurait un but de sélection et d’éviction. Actuellement, l’aptitude et l’inaptitude se définissent exclusivement en fonction des risques pour la santé du salarié à son poste de travail. L’aptitude deviendrait, comme sous Vichy, « l’absence de contre-indication physique ou psychique à la tenue par le salarié du poste de travail » et l’inaptitude comme « la contre-indication physique ou psychique entraînant une restriction pour le salarié de remplir une ou plusieurs tâches liées à son poste de travail ». Il n’y a même plus les mot « santé » ni « risques » dans la définition de l’aptitude.

Une « visite de prévention de la désinsertion professionnelle » pendant l’arrêt de travail serait systématique après 45 jours d’arrêt sous contrôle, bien sûr, de l’employeur. « L’obligation de recherche de reclassement de l’employeur débute avec cette démarche et se termine avec la visite de reprise ». Cela met fin de facto à la protection du salarié pendant son arrêt de travail. Les médecins ne feront plus que de la sélection et de l’éviction et perdront leur rôle de préventeurs. La possibilité de licenciement pour inaptitude serait réduite à une seule visite et le médecin ne pourrait plus formuler des préconisations pour l’adaptation du poste de travail (restrictions, aménagement, changement de poste…). Les contrats de travail atypiques échapperont au suivi du médecin du travail : les saisonniers auront « possibilité de moduler les obligations relatives à la visite médicale », les itinérants et éloignés pourraient être « suivis par des médecins dûment habilités et formés » (sic) au plus prés du lieu de leurs fonctions (?). Le « tiers-temps » des médecins pour l’étude des conditions de travail est supprimé : il n’y a plus de liens entre la connaissance de l’état de santé de chaque salarié et celle de son poste et milieu de travail. Il n’y a donc plus besoin pour cela de médecin spécialiste connaissant le travail et ses effets sur la santé. Tout cela avec des SST ayant des conseils d’administration où les employeurs disposent des deux tiers des siéges : quel syndicat osera signer un tel texte ?

Gérard Filoche

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*