« Histoire populaire des USA » Ed. Agone. Howard Zinn – Livre exceptionnel, incomparable, à lire

Article paru dans D&S n°104 avril 2003 à propos du livre d’Howard Zinn, le grand historien états-unien disparu hier.  « Histoire populaire des USA » Ed. Agone. Livre exceptionnel, incomparable, à lire :

Ni démocrates, ni libérateurs,

Les Usa tels qu’ils sont…

De façon sous-jacente, même lorsqu’ils condamnent l’odieuse agression contre le peuple irakien, et les ravages de la sale guerre qui a eu lieu, les médias continuent de présenter l’hyper puissance américaine comme un mythe, une force attractive, sinon séduisante. Jean-Pierre Raffarin et certains de ses amis, issus de Démocratie Libérale comme Alain Madelin, mais aussi Pierre Lellouche, ou des épigones comme Romain Goupil, Pascal Bruckner, André Glusckmann, ont présenté la guerre en Irak comme une bataille de la démocratie contre la dictature, de la liberté contre l’asservissement.
Il y a même une campagne contre la France et l’Allemagne qui s’y sont opposés.
Mais si la dictature de Saddam Hussein était totalitaire, il y a aussi quelque chose d’aussi totalitaire dans la guerre d’agression sans pitié conduite par le clan fondamentaliste de Bush, au service des lobbies militaro-industriels et pétroliers. La victoire de ce clan obscurantiste est une autre menace beaucoup plus terrifiante pour la paix du monde entier.

Une démocratie ?
Le peuple américain n’est pas représenté par Bush…

En 1960, 63 % des électeurs s’étaient déplacés pour voter lors des élections présidentielles, ils n’étaient plus que 53 % en 1976…Lors d’un sondage effectué par CBS News et le New York Times, plus de la moitié des personnes interrogées estimaient que les dirigeants politiques ne s’occupaient pas d’eux. Un plombier fit une remarque assez représentative de l’opinion générale : « Le président des Etats-unis ne va pas résoudre nos problèmes. Ils sont trop gros pour lui. »
Pourtant les moindres gestes du Président, du Congrès des juges de la Cour suprême occupent tous les médias, mais pour autant ils ne suscitent ni adhésion, ni enthousiasme majoritaire. Le fossé entre les dirigeants et la grande masse du peuple désabusée n’a cessé de s’accroître de scrutin en scrutin, malgré les harangues quotidiennes, les appels patriotiques et religieux permanents.
Aux élections de 1988, Bush gagna avec 54 % des voix, ce qui représentait avec l’abstention, 29 % des voix de l’électorat total des Usa.
En 1992, avec 45 % d’abstention, Clinton n’obtient que 43 % des voix contre 38 % à Bush père. En 1996 avec 50 % d’abstention, Clinton l’emporta avec 47 % des voix contre Robert Dole.
En 2000, Georges W Bush chacun le sait, fut mis en place par les juges suprêmes et non pas par les électeurs, avec encore moins de voix, alors qu’il était arrivé derrière son adversaire, Al Gore. Bush avait recueilli 220 millions de dollars pour sa campagne contre 170 à Al Gore.
La méfiance générale à l’égard du gouvernement, accrue cette dernière décennie, ne pouvait être mieux dissipée que par une autre guerre et les occasions en furent données après l’attentat du 11 septembre 2001.L’élite -ce petit club toujours inquiet de dirigeants d’entreprise, de généraux et de politiciens – utilise son arme ultime – une intervention militaire à l’étranger pour unifier le peuple et l’appareil d’Etat dans et autour de la guerre.


Un pays libre ?
Dominé par le lobby militaro-industriel

Au départ, le lobby militaire agitait la « menace de l’Urss » (qui n’en pouvait mais… on le découvrira spectaculairement en 1989-1991) pour réclamer des sous-marins, des porte-avions, des ogives nucléaires…Ce gigantesque arsenal n’était pas nécessaire : en 1984, la Cia avoua qu’elle avait surestimé les dépenses militaires soviétiques prétendant qu’elles augmentaient de 4 à 5 % par an alors qu’en réalité, c’était de 2 %. C’était pour mieux « vendre » au congrès la hausse des budgets de « défense » américains, malgré l’opposition massive de la population américaine. Car celle-ci résista puissamment : le 12 juin 1982, eut lieu à Central Park, à New York, la plus grande manifestation politique de l’histoire du pays contre la course aux armements.
L’ancien ambassadeur en Urss, George Kennan, écrivit que l’extrémisme de Reagan et du lobby militaire « pendant la guerre froide avait plus retardé que hâté les grands changements qui ont renversé le régime soviétique à la fin des années 80″. De surcroît, ajoute t il : « Cela nous a coûté 40 ans de phénoménales et parfaitement vaines dépenses militaires. Nous devons également subir cette culture qui fait que le gigantesque arsenal nucléaire est devenu et reste encore aujourd’hui un véritable danger pour l’environnement et pour la planète. »
Reagan avait choisi de renforcer l’appareil militaire avec mille milliards de dollars dans les quatre premières années de sa présidence. En 1984, il fit dépenser 181 milliards pour la défense et économiser 140 milliards pour les programmes sociaux tout en réduisant de 190 milliards les impôts des riches. Après, la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Urss, le budget militaire américain n’avait été réduit que de 2 % (de 281 milliards à 275 milliards de dollars).
L’effondrement soudain de l’Urss « surprit » et inquiéta les responsables américains : des interventions militaires avaient eu lieu en Corée et au Vietnam, à Cuba et à St Domingue, l’aide militaire était exportée partout dans le monde sous prétexte de répondre à la menace soviétique… Un vent de panique souffla dans l’industrie militaire : comment justifier nos armes ? Car en fait, la politique étrangère des Usa n’etait pas fondée sur son opposition à l’Urss mais plutôt sur la crainte que des révolutions n’éclatent dans certaines régions du monde. Les « nationalismes indépendants » mettaient en danger United fruit, Anaconda Copper, ITT et d’autres multinationales.
C’est l’occasion d’autant de campagnes nationalistes américaines : en 1979, un autocollant avait été imprimé et porté par de nombreuses voitures : « Bombardons l’Iran », lors de l’affaire des 52 otages américains à Téhéran. Ce qui n’empêcha pas quelque temps plus tard, Reagan de trafiquer des armes avec l’Iran pour obtenir des fonds afin de renverser le pouvoir démocratique des sandinistes au Nicaragua. Mais les ennemis de « l’axe du mal » changent : après l’Urss, le Chili, Cuba, le Nicaragua, le Salvador, ou Grenade, un jour c’est les Panaméens et les liens, un autre les Afghans et les Irakiens, ensuite ce sera les Iraniens, les Syriens ou les Coréens.
En 1991, les USA entreprirent une petite guerre à Panama, et une plus grande dans le Golfe. Colin Powell, chef d’état-major de Bush, déclarait ensuite : « Je veux que le reste du monde demeure pétrifié. Et je ne dis pas ça de manière agressive ».
Le prétexte de la première guerre du Golfe fut l’envahissement du Koweït alors que les Usa n’avaient pas bougé le petit doigt quand l’Indonésie avait envahi Timor, ou l’Afrique du sud le Mozambique… Lorsque l’Irak voulut négocier, Bush père répondit : « pas question », et alors que 50 % des Américains étaient hostiles à cette guerre, (« pas de sang en échange du pétrole »), les bombardements massifs commencèrent. Le mensonge selon lequel « l’armée irakienne était la quatrième du monde » s’effondra vite, et, en six semaines, l’Irak fut écrasé. Bush laissa même Saddam Hussein écraser les minorités chiites et kurdes. Sbigniew Brzezinski, commenta : « Les gains sont indubitablement fantastiques. D’abord une agression scandaleuse a été condamnée et punie… Ensuite la puissance américaine sera désormais prise au sérieux… Enfin le Moyen orient et le golfe Persique entrent maintenant clairement dans la zone d’influence américaine. »
Il fut donc ajouté en 1992, de nouveaux crédits militaires, le budget s’accrut jusqu’à 450 milliards de dollars. 120 milliards de plus furent consacrés « à la défense de l’Europe » que tout le monde jugeait ne plus être en danger…
Pourtant 59 % des Américains souhaitaient une réduction du budget de 50 % et 64 % pensaient que « l’assistance aux pauvres était insuffisante ».
Et le même Brzezinski ajoutait que la première guerre du Golfe avait des effets négatifs : « l’extrême violence des bombardements américains faisait apparaître que les USA n’accordent aucune valeur aux vies arabes… »
Les germes du 11 septembre et de la seconde guerre contre l’Irak sont là…
Pourtant le lobby militaire cherchait de nouveaux prétextes pour ne pas réduire les budgets militaires. Le 8 avril 1991, Colin Powell déclare dans Défense News : « Je suis à court de démons, et à court de traîtres. Je dois me contenter de Castro et de Kim il Sung ».
Les USA ont gagné tous les records : ils ont un budget de la défense, à lui seul, supérieur a tous les autres budgets de la planète et ils vendaient en 1999, plus de 11 milliards de dollars d’armes, un tiers de toutes les armes vendues à travers le monde.

Égalité, pas question :
3 américains possèdent plus que 48 pays les plus pauvres :

En 1977, les 10 % d’américains les plus riches possédaient des revenus trente fois supérieurs à ceux des 10 % les plus pauvres. 1 % détenait 33 % des richesses. 5 % possédaient 83 % des actions américaines. Cent entreprises n’étaient imposées qu’à hauteur de 126,9 % et les compagnies pétrolières à 5,8 %.
10 000 familles possèdent aujourd’hui davantage que 20 % de la population américaine.
Kevin Philipps, observateur républicain nota que «  »ce sont les individus véritablement riches qui ont bénéficié de l’ère Reagan des années 80 ont marqué le triomphe de l’Amérique richissime, de l’ascension politique des riches et de la glorification du capitalisme, du libre marché, et de la finance ». Les taux d’imposition des revenus de plus de 400 000 dollars passèrent de 91 % durant la seconde guerre mondiale à 70 % dans les années soixante et à 50 % en 1986, puis à 28 % dans les années 90. Il n’y eut plus de progressivité de l’impôt et 1 % des plus riches gagnèrent mille milliards de dollars pendant les seules années Reagan soit une hausse de 87 % de leur revenu en dix ans tandis que le revenu des catégories populaires reculait ou stagnait.
Le ratio entre le salaire des Pdg et des ouvriers qui était de 1 à 40 en 1970 est passé de 1 à 531. En 1950, l’impôt sur les sociétés représentait 25 % du budget fédéral : en 2001n, seulement 8,9 %.
Trente à quarante millions de gens vivent dans la plus totale pauvreté. 6 millions de personnes sont privées de droit civique : 2 millions en prison, 2 millions sous main de justice, 2 millions privés de droits soit 700 personnes en prison pour 100 000 habitants, un ordre de grandeur comparable à celui du goulag dans les années 50 en Urss.  Le plus fort taux d’incarcération au monde… pour le plus fort taux de criminalité… 1300 condamnés à mort dans les couloirs des chambres d’exécution et les minorités noires, chicanos, et pauvres peu instruits paient le prix fort de cette politique de répression.
Clinton ne voulait pas augmenter les impôts des plus riches, ni tailler dans le budget militaire, donc, il lui fallut sacrifier les pauvres, les enfants, les personnes âgées, et dépenser moins pour la santé, pour les bons d’alimentation, pour l’enseignement et pour les parents isolés.
Évidemment, cette immense industrie de l’armement exige qu’on s’en serve : voilà, pourquoi les USA préfèrent chaque fois faire parler les armes, (Kosovo, Irak) que de pousser jusqu’au bout des négociations. Les dépenses colossales d’armement se fait bien sur au détriment des budgets sociaux.
« Chaque fusil fabriqué, chaque bateau de guerre lancé à la mer, chaque missile tiré, est au bout du compte un vol commis à l’encontre de ceux qui ont faim et n’ont rien à manger, de ceux qui ont froid et n’ont rien à se mettre » déclara, dans l’un de ses bons jours, le président Eisenhower.

Une économie florissante ?
Aux pieds d’argile, le système repose sur l’endettement et la corruption

Les Usa restent bien sur le pays le plus riche du monde avec 5 % de la population mondiale qui consomme 30 % de ce qui se produit de par le monde. Les 400 familles les plus riches possédaient 92 milliards en 1982, en 1995, 480 milliards. Dans les années 90, les avoirs des cinq cents entreprises classées dans le standard and poor index avaient augmenté de 335 % et la valeur moyenne du Dow Jones de 400 % entre 1980 et 1995, alors que le pouvoir moyen d’achat des travailleurs, avait diminué de 15 %.
L’activité criminelle des grands acteurs du système a été mise à jour dans les années 90 : les plus importantes banques d’investissement, les cinq entreprises d’audit, les firmes de relation publique, les géants de la publicité, les plus prestigieux cabinets juridiques…  La célèbre faillite frauduleuse d’Enron révélée en été 2002, en même temps que des dizaines d’autres entreprises, n’était pas une « première » : déjà sous l’administration Carter en 1978, la Gulf Oil Company avait surestimé de 79,1 milliards de dollars ses coûts d’extraction de pétrole par ses filiales étrangères, et elle avait tout répercuté sur les consommateurs : prise la main dans le sac, elle n’avait remboursé que 42,2 millions de dollars, et elle avait pu expliquer à ses actionnaires que cela n’aurait aucune incidence sur leurs bénéfices…

En 2001 le niveau d’endettement représentait 31 % du produit intérieur brut mondial, contre 26 % pour l’union européenne, et 12 % pour le japon. Cela fait la troisième année consécutive en 2003 que les marchés boursiers dégringolent, après, il est vrai, dix ans d’euphorie. Le dollar a perdu 12 % de sa valeur par rapport à un panier d’autres monnaies, et 26 % face à l’euro depuis 2000. Le chômage officiel est passé de 4,4 % en février 2000 à 6,4 % en février 2004 : mais le ministre du travail, Reich, sous Clinton, affirmait que ces chiffres étaient très sous-estimés et qu’en appliquant les mêmes critères qu’en France pour décompter les chômeurs, il y en aurait plus de 12 % aux Usa…
La hausse du stock de la dette américaine est impressionnante : elle est passée entre 1964 et 2002, de 10 000 milliards à 30 000 milliards de dollars. L’endettement financier intérieur des entreprises est passé de 53 milliards de dollars à 7620 milliards, soit 72 % du Pib, dans le même temps. L’endettement des ménages est passé de 200 milliards de dollars en 1964 à 7200 milliards en 2002. En 1985, il représentait 26 % du revenu individuel, et 40 % à la fin 2002.Le taux national net d’épargne (total de l’épargne des ménages, des entreprises et de l’état, par rapport au Pib) a atteint son niveau le plus bas en 2002 : 1,6 % soit moins du tiers de la moyenne des années 90 et le sixième des années 60 et 70. (En France, nous avons le taux le plus élevé au monde, 17,5 %…)
Le déficit budgétaire (que le stupide pacte de stabilité en Europe veut limiter à 3 %) pourrait passer de 304 à 375 milliards de dollars pour 2003 et entre 307 et 425 milliards de dollars pour 2004, sans compter le coût de la guerre en Irak… et ailleurs. Ainsi, le déficit courant chronique approche 5 % du Pib… Déficit en croissance par an.
Tout cela mine la « confiance » envers l’économie américaine : on constate les premiers signes de sortie des capitaux étrangers du marché américain, alors que les investisseurs étrangers détiennent 18 % de la capitalisation boursière des actifs américains a long terme, et 42 % des stocks des bons du trésor.
L’hyper puissance a donc « des pieds d’argile », et son « crédit » repose sur des découverts qu’elle impose au monde en même temps que ses « bombes intelligentes ».
Voilà pourquoi, on ne peut penser que les Usa défendent la liberté où que ce soit, ils défendent d’abord leurs marchés, leur survie, leur droit de piller et de vivre à crédit.


Un état de droit ?
Violence et injustice

De façon générale, les Etats-Unis ont soutenu toutes les dictatures conservatrices, quand ils ne les ont pas instaurés eux-mêmes en renversant des régimes progressistes comme celui d’Arbenz au Guatemala, ou de Salvador Allende au Chili. Ils ont ainsi protégé de toutes leurs forces Somoza au Nicaragua, Marcos aux Philippines, ou Suharto en Indonésie, et ont laissé faire des massacres génocidaires comme à Timor-Oriental ou 200 000 personnes sur un total de 700 000 habitants périrent.
Ils refusent les décisions, le contrôle et la suprématie de l’Onu, refusent une organisation mondiale de l’environnement, méprisent toutes les conventions internationales de l’OIT, ne signent pas des traités comme ceux interdisant les armes antipersonnelles à fragmentation, et refusent aussi l’existence d’un Tribunal pénal international, sans doute de peur que certains de leurs dirigeants n’y soient convoqués pour leurs crimes, comme Henri Kissinger, par exemple, coupable d’avoir organisé le coup d’état de Pinochet au Chili en 1993.

Qui peut faire croire qu’en Irak, ils défendent la liberté et la démocratie ? Seuls leurs intérêts commerciaux et stratégiques les guident. Lorsqu’ils avaient envahi Panama et arrêté son dictateur sous couvert de stopper les réseaux de la drogue, en vérité, ils défendaient leurs accords : le canal de Panama économisait 1,5 milliard de dollars de taxes portuaires par an aux compagnies américaines et les USA encaissaient 150 millions de dollars sur lesquels ils n’attribuaient que 2,3 millions au gouvernement panaméen, tout en maintenant 14 bases militaires sur le territoire de cette République.
Déjà, au début des années 70, il existait environ 300 entreprises américaines dont 40 % des bénéfices provenaient des marchés étrangers. 98 % des équipes dirigeants de ces entreprises étaient composées d’américains. Prises ensemble elles constituaient la troisième puissance mondiale derrière les Usa et l’Union soviétique de l’époque. Déjà entre 1950 et 1965, les entreprises américaines, avaient investi 8,1 milliards de dollars en Europe pour seulement 5,5 milliards de dollars pour un bénéfice de 11,2 milliards, et en Afrique, 5,2 milliards d’investissements pour 14,3 milliards de dollars de bénéfices.
Les États-Unis dépendent des nations les plus pauvres pour 100 % du diamant, du café, du platine, du mercure, du caoutchouc, et du cobalt ; 98 % du manganèse et 90 % de la potasse et de l’aluminium proviennent de l’étranger et pour 40 % de ces importations (platine, mercure, cobalt, potasse, manganèse) d’Afrique.

Ce n’est ni un état de droit, ni un état démocratique, celui qui se nourrit de tant d’injustice, d’inégalités, de pillage économique au profit d’une mini caste de riches. Un Etat qui s’est bâti sur le génocide contre les indiens, sur l’esclavage des noirs, sur la surexploitation féroce des immigrés, sur le racisme, la discrimination envers les femmes, envers les minorités nationales, chicanos, mexicaines, asiatiques.
Le taux de mortalité infantile, toujours cruellement révélateur, est de 10,1 pour mille et cela place les Usa au 22° rang mondial (contre le troisième rang en 1950). Pas « seulement » pour les enfants noirs : pour les petits blancs, les Usa ont la douzième place. Un enfant sur cinq est en dessous su seuil de pauvreté, douze millions d’enfants sont sans aucune assurance maladie, six cent mille écoliers sont sans lunettes, cent mille enfants malentendants sans appareil auditif, seulement 40 % des enfants en bas âge sont vaccinés avant l’école, soit le taux le plus faible des pays industrialisés, le prix du vaccin étant passé de 7 dollars en 1982 à 70 dollars en 1990. Sont enceintes 10 % des filles de quinze à dix-neuf ans et le « clan » Bush veut supprimer le droit restreint à l’avortement.
Le travail des enfants de 5 à 14 ans s’est développé dans les champs d’oignon de Georgie, les orangeraies de Floride, les ateliers textiles de new York. Parallèlement le nombre d’inspecteurs du travail a été réduit d’un tiers au nom du célèbre « moins d’état » reaganien.
Un nouveau-né noir américain, mâle, sur 18 meurt violemment. Dix neuf fois plus d’homicides entre 15 et 19 ans qu’en Europe. À Harlem, un habitant a 40 % de chances de vivre jusqu’à 65 ans quand un bengali en a 55 %… Pourtant, nous dira-t-on, c’est le pays qui dépense le plus fort taux de son Pib pour la santé : 14,5 % !
Mais 41 % de cette dépense seulement est consacrée aux dépenses de santé publique, le reste relève des dépenses de santé privée…

Des guerres impérialistes :

Depuis la guerre contre le Mexique en 1838, contre l’Espagne et Cuba en 1898, contre les Philippines en 1899, et toutes les invasions, conquêtes, interventions, bombardements successifs en un siècle, les Usa ont développé une politique impérialiste constante.
Ils ont bombardé la Chine en 1945-46 fait la guerre en Corée en 1950-53, attaqué et renversé le régime démocratique au Guatemala en 1954, bombardé l’Indonésie en 1958 et soutenu un des coups d’état les plus sanguinaires en 1965, envahi St Domingue en 1965, attaqué Cuba en 1959-60 puis imposé un boycott de cinquante ans, ré attaqué le Guatemala en 1960, le Congo en 1964, le Pérou en 1965, bombardé le Laos en 1964-73, le Vietnam en 1961-73, le Cambodge en 1969-70, agressé le Guatemala en 1967-69, suscité et organisé un coup d’état en Grèce en 1967, au Chili en 1973, soutenu les commandos de la mort et les dictatures en Amérique latine, débarqué à  Grenade en 1983, bombardé la Libye en 1986, assassiné et écrasé la guérilla à El Salvador en 1980, isolé, affamé, combattu, saboté le Nicaragua de 1980 à 1990, envahi le Panama en 1989 bombardé l’Irak en 1991-99 le Soudan en 1998, la Serbie en 1999, l’Afghanistan en 1997-2002. Quel est le bilan « démocratique » et « libérateur » de cette politique guerrière séculaire ? demain sera-ce le tour de la Syrie, de l’Iran, de la Corée et à nouveau de Cuba ?
Les Usa prétendaient défendre « le monde libre ». Mais c’est le « monde libre » qui doit se défendre contre eux. Le « monde libre » est incarné par les dizaines de millions de manifestants qui se sont opposés à cette guerre contre l’Irak. Par ceux qui luttent contre la mondialisation libérale, capitaliste, « mac’donaldisée »…
Les guerres ont des résultats à courte vue dans l’opinion : elle y est en général d’abord hostile, puis lorsque le conflit démarre le patriotisme s’impose, aidé par la manipulation médiatique. Ainsi en février 91, lors de la guerre du golfe, la fièvre belliqueuse aux Usa atteignit son apogée avec 83 % de soutien, malgré le lourd bilan. Quatre mois plus tard, il n’en restait plus que 70 %, et en quelques mois « l’esprit patriotique » s’évapora, Bush père, vit sa popularité s’effondrer et subit une défaite électorale.
Nous en sommes, après la « victoire » du clan Bush fils en Irak à une phase de célébration, de matraquage idéologique, ou la loi du plus fort des « vainqueurs » semble s’imposer. Mais, avec 70 % de soutien, Bush fils peut connaître le même sort que Bush père, et la victoire, sur le terrain peut s’avèrer « à la Pyrrhus ».

Rien n’est fatal et nous y reviendrons dans d’autres articles : l’hyper puissance Us menaçante, a non seulement des pieds d’argile, mais aussi un immense peuple, lui aussi exploité et opprimé, qui a les ressources pour résister. Au sein même du peuple américain, les anti-impérialistes trouveront tôt ou tard leurs meilleurs alliés.

Gérard Filoche

Sources principales : « Une histoire populaire des Etats Unis, de 1492 à nos jours » de Howard Zinn, traduit de l’anglais par Fréderic Cotton, Ed. Agone. (Nous recommandons à tous nos lecteurs, cet excellent livre, déjà cité dans D&S n°1O2 et 103 pages 20 et 24).
et Le Monde Diplomatique, avril 2003, pages 20 et 21,  Fréderic F. Clairmont. « Vivre à crédit ou le credo de la première puissance du monde ».

Encarts :

1

Allan Bloom, philosophe, dans un livre très médiatisé, « The Closing of American Mind » : « L’Amérique ne raconte qu’une seule histoire. Celle du progrès constant inéluctable, de la liberté et de l’égalité. Depuis son premier colon jusqu’à son fondement politique, on n’a jamais pu contredire le fait que la liberté et l’égalité constituent pour nous l’essence même de la justice ».

2

Lorsque Bush père bombarda l’Irak en 1991, sous prétexte de libérer la petite « nation » du Koweït, un groupe d’Indiens de l’Oregon fit circuler une lettre :
« Cher président Bush.
Pourriez-vous nous aider à libérer notre petite nation occupée ? Une force étrangère occupe nos terres pour s’emparer de nos formidables ressources naturelles. Ces étrangers ont menti et mené contre nous une guerre bactériologique, tuant des milliers de vieillards, d’enfants et de femmes. Après avoir envahi notre pays, ils ont renversé les chefs et les autorités de nos gouvernements et les ont remplacés par leur propre système de gouvernement qui aujourd’hui encore contrôle notre mode de vie de bien des manières. Selon vos propres termes, l’occupation et le renversement d’une petite nation (…) est une occupation de trop. Sincèrement vôtre. Un Indien d’Amérique. »

3

Au Vietnam, les USA ont, pendant deux décennies soutenu la guerre conduite par les français, puis ils ont pris la relève directe entre 1965 et 1975, engagé plus de deux millions d’hommes, fait plus d’un million de morts « vietcongs », perdu 55 000 GI’s, et finalement, ils ont été battus, et chassés par une résistance populaire légitime, mais en laissant un pays ruiné, exsangue, des centaines de milliers d’handicapés, des terres dévastées, des villes rasées. Jimmy Carter, président démocrate en 1979, déclara pourtant que les Etats-Unis n’avaient aucune obligation particulière envers le Vietnam, « la destruction ayant été mutuelle ».

4

George Kistiakowsky, professeur de chimie à Harvard, qui avait travaillé sur la première bombe atomique et était ensuite devenu le conseiller scientifique du président Eisenhower, fut l’un des porte-parole du mouvement pour le désarmement. Ses derniers propos publics, avant qu’il ne décède du cancer à l’âge de quatre-vingt deux ans, furent reproduits dans l’éditorial du Bulletin of Atomic Scientists de décembre 1982 : « C’est un mourant qui vous parle. Laissez tomber les systèmes. Le temps nous est compté avant que le monde n’explose. Concentrez vous plutôt sur le rassemblement de toux ceux qui pensent comme vous en un grand mouvement en faveur de la paix tel qu’il n’en a jamais existé auparavant ».

3 Commentaires

  1. Posted 30 janvier 2010 at 12:20 | Permalien

    Nos élites suivent les mêmes travers qu’aux Etats-Unis depuis plus de 35 ans, là est notre problème majeur. Et le PS a clairement trahi la France, la République et les Français: sur le dossier de l’amiante, plus de victimes civiles provoquée par l’anti-républicanisme de nos gouvernants que de tués sur les champs de bataille depuis la seconde guerre mondiale…
    Sur la « victoire » du Vietnam, une appréciation…Quel pays est encore sous-développé voire dévasté sur certaines portions de son territoire?
    Bon courage pour la suite, surtout à gauche, personnellement je préfère me qualifier sobrement et farouchement de républicain.

  2. David
    Posted 31 janvier 2010 at 0:27 | Permalien

    Merci pour ce résumé!

    J’ai lu ce livre. C’est vrai, c’est un grand classique, du même genre que « Les veines ouvertes… » de Galeano (mais en bien moins rébarbatif à lire!), qui brise plusieurs mythes sur ce pays. je le conseille aussi, ça vous fera bosser votre anglais.

    Pour avoir étudié l’histoire aux états unis en « high school », je peux vous dire que le peuple américain est soigneusement détourné de ces vérités là. C’est cent fois pire que l’histoire de France au Lycée! Une hagiographie qui présente la société américaine comme sans classes et sans intérêts économiques.

    Ce livre a brisé l’une de mes illusions: celle que le peuple américain était un peuple de moutons qui gobaient ce que leur disaient les classes dominantes. Or ce peuple a lutté, beaucoup, et lutte encore.

    Zinn était un très grand, qui est totalement inconnu dans son pays et pour cause: il brise le mythe.

  3. Posted 31 janvier 2010 at 2:05 | Permalien

    Merci pour ce résumé qui rappelle quelques vérités bien sonnées aux gogos qui pourraient encore fantasmer sur le mythe de « l’Amérique »…
    On en peut plus de ces mystifications…le printemps sera-t-il chaud?
    Pour les retraites qu’est-ce qu’on fait, on sort les fourches?

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