Arros et les 10 000

Un grand magazine publie un  reportage sur l’île d’Arros possédée dans les Seychelles par Mme Bettencourt et raconte qu’au cours de ses quatre séjours annuels, en plus de ses proches, de sa coiffeuse et de ses 17 domestiques locaux, elle emmenait son médecin urgentiste personnel, et qu’elle avait fait aménager la piste d’atterrissage de nuit en cas de souci de santé. Ça, c’est de la prévention !

Mais pour que cette milliardaire dispose de tant de moyens, il fallait bien qu’elle les prennent à d’autres : alors elle s’est payée des hommes politiques dont le job était de baisser ses impôts tout en pressurant le petit peuple, tiens par exemple, en supprimant les médecins du travail. Car pendant les tirades « outrées » de Wœrth et les défenses « abracadabrantesques » de Sarkozy, la casse sociale continue. Mme Parisot, ré-élue chef du Medef voudrait – contre l’avis de 8 syndicats sur 8 -  en finir avec les visites médicales préventives liées à la santé au travail :  une fois tous les trois ou quatre ans, suffirait et seulement dans les secteurs dits « à risques », il y aurait des « Intervenants en santé au travail » en lieu et place de médecins, ces derniers ne seraient même pas protégés.

Déjà que la médecine du travail n’était pas indépendante, que sa fonction avait été réduite en même temps que ses effectifs et ses moyens, le Medef se propose donc de l’achever, carrément. Ce qui a un goût particulier lorsque M Woerth, le ministre visiteur du soir et mari de l’ex-employée de Bettencourt, se propose, refusant toute négociation de droit collectif par branche de métiers, de soumettre l’examen de la pénibilité au travail, « au cas par cas » à des « commissions tripartites patronat-médecine du travail et syndicats » pour sélectionner les quasi invalides qui pourront, de façon anticipée, aller du boulot au tombeau. M. Wœrth a décidé dans son projet de loi pour piller nos retraites qu’il n’y en aurait pas plus de 10 000 par an. Les places seront chères pour ces « usés » au boulot avant le nouvel âge légal, 62 ans ou l’âge du taux plein, 67 ans : il faudra 20 % d’incapacité. Pauvre ouvrier du bâtiment dont les poumons ne seront remplis qu’à 18 % de poussière : il ne partira qu’en corbillard.

C’est pourquoi 1100  acteurs de la santé au travail, 550 médecins du travail et 550 inspecteurs et contrôleurs du travail ont lancé un « appel » très unitaire, déjà signé par  20 000 syndicalistes pour défendre la belle médecine du travail de prévention, indépendante créée en 1946. Sur cette base, ils viennent de publier une lettre ouverte au Ministre du travail, où ils demandent à être reçu : « Le comble du cynisme serait de coupler l’annihilation d’une  prévention indépendante du patronat, seule garante de l’efficacité, au détournement de l’activité des médecins du travail à des fins de tri et de sélection des salariés comme cela est prévu dans la réforme des retraites. »

Site dédié : http://non-mort-médecine-travail.net

Gérard Filoche

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