ITV par Slovar pour Marianne 2 : lire « une vraie retraite à 60 ans c’est possible »

« Slovar » a écrit :

Bonjour Gérard
Je viens de lire ton livre : « UNE VRAIE RETRAITE À  60 ANS, C’EST POSSIBLE”

A quelle date est paru ce livre ?

Ce livre a été conçu avec Jean-Jacques Chavigné dès que Sarkozy a renoncé, contrairement à ce qu’il avait déclaré, à maintenir la retraite à 60 ans. Écrit pendant que nous préparions l’appel dit “Attac-Copernic”, il est paru le 16 avril quelques jours après que ce dernier a été lancé le 7 avril. C’est dire si nous l’avons pensé comme un instrument militant : sous forme de “dix questions, dix réponses”, il balaie tout le spectre des mensonges gouvernementaux et propose une alternative pour garder une retraite à 60 ans pas un an de plus pas un euro de moins. Chaque soir de meetings unitaires, à parti du succès de la Bellevilloise le 6 mai 2010, nous avons proposé ce livre aux participants et il est devenu ainsi ce qu’on appelle un succès de librairie, notre éditeur JC Gawsevitch, n’en revient pas encore. Le petit dessin que m’a donné mon ami Siné qui est au dos du livre, est maintenant repris à des centaines de milliers d’exemplaires partout dans le pays.

Quelles sont les raisons qui te l’ont fait écrire ?

Des millions de français, qui pourtant savent décrypter et résister dans leurs consciences, sont victimes d’une campagne médiatique acharnée de type désinformation totalitaire.
Sarkozy ment. Fillon ment. Woerth ment.
On a affaire à un véritable truquage éhonté de l’information, des chiffres, des “arguments”. C’est atterrant de bêtise ce qu’ils expliquent sur TF1, dans les grands médias aux ordres, mais ils n’hésitent pas ils le font : bourrage de crâne, contrevérités, manipulations, ils osent tout de façon incroyable !
Ils refusent le débat aussi bien avec les syndicats qu’ils ont méprisés, que dans les télés ou à l’Assemblée nationale où ils ont réduit le temps de parole de l’opposition à 20 heures. Sarkozy a imposé la procédure d’urgence, profité des vacances, organisé toutes sortes de diversions médiatiques que c’en est insupportable dans une république, vis-à-vis de la démocratie, vis-à-vis de citoyens majeurs.
Alors en plus des mobilisations et grèves appelées par les 8 syndicats unis les 23 mars, 29 mai, 24 juin, 7 septembre, 23 septembre, et de celles à venir, nous avons organisé avec Attac Copernic et les 268 signataires universitaires, intellectuels, associatifs, syndicalistes, politiques, plus de 400 meetings dans tout le pays. Dans de tels meetings, il y a des milliers de militants et de gens en colère, on développe nos idées et on est applaudi. Mais cela ne suffit pas : la diffusion d’un livre, aussitôt après, est un moyen de continuer, de renforcer les arguments, les convictions, de poursuivre en profondeur, voilà pourquoi on a écrit.

En quoi est-il « actuel » ?

Parce qu’en dix questions, dix réponses, il balaie toutes les arguties sur la prétendue “crise démographique”, la prétendue “crise économique” qui obligeraient à piller le niveau de nos retraites durement acquises. Il n’y a aucune contrainte démographique et la France est même très bien placée, car elle a le taux le plus élevé d’Europe de naissances. L’allongement de l’espérance de vie est fragile et n’est, hélas, pas si élevé, qu’ils le prétendent : de toute façon, ça ne modifie pas la biologie du corps humain entre 55 et 65 ans. Les plus belles années de la retraite sont entre 60 et 65 ans. Les plus dures années au travail sont entre 60 et 65 ans. Le travail devient dur pour tout le monde au milieu de la cinquantaine.

Et notre livre a été le premier à donner plein d’arguments – aujourd’hui largement repris par tous dans tous les meetings – comme le fait que l’espérance de vie en bonne santé est en moyenne de 63 ans pour les hommes et de 64 ans pour les femmes. Et nous avons expliqué et justifié sans ambiguïté que la retraite n’était pas une épargne mais le fruit d’une cotisation basée sur les salaires, une partie du salaire mutualisée, mise dans un pot commun et redistribuée en direct, de ceux qui travaillent à ceux qui sont en retraite, en temps réel, sans spéculation possible. C’est un salaire continué. Nous expliquons qu’il ne faut pas tomber dans le piége des assurances individuelles et fond de pensions, ils vous prendront vos sous et les dilapideront aux îles Caïman dans les caves à subprime et autre hedge fund : ne leur donnez rien, pas un centime, il n’y a pas d’issue individuelle à la retraite. Enfin nous décortiquons le danger de la retraite dite “à points”, les inégalités produites envers les femmes et les précaires, et dénonçons les baisses planifiées du niveau des retraites du fait de l’allongement inatteignable des annuités cotisées obligatoires.

Est-il vraiment possible de maintenir les retraite à 60 ans à taux plein ?

Evidemment, rien, rien, rien n’oblige à la remettre en cause, il faudrait même permettre la retraite à 55 ans dans le bâtiment par exemple. Qui n’a vu qu’un ouvrier de 55 ans devant son marteau piquer, avait peu d’espérance bien qu’ayant coûtés toute sa vie. Travailler plus c’est mortifère, il faut travailler mieux, moins, tous. Il y a l’argent disponible : si on cesse de faire des dizaines de milliards de cadeaux au CAC 40, aux 500 premières familles, d’exonérer de 42 milliards de cotisations les patrons, de permettre des niches fiscales comme celle de Copé sur les transferts de société qui coûte a elle seule 22 milliards (40 fois plus que le fameux bouclier fiscal).
Bien sûr, la France n’a jamais été aussi riche et les richesses aussi mal redistribuées à ceux, les salariés, 92 % de la population active qui les produisent. Même le COR (conseil d’orientation des retraites a calculé qu’avec 0,30 points de hausse des cotisations sociales pendant la période difficile de 2010 à 2036, on pouvait faire face et maintenir les prestations à 60 ans, avec 75 % de reversement, indexé sur les salaires, sans retraite inférieure au Smic, et calculée sur les 10 meilleures années ou sur les 36 derniers mois. Il faut redonner aux salaires la part qu’ils méritent, partager le travail et adapter les cotisations pour garantir les retraites, nous démontrons dans notre livre que c’est possible et viable. Tout dans notre livre est sourcé, chiffré, détaillé.

Crois-tu possible de faire céder le gouvernement et Sarkozy alors que ceux-ci affirment vouloir aller jusqu’au bout ?

C’est comme pour les dévaluations. Ils disent toujours qu’ils ne dévalueront jamais… une heure avant de dévaluer.
En avril 2006, Chirac est allé jusqu’à promulguer la loi du CPE… en demandant qu’elle ne s’applique pas. Sarkozy est isolé en dépit de toutes les sales diversions qu’il a tenté d’organiser cet été et en cette rentrée (Roms, immigration, insécurité, écoutes téléphoniques, mensonges sur Woerth-Bettencourt, l’affaire Karachi, etc.). Les diversions ont toutes échoué dans l’opinion. L’UMP est divisée, seul le Medef et le Cac 40 le soutient à 100 %. Il fait le fier-à-bras, alors que dans un pays normal il y aurait des élections anticipées. Mais autour de lui, bien qu’il fasse le sourd, truque les chiffres et manipule les grands médias à ses ordres comme TF1, les vagues de manifestants et de mécontents montent : Sarkozy est déjà mouillé jusqu’à la cheville, on va le mouiller jusqu’aux genoux. Ca monte chaque jour, on fait plusieurs meetings par soir et on va manifester et fait grève encore les 2 et 12 octobre. Bernard Thibault ne vient il pas de déclarer solennellement que “la grève reconductible ne peut absolument pas être exclue” ?

Merci et bonnes manifs      @mitiés   slovar

8 Commentaires

  1. argeles 39
    Posted 3 octobre 2010 at 10:19 | Permalien

    Sur le dossier des retraites on met en avant des ratios qui sont très souvent absurdes.
    Par exemple, la productivité/individu en 1960 n’a rien à voir avec celle de 2010, le PIB a doublé en 40 ans (euros constants) il est donc grotesque de comparer les ratios cotisants/retraités à 50 ans d’intervalle. Le doublement du PIB peut bénéficier aux actifs comme aux inactifs, l’enjeu c’est le partage entre le capital et le travail. Tous les économistes, ou presque, s’accordent pour dire que depuis 30 ans la part du capital s’est fortement accrue (de mémoire, 10 à 20 % de PIB) au détriment des salaires (et de facto des retraites), même Joseph Stiglytz fait ce constat dans « triomphe de la cupidité », une des causes selon lui de l’actuelle crise du capitalisme (et pourtant l’homme est loin d’être un affreux marxiste…….).
    De l’argent il y en a pour financer les retraites, le problème ce n’est pas la taille du gâteau mais sa répartition, voir l’argumentation de Bernard FRIOT :
    http://www.legrandsoir.info/Financement-des-retraites-l-enjeu-des-cotisations-patronales.html
    Le recul de civilisation qui nous est imposé par Sarko donne quitus au Medef qui souhaite liquider l’héritage du CNR et profite aux assureurs privés (du côté du frangin, chez Malakoff-Médéric on doit exulter…..).Ce recul de civilisation est bien sur « feutré » mais ce sont les mêmes mécanismes que ceux observés en 36-39 en Espagne, au Chili avec la chute d’Allende…. Comme dirait W.Buffet c’est une lutte des classes, l’oligarchie revancharde ne s’accommode jamais de ses « défaites ».

  2. luc
    Posted 4 octobre 2010 at 19:46 | Permalien

    Les entreprises versent 10 fois plus à leurs salariés et à l’Etat qu’aux actionnaires.

    Effectivement, chaque année, les entreprises versent 80 milliards d’euros aux actionnaires.

    Mais elles versent aussi 500 milliards d’euros à leurs salariés et 260 milliards d’euros à l’Etat via les impôts.
    Enfin, elles vont réinvestir 190 milliards d’euros.

    Soit 760 milliards d’euros pour les salariés et l’Etat.

    Evidemment, ceux qui touchent l’essentiel des dividendes sont peu nombreux, c’est pourquoi ils sont très riches.

    Voir Rémy Prud’homme, professeur d’économie à PARIS XII
    Partage de la richesse produite : de quoi parle-t-on ?
    http://www.debateco.fr/content/partage-de-la-richesse-produite-de-quoi-parle-t

  3. Posted 4 octobre 2010 at 21:23 | Permalien

    pseudo-Argeles : Quelque chose… un « détail » manque à votre raisonnement…

    Il s’appelle 50 euros par mois … 50 euros à Kienké dans les champs d’huile de palme de la SOCAPALM, 50 euros versés par Vincent Bolloré et la famille Fabri…
    50 euros par mois…

    Ce « détail » s’appelle « Troupes Françaises Hors d’Afrique »
    Un mot d’ordre quasiment abandonné – même par le NPA – qui fait la différence entre « parti colonialiste » et « parti formois radical » au moment de gouverner…

    Un « détail » qui s’appelle « 3 millions de bébés africains morts » chaque année … dans l’indifférence totale de toute la gauche…

    On aurait pu espérer d’un Matti devenu réformiste qu’il tente (en sus d’unifier la formoisie – ce qu’il réussit très bien en ce moment après 20 ans de lutte acharnée…) de faire voter une loi REFORMISTE :
    Sera appelé « criminel colonialiste » tout patron embauchant sur Terre un travailleur à des conditions dérogatoires aux lois françaises…. en particulier dérogatoires au code du travail…
    Vincent Bolloré à Kienké, le patron (d’Extruflex) interviewé par Daniel Mermet en Chine …. seraient inculpés pareillement et punis de « bannissement de France » et de « déchéance de nationalité française »….

    Ce combat réformiste – en sus du combat pour le retrait des troupes coloniales serait un minimum pour un….. Martov de 2010……

    Faire l’historien honnête est utile, préparer le terrain de la révolisation à venir est …mieux encore ….

  4. Posted 4 octobre 2010 at 21:29 | Permalien

    1000 milliards d’euros par an nous suffirons, après la révolisation pour accorder
    - 1000 euros par mois à chaque Français de plus de 14 ans (plus 500 par enfant soit 3000 euros pour une famille de deux enfants jeunes)
    (projet égalitariste)
    - 300 euros par mois à chaque citoyen pour qu’il puisse (individuellement) investir où il le souhaite – sans profit ni retour. De telle façon qu’aucun politique n’ait accès à la clé du coffre.
    (projet libéral)

    Les 1000 milliards restants seront rendus à l’Afrique …. en multipliant par dix la valeur marchande de nos importations depuis ce continent martyr….

    Les rêves des salariés français indifférents aux livres du regretté François Xavier Verschave devront guérir de leur pathologie consumériste…. qui les rend si malheureux ….

  5. Posted 4 octobre 2010 at 22:23 | Permalien

    Après une rapide lecture de Luc et de son lien (je lirai lentement hors connexion, après fermeture du spot wifi gratuite honnie de J. B…..)…. j’abonde à ses propos….

    Le wiki … nous donne une consommation finale d’environ 1200 milliards d’euros.
    Dont une partie de « capital circulant »

    Consommation finale 1 196,2
    dont consommation des ménages 993,2
    dont consommation des APU (1) 423,7
    dont consommation des ISBLSM (2) 23,3
    # (1) APU = Administrations publiques
    # (2) ISBLSM = Institutions Sans But Lucratif au Service des Ménages

    Ce sont ces 993,2 milliards d’euros qui seront rendus, pour plus du tiers à nos cousins Africains.

  6. Dr DAZIN médecin du travail
    Posted 5 octobre 2010 at 15:45 | Permalien

    Lettre ouverte:

    Docteur Pascal Dazin
    Médecin du travail
    La Hulotte des Frots
    22940 PLAINTEL
    Monsieur Bernard Accoyer
    Président de l’Assemblée Nationale

    28 septembre 2010

    Monsieur le Président et cher Confrère,

    Beaucoup de médecins du travail ont découvert qu’une nouvelle conception de la médecine du travail était insidieusement prévue dans le projet de loi numéro 527.

    En tant que praticien expérimenté dans cette discipline sociale, il est de mon devoir de vous aviser de ma perception et de mes convictions, même si nous avons été « soigneusement » éloignés de toute consultation pour l’élaboration de ce projet de loi, qui bouleverse la définition de nos valeurs communes et donc va modifier d’une façon inédite le climat psychosocial au travail et hors travail, à court terme pour les quinquagénaires, pour leurs proches et pour les chômeurs, et à long terme pour tout le salariat français.

    Tout se passe comme si 65 ans après la politique sociale qui fit de la France un phare en matière de solidarité publique, la notion même de « valeurs » s’était singulièrement modifiée, ces valeurs n’apparaissant plus que par des chiffres: l’immense fortune virtuelle (accumulée cependant grâce au labeur des retraités ou futurs retraités), les statistiques démographiques, l’augmentation de l’espérance de vie, (bien maigre comparée à l’obésité du capital financier), les très nombreux indicateurs économiques, souvent flous, contradictoires, parcellaires, l’appel à la rescousse des assurances privées, des médecins libéraux spécialisés, des fonds de pensions, des cabinets d’affaires, etc.

    Mais dans le même temps, aucun indicateur sur la santé globale de nos contemporains n’a été mis au point. Comme si « l’avoir » l’emportait définitivement sur « l’être », comme si l’on avait oublié la prophétie de Malraux : « le troisième millénaire sera spirituel ou ne sera pas ».

    Or je crains fort que ce millénaire ne soit rapidement celui des troubles identitaires globaux : professionnels, familiaux, politiques, éthiques, etc. Et je suis certain que le projet de loi 527 qui fait déjà ouvertement débat dans les bureaux, les chantiers, les services, et jusqu’à l’Assemblée nationale, va aggraver le mal-être collectif par un nouveau conflit d’éthique et d’intérêts, généré par l’éloignement de nos idéaux républicains, quant à eux réellement identitaires.

    Je ne reprends aucun idéologue en parlant « d’identité ». Cela fait bien longtemps que je milite pour le respect de l’identité de nos contemporains, y compris au travail. Je n’ai donc pas attendu cette notion « d’identité française » qui appartient pour moi plus à l’imaginaire procédurier normalisateur qu’à l’observation médicale neutre et bienveillante.

    Dans le même temps, l’état d’équilibre très fragilisé de nos contemporains, basé sur le trépied santé physique, santé morale/mentale, et santé sociale, ne fait l’objet que de sondages ponctuels, hasardeux, discordants et opportunistes, en place d’enquêtes objectives.

    Pour le professionnel spécialisé en santé collective que je suis, ce trépied définissant l’état de santé (du moins selon l’OMS) ne me semble pas en meilleur équilibre que celui qui devrait exister entre les trois pouvoirs républicains, l’exécutif, le législatif et le judiciaire. En effet, la priorité d’intervention de ces pouvoirs dans la vie concrète de nos concitoyens est à présent bien trouble, au gré des politiques à courte vue, des conflits d’intérêts de corporations, et des lois opportunes et imparfaites quand elles ne sont pas contradictoires qui s’empilent dans la précipitation. Le projet 527 présente trop ces caractéristiques inquiétantes et vous verrez plus bas pourquoi il est devenu un projet de trop, et même un projet typiquement illégal

    La politique sociale de prévention des années d’après nazisme et collaboration est peu à peu rongée. Le rongeur en question a lui aussi une identité, qui efface peu à peu le bel adjectif « social » de l’article 1 de notre Constitution: il s’agit de l’arme idéologique ultra-libérale et amorale, servie par ses cohortes de professionnels en cabinets, lesquels, tirés vers le bas, aveuglés par le chiffre et le nombre d’affaires, posant sans état d’âme leurs plaques dans des territoires à coloniser aux dépens des anciennes terres sociales, ne se posent souvent même plus la question de la salubrité de leurs interventions « au nom du droit et de l’identité»….

    A cet égard, tout se passe comme si la multiplication des nouveaux codes de déontologie et la révision à la baisse des anciens témoignaient de la fuite des repères moraux.

    Quinze ans avant la terrible crise qui a secoué France Télécom en 2009, j’avais avisé les partenaires sociaux que l’état de santé morale voire mental de la population que je surveillais était dangereusement fragilisé par la rupture identitaire qu’elle venait de subir.

    Il ne faudra pas 15 ans, Monsieur le Président et cher confrère, pour que la société globale ne soit très gravement perturbée par les mesures qui leur sont actuellement promises à travers le projet en question. Car sous prétexte d’une très nécessaire révision des modalités de la vie au travail et de l’âge et des conditions de retraite, il va bouleverser la population salariée et les chômeurs et entraînera à coup sûr des désarrois profonds, par grave discordance entre l’esprit des lois de 1946 qui a forgé une morale collective, et celui de ce projet, qui légalise à bien des égards la régression d’idéal social et fait fi de l’idéal identitaire historique.

    En effet, dans la réflexion politique -d’ailleurs trop hâtive-, la dissonance choquante entre l’énorme montée de la masse d’argent, disponible pour seulement quelques-uns mais accumulée par le labeur de tous, et entre les efforts psychologiques et physiques demandés à des gens déjà trop souvent en rupture de sens de vivre au travail, va entraîner un grave mal-être d’une fraction très importante des salariés comme des chômeurs, qui n’adhérent pas à la démarche proposée, et qui sont bien trop expérimentés et avancés en âge pour se laisser convaincre par les communications officielles.

    N’a t’on donc rien retenu du naufrage identitaire de France Télécom?

    Veut-on réellement jouer les apprentis sorciers à un échelon qui ne sera plus « seulement » celui de l’échantillon de cent cinquante mille salariés à travers le territoire?

    Il se passe pourtant en 2010 et au niveau national, ce qui s’est passé à l’échelon de l’entreprise France Télécom des années 1992 et suivantes : même refus de plus de la moitié des salariés, mêmes manifestations de désarroi et de colère, mêmes objections au sujet du « changement de culture » qui serait imposé pour le bien de tous et au nom de l’avenir, mêmes confits d’intérêts bien identifiés à la base entre des sphères libérales minoritaires et une population globale déjà si assoiffée de justice sociale.

    Comment les médecins du travail –du moins ceux qui restent en activité après que cette filière médico-sociale représentant le fleuron mondial de la médecine préventive ait été dévalorisée- vont-ils pouvoir exercer convenablement leurs missions dans un tel climat psychologique ?

    Ils vont tous être placés en situation objective d’urgence psycho-sanitaire, au détriment de leurs fonctions préventives primaires traditionnelles.

    Je sais de quoi je parle, ayant comme d’autres passé près de six mois à me préoccuper en urgence de cas particuliers à partir de la crise identitaire de l’automne 2009, qui frappa ce salariat, comme jamais je ne l’avais observé dans mon expérience professionnelle.

    L’état d’esprit de ce projet de loi, qui va au passage et comme par hasard affadir et partiellement stériliser les actes des spécialistes en médecine du travail, fait automatiquement émerger un sur-risque significatif de fragilité de la population sous toutes les formes psychosociales, sur-risque d’ailleurs reconnu et donc légalisé dans ses articles 24 et 25 .

    J’attire votre attention sur le côté inouï et même absurde, tant pour le logicien que pour le républicain, de cet aspect de la problématique.

    Dès que le « principe de précaution » fut introduit dans la Constitution Française, on a dépensé une fortune publique pour prévenir une petite grippe par des moyens privés, mais a contrario, cette année, nous voyons émerger un projet de légaliser un risque quant à lui prédit sans crainte de se tromper, et énoncé dans projet de loi, qui renonce donc d’emblée à ne pas nuire, et se rassure ou se justifie en modifiant dans leur dos l’éthique des médecins du travail !

    Et qui s’occuperait des victimes sociales? Des psychiatres remboursés par la sécurité sociale déjà en difficulté ? Des psychologues de cabinets d’urgence ? Des sociétés d’assurances et des cabinets d’avocats opportunistes ?

    Je rencontre tous les jours des personnes concernées par ce projet de loi. Je ne les interroge pas sur ce sujet, par devoir de neutralité. Mais ce sont elles et eux qui s’en ouvrent spontanément à moi.

    Et ce ne sont pas seulement celles et ceux que je savais déjà en difficulté dans l’entreprise dont j’ai la charge, mais bien d’autres encore, qui viendront peu à peu inexorablement grossir les rangs des salariés en mal-être psychosocial prévu mais non prévenu par une loi qui jeta des millions de gens dans la rue, comme si l’inconscient collectif avait mesuré le risque psychosocial et ressenti le trouble identitaire républicain qui permit de l’imaginer dans cette forme.

    Certes, le chef d’état a entre autres promis de s’atteler à la réforme de la retraite. Je comprends fort bien qu’il faille tout faire pour se donner les moyens de tenir ses promesses, lesquelles ne devraient bien entendu pas « engager que ceux qui y croient », ainsi qu’un célèbre homme politique pourtant gaulliste le déclara.

    Mais j’attire à ce propos votre attention sur le fait qu’à l’analyse du projet de loi 527, nous ne sommes absolument pas dans cette configuration morale ou dans cette problématique.

    En effet, le projet de loi n’est pas dans son fond une réforme telle qu’elle fut promise par un candidat à la présidence en ce qui concerne la retraite, puisqu’il transgresse l’idéal de solidarité propre à l’esprit du CNR, viole le principe de précaution qui doit guider tout texte à la source, et minimise l’idéal des médecins du travail qui ne seraient plus faire ce qu’ils doivent pour « éviter l’altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
    Car la partie insidieuse de ce projet, grossièrement rédigée, puis révisée esthétiquement, légalise la collaboration de la médecine du travail avec ces troubles psychosociaux inédits, qui ne sont pas niés par l’esprit du texte.

    Cet additif au texte en question est quant à lui typique de la légalisation de conflit d’intérêts, avec transformation de l’idéal de la médecine du travail pour faire de cette institution l’accompagnatrice des sur-risques prévus.

    Si l’on voulait sournoisement mettre à mort la médecine du travail née dans l’état d’esprit solidaire et indépendant qui fut et reste celui de 1946, on ne s’y prendrait pas autrement qu’en mettant toute une profession au service d’un bouleversement identitaire collectif, sans l’avoir consultée précédemment, non seulement sur la nécessité de la « réformer » une fois de plus et cette fois-ci dans l’urgence, qui plus est au sujet d’un problème de santé où elle ferait pourtant plus autorité que toute autre pour donner son avis préalable!

    L’hôpital se moque donc de la charité. « Primo non dolore »? Par ce projet, cet idéal de notre serment est dépassé autant que la Constitution ne l’est de son côté…

    J’ai proposé une formule conclusive à Monsieur le Président du Sénat, et je me permets de la reformuler à votre intention : « un vent mauvais souffle sur l’esprit des lois »

    Vous remerciant pour votre bienveillante attention, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale et cher Confrère, mes salutations très distinguées.

    Docteur P. Dazin, médecin du travail

  7. Sacha Tognolli
    Posted 7 octobre 2010 at 11:30 | Permalien

    Cher(s) Amis,
    Dans le cadre de la lutte contre le projet de loi sur les retraites, nos sénateurs du Parti de Gauche ont mis en place un dispositif permettant à tous de suivre les débats au Sénat. En effet, les sénateurs sont appelés à se prononcer sur ce texte qui remet en cause le droit à une retraite à 60 ans à taux plein à partir du mardi 5 Octobre.
    Au Parti de Gauche, comme au Front de Gauche, le cœur de notre projet politique est la « Révolution citoyenne ». Ainsi, nous pensons qu’il est important que tous les citoyens qui le souhaitent puissent s’impliquer activement dans ce débat sur les retraites, symbole de notre contrat social.
    Pour ce faire, nos sénateurs Marie-Agnès Labarre et François Autain vous invitent à vous rendre sur le site du Parti de Gauche, http://www.lepartidegauche.fr , pour suivre tous les deux jours des comptes-rendus de la bataille parlementaire au Sénat (en haut à droite sur le site). En effet, chaque soir, sur les coups de 20h, sera mise en ligne une petite vidéo revenant sur l’évolution de la discussion au Sénat. Cette petite série s’intitule « Chronique de la bataille parlementaire contre le projet de loi sur les retraites ».
La première vidéo est d’ores et déjà en ligne.

    Vous pouvez aussi la retrouver sur dailymotion : http://www.dailymotion.com/video/xf3jma_chronique-de-la-bataille-contre-la_news.

    Sacha Tognolli

  8. Dr DAZIN médecin du travail
    Posted 29 octobre 2010 at 14:29 | Permalien

    Docteur Pascal Dazin
    Médecin du travail
    La Hulotte des Frots
    22940 PLAINTEL
    Monsieur Jean-Louis Debré
    Président du Conseil Constitutionnel
    2, rue de Montpensier
    F-75001 Paris

    28 octobre 2010

    Objet :Non -conformité avec nos principes républicains du projet de loi 527, relatif à la réforme de la politique sociale de retraite en France

    Monsieur le Président,

    Chacun sait que cette loi, passée en force dans un climat d’inquiétudes et de colères inédit dans sa durée et dans sa prégnance populaire depuis 1968, est basée au départ sur un mensonge du candidat à l’Elysée, faisant en la matière de fausses promesses, séductrices pour l’électorat, mais destructrices pour sa crédibilité actuelle. Notre chef de l’état français espère à tort que ses concitoyens peuvent préférer des positions autoritaires et illogiques à des actes réfléchis et consensuels, qui seraient les seuls à faire autorité dans une République sociale.

    D’autre part les médecins, et spécialement les médecins du travail en matière de santé publique, savent que le dogme « d’abord ne pas nuire » est un socle qu’il est toujours dangereux de transgresser.

    Quand le remède devient pire que le mal, même s’il est enrobé de chiffres plus que de lettres, et d’effets de manches qui frisent l’insulte aux valeurs sociales de notre République, plus que de respect des nouvelles donnes sociologiques, ce remède n’est plus qu’un mauvais traitement infligé à nos valeurs communes, un trouble durable à notre identité sociale collective.

    A cet égard, la non consultation des médecins du travail au sujet de cette réforme de l’esprit des lois sociales françaises de 1946, sacrifiées sur l’autel du Dieu Capital Financier, est plus qu’un manque de respect: c’est une ruse, d’autant plus visible que ladite réforme stérilise au passage avec un opportunisme grossier l’esprit de la médecine du travail née à la même époque, un outil neutre, coopératif, social, efficace et indépendant, au service de la communauté humaine au travail et non pas au service de la. sauvegarde du capital financier.

    De coup de force en refus de dialogue, de communications désastreuses basées sur des contresens sociologiques, en dénigrement des craintes légitimes de nos concitoyens anciens salariés, salariés ou futurs salariés, cette loi va voir le jour par césarienne politicienne, mais est condamnée à une espérance de vie très réduite, par manque d’attentions et brutalités des nouveaux accoucheurs de lois, plaidant rester républicains.

    Car l’article 5 de la Constitution Française impose que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par l’application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

    Certes, l’ observance de ce « principe de précaution » nous a valu l’an dernier une tragicomédie sous prétexte sanitaire, avant tout par autoprotectionnisme des intervenants politiques, qui se sont en effet prémunis des dangers fantasmés de la grippe A qui auraient pu entraîner une calamité judiciaire de plus, en organisant leur propre parade anti-judiciaire, à coups de millions d’euros publics dépensés sans raison sanitaire, se faisant même vacciner eux-mêmes en direct sur les médias ( !), le sourire aux lèvres. Qu’il est loin, le temps du BCG et du verre de lait encouragés à juste titre et dispensés publiquement par des autorités politiques autrement crédibles, dans les années 1950…

    On aimerait, puisqu’à présent on préfère les chiffres avec des dizaines ou centaines de zéros aux Hommes qui ne gagnent que deux à trois zéros après le chiffre, que la somme de Madame Bachelot et de Monsieur Sarkozy égale le poids politique et moral de Monsieur Mendès-France ou de Monsieur De Gaulle.

    Mais même en imposant cet équilibre plus qu’improbable par une loi, nos contemporains n’en seraient pas plus dupes que de la loi 527…

    Car un an exactement après le naufrage identitaire des salariés de France Télécom, eux aussi trahis au fil des décennies au sujet du contrat moral co-signé de servir le public auquel ils avaient massivement adhéré, un an après le naufrage ridicule de la barque de la lutte contre la grippette A, présentée comme un paquebot, mais qui fait douter cette année la population au sujet de la vaccination contre la grippe saisonnière, un danger social réel présentant les mêmes caractéristiques de l’aventurisme ultra-libéral et du ridicule social, est créé sans état d’âme par une loi présentée une fois de plus comme républicaine et salvatrice.

    Cette loi en vient même, tentant de s’auto-sécuriser et de protéger ses concepteurs accoucheurs, à dénaturer la médecine du travail mise à présent au service des effets pervers de ce monstre asocial. Les géniteurs de cette loi violent l’esprit de solidarité sociale de l’après nazisme, plaçant l’intérêt du capital financier au dessus de l’intérêt des solidarités et du partage social, plaident que la médecine du travail, acquis social de 1946, issu de l’esprit du Conseil National de la Résistance, doit être transfiguré en outil d’accompagnement post-caritatif, placé d’autorité au même rang que tous ces cabinets libéraux à connotation psycho-judiciaire, qui grignotent le fromage de l’argent des entreprises sans améliorer la vie des salariés. Cette loi plaide enfin que la médecine du travail dénaturée pourrait encore prévenir certaines conséquences morbides qui vont être entraînées par son application, alors que cela lui sera humainement impossible.

    Tout se passe donc comme si le principe de précaution, que des millions de français ont intuitivement mis en alarme dans les rues, en se manifestant de façon inédite depuis 1968, pouvait être gommé de la Constitution dans les hémicycles!

    Tout se passe comme si ce principe de précaution introduit à l’article 5 de la Constitution Française pouvait s’appliquer de façon absurde quand il va entraîner un phénoménal marché d’affaires socialement inutile contre une petite grippette (n’en déplaise aux bras de Monsieur Sarkozy et de Madame Bachelot, souriant l’an dernier sur la photo en donnant l’exemple), mais ne devait pas s’appliquer quand il s’agit de mettre la population salariée au service du capital financier et non pas le capital financier au service des solidarités humaines et écologiques, en faisant de plus autoritairement collaborer à ce projet la médecine du travail pour faire mine d’appliquer le principe de précaution. Pourtant, dénaturée comme prévu par la loi, ou même non dénaturée, la médecine du travail qui a contribué à un progrès sanitaire unique au monde, ne pourra réparer les nouveaux dégâts commis symboliquement et matériellement contre une population asservie à la marche du Capital, plutôt qu’incitée à renouveler les solidarités sociales éternelles dans un monde dont les dangers ont pris de nouveaux masques.

    Ce n’est donc pas du tout par hasard qu’elle n’a pas été consultée sur un sujet où elle était de première compétence pour l’être, mais a au contraire été autoritairement frelatée « légalement » pour servir un projet dénaturant les idéaux sociaux et républicains du CNR.

    J’en termine par une citation du chef d’état, remontant à l’an dernier, à la même époque, au cœur de la crise historique des personnels de France Télécom, juste avant la promotion grossière de la vaccination contre la grippe A :

    « L’année 2009 a été l’année de la crise en France. L’année 2010 sera l’année de la refondation»

    Au delà du fait qu’une fois de plus, le chef d’état a récité un mot qui n’appartient pas à la langue française, je ne peux que constater, avec Jean de la Fontaine, dans sa fable « l’Huître et les Plaideurs » que l’huître du labeur de nos contemporains sera gobée par le Maître Dandin et sa cour opportuniste:

    « Ce repas fait, il dit d’un ton de Président :
    Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille ».

    Certes, Jean de la Fontaine n’était pas républicain, mais il avait déjà un bon sens précurseur, que n’ont malheureusement plus les opportunistes d’aujourd’hui, même ceux et celles qui se gargarisent sur le devant de la scène avec les mots pour plaider nos idéaux et les actes pour les trahir.

    France sociale d’hier, sous-France libérale d’aujourd’hui, quelle décadence en deux générations qui ont cru triompher de la perversité, quel laisser-aller au nom de la légalité et des plaidoiries politiciennes mercantiles!

    La France vient de manquer une occasion historique de respecter son histoire. Ses représentants politiques dénaturent la quête de sens au travail salarié en médiocre revendication de moins travailler. « La France qui ne veut pas travailler, c’est fini », déclarait tout récemment le chef d’état au salon de la voiture…Quelle grand malheur d’avoir des représentants ayant une telle vision philosophique et une si maigre expérience des désarrois légitimes, peut-être trop spirituels pour notre « élite »…

    Veuillez agréer, Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel, mes salutations républicaines.

    Docteur P. Dazin, médecin du travail

2 Trackbacks

  1. Par World Wide News Flash le 15 octobre 2010 à 2:28

    ITV par Slovar pour Marianne 2 : lire « une vraie retraite à 60 ……

    I found your entry interesting do I’ve added a Trackback to it on my weblog :)…

  2. Par World Spinner le 15 octobre 2010 à 19:37

    ITV par Slovar pour Marianne 2 : lire « une vraie retraite à 60 ……

    Here at World Spinner we are debating the same thing……

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*