Des milliers d’ouvriers du bâtiment continuent en ce moment dans notre pays de risquer leur vie sans protection en enlevant l’amiante installée dans les années 1960 à 1990…
Cela ne se sait pas assez, ne se dit pas assez, mais les risques de l’amiante ont été l’objet d’une découverte de l’INRS en 2010, rendue publique depuis l’automne 2011, qui bouleverse toute la donne scientifique : car 85 % des fibres dites courtes (FCA) et fines (FFA) d’amiante étaient inconnues jusqu’à ce qu’un nouveau procédé dit « META » (microscopie électronique à transmission analytique) les mette en relief.
On sait aujourd’hui que non seulement l’amiante tue 100 000 personnes en trente ans, mais que depuis 1996 et les lois qui étaient censées les protéger, en fait, les ouvriers spécialisés dans le désamiantage sont restés exposés à tous les risques mortels. Leurs masques simples ou à adduction d’air, n’empêchaient pas les fibres courtes et fines de pénétrer dans leurs poumons, les livrant à des asbestoses, mésothéliomes ou cancers de la plèvre.
Le scandale a éclaté dans quelques journaux, en début 2012, mais le gouvernement Fillon, le ministre Xavier Bertrand, n’ont rien voulu faire. Un décret du déconsidéré Directeur général du travail (hélas encore en place) Jean-Denis Combrexelle a prévu la mise en oeuvre de nouvelles mesures protectrices d’ici au… 1er juillet 2015. Ce dernier a osé expliquer dans Le Monde que « les entreprises n’étaient pas prêtes », ce qui signifiait… que leurs ouvriers, eux, doivent être prêts à mourir en attendant.
Le décret Bertrand-Combrexelle laisse aux ouvriers concernés, 3 ans avant la mise en œuvre de protections qui les empêcheraient de contracter les maladies mortelles.
Alain Vidalies, devenu ministre des relations avec le Parlement et non pas ministre du travail, avait, le 2 mars 2012, au nom du PS et de l’équipe de campagne de François Hollande, publié un communiqué demandant LA seule mesure élémentaire et urgente : un moratoire ! Qu’on arrête les chantiers mortels, qu’on règle la question des risques, et qu’ensuite, on reprenne les désamiantages.
Mais non, on attend encore. C’est à Michel Sapin, nouvellement installé, d’agir. Car on en est à un stade complet d’absurdité : l’administration du travail, interdit actuellement aux inspecteurs et contrôleurs du travail « d’aller en zone » à cause des risques encourus… par l’activité des ouvriers dont ils sont censés assurer la protection !
Moratoire immédiat ! Chaque jour de retard est un jour de trop ! Car tous les responsables actuels, jour après jour, sachant ce qu’ils savent et ne prenant aucune mesure seront responsables des morts suscitées. Ils devront en rendre compte devant les victimes, les familles et les tribunaux.
(chronique « au boulot » dans l’Humanité dimanche chaque semaine)