Supprimer l’apprentissage à 14 ans et à 15 ans, ce n’est pas tabou !

À 15 ans, broyé dans un pétrin

Qui réparera jamais la mort de cet adolescent de 15 ans, le 15 novembre 2010 à Mulhouse, broyé dans le pétrin d’une boulangerie où il effectuait un « stage d’observation », le collégien, laissé seul, ayant eu le bras happé par la machine au moment où il se penchait au fond du pétrin pour le nettoyer ?

Ce sont MM Chirac, de Villepin, Sarkozy et l’UMP, qui, en août 2005, sous pression du Medef, rétablirent l’apprentissage à 14 ans au lieu de 16 et la possibilité, comme au XIXe siècle, pour des enfants de 15 ans, de travailler de nuit et de dimanche.
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C’est cet apprentissage dit parfois « junior » qui a tué ce garçon de 15 ans en 2010.

Exemple : Apprenti commis cuisine

Reportage l’autre jour au journal télévisé sur la formation des jeunes commis cuisine. Des patrons s’y plaignaient de ne pas trouver assez de jeunes vocations, il y aurait 20 000 emplois vacants en dépit de l’apprentissage.
Souvenir de permanence de l’inspection du travail : un ouvrier du bâtiment, d’origine algérienne, était venu avec son fils. Agé et usé, le visage buriné par le travail de manoeuvre qui avait été le sien au moins quarante années durant, il regardait autour de lui, comme s'il était en un lieu où il ne devait pas être. Il avait mis sa plus belle veste. Ses mains tremblaient. Il semblait ne pas oser dire la raison pour laquelle il accompagnait son fils. Comme si c'était incongru. L’enfant, Ahmed, était frêle et beau, juste à l’âge où il hésitait entre baisser le nez devant l’autorité paternelle et celui où il se redressait comme un jeune homme fier. Lui aussi avait mis une belle chemise, blanche, et semblait embarrassé.
Prenant leur courage d’un même souffle, l'enfant et le père, sans se regarder, parlèrent en même temps avec les mêmes mots : « – Il le bat » « – Il me bat ». L'enfant était apprenti, commis cuisine, dans un restaurant du IIIe arrondissement. Le gamin, quinze ans et juste un mois, était obligé par son patron de rentrer tard, parce que le patron ne le lâchait pas avant 1 h du matin parfois 2 h. « – J'ai peur pour lui quand il rentre entre 2 h et 3 h du matin, vous savez, monsieur l'Inspecteur, on habite en banlieue, à Aubervilliers, le patron ne lui donne rien pour prendre un taxi, il y a le bus de nuit, mais il est rare, il est long, Ahmed, il faut qu'il marche beaucoup, parfois, il arrive à trois heures et demie, quatre heures, moi, j'ai peur. Vous voyez, c’est pas bon, un gamin, tout juste 15 ans, qui rentre à quatre heures du matin à la maison. » Et le patron le battait, ça faisait la deuxième fois, la première parce qu'il avait fait tomber deux assiettes, la seconde parce qu'il avait renversé un plat chaud. Des gifles.
« – Ahmed, il l'a dit à son centre d'apprentissage, mais ils n'ont pas écouté. Je crois qu'ils ne le croient pas monsieur l'Inspecteur. J'ai appelé, mais je m'exprime pas bien, il faudrait faire une lettre, mais je ne sais pas bien non plus. Moi, son père, je n'ai jamais, jamais levé la main sur lui, c'est un bon garçon, vous savez… »
De quoi vomir les politiciens qui ont cru faire leur notoriété auprès du patronat en rajeunissant l'âge auquel des mômes pouvaient être livrés à pareille exploitation. Ceux qui ont restauré le travail à 14 ans au lieu de 16 ans. Et même le travail du dimanche et de nuit à partir de 15 ans. Deux jeunes sur trois ne finissent jamais leur apprentissage, pas difficile de comprendre pourquoi, la mentalité de leurs tuteurs, le plus souvent, c’est : « – J'en ai bavé quand j'étais jeune, tu dois en baver aussi. »
Au lieu de jouer aux Thénardier du XXI° siècle, il y a bien des restaurateurs qui, s’ils les payaient bien, respectaient leurs droits tout en les formant, trouveraient tout de suite 20 000 jeunes qui auraient envie de travailler chez eux.

Des entreprises privées prennent ainsi des apprentis de 15 ans dans des métiers : du maçon à l’électricien en passant par l’installateur sanitaire, l’installateur thermique, le serrurier métallier, le menuisier, le peintre applicateur de revêtement ou le solier moquettiste.

De 14 à 16 ans, il n’y a aucune rémunération, aucune formation au droit du travail, c’en est fini du « collège unique » : « En effet, il est important aujourd’hui, que le jeune comprenne la nécessité tout d’abord de respecter les compagnons et le chantier. Avant tout, un apprenti doit apprendre à bien balayer sur le lieu de travail, être délicat pendant le transport de l’ouvrage, et être vigilant au cours de l’installation. Et régulièrement je leur répète que la légitimité vient par notre parcours. » dit un patron de combat genre Thénardier.

L’apprentissage junior
Principe
Les élèves de collège voulant entrer en contact au plus tôt avec la vie active peuvent demander à accéder à une formation appelée « apprentissage junior », qui leur permet de découvrir en situation concrète plusieurs métiers différents avant de choisir définitivement leur voie
Bénéficiaires
Les élèves souhaitant intégrer une formation d’apprenti junior doivent remplir les conditions cumulatives suivantes :
être âgés de 14 ans exactement à la prochaine rentrée scolaire,
• avoir l’accord de leurs parents (ou représentants légaux).
Inscription
Les candidats doivent rechercher un centre de formation des apprentis (CFA) organisant des formations d’apprentissage junior et prendre un contact direct avec lui.
Les candidats doivent avertir de leurs démarches le principal du collège où ils sont encore scolarisés.
La formation débute à la rentrée de l’année scolaire suivante.
A savoir : pour que la demande d’inscription ait toutes les chances d’aboutir, il est recommandé d’entamer les démarches avant le conseil de classe du deuxième trimestre de l’année scolaire durant laquelle le candidat aura atteint l’âge de 14 ans.
Lieu de formation
La formation d’apprentissage junior se déroule majoritairement dans les locaux du CFA.
Les entreprises accueillant l’élève sont toutes géographiquement très proches du CFA.
Parcours d’initiation aux métiers (Pim)
Construction d’un projet personnalisé
Un bilan des connaissances et des compétences acquises durant la scolarité générale est effectué à l’entrée au CFA.
Ce bilan sert de base à l’élaboration du projet pédagogique personnalisé intégrant :
• des heures d’enseignement général,
• des heures d’enseignement technologique et pratique,
• des stages en milieu professionnel pour découvrir divers métiers dans diverses entreprises,
• des objectifs précis de débouché en fin de formation.
Désignation d’un tuteur pédagogique
Le directeur du CFA désigne au sein de son équipe pédagogique un tuteur chargé de suivre l’apprenti junior durant sa formation.
En coordination avec les autres membres de l’équipe pédagogique, le tuteur :
• organise des entretiens avec l’apprenti junior afin de procéder à des évaluations régulières de la formation,
• assure la liaison entre le CFA et les entreprises qui accueillent l’apprenti junior en stage,
• recherche tout appui susceptible de l’aider à résoudre d’éventuelles difficultés liées à sa formation ou à sa vie personnelle.
Le tuteur accompagne l’apprenti junior tout au long de sa formation.
Débouché en contrat d’apprentissage
A compter du moment où il atteint l’âge de 15 ans, l’apprenti junior peut préparer une entrée en contrat d’apprentissage .
Durée
La formation d’apprenti junior dure 2 ans.
Cependant, l »apprenti junior peut, jusqu’à ses 16 ans, mettre fin à tout moment à cette formation et reprendre une scolarité ordinaire.
Coût
La formation est gratuite.
Rémunération
Aucune rémunération de l’apprenti junior n’est prévue, sauf si un stage dans une entreprise excède une durée de 20 jours (consécutifs ou non) : dans ce cas, le stage donne lieu, à l’issue de cette période, au versement d’une gratification correspondant à 20% du SMIC ( 1,84 € par heure).

Apprentissage dans le BTP : le trio gagnant (diaporama)

Alors que les négociations sur les contrats de génération sont en bonne voie, et que les questions sur la formation et l’apprentissage ne manqueront pas de nourrir les prochains débats, nous avons choisi de faire un focus sur un schéma gagnant-gagnant : celui qui lie un CFA, un apprenti et un entrepreneur. Immersion et témoignages.
Le CCCA-BTP veut mobiliser les CFA : Artisans | Emploi et salaires BTP | Organismes et organisations professionnelles
Situé au cœur de Rueil-Malmaison dans le département des Hauts-de-Seine, le centre de formation des apprentis des métiers du bâtiment forme 478 apprentis par an de 15 à 26 ans, affilié au réseau CCCA-BTP. Parmi les anciens, figure Bruno Lelièvre, menuisier, aujourd’hui dirigeant de LB Concept, PME de 16 salariés spécialisée à Nanterre dans l’aménagement de menuiseries haut de gamme intérieures et extérieures. « Venu tout droit du CFA de Rueil-Malmaison, j’ai toujours pris pour habitude de prendre des apprentis issus de ce CFA et de les recruter ici », nous confie-t-il aux côtés de Pierre Gomez, directeur de l’établissement de formation. Et d’approfondir : « L’apprentissage demeure une étape essentielle dans le cadre de notre métier manuel. Je plaide au quotidien auprès de mes deux apprentis Jimmy et Clément trois notions fondamentales : le respect, l’autonomie et la sécurité sur le lieu de travail. En effet, il est important aujourd’hui, que le jeune comprenne la nécessité tout d’abord de respecter les compagnons et le chantier. Avant tout, un apprenti doit apprendre à bien balayer sur le lieu de travail, être délicat pendant le transport de l’ouvrage, et être vigilant au cours de l’installation. Et régulièrement je leur répète que la légitimité vient par notre parcours. »

S.C.Batiactu ©

la schlague

Pierre Gomez, directeur du CFA de Rueil-Malmaison. « Animer la petite flamme qu’ils ont en eux »
Dans un contexte où la profession de menuisier a fortement évolué depuis une vingtaine d’années, en raison de l’évolution de la technique, le patron de la PME estime l’importance d’être rigoureux avec son apprenti. « Sous ma tutelle, un jeune de 16 ans consacre 70 % de son temps dans l’entreprise et il décroche 40 % du SMIC dès la première année, poursuit Bruno Lelièvre. Je leur fais donc confiance et je ne refuse pas les élèves dits ‘difficiles’, en revanche, ils connaissent d’entrée les règles du jeu. »

A ses côtés, Pierre Gomez, le directeur du CFA reconnaît qu’ « il faut animer la petite flamme qu’ils ont en eux et les chefs d’entreprises sont fidèles pour véhiculer la notion de savoir-faire et de transmission». Aujourd’hui, l’établissement de Rueil Malmaison, l’un des cinq en Ile-de-France gérés par l’Afobat, forme huit métiers : du maçon à l’électricien en passant par l’installateur sanitaire, l’installateur thermique, le serrurier metallier, le menuisier, le peintre applicateur de revêtement ou le solier moquettiste.

Des entreprises privées prennent ainsi des apprentis de 14, 15, 16 ans « De plus, grâce au concours des 450 entreprises dont la grande majorité sont des TPE installées dans les Hauts-de-Seine, nous assurons les dispositifs d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), à partir de 15 ans, les certificats d’aptitudes professionnelles, (CAP) de deux ans, ou une formation complémentaire d’une année et les brevets professionnels sur deux ans », rappelle Pierre Gomez.

Fort de promouvoir une orientation professionnelle « porteuse » et en réponse à certains détracteurs, il conclut : « L’apprentissage, loin d’être une voie de recours pour les jeunes qui n’ont pu trouver de réponse adaptée dans le cadre du système éducatif traditionnel, constitue un parcours de formation ouvert aux 16-25 ans offrant un projet professionnel solide et, à terme, de véritables possibilités d’évolution et d’épanouissement dans les métiers de la construction. » En effet, 80 % des apprentis formés dans le réseau CCCA-BTP trouvent un emploi dans les six mois qui suivent la fin de leur formation, avec « des rémunérations plus qu’attractives ».

3 Commentaires

  1. mercier
    Posted 6 novembre 2012 at 12:06 | Permalien

    A 11 ans, j’étais apprenti chez mon grand père boulanger, je n’en ai que des bons souvenirs. C’est là que j’ai appris un peu plus la vie. Cela ne m’a pas empêché de jouer, de parler, de vivre, au contraire.
    Pendant que vous y êtes, n’autorisez l’apprentissage que pour les adultes, à partir de 18 ans.
    N’importe quoi !

  2. Posted 8 novembre 2012 at 4:38 | Permalien

    Un apprenti sur 10 ne doit pas être tout à fait maltraité. le vieux fond réac : « j’en ai bave, ce fut dur mais bon et ça doit être pareil pour les autres » est le lieu commun de ceux qui veulent le retour au 19° siècle alors que l’OIT interdit le travail des enfants avant 16 ans. C’est Villepin qui a ré introduit le travail des enfants, contre le collège unique, le « tronc commun », l’école républicaine pour tous.

  3. marie-pierre vellutini
    Posted 16 décembre 2013 at 18:40 | Permalien

    je suis entièrement d’accord avec vous. l’apprentissage à 15 ans est une aberration et une exploitation de la plupart des gamins. Un gamin de 15 ans est trop jeune pour le monde du travail et pourquoi apprendre un métier dans la souffrance plutôt que dans le respect et dans la sérénité. L’état, les patrons, les CFA conditionnent ces gamins et aucune loi n’est respecté. Pourquoi alors faire des lois? pourquoi les gens signent et acceptent des contrats d’esclavage pour leur propre enfant.
    On vous dit »mais c’est normal, c’est ça l’apprentissage ». Oui, à 17 ans , un jeune est plus mûre, il a plus de force , plus d’argument, plus de détermination pour affronter ce monde et le métier auquel il se prépare est plus réfléchi.
    Je suis en colère, et triste qu’en France, l’apprentissage soit aussi peu respecté, valorisé, et qu’il ne soit pas plus respecté.

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