Mon intervention au BN du PS le mardi 3 juin : contre le gel des seuils sociaux

Je voulais juste souligner une chose ce soir. En février de cette année, j’étais intervenu sur un point concernant les seuils sociaux dans les entreprises car Michel Sapin avait ouvert la porte dans une interview sur France inter à leur « gel » où, sinon, à leur remise en cause. Harlem Désir, m’avait dit alors, ici, au BN, que mes inquiétudes étaient infondées, que rien n’était décidé.

L’UMP comme le Medef réclament que les seuils sociaux soient repoussés de 10 à 50 pour les délégués du personnel, et de 50 à 100 pour les comités d’entreprise. En avril le nouveau premier ministre, Manuel Valls avait à nouveau ouvert la porte au Medef qui réclame cela depuis des décennies.

Cette fois c’est François Rebsamen qui reprend ça officiellement et propose que ces seuils soient « gelés » pendant trois ans ! C’est à dire que les patrons pourront les dépasser autant qu’ils veulent … sans être contraints de mettre en place des élections de DP ou de CE.

Noter ministre que je m’attendais à voir ici ce soir au BN pour le lui dire, explique dans la presse, que faire ainsi reculer les droits des salariés, des syndiqués, des institutions représentatives du personnel… pourrait permettre de « tester » si ca facilite ou non l’embauche, comme le prétend le patronat…

Nous savons que ce n’est pas le cas et en aucun cas ça ne peut l’être ! Pas besoin de « tester ». Tester pendant 3 ans, si nous ne sommes plus au pouvoir en 2017, l’UMP cassera ces seuils…

En dessous de 11 salariés, il n’y a aucune obligation de mettre en place des DP. Donc 3,5 millions de salariés dans un million d’entreprises de moins de 10 en sont totalement privés. Est-ce que l’approche du seuil de 10 empêche d’embaucher ? Non, bien sur puisque ce sont les entreprises de 6 et 7 salariés qui sont les plus nombreuses, pas celles de 9.

Au dessus de 50 salariés, il n’y a que 3 % des entreprises. Avec 50 % des salariés dedans, 8, 5 millions. Mais 25 % n’ont pas de CE. Les patrons s’en « dispensent » ! Soit encore 2,15 millions de salariés qui devraient avoir des CE et n’en ont pas. Ce n’est pas parce qu’il y a « gêne » à l’embauche au seuil de 49 : généralement ceux qui ne veulent pas de CE et freinent à 47, 48, 49 sont les plus rétifs au dialogue social, aux syndicats, aux contrôles, à donner des comptes aux salariés, et pas à l’embauche !

Au dessus de 10 salariés, donc à partir de 11, il y a 200 000 entreprises, 15 millions de salariés, et seulement une sur deux, 50 % a des DP ! 7,5 millions de salariés qui devraient avoir des DP n’en ont pas !

Je signale que c’est un délit (c’est délictuel, pas contraventionnel) pour un employeur de ne pas respecter la mise en place des IRP. Or dans plus de 50 % c’est le cas. L’heure n’est donc pas à alléger les seuils, mais à les faire respecter, en aucun cas à laisser croire – contre tout évidence – que c’est à cause d’eux s’il n’y a pas d’embauche !

Alors pourquoi un ministre du travail de gauche propose-t-il de geler les seuils sociaux ? De diminuer les droits des salariés sous le prétexte invraisemblable qu’ils pourraient freiner les embauches ? Ce qui aide à faire marcher les entreprises, c’est que les salariés soient bien formés, bien traités, bien payés, qu’ils aient leurs syndicats et leurs représentants, pas l’inverse !

Toutes catégories confondues, le chômage augmente encore de 0,7 % en avril 2014 et atteint 10,2 %, métropole et outremer, soit 5 992 000 chômeurs, juste en-dessous du « seuil » de 6 millions.

Le Ministre du travail, François Rebsamen, céde à une exigence de l’UMP et, depuis 30 ans de l’aile la plus rétrograde du patronat de l’UIMM – Union des industries et métiers métallurgiques, et cela n’aura AUCUN effet sur l’emploi. Le délai deviendra seulement de 1095 jours avant que le patron ne soit obligé, pour se mettre en règle avec les lois de la République, d’enclencher enfin des élections d’IRP.

On se demande comment une pareille « bêtise » (c’est l’expression du dirigeant de la CGT) est possible. Aucun syndicat n’a été consulté. Tous les syndicats sont contre… même la CFDT qui est en congrès à Marseille !

Qu’un ministre du travail de gauche tombe dans ce panneau est signe de quoi ? Avec l’ANI devenue loi du 14 juin 2013, le patronat a obtenu de larges satisfactions et s’est moqué du gouvernement : il a craché sur sa propre signature de « contrats » autant que sur la loi, sur les contrats courts, sur les CDD, sur les temps partiels, sur les bases de données uniques, sur la pénibilité, sur la formation professionnelle. Il faut savoir que l’ANI et la loi Medef du 14 juin 2013 qui en est issue, ont DEJA reculé les délais d’un an, douze mois, avant qu’un patron qui a dépassé le seuil, soit obligé d’organiser des élections de délégués du personnel. Et l’Ani, la loi du 14 juin intitulés de « sécurisation de l’emploi » n’ont rien « sécurisé » le chômage a augmenté  de 400 000 depuis !

Et voila qu’avec la casse de l’inspection du travail, après la non-amnistie des syndicalistes, avec la suppression des élections prud’hommes, avec les ouvertures accrues du dimanche, surgit la remise en cause des seuils sociaux !  Ce sont autant de victoires inouïes, inutiles, gratuites, sans contreparties, du Medef. C’est inquiétant, très inquiétant. Ca fait beaucoup, non ?

Manuel Valls avait eu cette phrase « collector » lorsqu’il avait été désigné « il est difficile de faire quelque chose pour les salariés ». Apparemment c’est facile de faire plein de choses pour le patronat. Puis il avait lui aussi ouvert la porte en avril à ce gel des seuils sociaux.

La position du parti socialiste pourtant en mai 2008 avait été claire : je demande à ce que le BN ce soir prenne position sur cette question et le fasse savoir a François Rebsamen.

Le Parti socialiste dénonce le gel des seuils sociaux ….le 19 mai 2008 !

Ci-dessous le communiqué d’Alain VIDALIES, Secrétaire national aux Entreprises (http://entreprises.parti-socialiste.fr/2008/05/19/le-parti-socialiste-denonce-lamendement-au-projet-de-loi-de-modernisation-de-l’economie/)

Le Parti socialiste dénonce avec force l’adoption en commission à l’Assemblée nationale, à l’initiative… du rapporteur UMP, d’un amendement au projet de loi de modernisation de l’économie prévoyant un gel des seuils sociaux pendant trois ans.

Cet amendement prévoit qu’au titre des années 2008, 2009 et 2010, une entreprise qui atteindrait les seuils de 11 et 50 salariés serait dispensée de l’obligation de procéder à l’élection de délégués du personnel et d’un comité d’entreprise.

L’adoption de cette régression sociale majeure serait en contradiction totale avec les grandes déclarations du gouvernement sur la nécessaire revalorisation du dialogue social. Elle remettrait également en cause les fondements de la position commune sur la représentativité syndicale, dès lors qu’aux termes de ce texte, la mesure de la représentativité des organisations syndicales sera désormais assise sur les résultats aux élections professionnelles, que l’amendement litigieux remet justement en cause.

Le Parti socialiste demande dès lors au gouvernement de s’opposer sans ambiguïté à cet amendement et d’obtenir son retrait du projet de loi de modernisation de l’économie.

Réponse de Jean-Christophe Cambadélis : nous reprendrons ce communiqué et l’enverrons à François Rebsamen pour lui faire savoir que telle est la position du Parti socialiste.

 

 

il m’arrive d’être écouté

AFP
Le Parti Socialiste ne soutient « pas du tout » la proposition du ministre du Travail François Rebsamen de suspendre pendant trois ans les seuils sociaux, idée réclamée par le patronat au nom de l’emploi, a indiqué aujourd’hui son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis.

François Rebsamen, qui avait déjà émis cette proposition avant sa nomination rue de Grenelle, s’est dit prêt à « suspendre pendant trois ans » les seuils légaux créant des obligations sociales aux entreprises, comme par exemple la création d’un comité d’entreprise à partir de 50 salariés.

« Nous avions pris position, en son temps, assez sévèrement contre ce dispositif porté par Nicolas Sarkozy. Je ne pense pas que dans le moment présent, il faille faire des expériences approximatives qui permettraient ou pas d’avancer dans ce sens », a déclaré François Cambadélis aujourd’hui sur RTL.

« Ce n’était pas la position du Parti socialiste. Maintenant, le ministre est en responsabilité, il peut décider, mais nous avons dit lors de notre dernier bureau national que nous ne soutenions pas cette expérience. Je souhaiterais qu’elle ne se fasse pas », a poursuivi le député de Paris.

Cette proposition a été dénoncée par plusieurs syndicats, la CGT la qualifiant de « bêtise » et la CFDT la jugeant « incongrue ».

 

 

 

 

8 Commentaires

  1. Posted 4 juin 2014 at 15:56 | Permalien

    Leguen donne une idée de la réponse . Les menaces de marginalisation faites aux députés fidèles à leurs convictions socialistes sont pathétiques.Comme si la succession de défaites électorales ne mène pas à d’impossibles réélections.

    Le plus désolant , c’est qu’il prétend donner des leçons de bonne foi. Reste à convaincre l’électorat de l’honnêteté d’une politique de droite pratiquées par un gouvernement supposé de gauche.
    http://www.franceinfo.fr/emission/l-invite-de-8h15/2013-2014/hollande-bashing-le-guen-demande-un-minimum-de-respect-06-04-2014-08-35

  2. christian
    Posted 4 juin 2014 at 23:28 | Permalien

    Comment çà a pu se produire?Le pire,c’est qu’à la fin de tout ce délire (2017),la droite ou l’extrème droite arrivera pour continuer le massacre.

  3. Guy Weiler
    Posted 5 juin 2014 at 1:12 | Permalien

    Monsieur Filoche,
    Permettez à un simple electeur de vous dire merci pour votre souci de respect des engagements pris, et pour oser encore dire la vérité.
    Puissiez-vous, vous et tous les élus socialistes qui hésitent encore, quitter un parti mené à l’abîme par des zombies sans idéal ni projet.
    Ce serait pour moi et, j’en suis sûr, la grande majorité des Français, non une trahison ou un abandon, mais la preuve de votre courage et de votre fidélité.

  4. jean-jacques
    Posted 5 juin 2014 at 9:37 | Permalien

    Le Canard nous informe que le Président a demandé a Bruno Le Roux des sanctions contre certains députés frondeurs:interdiction de poser des questions à l’assemblée et suppression de l’investiture aux prochaines législatives.
    Le moment est très grave.N’importe comment ceux qui suivront aveuglement Hollande seront balayés.
    Avoir attendu et espéré 10 années pour avoir le PS au pouvoir et le voir gouverner pire que la droite,c’est à vous dégoutter des politiciens énarques de ce parti .

  5. PIETRON
    Posted 5 juin 2014 at 13:12 | Permalien

    On fait comme si le PS pouvait en son sein changer sous les incantations de quelques mandatés du BN.

    Mais le PS, depuis 1983, mène, quand il est au pouvoir, une politique de droite.

    François Mitterrand, en son temps, promettait de rompre avec le capitalisme…2 années plus tard, il cédait aux oligarchies (alors qu’il avait le soutien d’une grande majorité de la population).

    François Hollande, promettait de combattre la Finance…immédiatement après avoir été élu, il cédait aux oligarchies…

    Le Parti socialiste de gouvernement n’est pas un parti de gauche et il l’assume avec sa publicité sur la politique de l’offre (politique de droite).

    Le BN et ses 40% de « frondeurs » sont « pale figure » finalement…voire meme « caution démocratique » au gouvernement (l’aile gauche existait sous Mitterrand en 1983, virage de la rigueur…).

    Etrange ces 40% du BN qui, à aucun moment, en aucune manière, n’appellent à un « mouvement social » à hauteur des exigences…l’exigence de gauche à gauche….

  6. Posted 5 juin 2014 at 14:40 | Permalien

    tu lis pas ecoute pas ces 40 % se battent partout

  7. Posted 8 juin 2014 at 11:32 | Permalien

    depuis 1983 ? et les 35 h la loi la plus avancée au monde ?

  8. Posted 8 juin 2014 at 11:34 | Permalien

    c’est triste : on voit encore une fois que vous vous contentez de vos préjugés anti socialistes primaires et que vous n’avez pas lu le texte

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