Aucun salarié de ce pays ne travaille le dimanche par « volontariat » mais parce que le patron le veut

 

 

« Le combat de 2012, c’est de préserver le principe du repos dominical, c’est-à-dire de permettre aux travailleurs de consacrer un jour de leur semaine à leur famille, au sport, à la culture, à la liberté. Et j’y veillerai ! »  François Hollande, le 17 avril 2012. A Lille.

 

 

Où en est-on des décisions actuelles de justice concernant le travail le dimanche ? sont elles contradictoires ? Faut il refaire une nouvelle loi ?
Les décisions de justice, c’est vrai, sont contradictoires, les juges ont des opinions personnelles différentes sur l’ouverture du dimanche, et le laissent transparaître dans leurs décisions. Cela est rendu possible parce que le principe du repos dominical existe toujours, mais il y a trop de dérogations disparates et injustifiées depuis la loi Maillé-Sarkozy. On en arrive à ce que des juges condamnent les infractions à l’ouverture du dimanche, mais avec des astreintes insuffisamment dissuasives. D’autres donnent raison à un patron qui porte plainte contre les autres, et d’autres annulent ce jugement… Avant la loi quinquennale de décembre 1993-janvier 1994 il n’y avait que 3 dimanches d’ouvertures autorisés. Cette loi Giraud avait envisagé 12 puis 8 puis 7 puis 5 au lieu de 3. C’est donc un débat hasardeux et artificiel. Rappelons que c’était avant « la crise » cela n’est donc absolument pas nourri par l’actualité économique ou sociale. La loi Maillé, c’était pareil, il s’agissait en 2008 de déréguler pour déréguler afin de plaire au Medef, qui vise à casser « la semaine de 35 h » et de façon plus générale le « temps légal de travail ». Pareil pour le travail de nuit dans le commerce, qui n’a aucun intérêt économique, sauf de contribuer à « casser » les références journalières de limitation du temps de travail.

Pour « simplifier » il faut rétablir le principe « interdiction du travail dominical » sauf pour dérogations nécessaires et motivées, contrôlées.

Quelle est actuellement la réalité du travail le dimanche ?
Sur 700 000 commerces, 22 000 sont ouverts légalement avec des dérogations préfectorales et municipales (zones touristiques, périmètres d’usage commercial exceptionnel…). Après ça, il y en a quelques milliers ouverts illégalement. L’enjeu du « oui » ou « non » au travail du dimanche dans tout le secteur du commerce concerne 4 millions de salariés concernés avec emplois induits. C’est énorme pour la vie de ces 4 millions de salariés.
Ce serait un changement de société lourd, et remplacerait la civilisation du loisir par la « civilisation du caddy », comme disait Henri Krasucki. 5 % des salariés travaillent le dimanche de façon régulière (hôpitaux, feux continus, transports, loisirs, là ou c’est indispensable…) et 25 % travaillent occasionnellement. On dit que plus de 75 % des « sondés » seraient favorables à l’ouverture le dimanche, mais 85 % des « sondés » disent aussi qu’eux-mêmes ne veulent pas travailler ce jour là…
Les salariés de Leroy Merlin et Castorama ont été totalement organisés par leurs patrons : séances de formation avec des communicants sur leur temps de travail, déplacements payés, jours payés, transports et repas payés, T-shirts, banderoles, tracts payés. Ils habillent cela du mot « volontariat », mais le volontariat n’existe pas en droit du travail. Ce qui caractérise un contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanent ». Aucun salarié de ce pays ne travaille le dimanche par « volontariat », mais parce que le patron le veut. En fait, mettre en avant des salariés qui « veulent » travailler le dimanche, c’est une manipulation complète.

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?


C’est hors sujet. Ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas le samedi ou le lundi. Les portes monnaies ne sont pas extensibles en ces temps d’austérité. Les magasins ouverts en fraude, claironnent des chiffres d’affaires mirobolants majorés de 20 %… mais justement c’est parce qu’ils fraudent, violent la « concurrence » et se font de la « pub » en plus. Banalisé le travail du dimanche sera vite démonétisé, avec des magasins vides, ça coûtera plus cher et n’aura plus qu’un effet négatif pour les salariés, sans même une contre partie financière.

Et la sauvegarde des emplois ?

L’ouverture généralisée profiterait aux grandes chaînes contre les petits commerces qui en subiraient le contre coup : il a été calculé (DARES) que ce serait un solde négatif de 30 000 emplois perdus.

Un emploi du dimanche sera un emploi de moins le lundi.

Les grandes chaînes s’en tireront en embauchant des femmes pauvres et précaires ou des étudiants désargentés en turn-over permanent façon McDonald’s.
Ils « tiennent » un peu les salariés en leur donnant des primes de 25 %, 30 %, 50 % parfois mais très rarement 100 % : ces primes ne sont pas inscrites dans la loi. Elles pourront donc être facilement supprimées. Et l’ordonnance Macron prévoit bien qu’elles ne seront pas majorées légalement dans les entreprises de moins de 20 salariés, les plus nombreuses. Vu que les salaires sont trop bas, les pauvres n’ont pas le choix, ils courent après 30 euros et ça se comprend. Mais répétons le, que ce soit bien clair,  s’il y avait généralisation de l’ouverture du dimanche, ces primes « exceptionnelles » n’auraient plus de raison d’être et seraient retirées à ceux qui en rêvent aujourd’hui ou s’y accrochent ou les réclament. La banalisation du dimanche en fera un jour de vente comme les autres, il y a même fort à parier que ce jour-là deviendra un jour à faibles ventes.

Une nécessité économique dans les secteurs concernés ?

Il n’y a rien d’économique là-dedans, c’est idéologique : le patronat veut surtout déréguler la semaine et les durées du travail hebdomadaires. C’est pareil pour les ouvertures de nuit genre Sephora. Les touristes chinois qui restent six jours et demi à Paris en moyenne, ont tout le temps d’acheter dans la journée… ou en duty free à l’aéroport !

Le but réel du travail le dimanche est de remplacer la semaine de 35 heures par des horaires « à la carte » comme l’exige le Medef. Toutes les activités commerciales et annexes peuvent être concernées par la déréglementation voulue par le Medef : vendre du parfum et de la fringue le dimanche, quel sens cela a-t-il ?

Le dimanche, c’est un jour de repos collectif, socialisé, facilitant les rapports humains pour toutes les activités de loisirs, culturelles, associatives, citoyennes, familiales et même sportives ou religieuses. Il arrive qu’un étudiant veuille travailler le dimanche, mais ce ne durera pas pour lui, et plus tard, qui gardera les enfants, qui fêtera leur anniversaire si les parents travaillent le dimanche ? c’est un vandalisme anti social que de supprimer un jour de repos commun, collectif, point de rencontre POUR TOUTES ET TOUS dans la société.

Qui sont « les bricoleurs du dimanche » ?

Des braves gens qui pourraient faire leurs courses le vendredi après-midi s’ils bénéficiaient vraiment des 35 heures ou de la semaine de quatre jours.

Que défendent les syndicats hostiles au travail du dimanche ?
Le respect du principe du repos dominical voté en 1906 à l’unanimité par l’Assemblée nationale, et des dérogations limitées strictement aux nécessités. En vérité, on devrait réclamer le retour aux deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche. La semaine de 5 jours (vers quatre jours de 8 heures) serait un minima et seule la réduction du temps de travail peut faire reculer le chômage de masse. Quant au salaire du dimanche dans les secteurs ou il est contraint et nécessaire ( santé, transports, loisir, restauration, alimentation, feux continus, etc…)  oui, le salaire devrait être doublé par la loi avec repos compensatoire.

Bien sur, il y a des travaux indispensables le dimanche, mais comme ceux de nuit, donc des « dérogations » précise et motivées doivent être accordées, à condition qu’elles soient bien encadrées, il faut qu’ils soient restreints et limités à ceux qui sont nécessaires et indispensable.

Le projet du gouvernement Valls-Macron ?
C’est très mauvais signe que le gouvernement veuille procéder par ordonnance (et menace de 49-3). La vérité est qu’il n’a pas la majorité des députés, donc il lui faut passer en force. Le PS, en tant que tel est officiellement opposé à l’ordonnance et à son contenu issu du rapport de Jean-Paul Bailly (ex PDG de la Poste). Mais la pression syndicale est grande, et il y a unité la dessus. Comme sur le reste de l’ordonnance Macron, il pourrait y avoir une réaction unitaire syndicale. C’est souhaitable. Il y a aussi de fortes oppositions et contradictions : la Mairie de Paris par exemple, à reculons, recherche le compromis à 7 dimanches, cinq de moins. Et le gouvernement a fait tellement de cadeaux au Medef (lequel ne lui en est nullement reconnaissant et manifeste même contre lui)  que rien de tout ça n’est nécessaire.

 

11 Commentaires

  1. Gilbert Duroux
    Posted 2 décembre 2014 at 15:46 | Permalien

    Très bon article et combat à mener, assurément. Parce que, comme on le voit, ce n’est pas le PS la solution, le PS c’est le problème quand il arrive au pouvoir.
    À propos de l’exemple Mc Donald’s, il faut savoir que contrairement à ce que l’on croit les embauches se font essentiellement en CDI. Le CDI en l’occurrence ne règle pas tout. Les salariés sont tenus et ne peuvent pas démissionner facilement (pas d’indemnités de chômage en cas de départ volontaire). Par contre, tout prétexte est bon pour les lourder quand l’entreprise le décide. Exemple ici :
    http://www.lefigaro.fr/emploi/2014/09/29/09005-20140929ARTFIG00097-elle-se-fait-licencier-par-mcdonald-s-pour-avoir-passe-ses-examens.php

  2. sylvie
    Posted 2 décembre 2014 at 19:11 | Permalien

    Aucun salarié de ce pays ne travaille le dimanche par « volontariat » mais parce que le patron le veut

    oui et aussi parce que le salarié n’est pas assez payé et que le coût de la vie augmente plus vite que son salaire !

  3. Jean-Jacques
    Posted 2 décembre 2014 at 19:26 | Permalien

    Mort de Rémi Fraisse : Aucune faute professionnelle de la part de la gendarmerie selon l’enquête administrative .

  4. Posted 3 décembre 2014 at 7:47 | Permalien

    non, c’est encore le patron qui est responsable et lui seul, c’est lui qui encaisse la marge, lui qui casse le dimanche… le salarié n’a pas le choix

  5. lionel mutzenberg
    Posted 3 décembre 2014 at 10:46 | Permalien

    Si j’ai bien lu, les grenades offensives doivent être lancées au raz su sol, à cause du danger qu’elles représentent.
    La grenade qui à tué ce gosse a été lancé par le haut pour se retrouver entre son sac à dos et son corps.
    Il y a bien faute du gendarme, à moins que cette pratique ait été tolérée par le commandement depuis longtemps sans que nous le sachions.
    Qui protège-t-on , le gendarme, ou, tous ses supérieurs, militaires et civils, qui ont donné l’ordre ?
    Quand au travail du dimanche pourrait on m’expliquer comment le travail peut être payé d’une fois et demie à deux fois plus, le dimanche que les jours de la semaine, alors que le prix des marchandises, ou des services vendus restent le même ?
    Qui vole qui ?

  6. Jean Jolly
    Posted 3 décembre 2014 at 12:27 | Permalien

    @ lionel.

    Oui, l’incohérence de l’ouverture des magasins le dimanche est stupéfiante, et comme l’explique fort bien Gérard dans son billet cette manœuvre n’a pour but que de rendre ce jour de repos commun un jour comme un autre dans les mentalités, même à perte (minime voire sans perte du tout) sur plusieurs années, et une fois cette modalité ancrée dans les mentalités c’en sera fini des « primettes » accordées aux esclaves à ce titre… c’est tellement prévisible que je suis sidéré par l’auto-lobotomisation de mes comptemporains.

    En même temps ils n’ont pas trop le choix les pauvres bougres avec un salaire de misère.

    Il suffit aussi d’imaginer les entretiens d’embauches, à la question « Voulez-vous travailler le dimanche ? » Qui dira NON ?… franchement ?

    Gérard a toujours raison (ou presque) sur les droits du travail mais je crains que son combat à l’intérieur d’un parti vérolé ne soit aussi utile que des coups d’épée dans l’eau… à chacun ses méthodes de combat, les croyances sont souvent tenaces.

    En ce qui concerne les frondeurs c’est tout autant prévisible, comme je l’ai déjà dit, ils vont attendre fin 2016, début 2017, pour sortir leurs élastiques…

  7. sébastien
    Posted 3 décembre 2014 at 15:54 | Permalien

    Donc les personnes sont mécontentes de la politique de droite d’Hollande (et on les comprend) et ils votent encore plus… à droite.
    Je commence à douter de l’argumentaire de Mr Filoche. Le peuple n’est plus de gauche. il est lobotomisé, a accepté le libre-échange et ses règles. Et quand on lui propose cela avec Hollande et le PS, ils veulent pire.
    Ou alors les Français sont très naïfs voire idiots.

  8. Posted 3 décembre 2014 at 17:47 | Permalien

    non notre peuple est de gauche, mais toi tu ne le connais visiblement pas, 93 % des actifs sont salariés, syndique toi, adhère a un parti, milite…

  9. lionel mutzenberg
    Posted 3 décembre 2014 at 19:04 | Permalien

    Tout à fait, Gérard à raison, mon cher Sébastien. Syndique toi, milite, et tu pourras donner ton avis, participer aux décisions, c’est exactement ce qui se passe au parti socialiste.
    Tu as vu les militants de base, comme Gérard Filoche, sont entendus, et respectés, par celles et ceux qui dirigent ce parti des travailleurs depuis 1981 !
    Que dis tu ? Il n’y aurait plus d’ouvriers, ni d’employés, au parti socialiste ? Mais alors…mais bon sang, des autres, mais c’est bien sûr !
    Après avoir écœuré les militants, il ne reste plus que des adhérents, à jour de cotisations, qui ne se préoccupe plus que leurs propres intérêts.
    Tiens, derniers résultats des dernières élections dans les partis en pointe :
    UMP Adhérents 268 236 exprimés 155 285 –
    UDI
    Adhérents 28755 exprimés 18 770 -
    FN
    Adhérents 84 000 exprimés 22 000 – si j’ai bien compris ce lundi les chiffres reconnus par Marion-Maréchale le Pen -France 2 mots croisés -
    Abstentions 58% – 34% – 74% -
    Politiquement, ça veut dire quoi des gens qui adhèrent, mais qui ne vote pas lors de l’élection de leurs dirigeants ?
    Elle est peut être là, la bonne question ?

  10. lionel mutzenberg
    Posted 3 décembre 2014 at 19:14 | Permalien

    Naïfs, idiot, les français, Sébastien ? Je dirais plutôt, individualistes à en crever; ils sont pour le travail du dimanche…s’il s’agit des autres !
    Sur ce sujet comme sur biens d’autres. Nous sommes la risée des pays qui nous entourent, et même au delà.
    Et si demain nous réélisons Hollande, ou Sarkozy, ils n’ont pas finis de se marrer, nos partenaires économiques.

  11. Bob le camarade
    Posted 3 décembre 2014 at 19:54 | Permalien

    « Politiquement, ça veut dire quoi des gens qui adhèrent, mais qui ne vote pas lors de l’élection de leurs dirigeants ? »

    Ca veut dire que les nombres d’adhérents sont faux, gonflés.
    De même au prochain congrés PS s’il y a 50 000 votants ce sera déjà pas mal.
    Pour mémoire il y en avait 88 000 en 2012 (50% sur 174 000).
    Mais 50% de votants ça veut dire que le chiffre d’adhérent annoncé est une pure fumisterie.

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