Valls Macron : « compte personnel d’activité » contre droit collectif

C’est du très sérieux cette nouvelle attaque annoncée de Valls contre le code du travail.

Ca vient de loin. C’est en 2003 que Laurence Parisot avait dit « la liberté de penser s’arrête là ou commence le code du travail ». « La vie, la santé, l’amour sont précaires pourquoi le travail ne le serait-il pas ? » disait elle. Larcher a traité le code du travail de « charia » et ses défenseurs à la Cour de cassation « d’ayatollahs ». Le Guen déclare que le code du travail est « répulsif » pour l’emploi. En 2015, Gattaz pousse le bouchon « le code du travail est le fléau n°1 » Il ne restait plus à Valls et Macron « medéfisés » qu’à épouser cette ligne : ce qu’ils font.

Le but est clair et doit être dénoncé clairement pour que tout soit bien compris : le  contrat devrait l’emporter sur la loi au point qu’il n’y ait plus de loi spécifique du travail. Le droit des contrats, comme aux Etats-Unis, doit être celui des individus, de gré à gré, sans référent collectif, ni légal ni conventionnel. Il doit exister entreprise par entreprise et non plus au niveau de l’état. C’est la fin de l’état de droit républicain dans les entreprises qui est visé.

La loi Fillon du 4 mai 2004 avait ouvert la brèche en permettant les dérogations à la loi au niveau des entreprises. Pendant 12 ans, ils ont étendu ces dérogations en « recodifiant » inlassablement le code du travail. Fillon, Larcher, Darcos, puis hélas, Sapin, Valls et Macron continuent en plus fort. L’ANI du 11 janvier 2013 et la loi Sapin du 14 juin 2013 ont abondé dans ce sens. La loi Macron encore plus.

Depuis 1906, la catastrophe de Courrières, la séparation des ministères de l’économie et du travail a été décidée, il était convenu que le droit du travail était bâti pour permettre de s’échapper, de résister, de protéger les salariés, les humains, face aux exigences impitoyables de l’économie et du profit. C’est ce qui se renverse actuellement : le ministère de l’économie s’occupe déjà du droit du travail dans la « loi Macron »..

Les nouveaux contrats seront « libres », individualisés de gré à gré, décidés par l’employeur au niveau de chaque entreprise, se substitueront au droit collectif et aux accords de branche, interprofessionnels et au Code du travail.

C’est bien entamé : toutes les récentes mesures dites de « rupture conventionnelle » de « volontariat », d’individualisation de la formation, des durées du travail, des temps de repos, de pénibilité, de retraite, vont dans ce sens.

La loi Macron a ouvert la porte au remplacement du lien de subordination avec la contrepartie du code du travail, par un lien de « soumission librement consenti » sans contrepartie (« compliance without pressure » thème d’un colloque du Medef en mars 2011 à Paris). Ces nouveaux contrats de travail relèvent du code civil (pour ce faire, Macron a modifié l’article 2064 du code civil et la loi annexe du 8 février 1995) : la relation de travail peut être remplacée par une relation commerciale, le statut de salarié devient type « auto-entrepreneur », les tâches seront « au sifflet » à « zéro heure » et la référence à un « ordre public social » ou à un « état de droit dans l’entreprise » disparait. C’est l’« ubérisation » du droit du travail prônée clairement par le très réactionnaire Jacques Attali.

Dans le Code du travail tous les droits « d’ordre public » s’en trouveront écartés : durées légales et maxima du travail 35 h et 48 h, Smic, heures supplémentaires, cotisations sociales, protection santé, hygiène sécurité, représentants du personnel, inspection du travail, médecine du travail, prud’hommes…

Comprenez bien et ne doutez pas qu’il s’agit pour le Medef de façon systématique, cohérente et progressive de mettre fin au principe même de l’existence d’un code du travail séparé du droit civil. C’est la plus grande contre-révolution jamais imaginée et commencée à être mise en oeuvre depuis 105 ans : le droit civil va remplacer le droit du travail. Ce qui est annoncé par Valls avec le nouveau rapport Combrexelle accélère la mise en oeuvre de cet objectif.

Vous avez bien sur remarqué que la mesure de la « pénibilité » sera mesurée de façon individuelle et ne sera plus collective.

Vous avez remarqué que la fameuse formation professionnelle sur toute la vie est un « compte personnalisé de formation » CPF (et non plus un droit DIF).

Vous avez remarqué que le compte chômage est déchargeable individuellement. Vous avez remarqué que le « compte épargne temps » CEP est individuel.

Vous avez remarqué que le travail le dimanche était un « choix volontaire ».

Vous avez remarqué que la « rupture conventionnelle » était paradoxalement individuelle.

Vous notez que le grand projet de Valls pour 2017 est le « compte d’activités personnel » CPA.

Tout se met en place. Ils savent où ils vont : la loi Macron a intégré une « carte professionnelle » voulue par l’UE – prétendument pour lutter contre le travail dissimulé. Mais qui la contrôlera ? Surement pas l’inspection du travail faute d’effectifs : donc bel et bien le patron. Ce sera un  nouveau “livret ouvrier”, avec, ô progrès, une carte à puce individuelle qui intégrera tous ces fameux « droits » individuels  – rechargeables et déchargeables – à formation, à pénibilité, à chômage et à compte épargne temps. Ce fichage permettra le tri à l’embauche, après qu’ait été facilité l’arbitraire dans les licenciements.

« L’idée est de rassembler et articuler ces droits, en les rendant fongibles et en organisant des passerelles », avoue l’entourage de Manuel Valls. « Des jours de congés pourraient par exemple devenir des jours de formation » se réjouissent les Echos. «Occasion de s’attaquer aux freins à la mobilité, en particulier géographique, via des dispositifs d’aides au déménagement ou à la garde des enfants » rajoute la CFDT.

C’est la route vers l’individualisation du « passeport professionnel » correspondant au « compte personnel d’activités »

C’est sérieux Gattaz, et  en l’occurrence, Valls et Macron,  oeuvrent à  la remise en cause, consciente et méticuleuse d’un siècle d’avancées dans le droit du travail de l’humanité. Il reste que JC Cambadelis a déclaré  » s’il s’agit de remettre en cause le code du travail, ce sera sans le parti socialiste ». Mais que signifie cette déclaration, réellement, comme degré de résistance à pareille offensive ?

7 Commentaires

  1. boully
    Posted 1 septembre 2015 at 16:15 | Permalien

    M. FILOCHE,

    Oui à la « guerre » contre les ennemis des travailleuses et travailleurs. Mais, in fine, vous croyez vraiment que c’est la seule question à se poser?

    Est-ce que le salariat ne nous enchaînent pas?

    Est-ce que je dois pour avoir un emploi, faire fi de mes convictions qui sont que je ne travaillerai jamais pour des industries nuisibles, mortifères, criminelles.

    Je comprends bien votre point de vue et je le partage entièrement. Cependant, il arrivera qu’il n’y aura plus rien à combattre lorsque nos milieux de vie seront détruits par la pollution, la dévastation écologique.

    Si nous restons dans le paradigme de l’économie, de la croissance, de la marchandise, nous allons à grand pas vers le désastre.

    Je pense qu’il faudra malheureusement de grandes catastrophes pour que les gens soient enfin convaincus qu’il faille changer de voie pour que l’Humanité puisse survivre.

    Je suis quand à moi pour la sobriété, la frugalité, la pauvreté dans le sens de satisfaire mes besoins essentiels. Le reste n’est que superflu et aliénant.

    Plus de liens, moins de biens.

  2. Posted 1 septembre 2015 at 18:04 | Permalien

    Il existe des différences fondamentales sur le plan idéologique, politique ainsi que dans la méthode entre Jeremy Corbyn et Jean-Luc Mélenchon. Cet article développe chacun de ces aspects. J’ajouterai que si on veut transposer ce qui est train de se passer en Grande-Bretagne en France, il faudrait comparer Corbyn à Gérard Filoche. Corbyn à la tête du Labour, c’est comme si Filoche, soutenu par Démocratie et Socialisme (son courant), la CGT et le FSU, était élu à la tête du PS. Corbyn est donc le « Filoche britannique ».

    Philippe Marliére

    Non, Corbyn n’est pas Mélenchon

    1 septembre 2015 Nathanaël Uhl Leave a comment

    OPINION. Pour les médias comme pour les lecteurs, il est toujours utile de trouver des repères, plus ou moins spectaculaires, surtout lorsqu’il s’agit de faire état de faits se déroulant dans un autre pays. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de politique. Chacun essaie de situer tel ou tel personnage sur un échiquier français. C’est ainsi que la Libre Belgique a tenté de caractériser Bernie Sanders, sénateur de gauche dont l’inspiration première réside dans la social-démocratie scandinave élu dans un des états de la Nouvelle-Angleterre, de « Mélenchon du Mid-West ». Double contre-vérité. Il en va de même dans la caractérisation actuelle de Jeremy Corbyn, candidat de la gauche travailliste au leadership du Labour, comme le « Melénchon britannique ». Là encore, nous sommes en plein contresens, que ce soit humainement, politiquement ou en termes d’enjeux.

    Il y a certes deux points communs entre Jeremy Corbyn et l’eurodéputé Front de gauche : l’un comme l’autre combattent les politiques d’austérité qu’elles soient mises en œuvre par la droite ou par les sociaux-libéraux ; l’un comme l’autre considèrent Alexis Tsipras comme un ami. Mais la comparaison s’arrête là.

    La guerre civile anglaise a profondément marqué la politique brtannique

    Tout d’abord parce qu’il y a autant de points communs entre la vie politique britannique et l’échiquier politique français que de similitudes entre la guerre civile anglaise et la révolution de 1789. Si l’on s’en tient aux apparences, chacun peut croire qu’il y a des analogies quand tout sépare les deux périodes historiques. La tradition politique britannique est fermement ancrée dans le parlementarisme et depuis plus de trois siècles désormais (certains diraient même depuis 800 ans avec l’adoption de la Magna Carta) quand la France n’est une République, finalement, que depuis 1875.

    Réformiste au sens historique

    Mais revenons-en à Jeremy Corbyn. Le membre du parlement, élu sur son nom dans la circonscription d’Islington-North, est un authentique social-démocrate, un réformiste au sens historique du terme. Il n’a jamais été membre d’une organisation d’extrême-gauche, faisant le choix, dès son adolescence du parti travailliste. Le Labour, comme l’a rappelé Philippe Marlière dans nos colonnes, ne peut en rien être comparé au parti socialiste. C’est une organisation encore très marquée par la classe ouvrière et ce, malgré les réformes menées en son temps par Tony Blair pour « professionnaliser » le militantisme travailliste. Le parti a également des liens, y compris statutaires, avec le mouvement syndical : douze syndicats sont affiliés au Labour, rappel du temps où le Trade Union Congress créa le parti travailliste pour se doter d’une représentation parlementaire.

    Certes, le blairisme, tant dans sa visée politique que dans sa pratique, a fait muter le Labour. Mais la dé-blairisation est menée depuis plusieurs années, de manière certes contradictoire, jusqu’à permettre la situation actuelle qui voit Jeremy Corbyn potentiellement chef de l’opposition en Grande-Bretagne. Il lui faudra passer les étapes d’un système de vote démocratique mais complexe. Et, s’il gagne, le candidat de la gauche travailliste, avec son agenda anti-austérité, aura l’assise du mandat confié par un corps électoral étalonné à 550,000 personnes. Ce mandant, il a déjà annoncé qu’il serait exécutif plus que décisionnel. En effet, Corbyn ne cache pas qu’il veut rendre aux adhérents la décision en matière d’élaboration du programme politique, élaboration aujourd’hui fruit d’un compromis entre le groupe parlementaire, le Parliamentary Labour Party, et le leader travailliste.

    Gestes d’apaisement

    En effet, Corbyn ne pense pas que cliver permette de rassembler. Son attitude témoigne qu’il est toujours en recherche d’efficacité et, pour y parvenir, il est adepte du compromis sur des bases politiques. Ces dernières semaines, alors que la dynamique de terrain et les sondages sont de son côté, annonçant une possible victoire par KO, il multiplie les gestes d’apaisement envers ses rivaux comme envers l’appareil travailliste. Non par peur mais plutôt par conscience très précise qu’il devra travailler avec eux, demain, parce que même une victoire à la majorité absolue nécessite de travailler avec ceux qui se sont opposés à lui.

    S’il est élu, Corbyn ne l’aura pas été en soulevant les foules par son charisme ou ses qualités tribuniciennes. Il est dénué de l’un comme des autres. Cet habitué des backbenches, les bancs du fond à la House of Commons, n’est pas un batteur d’estrades même s’il a pris la parole, avec une cohérence remarquable depuis son entrée en politique, dans toutes les manifestations, tous les rassemblements, toutes les réunions publiques que la gauche britannique a connus depuis quarante ans. On l’a retrouvé contre l’Apartheid, pour la paix en Irlande du Nord, pour la reconnaissance de la Palestine ; contre les guerres du Vietnam, d’Irak, d’Afghanistan ; contre la fermeture des mines… contre l’arbitraire policier du temps de Margaret Thatcher.

    Comme le soulevait Philippe Marlière, et c’est un autre point délicat à concevoir vu de France, Corbyn n’est pas un étatiste de choc. Dans la tradition libérale de la gauche d’outre-Manche, il fait preuve d’une saine méfiance vis-à-vis de l’Etat dès qu’il ne s’agit plus d’action économique. Enfin, s’il a, lui aussi, la volonté de rassembler l’ensemble de la gauche britannique, c’est autour du parti travailliste qu’il entend le faire. Pas autour de sa personne. Jeremy Corbyn entend s’effacer au profit des idées et récuse la personnalisation de la politique. Cette attitude est, d’ailleurs, de manière paradoxale, une des clés de son succès.

    En cela encore, le candidat de la gauche au leadership du Labour se démarque radicalement de Mélenchon. Et c’est aussi pour ces raisons qu’il peut gagner. Mais, faut-il le rappeler, les situations sont par trop différentes pour qu’on puisse en tirer quelque leçon que ce soit pour la France.

    Nathanaël Uhl

  3. luc
    Posted 1 septembre 2015 at 19:56 | Permalien

    Eurostat vient de publier les derniers chiffres sur le chômage en Europe.

    Malheureusement, malgré notre super code du travail et notre niveau record de dépenses publiques, la France est classée 21ème sur 28.

    Seuls les pays du Club Med font pire.

    Source
    Eurostat Taux de chômage en juillet 2015
    http://img11.hostingpics.net/pics/644736EurostatchomageJuillet2015.jpg

  4. Posted 1 septembre 2015 at 21:07 | Permalien

    oui bien sur, l’austerite imposée ici a des effets négatifs
    et les lois sapin, macron flexibilisent et augmentent donc le chomage

  5. socrate
    Posted 1 septembre 2015 at 22:04 | Permalien

    un ami licencié en 2011 a du subir une décision injuste d’une juge départiteur rendent une décision contraire au droit du travail en 2014
    il apprend ce jour qu il ne passera qu’en mars 2017 devant la cour d’appel… soit 6 ans de procédure
    Dans quel pays vit on ?

  6. Gilbert Duroux
    Posted 1 septembre 2015 at 22:37 | Permalien

    Si Corbyn n’est pas Mélenchon, par contre Hollande est bien Sarkozy.
    « Lors d’un entretien avec la journaliste Françoise Fressoz, le chef de l’Etat aurait indiqué regretter de ne pas avoir maintenu en début de mandat la hausse de la TVA projetée par Nicolas Sarkozy en 2012″.
    http://www.leparisien.fr/politique/tva-hollande-regrette-d-avoir-supprime-la-hausse-voulue-par-sarkozy-01-09-2015-5053121.php?success=1#blocCommentaires

    Préférer un impôt qui touche avant tout les plus pauvres plutôt qu’un impôt progressif comme l’impôt sur le revenu, c’est la preuve irréfutable que Hollande est bien de droite.

  7. 1956
    Posted 1 septembre 2015 at 22:41 | Permalien

    Le président élu Hollande considère que le PS, dirigé par la ligne Cambadelis, n’est pas mature. Imaginez ce qu’il doit penser de DS et de toutes les autres composantes qui se sont ajoutées aux voix du premier tour de la présidentielle. Pour lui la gauche se trompe et ce n’est pas lui qui a trompé la gauche. Dans ce contexte de mépris général de la ligne Valls Macron Hollande et consoeurs au pouvoir, il est urgent qu’un rassemblement citoyen s’ organise pour les régionales et les présidentielles 2017.

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