Mon intervention au BN du PS lundi 7 septembre 2015 : il faut adapter les entreprises aux droits des humains pas l’inverse !

 

Le 17 mars 2007 le président Chirac a promulgué un « nouveau » code du travail, 994 pages format A4. C’était un code entièrement ré écrit, simplifié et réduit.  On était en pleine campagne électorale présidentielle, aucun des candidats, aucun, ne s’y est intéressé et n’en a parlé. Le Medef se taisait, trop heureux de ne pas attirer l’attention sur cette opération. En fait c’était une vieille idée du CNPF, Yvon Chotard, déjà, cherchait en permanence à y parvenir : ça n’a rien à voir avec ce qu’on nous dit être « la crise » d’aujourd’hui.

 

Il s’agissait pour Chirac en mars 2007 d’une ordonnance de décembre 2004 qui visait déjà à réduire en le simplifiant le code du travail.

Une commission avait été mise en place rien qu’avec des amis du Medef. Elle a « recodifié » tout : elle a supprimé 1,5 million de signes, elle a supprimé 1 livre sur 9, elle a enlevé 500 lois, elle a réduit le texte de 10 %, elle a renuméroté les 1150 lois par alinéas en 3850, en passant ainsi le code à l’acide des exigences patronales. Ca n’était pas, ca ne pouvait être « à droit constant » comme ils le prétendaient, je l’avais démontré en détail dans un livre et de nombreux articles. Quand cela a été définitif, au bout de 4 ans, le 1er mai 2008, ils ont dit, la droite, que le texte était simplifié, lisible et réduit et se sont félicités ! « Il faudra des mois et des années pour que le nouveau code révèle tous ses secrets  » se vantait l’un des rédacteurs, peu démocrate visiblement, dans la préface du Dalloz 2007. Ce rédacteur, M. Radé, est à nouveau dans la commission qui re-ré écrit le code du travail pour Manuel Valls. Celui qui a été responsable de toute cette opération manipulatrice 2004-2008 pour le compte de Gérard Larcher, de François Fillon, de Jean-Pierre Raffarin, de Jacques Chirac, de Xavier Bertrand et de Dominique de Villepin, s’appelait déjà..  Jean-Denis Combrexelle.

 

A l’époque, le 23 septembre 2007, le Sénat avait ratifié en 20’ les 994 p. format A4 sans s’émouvoir. J’avais réussi à rédiger 150 amendements pour défendre le droit ancien par rapport aux changements introduits prétendument a droit constant, et notre groupe parlementaire les avait défendus, il avait, le 4 décembre 2007,  tenu courageusement tête 8 heures à l’Assemblée contre la ratification du « nouveau » code et la « manipulation Combrexelle ». Et voilà que c’est « oublié ».

 

Tout le monde l’a oublié tellement le code du travail émeut peu ceux d’en haut. Darcos aussi, distrait, en 2010, avait proposé à nouveau de le ré écrire – toujours pour plaire au Medef.

 

En quoi le code du travail est-il « illisible » ?

Quid du code des impôts, du code du commerce, du code des affaires maritimes, du code de la construction, du code de la sécurité sociale ?

En fait le code du travail est le plus petit de nos codes. Il fait 675 p de lois, pas plus. Mais il est édité par Dalloz avec 3300 pages de commentaires. Comme si on éditait Françoise Sagan amendée par Marcel Proust. C’est le plus simple de nos codes. 10 articles servent aux prud’hommes ! Et la France est un des pays européens ou il y a le moins de saisines des tribunaux.

 

Le code du travail est lisible : il n’est pas bon de dire à 18 millions de salariés que les lois qui les protègent sont « illisibles ». Il vaut mieux enseigner, éclairer, consolider, renforcer leur code. Le code du travail est le moins enseigné, le moins connu, le moins utilisé, le plus dénigré, le plus fraudé, mais le plus vital, le plus intime, le plus décisif pour 18 millions de salariés du prive, pour 93 % des actifs.

Bayrou n’avais jamais ouvert le code du travail quand il l’a accusé d’être trop gros à DPDA devant 7 millions de téléspectateurs ! Et quand il présentait par opposition, le « petit » code du travail suisse, il trompait tous ceux qui ne savent pas ! Il n’y a pas de code du travail en Suisse mais un vieux « traité pour la paix au travail » signé entre les cantons, et dans chaque canton, il y a un droit du travail civil beaucoup plus gros et illisible ! Car les contrats sont plus « illisibles » que les lois. Il existe 700 « accords » et « conventions collectives » : il faut 8 armoires pour les contenir et lorsque c’est le patronat qui tient la plume c’est beaucoup plus compliqué, plus long plus illisible que quand ce sont nos parlementaires.

 

Aux Etats-Unis le droit civil consacré au travail fait 36 000 pages ! Et ils viennent de faire un pas décisif dans le fait que les salariés de toutes les entreprises sous-traitantes (Mac Donald, Uber) doivent être alignés sur les salaires et droit des maisons mères, tandis qu’ici, Macron fait le contraire.

Il faut autant de contrats que possible et autant de lois que nécessaire, mais la loi de la République doit l’emporter sur le contrat. Sinon on viole la Constitution et les citoyens.

L’article 34 de la constitution précise bien que c’est le parlement qui légifère en droit du travail. Laurence Parisot voulait déjà en 2005 que Villepin change cet article de la constitution pour que la loi soit faite dans les entreprises pas au parlement. Si le contrat devient la loi, on entre dans une autre république, un régime corporatiste ni plus ni moins. L’état de droit dans l’entreprise est mort. L’ordre public social est mort. Tout devient relatif et soumis aux exigences du profit et pas aux exigences du respect des droits universels des humains.  Le Parlement, et avec lui le suffrage universel deviennent impuissants.

 

Et qu’on ne nous dise pas que les « accords majoritaires » vont garantir ce que la loi ne garantira plus ! Sur 1,2 million d’entreprises, 3% ont plus de 50 salariés. Et les IRP sont dans ces seuls 3%. Et combien de syndicats face à la chasse aux sorcières patronales, résistent et existent ? Dans moins de 50 000 ?  Et sur les 8 syndicats existants, la division ne va t elle pas livrer les clefs de tous les accords aux employeurs peu déterminés à la moindre concession ?

 

Par exemple la protection des licenciements c’est un droit de l’homme : déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, charte européenne des droits de l’homme de 1999, convention 158 de l’OIT (que Gattaz exige que nous dénoncions). Un salarié menacé de licenciement doit être informé, le licenciement doit être motivé, le salarié doit pouvoir se défendre, il doit pouvoir faire un recours, et il doit obtenir réparation si le licenciement est abusif. Les entreprises doivent se plier aux droits de l’homme et pas l’inverse.

 

En 1906 on a séparé, après la catastrophe de Courrières, le Ministère de l’économie et le Ministère du travail. C’était un grand progrès qui signifiait que le droit du travail des humains ne devait plus être soumis aux exigences de l’économie. Dire aujourd’hui qu’il faut adapter le droit du travail aux réalités de l’entreprise », c’est une vraie contre révolution historique. Car c’est exactement le contraire, le code du travail est précisément là pour obliger les entreprises à tenir compte des droits des humains !

Et d’ailleurs c’est l’intérêt bien compris des entreprises et des employeurs intelligents car ceux qui produisent le plus et le mieux, ce sont les salariés bien formés, bien traités et bien payés. Plus il y a de droit du travail, plus il y a de garanties, de protection, de sécurité, plus le salariat est efficace et productif. Ce ne sont pas les précaires ni les flexibles qui produisent le plus et le mieux. Un bon code du travail, c’est un bon travail. Un bon code du travail c’est un bon salaire. Un mauvais code du travail c’est le recul pas seulement social mais économique. Le « contrat » il est signé entre deux parties inégales, employeur et salarié. S’il n’est pas soumis à la loi, c’en est fini de l’ordre public social. Les attaques permanentes contre le code du travail de la part d’un patronat sont obscurantistes : ils ne voient que le profit, pas les humains. Et en ne respectant pas les humains ils creusent qu’ils le veuillent ou pas la tombe de leurs profits.

 

Il a fallu un siècle pour bâtir le code du travail, c’est une construction sociale exceptionnelle réalisée par des forces et des évènements immenses,  de 1905 à 1936, de 1945 à 1968, de 1995 à 2010. Il a été fait de luttes et de larmes, de sueur et de sang et il ne peut être « ré écrit » à froid, ni par deux personnes à la suite d’un diner en ville, ni par un « think thank » composée de gens qui n’y connaissent rien, ni par une nouvelle commission Théodule chargée de le passer à l’acide des exigences de M. Gattaz.

6 Commentaires

  1. alain Vaujour
    Posted 8 septembre 2015 at 14:13 | Permalien

    Il faudrait un jour qu’il y ait beaucoup plus de débats publics contradictoires sur tel ou tel sujet, avec des droits de réponse, pour mettre en difficulté tous ces arrogants qui distillent leurs contre vérités sans vergogne…

  2. 1956
    Posted 8 septembre 2015 at 21:13 | Permalien

    Il a fallu un siècle fait de luttes…,de sang et il suffira du stylo d’un socialiste tenu par le Medef avec la sainte bénédiction de la CFDT et l’allégeance du parlement pour tout casser. Vivement que ce qu’il reste de la gauche y compris de socialistes honnêtes sortent les traitres de leurs mandats électifs. Tout le reste sera de la gesticulation de nature à laisser faire le pire du pire.

  3. Posted 8 septembre 2015 at 22:19 | Permalien

    « sortir les traitres » n’est pas ma passion elle est de mobiliser les bons

  4. 1956
    Posted 9 septembre 2015 at 12:42 | Permalien

    C’est malheureux mais la seule maniere de neutraliser un délinquant armé est de le désarmer. la démocratie gère ces situations par les votes du peuple et de ses élus notamment au parlement qui gèrent les pouvoirs. La mobilisation de la « bonne gauche » doit aussi servir à exercer son devoir de neutralisation de ceux qui trahissent, sinon c’est Le Pen garanti s’il faudra assumer. Tant que Hollande, Valls, Macron, … et leur inspirateur Gattaz restent au pouvoir, ils sont concentrés sur l’objectif de destruction des droits, l’extrême droite et la droite finiront le travail.

  5. Posted 10 septembre 2015 at 6:00 | Permalien

    A St Nazaire, les ouvriers se sont battus pour le droit du travail et la défense des chantiers navals, les gens ricanaient de voir ces ouvriers en grève , ensuite le patronnât a remplacé les travailleurs nazairiens par ceux de Cherbourg mais maintenant avec la mondialisation les nouveaux ouvriers proviennent d’Estonie de Pologne ou de Serbie . A St Nazaire on ne forme plus personne et il n’y a plus de grèves , les scandales d’ouvriers non payés ou les entreprises défaillantes se multiplient , les ouvriers se St Nazaire sont à Pôle Emploi et ce sont maintenant les paysans qui font grève !

  6. Posted 10 septembre 2015 at 6:02 | Permalien

    85 milliardaires dans un autobus représenteraient une fortune équivalente à celle de la moitié la plus pauvre de l’humanité, c’est-à-dire 3 milliards d’êtres humains. Aujourd’hui, 1% de la population de la planète détient près de la moitié de la fortune mondiale. Sous peu, les 1% vont détenir autant que les 99% restant. Ces 1% sont les maitres du monde. Le monde politique est entièrement à leur service et les médias sont leurs pom-pom girls. Qui parle ainsi ? Un gauchiste rabâcheur ? Un alternatif isolé ? Un anticapitaliste entêté ? (…)

    Un entretien à écouter ici : http://la-bas.org/re-ecouter/les-emissions/2015-16/85-milliardaires-dans-un-autobus

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