Mon intervention au Bn du PS le lundi 12 octobre : droits collectifs du travail et « Compte personnel d’activités »

Au BN du 12 octobre, un rapport très fouillé sur « le compte personnel d’activité » a été défendu par Pascale Gérard. Une synthèse avait été envoyé  tous les membres du Bn quelques jours auparavant en même temps que la convocation. Cette synthèse et le document de travail sont d’ailleurs annoncés sur son compte face book par la camarade rapporteuse. Il a bien été répété, comme ne cesse de le dire le Premier ministre, qu’il s’agit du « projet phare du gouvernement pour la dernière année du quinquennat ». Ce point a été discuté au Bn  en deuxième partie d’ordre du jour. Je suis intervenu alors qu’il ne restait plus que 15 à 20 % du BN et celui-ci s’est terminé exceptionnellement à 21h 15.  Si je suis resté jusqu’au bout et ait fait une intervention longue c’est parce que ce sujet est en effet décisif. Voilà, reconstituée et complétée, mon intervention (pour la mieux comprendre il est utile aussi de lire ce blog en amont l’analyse détaillée des 44 mesures Jean-Denis Combrexelle, des 36 « préconisations » de Bruno Mettling, et de revenir sur la critique détaillée de la loi Macron du 8 août en 308 articles et ce, depuis début décembre 2014 – avec Richard Abauzit).

 

Chers camarades,

 

J’ai bien écouté et bien lu le « document de synthèse » que vous nous présentez en faveur d’un « compte personnel d’activité » et j’ai encore bien du mal à comprendre ou alors ce que je comprends m’effraie.

Vous reprenez au départ une idée qui me semble fausse : « les droits et protections jusqu’alors attachés au travail s’affaiblissent aujourd’hui en raison des nouvelles formes d’emploi et de la montée des précarités. »

NON, le CDI s’allonge au contraire, il est passé de 9 ans et demi a 11 ans et demi ces vingt dernières années car les entreprises les plus qualifiées et novatrices, comme les salariés, ont besoin de travail stable, durable et qualifié ! Vous écrivez qu’il y a 85 % d’embauches en CDD : mais en flux pas en stocks ! Il existe 85 % de CDI au contraire, et encore plus entre 29 ans et 54 ans.  L’économie n’exige pas de CDD, mais des CDI. Le patronat voudrait faire croire le contraire, et n’aime pas cette vérité car il lutte pour baisser le coût du travail et pour augmenter ses profits, mais ça n’est pas moins une évidence : ce ne sont pas les flexibles qui produisent le plus mais les salariés bien formés, bien traités, et bien payés. Si on veut plus de compétitivité, il faut plus de statuts, de droits, de garanties, de bons salaires, pas l’inverse.

Vous écrivez aussi , comme le patronat voudrait le faire croire : « l’insécurité sociale est la conséquence de la reconfiguration profonde du monde du travail et des évolutions technologiques (notamment révolution numérique)… «

NON ! la révolution numérique devrait pouvoir permettre de mieux imposer et contrôler des droits du travail renforcés. Il devient beaucoup plus facile de contrôler les horaires, les missions exactes et donc les salaires correspondants.

Le patronat veut adapter les humains qui travaillent à la machinerie numérique, nous voulons l’inverse ! Nous voulons soumettre la machinerie numérique aux besoins et droits des humains. C’est une bataille collective pas une adaptation « personnelle ».

 

Le « Compte personnel d’activité » ça sonne drôlement.

 

En vérité notre grande tradition en France, depuis un siècle, c’est plutôt « droits collectifs du travail », « conventions collectives » et code du travail. Pendant un siècle depuis 1906 et 1910 nous avons, à travers les luttes et les lois bâti un ordre public social basé sur des droits collectifs visant à garantir la protection des salariés dans le cadre de ce contrat déséquilibré caractérisé par la subordination, l’inégalité des deux parties contractantes qu’est le contrat de travail.

C’est aussi dans ce cadre que nous avons développé la belle idée de la « sécurité sociale professionnelle » afin de garantir les salariés contre les licenciements abusifs ou sans cause réelle et sérieuse, les pertes d’avantages salariaux, de stabilité et de déroulement de carrières, les périodes de chômages prolongées avec retour obligé à l’emploi dans des conditions dégradées.

Ces mots sont beaux « sécurité sociale professionnelle » Sécurité c’est une protection collective. Sociale c’est le rejet de l’insécurité dans la vie. « Professionnelle » c’est la garantie des qualifications.

Et puis il ne peut pas y avoir de « sécurité sociale professionnelle » en facilitant les licenciements comme cela vient d’être fait. Ni même en permettant 3 CDD de suite à la place d’un CDI pour les jeunes. Annulons nous ça ?

 

Je préfère nettement « sécurité sociale professionnelle » : on sait mieux où l’on va.

Alors votre proposition de « compte d’activité personnel »

1°) – me semble confuse théoriquement et pratiquement

2°) – m’inquiète terriblement (carte ad vitae) car elle serait très dangereuse si elle existait

3°) -  remet en cause le CDI pour un « CDI de transition et d’évolution professionnelle ». (sic)

4°) – me rend dubitatif car je ne pense une seule seconde que ça fonctionnera

 

1°) Dans « compte personnel d’activité »

…. chaque mot sonne le doute : « compte » ça sent les aléas, pas le droit, « personnel » sent l’individualisation  pas le collectif, « activité » ne sonne ni comme emploi, ni comme qualification.

Le document de synthèse qui nous est soumis ne fait pas une seule fois référence aux conventions collectives ni au code du travail, mais il développe quand même 14 à 18 « comptes » et « droits », 12 censés exister déjà et 5 droits « nouveaux » dans le cadre d’un nouveau « CDI de transition et d’évolution professionnelle ».

Je crains tout de suite que l’énumération de ces droits incertains dont vous ne dites jamais comment ils seront financés, jamais comment ils seront contrôlés, jamais comment ils seront sanctionnés, ne soit la « précarité généralisée sur toute la vie » en lieu de place de la sécurité sociale et de la formation professionnelle.

 

Les 10 droits, selon vous, seraient :

-       1°) le droit à l’assurance chômage pour les actifs salariés qui ont cotisé (heureusement ça existe, mais les fameux droits « rechargeables » ne se sont ils pas, au fil de l’eau, avec des ajustements comptables « ex post » transformés en « droits déchargeables » au détriment des chômeurs eux mêmes ?

-       2°) le compte personnel de formation dont les heures acquises sont financées par les partenaires sociaux (contribution de 0,2% de la masse salariale brute à la charge des entreprises). Mais la part patronale n’a t elle pas été abaissée lors de l’ANI et de la loi Sapin (14 juin 2013) selon les tailles des entreprises ? Le passage d’un plafond de 20 h par an pendant 6 ans, a 150 h étalées sur la vie  et du DIF (droit) au CPF (compte) s’est il si heureusement passé ? Les bilans sont très controversés. Les 32 milliards de la formation professionnelle permettraient pourtant d’avoir un grand service public national, doté d’un ministère qui garantirait les statuts des stagiaires de la formation professionnelle, leurs droits, leurs revenus, leurs reclassements avec validation de leur diplômes, leur reconnaissance automatique, légale, dans les grilles conventionnelles des métiers, qualifications, niveaux et coefficients.

-       3°) Le droit de retour en formation en initiale différée pour les moins de 26 ans n’ayant pas obtenu un premier niveau de certification professionnelle.  C’est typiquement quelque chose qui n’est pas un compte « personnel »  mais dépend de subventions, d’indemnités, de salaires, d’établissements, qui n’existent pas en nombre et en qualité suffisantes.

-       4°) Le droit d’accès à un premier niveau de qualification via le service public régional de la formation. C’est confusément redondant avec le point précédent.

-       5°) Le droit au conseil en évolution professionnelle (CEP) pour tous les actifs : on a du mal à dégager cette notion du contrôle par Pole emploi et de l’orientation forcée en cas de refus d’emploi a plus bas niveau. Y compris l’idée d’un contrôle examen vers 50 ans, ressemble à une étrange étape quand on sait que le patronat licencie ou rompt massivement les contrats vers 50 et 55 ans pour des motifs peu avouables.

-       6°) Le droit au conseil régional en évolution professionnel (même redondance comme vu ci-dessus : pourquoi doubler ? pourquoi pas un grand service national de la FP Et ‘ailleurs en quoi est ce lié a un « compte personnel d’activités puisque ça dépend d‘institutions différentes pas du salarié, en fait on le voit, le « compte » n’est pas personnel » sauf lorsqu’il s’agira de « compter et de contrôler…le salarié).

-       7°) Le droit à l’orientation gratuit ( c’est pas les CSP, les « bilans » multiples existants, ou Pôle emploi ? mais avec des « portefeuilles » de 120 demandeurs d’emploi, les personnels de Pôle emploi ne peuvent pas)

-       8°) Les droits à formation découlant du C3P (compte pénibilité). La retraite par points de pénibilité ? Le « compte » pénibilité individualisé ?  Quelle rotule, quel coude, quel poignet, quel TMS ? Quel degré de surdité ? Quel début de cancer ? C’est déjà choquant en soi depuis le début. Payer l’individu pour ce qu’il souffre au lieu de lutter contre la souffrance pose question. Mais même ça le patronat ne veut pas. Alors au début il était prévu « 12 causes de pénibilités » , c’est tombé à 8 causes, puis à 4 causes, et maintenant à 3 causes reconnues, les autres ont été écartées ! Mais pour faire bref : chez les éboueurs, l’espérance de vie moyenne est de 58 ans tellement il y a de cancers.  Leur droit COLLECTIF à retraite était à 50 ans. Ce n’était pas un « régime spécial » c’était un DROIT COLLECTIF pour celui qui mourait à 55 ans ou à 95 ans. Là, il faut trier chaque humain individuellement selon le degré avancé de la mauvaise santé ?

-       La retraite ne doit pas dépendre d’un état de santé individuel de chacun dans chaque métier mais bel et bien de conventions collectives liées à la pénibilité COLLECTIVE. Oui il doit y avoir des régimes plus favorables selon les métiers, ce ne sont pas des privilèges mais des droits collectifs, pas « personnels ». Le salariat a pour point commun de vendre sa force de travail et un ordre public social le protège, on n’en est pas encore, et ca n’arrivera pas, à son « ubérisation » avec le paiement individuel de ses « assurances »…

-       9°) Le droit à l’information sur la formation (sic, un bon site de pole emploi, non ? pourquoi mettre cela sur le « compte personnel »… et sur la « carte à puce ad vitae » dont on va parler ensuite ?)

-       10°) Le compte épargne temps (je suis contre :les congés payés doivent être pris de façon OBLIGATOIRE chaque année, ne pas pouvoir être payés, ne pas pouvoir être « échangés » contre des « jours de  formation » ou autres. Les congés payés, c’est pour le repos annuel comme il y a un repos quotidien obligatoire.  Vous vous rendez compte qu’on a dû déjà faire une loi pour que les héritiers  puissent toucher les reliquats des CEP ?  Si, si !)

 

Vous évoquez même

-       les comptes enfants malades

-       les comptes congés parentaux

-       les comptes « portages » de complémentaires santé ou de mutuelles (étranges choses créées en 2011 et jamais vérifiés, pas de bilan)

Vous envisagez un « principe de fongibilité » de ces droits

-       genre : les « jours » de congé épargne temps deviendraient des jours de formation… (sic)

et de « nouveaux droits »  très incertains :

-       1°) un « droit à l’accompagnement »

-       2°) droit au bilan professionnel

-       3°) droit à l’obtention de « briques de compétence » (VAE ?)

-       4°) droit à un » bouquet de services » autour du sur mesure et d’individualisation

-       5°) droit à une « deuxième chance »

Est ce un hasard si vous avez oublié :

-       le compte « heures supplémentaires »  qui est sans aucun doute le plus important

-       les comptes de niveau, de coefficient et d’échelons dans les progressions de carrières et les indices de salaires liés ?

-       le compte points d’ancienneté et gains de salaires liés ?

 

Et vous envisagez de classer en droits individuels sur le « compte personnel d’activité » je cite « les droits a la retraite, le CET, la mutuelle complémentaire »…

Tous ces droits « mixés » de « sources de financement composés de droits capitalisables et de droits mutualisés » (quid des cotisations ? est ce pour cela qu’on veut simplifier les bulletins de paie, en précisant les cotisations par « risques » et non plus « caisses » ?)

Vous parlez d’ «  hybridation adaptée à la mixité des situations et à l’itération croissante entre emploi, activité non salariée, et non emploi rencontrée par une part croissante des actifs » ?

Tout cela devient une usine à gaz extrêmement complexe… et vaine… elle ne marchera pas,

… pas plus que le compte de pénibilité aujourd’hui, alors qu’encore une fois ce sont tous des droits COLLECTIFS. Même des secteurs du patronat se diront que c’est imbécile et qu’il vaut mieux en revenir à des corps intermédiaires, (syndicats, IRP) des conventions collectives, des négociations, et des contrôles ( médecine du travail inspection du travail, prudhommes) que la division des droits individuels à l’infini.

Et s’il faut simplifier certaines choses, je vous donne une piste : stopper le « millefeuille » des assurances, complémentaires, prévoyance, mutuelles, etc.… « Une seule cotisation pour une seule caisse, la sécurité sociale », ca sera encore mieux géré, plus clair, cela fera ces économies, et vous n’aurez pas besoin d’une usine à gaz avec une carte personnelle d’activités…

 

2°) Car c’est là que tout devient inquiétant :

 

Vous proposez une « carte ad vitae qui retracerait toutes les étapes du parcours professionnel de chaque actif et ses droits à formation ». Cette carte, dites vous  « sera l’équivalent inversé de la carte vitale car, à la différence de la carte vitale qui s’affiche pour le professionnel de santé, les informations et non pour l’usager, il s’agit ici de rendre lisibles pour l’usager les informations capitalisées sur son parcours ses formations ses expériences, ses compétences et ses qualifications ». (La loi Macron prévoit aussi comme par hasard une « carte professionnelle » selon une autre directive européenne, pour « lutter contre le travail dissimulé dans le bâtiment » mais qui va la contrôler, pas l’inspection vu ses faibles moyens et pas la gendarmerie, seul le patron.. Sera-ce la carte du chemineau européen détaché ? … !)

Mais n’est-ce pas une nouvelle variante du « livret ouvrier » qui a existé jusqu’à ce que les luttes ouvrières finissent par imposer à Napoléon III de le supprimer (1856) ? « carte à puce = livret ouvrier » ?  ça vous fait soulever les épaules ? Mais est-ce si éloigné que ça ?

Car a QUI va servir cette carte à puces ad vitae ?  Vous voila obligés de préciser (c’est déjà en pointillé dans le code, lois Sapin et  Macron) que l’employeur ne pourra exiger d’y avoir accès, (sic) puis que l’usager pourra la montrer à « qui il veut », il choisira, à qui ? QUI va se servir de cette carte ad vitae alors ? QUI y aura intérêt ? QUI aura assez de forces pour obtenir de la consulter ? Je ne parle même pas de la CNIL, des libertés, mais d’une carte concentrée ou toute la carrière comme vous dites sera lisible, c’est le « compte personnel d’activité » devenu grand projet de la fin du quinquennat, grand projet annoncé de façon médiatique a tout bout de champ en ce moment, par le Premier ministre pour le 1er janvier 17 ?

QUI donne, derrière, une cohérence à tout cela, sinon le Medef,  depuis la loi Fillon du 4 mai 2004, renversement de la hiérarchie des sources de droit, la « recodification » de 2004-2008, les lois Bertrand (rupture conventionnelle individuelle… sans motif) l’ANI Medef du 11 janvier 2013, la facilitation des licenciements, la diminution des informations des IRP, (tiens on a diminué drastiquement les informations des IRP sous prétexte que c’était « trop compliqué » pour les patrons, mais on invente une carte à puce pour les informations « personnelles » ? inouï non ? ), la suprématie du contrat sur la loi, du contrat d’entreprise sur le contrat de branche, jusqu’à la « personnalisation » du contrat de gré à gré, son individualisation, la remise en cause de l’article 2064 du code civil et du 8 février 1995 dans la loi Macron ouvrant à des « contrats civils  ? La bataille idéologique concomitante de la droite et de Gattaz contre le code du travail liée à l’encouragement à des « auto entrepreneurs » sous traitants bidons ? Le rapport Bruno Mettling commandé et vanté par Manuel Valls prévoit des entreprises « étendues » avec peu de salariés et une nébuleuse d’indépendants autour. Attali le mentor de Macron prévoit « une société ubérisée ». il explique que « seule l’élite sera salariée ». Macron prévoit une « société sans statuts, société non statutaire ».

Quand on écoute ce matin Nathalie Kosciusko Morizet déclarer chez Bourdin en une seule phrase :  « Le débat sur les 39h est un débat de 2002, le sujet aujourd’hui c’est le travail indépendant » elle vous dit tout. Ils font campagne non plus seulement contre les droits du salariat, mais  contre le salariat lui même dans les Echos, le Figaro, l’Opinion.

Ne peut-on mettre tout cela bout à bout pour mieux comprendre ?

Dans un film, Queimada (de Gilles Pontecorvo), une révolte d’esclaves menace les grands propriétaires terriens. Ceux ci les massacrent à coups de fusils. Mais un propriétaire avisé, Marlon Brandon, leur suggère « Libérez vos esclaves ! ils vous coutent cher, vous êtes obligés de les entretenir, eux leurs familles, leurs vieillards, de la naissance à la mort, ils sont à votre charge, libérez les, faites-en des salariés, vous ne les paierez que lorsque vous aurez besoin d’eux, ça vous coutera moins cher, vous n’aurez plus de charges ». L’immédiat après esclavage pour le salariat fut terrible, droits collectifs interdits et réprimés, des journées de 17 h, et pas droits, de protection pour la vie hors travail – hormis la compassion des hospices ou on leur « comptait » les plats.

Il a fallu un siècle et demi de combats pour obtenir un code d’un travail, des conventions collectives, des cotisations sociales, un salaire net pour le travail productif et un salaire brut pour reproduire la force de travail.

Maintenant et depuis longtemps le Medef ne veut plus du salaire brut Il attaque chaque cotisation, les gèle (retraites, maladie, logement), les fait supprimer (allocations familiales) les rognent (handicapés, formation) les manipulent (accident du travail) les conteste ( cotisations chômage).  Ils veulent revenir aux débuts du salariat : et certains oeuvrent à détacher les cotisations sociales du travail pour leur complaire. Ils ne veulent plus de code du travail Gattaz a déclaré « qu’il était l’ennemi n°1 des patrons » ! Il tentent d’organiser le retour au XIX° siècle sous prétexte de modernité : avec des loueurs de bras, des journaliers sans droit ni loi ni horaires ni salaires. Des VTC partout : les pilotes de Ryan air sont auto-entrepreneurs et c’est un rêve de De Jugniac!

Ne met-on pas le doigt dans ce bel engrenage avec cette usine à gaz de « compte personnel d’activités » ?

Toute cette histoire de « compte personnel » semble d’autant plus confuse  qu’il n’y a pas de crédits, pas de contrôle, pas de sanction.  La carte ad vitae semble un grand danger pour les droits et libertés, le patronat ne rêvant pas seulement de faciliter les licenciements mais aussi de trier les embauches !

Vous dites que ce serait un long et beau projet, votre « compte personnel d’activités »  bien au delà de 2017 et qu’il faudra des années pour le mettre en pratique. (Si c’est la droite qui le met en pratique, elle ira plus loin, c’est sur…)

 

3°) Tout cela est chapoté dans le texte par une « CDI de transition et d’évolution professionnelle » (sic)

Là, c’est le pompon à mes yeux, car au lieu d’instaurer une « sécurité sociale professionnelle » vous tombez dans l’insécurité professionnelle, le patronat paiera chichement le travail et se débarrassera des obligations de reproduction de la force de travail, son rêve.

Là voilà  bien la remise en cause du CDI explicite au coeur de votre projet : un « CDI de transition et d’évolution professionnelle » Plus rien à voir avec le prétexte de « la sécurité sociale professionnelle » avancée au début. C’est la flexibilité maxima, quand le patronat besoin de vous, puis il vous jette, (le droit du licenciement a été fortement attaqué par les lois Sapin et Macron) vous êtes « indépendants », prenez « vos charges » avec votre solde de tout compte, et il vous remet à la compassion de l’Etat…  si celui a les moyens de prendre « en charge » ce qui restera sur votre carte à puces… et il ne les aura pas..

Il n’existe pas de demandes dans le pays, aujourd’hui,  pour un projet pareil parmi les salariés :  personne ne revendique une carte à puce personnelle pour sa carrière, mais au contraire la demande est de plus de droits sociaux, de salaires garantis, d’emplois solides. On rêve de mieux faire payer au patronat ce qu’il nous doit pour notre force de travail et pour la reconstituer. Pas d’être dans une nébuleuse de faux sous-traitants « ubérisés ».

Derrière la dite carte à puces ad vitae (on va la regarder pour soi seul dans son miroir ou sont IPhone ?… ) vous engouffrez le nouveau « CDI de transition et d’évolution professionnelle » rêvé par le Medef…

Celui de l’insécurité de l’emploi où il  veut virer les salariés sans motif et sans frais, et où l’Etat est poussé à jouer un rôle compassionnel de substitution pour prendre en charge les salariés « en transition » selon ses ressources (impôts et non plus cotisations) du moment et selon la mesure de leur « compte personnel ».

Le Medef rêve d’une contre-révolution d’un siècle, et en revenir à l’immédiat après-esclavage selon Marlon Brando : « libérez vous, prenez vos cotisations, on n’en veut pas, que les salariés se débrouillent tous seuls ! » m’avait crié une fois, il y a huit ans, dans un débat devant 500 personnes, Gautier Sauvagnac (sans savoir quel acteur il imitait).  Et il ne restera à l’état qu’à éponger les besoins des cartes à puces !

4°) Mais en conclusion je vais vous dire : cela ne se fera pas. Si le patronat rêve de remplacer le salariat par des auto-entrepreneurs, ca ne marchera pas.

Même en Californie Uber a perdu, et Mac Donald se voit obliger de traiter ses franchisés comme dans la maison mère. Ce qui va triompher ce sera de reconnaître les sous-traitants dans les mêmes conventions collectives que leurs donneurs d’ordre. Les chauffeurs de chez Uber se battent occupent Uber et se syndiquent, ils cherchent même a prendre en main leurs applications.  Je propose trois lois pour ça, réguler la sous-traitance.. depuis des années (et elles avaient été adoptées par notre parti en 1996). Ce qui va triompher, ce qui est moderne, ça va être de renforcer les droits collectifs pas de les individualiser. Les VTC seront reconnus salariés contre Uber. Les pilotes de Ryan air ne seront plus forcés de s’humilier à se déclarer auto-entrepreneurs. Le donneur d’ordre sera responsable de ce qui se passe sous ses ordres. Les sous-traitants seront alignés sur la convention collective du donneur d’ordre. Les « franchisés » seront intégrés dans l’ »unité économique et sociale ». De Jugniac ne réussira pas à imposer une carte à puce individuels aux pilotes d’Air France, ils garderont des horaires collectifs.

Le salariat est trop puissant. Il fait 93 % des actifs. Les « indépendants » rêvés par Kosciusko Morizet ne sont pas l’avenir, ils sont le passé. Le capitalisme développe le salariat. Les « offensives » idéologiques actuelles sur la destruction de celui-ci ne sont pas étayées.

De 1945 à aujourd’hui les « indépendants » sont passés de 45 % à 7 %, leur RSI ne fonctionne plus et devrait rentrer dans la Sécu, pas l’inverse ! Le salariat est passé de 45 % a 93 % et c’est une tendance mondiale ! L’OIT dit qu’il y a un milliard de salariés de plus dans les derniers décennies : le travail informel recule partout.  Des petits malins Uber ou Blablacar essaient quand même au passage, in extremis, de piquer des milliards sur ce qui existe encore de travail humain non marchand, d’échanges, de partages traditionnels, auto stop, covoiturage, échanges d’appartements, ou repas cuisinés, profitant  de la générosité humaine pour la taxer de façon privatisée. Mais ce n’est pas l’avenir non plus.

Le numérique devra et sera mis au service des droits et protections collectives pas de leur morcellement individualisé.

 

 

 

5 Commentaires

  1. Richard
    Posted 13 octobre 2015 at 20:12 | Permalien

    Un magnifique texte qui fait du bien.
    La cohérence que tu décris est illustrée par la mention dans le rapport de France Stratégie sur le Compte personnel d’Activités (162 pages)de l’audition de Michel de Virville en tant que « chargé de la mission interministérielle de facilitation et de concertation permanente sur le C3P » (compte pénibilité). Une cohérence en forme de continuité, cet ancien DRH de Renault ayant commis en 2002 la feuille de route du Medef, méthodiquement mis en place depuis par les gouvernements successifs.

  2. Gilbert Duroux
    Posted 13 octobre 2015 at 20:15 | Permalien

    C’est bien gentil, tout ça, mais les députés « socialistes » et le gouvernement n’en ont rien à foutre de ce qui se passe au BN du parti dit socialiste.
    Lors du BN du 27 juillet dernier, il a été décidé une réorientation du pacte de responsabilité en faveur de l’investissement des collectivités locales ainsi qu’un soutien aux ménages via une réduction dégressive de la CSG.
    Résultat des courses : le gouvernement Valls n’a tenu aucun compte des propositions du PS. Rien de ce qui a été voté par le PS ne figure dans le projet de loi de finances.
    Bien entendu les députés frondouilleurs vont voter cette loi de finances, une fois de plus.
    Ils sont où, les 30 % ?

  3. Posted 14 octobre 2015 at 10:34 | Permalien

    abolument richard

  4. sintes
    Posted 14 octobre 2015 at 14:39 | Permalien

    Absolument Gilbert Duroux

  5. Gilbert Duroux
    Posted 14 octobre 2015 at 17:53 | Permalien

    Ça se confirme, les frondouilleurs ont renoncé à s’opposer. Ils vont tout avaler du budget Valls-Macron-Gattaz. C’est pas moi qui le dit, ce sont les journaux qui d’habitude ne veulent pas du bien au parti dit socialiste et cherchent toujours à enfoncer des coins. Si Europe 1, toujours prêt à souffler sur les braises, dit que les frondeurs se sont couchés, c’est que c’est vrai.
    http://www.europe1.fr/politique/ps-les-frondeurs-la-mettent-en-veilleuse-2529015
    Ils sont où les 30 % ? Ils sont où les 25 000 ?
    Finies, les tartarinades, plus personne ne marche. Il serait temps de parler vrai au lieu d’entretenir les naïfs dans leurs illusions.
    Ce sont les mensonges qui provoquent des désillusions.
    Comme disait l’autre, « seule la vérité est révolutionnaire ».

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