Propositions de saisine du Conseil constitutionnel, de l’Organisation Internationale du Travail et du Conseil d’Etat

Contre la loi El Khomri du 8 août 2016

 

 


La lecture des plaintes formulées par les organisations syndicales grecques en 2010 et 2011 auprès de l’Organisation Internationale du Travail donne l’exacte mesure de la logique et de la violence à l’œuvre dans la loi travail. La réponse faite par le comité de la liberté syndicale de l’OIT a été la suivante : « Le comité constate que la longue liste de questions soulevées par les organisations plaignantes démontre la présence de nombreuses et sérieuses atteintes à la liberté de négociation collective et au principe de l’inviolabilité des conventions collectives librement conclues…Le comité souligne que la mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs et constitue en ce sens un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective à l’encontre des principes des conventions n° 87 et 98 ».

A ces reproches, il faut ajouter, s’agissant de la loi du 8 août 2016, qu’elle organise le retrait de la loi sur l’ensemble du droit du travail, en violation de l’article 34 de la Constitution, de la façon suivante : les principes légaux sont vidés de tout contenu (durées de travail, de repos, de délai de prévenance non quantifiées, « majoration salariale » non quantifiée, utilisation de la notion de « raisonnable »…) laissant ainsi l’accord d’entreprise – primant systématiquement l’accord de branche – « faire » la loi.

 

Article 1 :

Non respect de l’article 34 de la Constitution : les formulations utilisées (« refondation du code du travail » ; « place centrale à la négociation collective », ainsi que son application dans la loi, permettent d’affirmer que ce n’est plus la loi, mais l’entreprise, soit par l’accord collectif, soit par l’accord individuel, soit de façon unilatérale, qui fera la « loi ».

En donnant de façon presque systématique la primauté aux accords d’entreprise sur les accords de branche, fussent-ils plus défavorables aux salariés, le législateur n’est aucunement mû par l’intérêt général. Un intérêt général, conforme aux conventions internationales de l’OIT ratifiées par la France, dont le législateur est pleinement conscient, qui, par le nouvel article L.2232-5-1, confère précisément aux branches la mission de « réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d’application »…

La dernière rédaction de l’article 1 de la loi du 8 août 2016 (« Les dispositions supplétives applicables en l’absence d’accord collectif doivent, sauf à des fins de simplification, reprendre des règles de droit positif ») fait également litière des engagements peu ou prou pris dans les rédactions et déclarations antérieures, faisant valoir qu’à défaut d’accord collectif, les clauses légales antérieures à la loi travail seraient maintenues. Outre la réserve passe-partout d’une nécessité de « simplification », la référence au « droit positif », ensemble des règles en vigueur quel que soit leur source (doit du travail, droit civil, droit commercial…) réduit à néant les engagements. Si besoin était, la loi elle-même fournit déjà maints exemples de non respect du maintien d’un droit constant en l’absence d’accord : 1/ à défaut d’accord collectif, les conditions de dépassement de la durée maximale hebdomadaire moyenne sont plus défavorables qu’avant la loi (articles L.3121-24 et L.3121-25) 2/ à défaut d’accord collectif, l’employeur peut désormais fixer la période de référence pour les heures supplémentaires à 9 semaines pour les entreprises de moins de 50 salariés et 4 semaines pour les entreprises de plus de 50 salariés (article L.3121-45).

 

Article 2 :

Non respect des libertés fondamentales (article 1 de la Constitution, article X de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789) : article L.1321-2-1, la notion de « neutralité » sanctionnable désormais par le règlement intérieur, décision unilatérale de l’employeur, permettant toutes les dérives et discriminations ; de même la restriction de la manifestation des « convictions » de salariés en raison du « bon fonctionnement » de l’entreprise, soumise à l’appréciation de l’employeur.

Article 8 :

Non respect de l’article 34 de la Constitution, non respect du principe d’égalité (article 1 de la Constitution), non respect des conventions internationales n° 87 (articles 3, 8 et 11) et 98 (articles 2 et4) de l’OIT sur la liberté contractuelle ratifiées par la France le 28 juin 1951 et le 26 octobre 1951, non respect de la convention internationale n°154 de l’OIT (articles 7 et 8) :

Pour tout le livre 1er de la troisième partie du code du travail (durée du travail, repos, jours fériés, congés, contrôle de la durée du travail), ne seront plus opposables comme étant supérieurs aux accords d’entreprise les accords de branche antérieurs à la loi travail qui disaient qu’ils l’étaient.

Explicitation de la formulation très obscure de la loi travail sur ce point : « L’article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social n’est pas applicable aux conventions et accords conclus en application des dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail qui prévoient la conclusion d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche ». L’article 45 en question dit : « La valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs. ». Cet article ne s’appliquant pas, la valeur hiérarchique accordée par les signataires d’un accord de branche ne s’appliquera plus pour les accords conclus avant la loi travail.

 

Quelques exemples de conséquences pratiques :

 

1/ article L.3131-3-1, un accord d’entreprise pourra limiter le nombre de jours fériés chômés par rapport à ce que prévoyait la convention collective de la branche ;

 

2/ article L.3131-2, un accord d’entreprise pourra décider de limiter le repos journalier continu de 11 h même si l’accord de branche ne le prévoit pas. Pire sur ce point, à défaut d’accord, l’employeur pourra (article L.3131-3) limiter le repos quotidien de façon unilatérale en invoquant un surcroît d’activité ! (conditions fixées par décret) ;

 

3/ article L.3121-19, dépassement de la durée de travail maximale quotidienne de 10h possible par accord d’entreprise pour des « motifs liés à l’organisation de l’entreprise » ;

 

4/  article L.3121-42, pour la modification de la répartition de la durée du travail, l’ordre public ne fixe plus qu’un « délai raisonnable » ;

 

5/ articles L.3121-28, L.3121-33 et L.3121-36, la loi ne fixe pas de cadre pour la « majoration salariale » de la rémunération des heures supplémentaires qui sera fixée par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche avec un minimum de 10% de majoration. Ce n’est qu’en l’absence d’accord que s’appliquera la « disposition supplétive » qu’est devenue l’actuelle disposition légale (25% et 50%). Ce point très important, tant pour la rémunération des salariés concernés que pour l’ampleur du chômage, est tant éloigné du respect du rôle de la loi en matière de droit du travail et de l’égalité entre salariés que le gouvernement a annoncé, en échange de l’arrêt de leur mouvement de protestation que la loi ne s’appliquerait pas aux transports routiers…

 

6/ articles L.3123-33 et L.3123-38, un simple accord d’entreprise ou d’établissement (ou, à défaut, un accord de branche étendu) pourra désormais mettre en place des contrats de « travail intermittent » qui ont notamment comme caractéristique que les salariés, par « lissage » de leur rémunération sur l’année, font crédit à leurs employeurs.

 

Non respect de la hiérarchie des normes sur les salaires minima conventionnels, mise en cause de la liberté contractuelle, non-conformité au principe d’égalité qui résulte de l’article 1 de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, violation de la loi : article L.5125-1, un accord d’entreprise peut, en invoquant de « graves difficultés économiques » diminuer la rémunération, horaire et mensuelle, de salariés dont la rémunération horaire est supérieure à 1,2 fois le SMIC (dans la limite de ce seuil)

 

Non respect des conventions européennes et du 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : l’astreinte est considérée comme une période de repos (article L.3121-10)

 

Non respect des principes de laïcité (article 1 de la Constitution) et de liberté contractuelle garantie par la convention internationale n° 87 (articles 8 et 11) : pour la journée de solidarité (article L.3134-16) il est interdit de choisir le Vendredi saint et un des deux jours de Noël.

 

Non respect 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, non respect des salaires minima légaux et conventionnels, non respect des arrêts de la Cour de cassation déclarant non « raisonnables » au regard des durées de travail et de repos des dispositions de conventions relatives au forfait jours : 1/ possibilité par accord entre le salarié et son employeur, de troquer renonciation à des jours de repos contre une « majoration de salaire » (article L.3121-59) qui peut être inférieure au salaire dû et donc ne pas respecter le taux horaire dû ; le législateur peut d’autant moins invoquer un quelconque intérêt général à cette mesure quand on observe que, dans la même loi, par modification de l’article L.241-18 du Code de la Sécurité sociale, cette renonciation au repos ouvre droit à une exonération forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de moins de vingt salariés ; 2/ les dispositions supplétives parlent de « charge de travail raisonnable » et demande à l’employeur de s’assurer que la charge est « compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires » (article 3121-65).

 

Non respect du principe d’égalité (article 1 de la Constitution) : article L.5544-1, sans que soit invoqué un quelconque intérêt général, la loi institue une différence de traitement envers les marins en décrétant non applicables pour eux les articles L. 1222-7, L. 3111-2, L. 3121-1 à L. 3121-39, L. 3121-43, L. 3121-48 à L. 3121-52, L. 3121-63, L. 3121-67 à L. 3121-69, L. 3122-1 à L. 3122-24 et L. 3131-1 à L. 3131-3 , L. 3162-1 à L. 3162-3, L. 3163-1 à L. 3163-3, L. 3164-1, L. 3171-1, L. 3171-3, L. 3171-4 et L. 4612-16 du code du travail relatifs à la durée du travail et des repos et à leur contrôle ainsi qu’à la rémunération des heures supplémentaires.

 

 

Article 9 :

 

Non respect de l’article 34 de la Constitution : les formules alambiquées et ridicules finalement adoptées pour la détermination des congés pour évènements familiaux, à la suite de l’émoi suscité par la première rédaction qui autorisait, par accord collectif, des congés moins importants que ceux prévus par la loi antérieure, soulignent a contrario que la loi travail a bien pour principale fonction de transférer ce qui relève bien du domaine de la loi au domaine contractuel en violation de l’article 34 de la Constitution.

De même, comment soutenir que la durée des congés pour catastrophe naturelle – ou pour représentation, ou pour proche aidant ou pour participation aux instances d’emploi et de formation professionnelle ou à un jury d’examen ou ceux pour acquisition de la nationalité –  pourraient différer suivant les entreprises et ne pas relever de la loi ?

 

Non respect 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : report de congés payés (articles L.3142-118, L.3142-120).

 

Article 10 :

 

Non respect 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : la protection de la maternité est-elle la même avant ou après la loi ? La nouvelle formulation (article L.1225-4) laisse entendre que désormais, même en cas de grossesse constatée, la rupture du contrat de travail peut avoir lieu avant le congé maternité.

Article 11 :

Non respect 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : report de congés payés dans le compte épargne-temps (article L.3151-2).

 

Article 12 :

 

Dans cet article, un coup la loi n’est pas rétroactive (pour les conventions individuelles de forfait par exemple), un coup elle l’est (pour les accords collectifs conclus avant la loi portant sur la « programmation indicative » de la répartition du temps de travail).

 

La rétroactivité de la loi travail est à géométrie variable (articles 8, 12, 17, 21)

 

Article 14 :

 

Non respect 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : la loi travail ajoute un alinéa à l’article L.4511 du code des transports relatif aux durées maximales de travail des salariés travaillant sur des bateaux en relèves (navigation intérieure et transport fluvial) . « La convention ou l’accord collectif de branche étendu ne peut avoir pour effet de porter la durée quotidienne de travail effectif à plus de quatorze heures et la durée maximale hebdomadaire de travail à plus de quatre-vingt-quatre heures. Il ne peut pas non plus avoir pour effet de porter à plus de soixante-douze heures la durée hebdomadaire moyenne de travail calculée sur une période quelconque de seize semaines consécutives ».  Des durées non « raisonnables ».

 

Article 16 :

 

Non respect de l’article 34 de la Constitution, entrave à la libre  négociation collective garantie par les conventions internationales n°87 et 98 : article L.2222-3, possibilité de transformer les négociations obligatoires annuelles en négociations triennales, les triennales en quinquennales et les quinquennales en négociations tous les sept ans).

 

Entrave à la libre  négociation collective garantie par les conventions internationales n°87 et 98 : 1/ article L.2222-4, limitation à 5 ans des accords, «  à défaut de stipulation de l’accord sur la durée » ; 2/ article L.2222-4, cessation désormais automatique des effets d’une convention ou d’un accord arrivé à expiration, alors que jusqu’ici à défaut de mention explicite en ce sens dans la convention ou l’accord, ils se transforment en convention ou accord à duré indéterminée (Cass.soc. 25 janvier 1994) ; 3/ article L.2231-5-1, introduction d’un « secret » des accords dont une partie seulement pourrait faire l’objet d’une publication en ligne.

 

Article 17 :

 

Entrave à l’exercice de l’activité syndicale, de la liberté contractuelle et de l’indépendance des organisations syndicales garantis par la convention internationale n°98 de l’OIT (article 4) : articles L.2232-24 et L.2232-24-1, création d’une possibilité de négociation, de conclusion et de révision d’accord d’entreprise ou d’établissement avec un simple salarié, ni délégué syndical, ni représentant du personnel élu, à la seule condition d’être mandaté par une organisation syndicale. Ces salariés mandatés pouvant signer tout accord relevant du code du travail, en application des dispositions du nouvel article L.2232-24-1.

Entrave à l’exercice de l’activité syndicale et à la liberté contractuelle garanties par les conventions internationales n° 87 (article 8 et 11) et 98 de l’OIT (article 4) : articles L.2261-13 et L.2261-14, suppression du maintien à titre individuel des clauses d’une convention ou d’un accord dénoncés ou mis en cause après expiration du délai d’un an, à l’exception du maintien de la « rémunération des douze derniers mois » et la loi travail

 

Article 18 :

 

Atteinte à l’organisation judiciaire : articles L.2314-11, L.2131-20, L.2314-31, L.2324-13, L.2324-18, L.2327-7, L.2322-5, recours de décisions administratives devant le juge judiciaire « à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ».

 

Atteinte à l’activité syndicale et de représentation du personnel : 1/ article L.2326-5, possibilité pour l’employeur d’imposer des réunions en « visioconférence » ; 2/ article L.2323-26-1, dispense par la loi pendant un an des obligations fixées par celle-ci pour les entreprises de plus de trois cent salariés ; 3/ article L.2323-9, L.2323-60, suppression des communications dues au comité d’entreprise, remplacées par une simple « mise à disposition » d’une « base de données »

 

Article 21 :

 

Mise en cause fondamentale de l’activité syndicale : articles L.2332-12 du code du travail et L.514-3-1 du code rural et de la pêche maritime, annulation possible par référendum organisé par l’employeur d’un refus majoritaire d’organisations syndicales d’un accord jugé défavorable aux salariés

 

Article 22 :

 

Non-conformité à l’article 34 de la Constitution, et aux articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et à l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : article L.2254-2, le prima de l’accord collectif sur la volonté contractuelle de l’employeur et du salarié est une atteinte à la liberté contractuelle et la généralité de cette autorisation à défaire en défaveur du salarié et par voie d’accord collectif une partie du contrat de travail est une violation incontestable de l’article 34 de la Constitution ; de plus en prévoyant que le refus exprimé par un salarié à la modification de son contrat de travail constitue un motif de licenciement, le législateur porte une atteinte à la liberté contractuelle, atteinte excessive et non justifiée par un intérêt général, atteinte caractérisée et disproportionnée au droit à l’emploi. Enfin l’accord dérogatoire, c’est-à-dire dans lequel la loi autorise un accord collectif à déroger dans un sens défavorable aux salariés, ne peut être autorisé par la loi que si cette dernière définit de façon précise l’objet et les conditions, de fond comme de forme, de ces dérogations et ici le législateur n’a pas respecté les compétences qu’il tire de l’article 34 de la Constitution.

 

Non respect de la hiérarchie des normes sur les salaires minima conventionnels, mise en cause de la liberté contractuelle, non-conformité au principe d’égalité qui résulte de l’article 1 de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, violation de la loi : article L.2254-2, en permettant par accord d’entreprise de ne maintenir que la rémunération mensuelle avec une augmentation du temps de travail, les salaires horaires de base conventionnels ne sont plus respectés. Disposition par ailleurs parfaitement contradictoires avec celles de l’article L.2253-3 qui interdit aux accords d’entreprise de se substituer aux accords de branche.

 

Non-conformité au principe d’égalité qui résulte de l’article 1 de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : article L.2254-4, par lequel un salarié licencié suite au refus de la modification de son contrat de travail se voit appliqué une fois au chômage dans le cadre d’un « parcours d’ accompagnement personnalisé » une indemnisation différente et du taux commun (supérieure) et du taux prévu pour ceux qui ont accepté une convention de reclassement personnalisé dans le cadre d’un licenciement pour motif économique (vraisemblablement inférieure).

 

Article 24 VI :

 

Mise en cause de la liberté contractuelle des organisations syndicales garantie par les conventions internationales n°87 (articles 3, 8 et 11) et 98 (article 4) de l’OIT : les organisations syndicales au niveau des branches sont sommées, dans un délai de deux ans, de lister les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise pourront être moins favorables, faute de quoi le gouvernement menace de procéder à des fusions de conventions collectives.

 

Article 25 :

 

Mise en cause de la liberté contractuelle des organisations syndicales garantie par les conventions internationales n°87 (articles 3, 8 et 11) et 98 (article 4) de l’OIT : 1/ article L.2261-32, qui permet au gouvernement d’engager la fusion de conventions collectives de branches différentes et ce de façon discrétionnaire au vu des cinq motifs énoncés par la loi ; 2/ disposition de la loi qui permet au gouvernement d’engager d’ici au 31 décembre 2016 la fusion de branches ayant un champ d’application est régional ou local.

 

Article 25 :

 

Mise en cause de la liberté contractuelle des organisations syndicales garantie par les conventions internationales n°87 (articles 3, 8 et 11) et 98 (article 4) de l’OIT : possibilité donné au gouvernement de refuser l’extension de conventions collectives et de ses avenants en avançant la nécessité prétendument d’intérêt général de « restructuration des branches professionnelles »

 

Article 25 :

 

Entrave à l’exercice de l’activité syndicale garantie par les conventions internationales n°87 (articles 3, 8 et 11) et 98 (article 4) de l’OIT : menace de ne pas reconnaître la représentativité d’organisations syndicales au niveau d’une branche professionnelle, pour laquelle le gouvernement estimerait que l’un des motifs avancés à l’article L.2261-32 peut être invoqué.

 

Article 27 :

 

Entrave à l’exercice de l’activité syndicale garantie par la convention internationale n°87 (articles 3, 8 et 11) de l’OIT : article 1311-18 du code des collectivités territoriales, qui permet d’une part formalise le caractère facultatif de la mise à disposition de locaux syndicaux par les collectivités territoriales et permet le retrait du bénéfice de cette mise à disposition en échange d’une simple indemnité dont le montant n’est pas précisé et dont l’attribution est soumise à une condition d’ancienneté de la mise à disposition et à l’absence de clause contraire dans la convention entre la collectivité territoriale et les organisations syndicales.

 

Article 28 :

 

Entrave à l’exercice des fonctions de représentant du personnel : article L.2142-1-3, L.2143-13, L.2143-15, L.2315-1, L.2325-6, L.2326-6, L.2393-3, L.4614-3, qui imposent au représentant du personnel sous convention de forfait jours à prendre son crédit d’heures de délégation par demi-journée entière.

 

Article 33 :

 

Entrave à l’indépendance des organisations syndicales garantie par les conventions internationales n°87 (articles 3, 8 et 11) et 98 (articles 2 et 8) de l’OIT : articles L.2212-1 et L.2212-2, possibilité de formations communes aux représentants des salariés et des employeurs, sous couvert d’ « améliorer les pratiques du dialogue social », formations financées notamment par contribution des employeurs (article L.2135-10) et dont le contenu ainsi que les conditions dans lesquels elles sont dispensées,  les dépenses d’indemnisation et les frais de déplacement et d’hébergement des stagiaires et animateurs, peuvent être défini par accord d’entreprise.

 

Articles 39 et 43 :

 

Violation des principes constitutionnels de fraternité (article 2 de la Constitution) et du droit d’obtenir un emploi (5ème alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946), violation de la loi informatique et libertés du 8 janvier 1978 : mise en concurrence systématique de toute la population active et des retraités portant atteinte à la cohésion sociale ; atteinte à la protection de la vie privée par la constitution d’un immense fichier de données personnelles lui-même constitué de plusieurs fichiers, concernant toute la population active et les retraités, fichier ouvert jusqu’au décès, avec une possibilité d’interconnexion de toutes sortes de fichiers par le numéro de sécurité sociale qui y est intégré : les articles L.5151-1 à 12, L.6323-1, L.6323-2, L.6323-4, L.6323-6, L.6323-6-1, L.6323-7, 6323-11, L.6323-11-1, L.6323-12, L.6323-15, L.6323-20, L .6323-20-1, L.6323-24, L.6323-25 à 41,  s’ajoutent aux décrets n° 2014-1717 du 30 décembre 2014 et n° 2015-1224 du 2 octobre 2015 relatif au traitement automatisé de données personnelles appelé « Compte Personnel de Formation » qui lui-même intègre un fichier dénommé « passeport d’orientation, de formation et de compétences, véritable livret ouvrier numérique (Etudes et formations suivies, Diplômes et certifications obtenues, Qualifications détenues et exercées, Expérience professionnelle, Aptitudes et compétences, Permis de conduire, Langues étrangères, Assermentations).

Sans compter les inévitables fuites de données constatées sur internet (fuites dont les tribunaux ont jusqu’à présent exonéré l’Education nationale pour les fichiers enregistrant les données personnelles et scolaires des élèves en arguant que l’administration avait fait son possible), l’accès aux données personnelles de toute la population active et des retraités sera inévitable pour au moins deux raisons : 1/ qui refusera l’accès à un employeur quand l’embauche ou la promotion seront en jeu ? 2/ le décret sur le « Compte personnel de Formation »  permet l’accès à des « conseillers en évolution professionnelle » parmi lesquels figurent les entreprises de travail temporaire.

 

Article 44 et 45 :

 

Non conforme à l’article 34 de la Constitution, l’introduction par simple ordonnance de l’application aux agents publics du « Compte Personnel d’Activité » qui constitue un changement fondamental de la loi portant sur les principes de base du droit du travail, changement fondamental revendiqué par les auteurs du rapport préparatoire à la loi travail.

 

Article 57 :

 

Non respect de la liberté contractuelle garantie par les conventions internationales n°87 (articles 3, 8 et 11), 98 (article 4) et 154 (article 7 et 8) de l’OIT et de l’article 34 de la Constitution : en demandant aux organisations syndicales au niveau national et interprofessionnel d’engager une « concertation » avant le 1er octobre 2016 et si possible une « négociation » sur « les modalités du fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire », en décidant que cette « concertation », à défaut d’accord, devra établir un « guide de bonnes pratiques » servant de « référence lors de la négociation d’une convention ou d’un accord d’entreprise », la loi travail fait pression sur les organisations syndicales pour obtenir des accords dérogatoires à la loi sur le repos quotidien et hebdomadaire.

 

Article 60 :

 

Violation de la séparation du judiciaire et du législatif (article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) : articles L.7341-1, L.7342-1 à 6, la loi ne peut décider que les « travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique » se voient qualifiés de « travailleurs indépendants », alors même que la justice est saisie de nombreux recours, y compris de l’Urssaf Ile-de-France, tendant à juger que la relation de travail est bien salariale, ce que le législateur n’ignore d’ailleurs pas, les articles L.7342-1 à 6 ayant pour objet, sous le chapeau « responsabilité sociale des plateformes » d’en conférer quelques minces attributs.

 

Article 61 :

 

Non-conformité au principe d’égalité qui résulte de l’article 1 de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : article L.5143-1, la loi confère aux employeurs des entreprises de moins de trois cent salariés un « droit d’obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu’il sollicite l’administration sur une question relative à l’application d’une disposition du droit du travail ou des stipulations des accords et conventions collectives qui lui sont applicables ». Plus encore, « si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l’administration peut être produit par l’entreprise en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi » et, «  pour assurer la mise en œuvre de ce droit, un service public territorial de l’accès au droit est mis en place par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ». Ce faisant, que devient l’égalité pour les salariés qui attendent souvent en vain ces informations et ces documents, sans parler d’un service qui leur serait spécialement dédié ?

 

Article 67 :

 

Non-conformité au principe d’égalité qui résulte de l’article 1 de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : article L.1233-3, qui fait dépendre de la taille de l’entreprise la définition de la cause économique réelle et sérieuse du licenciement. La différence de traitement résultant de l’effectif de l’entreprise n’est pas en rapport direct avec l’objet de la loi.

 

Article 69 :

 

Non-conformité au principe d’égalité qui résulte de l’article 1 de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : la ratification de l’ordonnance n°2015-1628 du 10 décembre 2015 relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l’administration, sur l’application d’une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur conduit à un droit pour les employeurs d’exiger une position écrite  de l’administration attestant, et sans possibilité pour elle de changer ensuite d’appréciation, qu’ils ont bien rempli leurs obligations en matière d’égalité hommes/femmes, attestation qui permet aux employeurs d’échapper aux pénalités pendant la durée de l’accord ou du plan d’action portant sur l’égalité professionnelle hommes/femmes. Et il en va de même pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés.

Comme pour l’article 61, on est devant un droit des citoyens, mais limité aux employeurs.

 

Article 77 :

 

Non-conformité au principe d’égalité qui résulte de l’article 1 de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, non respect des salaires minima garantis par la convention internationale n° 131 (article 2) ratifiée par la France le 28 décembre 1972 : en permettant à des régions « volontaires » de décider que le statut d’apprenti pourra désormais s’appliquer aux « jeunes » entre 25 et 30 ans, la loi introduit une inégalité de traitement injustifié et sans rapport avec l’objet de la loi. En outre, elle contrevient et à l’application du minimum légal, le SMIC, et à celle des salaires minima prévus par les conventions collectives.

 

Article 85 :

 

Non respect des salaires minima conventionnels garantis par la convention internationale n° 131 (article 2) ratifiée par la France le 28 décembre 1972, non respect des règles contractuelles relatives au contrat de travail : article L.1254-2, la rémunération minimale par l’entreprise dite de « portage salarial » des salariés dits « portés » ne fait pas référence, come il se devrait, aux salaires minima des différentes branches dans lesquelles ces salariés peuvent être amenés à travailler, mais d’une seule branche (entreprises de portage ?) et, à défaut d’accord de branche étendu, à une rémunération minimale forfaitaire non définie en fonction de la qualification et de la durée du travail réelle. En outre, de façon inédite en droit du travail il est indiqué que « l’entreprise de portage n’est pas tenue de fournir du travail au salarié porté ».

 

 

Article 86 :

 

Non respect de l’article 34 de la Constitution, violation de la loi : articles L.1242-2 et 7, la création d’un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée, un recrutement « pour un objet défini », laissant le soin à un accord de branche étendu ou, à défaut à un simple accord d’entreprise, d’en prévoir les « nécessités économiques », ne respecte pas l’obligation constitutionnelle de prévoir par la loi l’encadrement précis de ce nouveau cas de recours, qui pourrait sans contrôle possible enfreindre la règle légale essentielle d’interdiction du recours à un contrat à durée déterminée pour « pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

 

Article 87 :

 

Non respect de l’article 34 de la Constitution et mise en cause de la liberté contractuelle des organisations syndicales : sous couvert d’ « expérimentation », la loi met en place la possibilité pour les employeurs de mettre en place de façon unilatérale des contrats de « travail intermittent » sans que la loi ne vienne encadrer cette mise en place et sans obligation d’un accord collectif, contrats qui ont notamment comme caractéristique que les salariés, par « lissage » de leur rémunération sur l’année, font crédit à leurs employeurs.

 

 

Article 94 :

 

Non-conformité aux directives européennes (Directive 2001/23/Ce du 12 mars 2001) :  en contradiction totale avec l’objet du chapitre de la loi concerné (« Préserver l’emploi »), la loi prévoit de permettre aux grandes entreprises de ne pas appliquer le principe de transfert des contrats de travail, et donc de licencier les personnes dont le transfert des contrats est prévu par la loi française (article L.1224-1) en conformité avec les directives européennes.

 

Article 102 :

 

Violation du principe constitutionnel de fraternité (article 2) et du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (« La Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ») : article L.1226-2, la loi supprime l’impossibilité de licencier pendant son arrêt maladie un salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel en permettant une déclaration d’inaptitude pendant cette suspension de son contrat de travail.

 

Entrave à l’indépendance du médecin du travail, violation du principe constitutionnel de fraternité (article 2) et du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : les articles L.1226-2 et L.1226-10 limitent les propositions de reclassement du médecin du travail aux postes « existants » et lui confère une mission étrangère à sa fonction (estimer « la capacité du salarié à bénéficier d’une formation »).

 

Entrave à l’indépendance du médecin du travail : les articles L.1226-2-1, L.1226-12, L.1226-20, L.4622-3 et L.4624-2 confèrent au médecin du travail des missions étrangères à sa fonction : 1/ estimer si « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », estimation qui n’a rien à voir avec celle qui entre bien dans sa fonction et qui demeure (vérifier si tout maintien du salarié dans un emploi est ou non « gravement préjudiciable à sa santé ») ; 2/ s’assurer que les salariés ne portent pas « atteinte à la sécurité des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail »

Non respect du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : l’article L.4624-1 supprime la visite d’embauche par le médecin du travail ainsi que les visites périodiques auparavant fixées par la loi ; le même article prévoit que le « suivi » de l’état de santé des salariés pourra ne pas être effectué par le médecin du travail mais par un autre « professionnel de santé » qui pourra n’être qu’infirmier.

Non respect du principe constitutionnel de fraternité (article 2, du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et du principe de gratuité du recours à la justice prud’homale : l’article L.4624-7 supprime le recours des salariés devant l’inspecteur du travail sur les avis et décisions rendus par le médecin du travail. Plus, les salariés licenciés alors pour inaptitude n’ont d’autre recours que le conseil de prud’hommes où ils peuvent être condamnés à payer les frais de l’expertise que le conseil peut décider. En Chine, la famille des condamnés payent la balle de l’exécution.

Articles 107, 109 , 113 et 116 :

Violation des dispositions des conventions internationales n°81 et 129 de l’Organisation Internationale du Travail ratifiées par la France le 16 décembre 1950 et 28 décembre 1972 : pour la quasi-totalité des articles du code du travail et du code des transports, « l’ inspecteur du travail » a été remplacé par « l’agent de contrôle de l’inspection du travail » et « l’inspecteur ou le contrôleur du travail » par « les agents de contrôle de l’inspection du travail ». Ce changement fondamental est issu du décret n°2014-359 du 14 mars 2014 qui porte gravement atteinte à l’indépendance et à la stabilité des inspecteurs du travail garanties par les conventions de l’OIT en ajoutant un échelon hiérarchique au-dessus des inspecteurs du travail et en rendant aléatoire leur affectation géographique. La conséquence pratique est que les salariés et les employeurs peuvent avoir affaire à des inspecteurs changeants voire à plusieurs inspecteurs en même temps.

Atteinte au droit de grève garanti par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : article L.1324-10 du Code des transports, après huit jours de grève, la loi autorise tout simplement l’employeur, ou une organisation syndicale, à faire procéder par l’entreprise à une « consultation » des salariés sur la poursuite de la grève et les « conditions du vote » sont en outre définies par l’employeur.

Violation des dispositions des conventions internationales n°81 et 129 de l’Organisation Internationale du Travail ratifiées par la France le 16 décembre 1950 et 28 décembre 1972 sur l’indépendance des inspecteurs du travail ; atteinte à la séparation des pouvoirs : article L.6363-1, le législateur autorise le procureur de la République à « s’opposer », rien de moins, aux opérations de contrôle « envisagées en cas de recherche d’une infraction » concernant les entreprises de formation professionnelle, opérations dont il doit être « préalablement informé ».

Article 118 :

Violation des dispositions des conventions internationales n°81 et 129 de l’Organisation Internationale du Travail, non conformité à l’article 34 de la Constitution : l’introduction par simple ordonnance des dispositions fondamentales en droit du travail qui sont celles de son contrôle est contraire à l’article 34 de la Constitution. En outre, cette ordonnance, en confiant à un « Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi » dont la seule dénomination donne la mesure de l’absence d’indépendance, le soin de sanctionner ou non par amendes administratives les infractions des employeurs, bafoue la liberté conférée par les conventions de l’OIT aux inspecteurs du travail de dresser ou non procès-verbal pour ces manquements.

Article 119 :

Violation des décisions du Conseil d’Etat : en permettant que Pôle Emploi se fasse justice en procédant à des retenues sur les allocations dues aux demandeurs d’emploi indemnisés, la loi annule ainsi le récent jugement du Conseil d’Etat qui avait donné raison aux organisations de chômeurs sur ce point.

 

II. Sur le décret d’application de la loi Macron, instituant une indemnisation forfaitaire indicative des licenciements sans cause réelle et sérieuse

Ce décret contrevient, pour les mêmes raisons, au principe d’égalité devant la loi qui a conduit le Conseil constitutionnel dans son arrêt du 18 juin 2010 à déclarer inconstitutionnel l’indemnisation forfaitaire des accidents du travail issue de la législation datant du XIXème siècle, la réparation devant, comme cela est le cas pour les accidentés de la route, concerner l’ensemble de dommages subis quand est reconnue la faute inexcusable de l’employeur.

 

Merci à Richard Abauzit

 

 

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*