Le temps au boulot

Pas besoin d’être Einstein pour connaître la relativité du temps. Il suffit d’’être contraints de bosser pour gagner sa vie. Je me souviens trop bien de mes deux années de travail de nuit, aux NMPP, quand j’étais ouvrier du livre. C’était dans le grand hangar boulevard Mac Donald, à la porte d’Aubervilliers, quand nous nous étions trois cent à recevoir, trier, préparer l’expédition des journaux la nuit. Il y avait une immense horloge qui trônait centralement et qu’on voyait de partout avec ses immenses aiguilles. Foutue horloge ! Foutues aiguilles ! Entre 9 h du soir et minuit, la grosse aiguille ne montait jamais. Elle trainait, trainait, et trainait encore et encore entre 22 puis 23 h avant d’arriver à minuit. C’était encore pire entre minuit et 3 h du matin : même quand on la regardait à la dérobée, l’aiguille ne redescendait pas, c’était long, long. Entre 2 h et 3 h du matin on croyait que ça durait 6 h. Apres 3 h ca allait mieux car la pause était à 4 h30 et on allait manger. Les femmes en grande majorité buvaient du muscat, et les hommes de la bière brune en mangeant notre plateau repas. Grâce à cet alcool, la dernière ligne droite s’effilochait plus vite et on prenait notre métro à 5 h 30. Ouf…
Pour ma fille qui a ses plannings RATP et commence à l’aube en ouvrant la grille de sa station tous les matins de la semaine à 5 h 20, c’est son « grand repos » qui lui parait court. Là, elle vient d’en avoir un de quatre jours. Superbe première belle journée, elle est libre, elle peut dormir, récupérer ! Le temps est long. Et puis le deuxième jour, elle s’éclate, elle sort et fait même la fête, youpi, elle vit. Survient le troisième jour, il est bon encore, on en profite un maximum, mais c’est déjà le troisième, jour, la veille du quatrième, le si proche, et finalement terrible quatrième, celui où on sait qu’on va reprendre le lendemain à 5 h 20, réveil à 4 h.
On ne va pas se consoler, en pensant qu’un quinquennat pour un « rien » comme Macron, ça peut lui paraitre long aussi, de quoi lui permettre de penser qu’il a tout le temps pour casser la Sécurité sociale, et puis hop un bon copain à vous, appelé Benalla fait une grosse bêtise et ça vous raccourcit le temps.
Gérard Filoche
lire rubrique « au boulot » chaque semaine dans l’Humanité dimanche

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