Stopper Macron… et l’élection d’un président au suffrage universel, pour une 6° république parlementaire

 

S’il y avait encore un doute sur la nocivité de la constitution de la V° République et d’un président au suffrage universel, l’élection d’Emmanuel Macron l’a levé.

 

On a atteint le summum de la caricature de démocratie qui consiste à mobiliser 46 millions d’électeurs pour en choisir un seul et concentrer absurdement et par là même tous les autres choix politiques. Record d’abstentions au deuxième tour décisif de la présidentielle depuis 1969 : 25,38 %. Auxquels il faut ajouter quatre millions d’électeurs, 11,5 % des votants, qui ont glissé un bulletin nul ou blanc.  Enfin record absolu aux législatives avec 58 % d’abstentions au second tour.

 

Le prolongement, à quelques variantes près, d’une même politique libérale, induisant inégalités aggravées et chômage de masse, a usé les grands partis institutionnels et traditionnels depuis 40 ans. PR et PS se sont effondrés, l’un parce qu’il est trop à droite, corrompu et que même sa base traditionnelle doute et louche vers Le Pen, l’autre parce qu’il s’est libéralisé, a trahi la gauche, et que sa base sociale est sévèrement déçue et amère. La droite, de Balladur à Chirac et de Sarkozy à Fillon, a fini par cesser d’être crédible même aux yeux de son électorat le plus fidèle. La gauche pourtant novatrice des premières années de Mitterrand, et des 35 h sans perte de salaire avec Lionel Jospin, a fini par laisser place à une triste et pâle copie libérale avec François Hollande. Comme le disait Jean D’Ormesson : « Macron n’a pas de socle, il vit de la chute des autres ».

 

 

Du coup,  le putsch d’un homme de cabinet a pu réussir, et Emmanuel Macron s’est fait élire à la surprise générale « Président de la République ». Il a suffi de faire le coup du « neuf », du « renouveau » de l’anti vieux partis. Il a même osé donner ses initiales à son mouvement de circonstance : « EM ». Avec seulement 8 à 13 % d’adhésions à sa personne, avec 24 % de voix au premier tour, Macron a bénéficié, par trois façons, de ceux qui votent « par défaut » :

-                pour lui du fait de la trahison Hollande-Valls et de la division de la gauche Mélenchon-Hamon,

-                pour lui contre Fillon

-                pour lui contre le Pen.

Et hop, le tour est joué.

 

Cela paraît inouï.  C’est arrivé prés de chez vous, dans un grand et vieux pays comme la France.

 

( C’est comme ça qu’on a un apprenti Jupiter, Bonaparte aux petits pieds qui se met en place sa garde prétorienne, les Benalla, Crases, Miserski, etc… )

 

Les seuls oligarques, les chefs des grandes banques, ceux du CAC 40, du Medef, et les 9 milliardaires qui possèdent 95 % des médias ont réussi une martingale : faire élire envers et contre tout un poulain, leur créature intégrale. Ils lui ont donné jusqu’à 16,7 millions d’euros à dépenser pour sa campagne (631 donateurs fortunés auraient versé 3,1 millions selon Médiapart- alors que lui-même, pourtant gagnant de plusieurs millions dans ses ex activités de trader,  ne déclarait curieusement qu’un patrimoine de 35 514 euros, moins que Nathalie Artaud et tout juste un peu plus que Philippe Poutou). Et hop, ils ont pu, grâce à cela, tous, se passer de négocier, soit avec l’UMP, soit avec le PS,  finie l’alternance et ses aléas, ils ont fait élire leur homme à eux comme s’ils l’avaient sorti d’une imprimante 3D.

 

Au « centre »… de la finance.

L’arbre des causes qui a abouti à ce résultat.

 

Lorsqu’en 1962, le général de Gaulle avait imposé ce système présidentiel par referendum, le but affiché était de mettre en place la pièce électorale stabilisatrice pour un pouvoir fort. C’était censé assurer la pérennité de la droite au pouvoir pour des décennies.  Mais on a vite eu la preuve que ce type de scrutin c’était « l’agence tous risques ».

 

Déjà, son inventeur, De Gaulle, qui ne croyait même pas nécessaire de mener campagne pour l’emporter,  avait été mis en ballotage dés décembre 1965. Un certain Jean Lecanuet, qui se voulait déjà un « homme neuf » dans une « France en marche »  ancêtre, déjà aux dents blanches d’Emmanuel Macron y contribua.

 

Puis, la grande grève générale de Mai 68, l’une des plus fortes lames de fond de l’histoire de l’humanité,  avait bousculé tous les calendriers  et rapports de forces. Pompidou, Chaban-Delmas, Giscard d’Estaing, Chirac et Raymond Barre, eurent bien du mal à gouverner. Mitterrand s’y reprit à trois fois, et sa victoire en 1981 fut un effet différé de mai 68 après une décennie de luttes de classes. S’il l’emporta une seconde fois, en 1988, ce fut grâce à sa politique de gauche des années 1981-83.

 

La droite classique, orléaniste et bonapartiste, contaminée par la mode reaganienne et thatchérienne ne cessa de se plaindre d’une gauche au pouvoir, qui, sans aller bien loin à gauche, réussissait quand même à freiner l’arrivée des excès libéraux anglo-saxons.

 

Par deux fois, elle crut y parvenir en 1986, et en 1993, jusqu’à ce qu’elle reçoive le coup de grâce à cause de la fausse manœuvre de la dissolution de l’Assemblée en avril 1997, puis de l’élection de Lionel Jospin qui instaura les 35 h par la loi sans perte de salaire, renforçant le code du travail, et permettant que l’an 2000 soit le meilleur cru de toutes les annales de notre histoire sociale.

 

Le vieux CNPF en mourut, son chef Jean Gandois, allant jusqu’à démissionner, fait sans précédent, en direct, sur le perron de Matignon, le 10 octobre 1997, affirmant qu’il allait nommer à sa place des « tueurs » pour « faire la guerre au gouvernement Jospin contre les 35 h ».

 

Le Medef remplaça le CNPF, tint de 1999 à 2001, de longues « assises » vengeresses de « Refondation » Ils rénovèrent leur corpus idéologique, et ils freinèrent alors et battirent le dernier grand premier ministre de gauche, Lionel Jospin, dans le but d’en revenir à la course forcenée de l’imitation du libéralisme anglo-saxon.

 

Les « écuries » présidentielles, mises en place sur des décennies, eurent de plus en plus de mal à franchir la difficile course d’obstacles qu’était devenu ce scrutin. Jacques Chirac dut aussi s’y reprendre à trois fois pour gagner tardivement en 1995 et encore à la surprise générale en 2002. L’extrême droite et les Pen, profitèrent de cette usure et désaffection. L’activiste et agité Sarkozy réussit à passer en 2007 mais en discréditant encore plus l’institution.

 

Avec le temps, la V° République et ses écuries, sélectionnant des vieux candidats et partis traditionnels blanchis sous le harnais, se montrait d’autant plus fragile que la crise sociale s’intensifiait : des millions d’électeurs se lassaient que les grands élus ne changent rien à leur sort ou se contentent de l’aggraver.  Le chômage de masse et le chantage à la « crise » rongeaient le civisme. Les électeurs votaient chaque fois pour éviter que le libéralisme perdure, mais étaient vite cruellementdéçus de plein fouet parce qu’après la droite, la gauche ne le combattait pas assez ou, pire, y cédait, et que se poursuivaient les pillages de la finance, les corruptions et scandales (Offshore leaks, Luxleaks, Swissleaks, Panama’papers, Paradises papers)dans les paradis fiscaux, les licenciements abusifs et boursiers et le chômage de masse, les inégalités, la précarité, la misère…

 

Le système du « présidentialisme » est ainsi devenu à la fois fort et faillible.

 

Il concentre absurdement les illusions et les faux rejets. Le principe même de la personnalisation de la politique dépolitise les personnes. En prenant le pas sur toutes les autres, cette désignation centralisée écarte, déprécie les forces vives, les corps intermédiaires, les syndicats, les associations, les partis, la vie citoyenne tout simplement. Cela éloigne la majorité du peuple de la volonté et de la capacité démocratique de décider et d’agir. C’est devenu un terrain de manipulation, une occasion de « coups », de sondages auto réalisateurs, et de « grand jeu » asphyxiant, sur-calculés par les puissants médias.

 

Unique en Europe, c’est un système plus monarchique que républicain basé sur un mode de scrutin binaire et une mécanique de sélection-élimination d’un « roi ». C’est un système pervers qui n’a cessé d’élection en élection de révéler des limites risibles. On peut imaginer que dans quelques décennies et  quelques progrès de civilisation,  nos enfants se moqueront du fait que 46 millions d’électeurs aient pu être contraints, à intervalles de 7 ans puis de 5 ans, pendant au moins 55 ans, d’élire de cette façon réductrice, un « chef ». Comme si un grand peuple moderne et éduqué pouvait atrophier ainsi sa conscience démocratique, renoncer à sa liberté collective, abdiquer son indépendance citoyenne.

 

Ce type de système élitiste, conservateur, engendre « à la roulette », aléas et surprises quand il est fragilisé. C’est alors que des aventuriers, des apprentis Bonaparte, Boulanger, Raspoutine, Rastignac ou Tapie de passage,se glissent entre les filtres, échappent aux plus anciens et plus compétitifs des « staffs présidentiels », profitent de la concentration des grands médias, et parviennent à manipuler les classes sociales en présence et à duper les corps intermédiaires traditionnels.

 

L’impensable est arrivé en 2017 avec cette victoire imprévisible, inattendue et spectaculaire de l’aventurier Emmanuel Macron.

 

ceci est extrait de :

 

un livre de 800 000 signes, 400 p, la meilleure et la plus complète des analyses détaillées de toute la politique « post salariale » pour « une société sans statuts » pour la « suppression des cotisations sociales »  de Macron-Thatcher

 

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8 Commentaires

  1. Posted 1 août 2018 at 15:42 | Permalien

    Rétrospectivement après « l’affaire Benalla » les mauvais esprits peuvent s’interroger sur des notions absentes du discours à Versailles: moralisation (il y a pourtant eu une loi présentée exemplaire), corruption (le classement de la France par Transparence Internationale n’est pas glorieux) … J’avais fait à chaud une petite analyse des thèmes absents http://qualitiges.org/abecedaire-des-mots-absents-chez-emmanuel-macron/

  2. Posted 1 août 2018 at 21:24 | Permalien

    Pour un grand premier ministre de gauche, Jospin s’est quand même aussi distingué par un record de privatisations.
    Et depuis les 35h ont été mises à la poubelle, pas les privatisations.

  3. Posted 2 août 2018 at 0:41 | Permalien

    dans les annales officielles : l’an 2000 est la meilleure année sociale de toute l’histoire de la France – grâce à la loi la plus avancée au monde les 35 h
    les 35 h n’ont pas été « mises à la poubelle », elles ont fait l’objet de 18 ans de combat patronal Medef pour les supprimer
    Comme l’avait dit Gandois CNPF sur le parvis de Matignon le 10 octobre 1997 : « nous mènerons la guerre au gouvernement Jospin contre les 35 h »
    ils ont mene cette lutte depuis 20 ans
    La surprise a été que c’est Hollande qui les a fait le plus progresser contre les 35 h

  4. Posted 4 août 2018 at 21:25 | Permalien

    D’accord les 35h ne sont pas à la poubelle, mais elles ont été suffisamment rabotées par tous les gouvernements successifs, de droite comme de droite, pour qu’elles soient devenues purement symboliques.

  5. Posted 5 août 2018 at 8:20 | Permalien

    c’est presque vrai… mais tout syndicaliste sait qu’on peut s’appuyer jusqu’au bout sur une loi pour faire valoir ses droits soit par la lutte soit par le juge ou l’inspection

  6. Posted 5 août 2018 at 8:20 | Permalien

    Gérard,

    Dans ta compilation d’arguments, tu écris : « Je ne crois pas une seconde à la souveraineté nationale avec un Macron et un Medef incarnant les exigences de la finance mondiale »
    Je suis bien d’accord avec le jugement que tu portes sur Macron et le Medef… Mais la forme de ta phrase laisse entendre que tu voudrais que soit respectée la souveraineté nationale. Or, il faut distinguer la souveraineté nationale et la souveraineté populaire.

    « Arkhê » (dans « anarchie », « monarchie », « oligarchie ») signifie « commandement » et se distingue de « kratos » qui signifie « force » (émancipatrice) ou « souveraineté ».

    Le peuple est l’ensemble des citoyennes et citoyens d’un territoire : le premier sens de « dêmos » est « territoire habité » et c’est seulement son second sens qui est « peuple qui habite ce territoire ».

    Plutôt que « pouvoir du peuple », « dêmokratia » signifie « souveraineté du peuple ».
    Nous ne voulons pas le respect de la souveraineté nationale mais celui de la souveraineté populaire, c’est-à-dire de la démocratie.

    Une nation est l’ensemble des individus qui ont la même identité nationale. Mais celle-ci est une réalité subjective, elle ne peut donc pas constituer un critère permettent d’accéder à des droits. Se prévaloir d’une identité subjective (nationale, religieuse, politique, de genre…), c’est demander à être cru sur parole, car l’exactitude d’une affirmation subjective est invérifiable. Attribuer des droits à quelqu’un en raison de son identité nationale, c’est pratiquer la préférence nationale, c’est du nationalisme, cas particulier de communautarisme.

    Un peuple est l’ensemble des individus qui résident sur un même territoire. Cette réalité objective est la condition qui permet d’obtenir le respect des droits civiques (majorité électorale…), le statut juridique de la citoyenneté.

    La souveraineté populaire résulte du cumul de toutes les souverainetés individuelles qui composent le peuple. Or, la souveraineté d’un individu est établie par tous les droits dont il dispose. La souveraineté populaire, c’est-à-dire la démocratie, est donc constituée par le respect des droits universels (les droits de tous les individus).

    Ton argument réécrit devient : – « Je ne crois pas une seconde à la souveraineté populaire avec un Macron et un Medef incarnant les exigences de la finance mondiale ».

    Amitiés
    Pierre

  7. Posted 5 août 2018 at 8:33 | Permalien

    Collaborateurs ?…
    La DRH : – « Bonjour Monsieur l’inspecteur, je vous présente mes collaborateurs… »
    - Ah, vous avez des gens extérieurs à l’entreprise, ils ne sont pas déclarés ?
    - Mais non, bien sûr, ils sont salariés. Ici, dans l’entreprise, bien sûr
    - Pourquoi vous les appelez collaborateurs ?
    - Mais on les appelle comme ça, ce sont des collaborateurs…
    - Mais, Madame, vous savez ce qui caractérise un contrat de travail, c’est un « lien de subordination juridique permanente ». Je parle en droit. Tout salarié est « subordonné ». On ne peut à la fois, être « collaborateur » et « subordonné ».
    - Monsieur l’Inspecteur on les appelle ainsi, par respect, pour les associer…
    - Madame, le mot « collaborateur » n’existe pas une seule fois dans le Code du travail, restez donc sur un plan juridique, c’est clair : un « salarié » !
    - Mais enfin monsieur l’Inspecteur, on a le droit d’appeler nos… nos collaborateurs comme on veut.
    - Madame, vous faites de l’idéologie. S’il vous plait, pas avec moi.
    - Comment ça ?
    - C’est de l’idéologie que d’appeler un salarié « collaborateur ». Ça peut faire croire, qu’il est sur un pied d’égalité avec vous dans son contrat mais ce n’est pas le cas. C’est parce qu’il est subordonné qu’il a des droits. Le code du travail, c’est la contrepartie à la subordination. Supprimer la notion de subordination, ça enlève la contrepartie. Ça fait croire que dans l’entreprise, tous ont le même « challenge », le même « défi », sont dans le même bateau. Jusqu’à ce que le patron parte avec le bateau et que le salarié reste amarré sur le quai au Pôle emploi, et il s’aperçoit alors qu’il n’était pas collaborateur mais bel et bien subordonné…Le patron et le salarié n’ont pas les mêmes intérêts. L’un cherche à vendre sa force de travail le plus cher possible, l’autre veut la lui payer le moins cher possible.
    - Là, monsieur l’inspecteur, c’est vous qui faites de l’idéologie !
    - Vous croyez ? Bon alors, je propose d’arrêter tous les deux, et pour nous départager, de nous en tenir au droit, au seul droit, donc on parle de « salariés » désormais. Uniquement.
    - Bien mais c’est dommage, j’utilise « collaborateur » parce que c’est valorisant…
    - C’est vous qui le dites ! Vous ne vous demandez pas pourquoi on n’a pas mis le mot « collaborateur » en 1945-46 dans le code du travail ?
    - C’est une question de génération…On n’a pas le même sens pour le même mot…
    - C’est certain. « Collaborateur », c’est marqué d’infamie. On n’a donc pas la même approche. Allez, n’en parlons plus, mais encore une fois, soyez correcte : appelez vos salariés des salariés…
    Gérard Filoche

    105 commentaires947 partages

  8. socrate
    Posted 12 août 2018 at 19:07 | Permalien

    les jeunes socialistes tractent pour Hollande 2022
    le voila le renouveau …..

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