Lettre ouverte aux formations de la gauche et de l’écologie

Le 27 mai 2019

Chers amis, chers camarades,

Je m’étais permis de vous écrire le 8 avril dernier. Je sentais que nous étions au pied du mur à la veille de l’élection européenne du 26 mai. Je prônais l’idée que la gauche était plus forte qu’il n’y paraissait, mais que cela ne se verrait pas car nous étions trop divisés.  J’expliquais qu’en fait, il n’y avait pas de divergence irréductible et que nous pouvions trouver des axes clairs et mobilisateurs d’entente.

Mes mots étaient les suivants : « sans exclusive ni préalable, à tous, une ultime proposition de rencontre. Créer l’événement unitaire de la gauche, vous le savez, cela serait historique, cela aurait pour effet de changer immédiatement la donne dans les perspectives des luttes comme dans celles des échéances électorales ultérieures  Cela porterait un coup fatal à Macron, à sa politique, en offrant enfin aux yeux de tous une dynamique politique radicalement nouvelle. »

Avoir eu ou pas raison, ce n’est pas l’important : ce qui compte c’est que, le 26 mai, des millions de nos électeurs potentiels se sont abstenus, nos scores exprimés n’ont pas été brillants, même en faisant l’effort de les additionner.

Les différentes listes de gauche approchent 37% des suffrages exprimés ; ce score est bien supérieur à celui des listes pro-gouvernementales (LREM et UDI), de la droite (LR et Débout la France) et de l’extrême droite (RN et Patriotes). Mais à cause de la division mortifère, la campagne a été présentée comme un duel entre Macron et le RN et la gauche est passée en dessous des radars – alors qu’unie elle aurait remporté le scrutin.

Macron, haï, n’a pourtant eu que 10 % des inscrits.

Et pourtant il continue à répandre le mal dans le pays puisque le RN, 11% des inscrits, est présenté comme son vis-à-vis dans un « duopole » factice. Macron est le marchepied de le Pen. Sa politique va amener le Pen.

Or le mouvement social, avec les gilets jaunes notamment, actifs  privé et public, hôpitaux, écoles, industries, cheminots, services, grèves, manifestations, blocages, occupations, défilés, meetings, témoigne, sans obtenir de victoires, ni imposer de solutions, de l’opposition profonde que suscite la politique de Macron. Partout, des millions de salariés continuent de chercher désespérément une issue politique alternative à la dictature de la finance, aux mensonges éhontés des médias, à la répression policière violente, à la surdité brutale du pouvoir des riches.

C’est le rôle de la gauche unie d’y répondre en proposant une alternative politique. Seule la gauche peut répondre. C’est la gauche unie qui fait défaut. C’est à nous qu’il faut s’en prendre. Le social, l’écologie sont inséparables et c’est la gauche. Il n’y a pas de « milieu » face à Macron, il n’y a pas d’autre solution que la gauche. Il n’y a pas d’issue pour la planète sans anticapitalisme.

Des commentateurs comme Barbara Stiegler, nous promettent « des décennies » pour que nous arrivions « à nous recomposer». Non ! Les urgences sociales et écologiques, et les menaces du duo « Macron-Lepéniste » ne nous autorisent absolument pas à dilapider ce temps. Nous avons déjà perdu deux ans et tous les scrutins depuis 2017 à cause de la division. La raison doit maintenant prévaloir.

Là où il y a une volonté il y a un chemin. Il n’y a pas de gauche irréconciliable. Pas de préalable, pas d’exclusive, les erreurs du passé nous pouvons les combattre ensemble et ensemble empêcher qu’elles recommencent.

Nous pouvons construire ce qui nous unit et agir efficacement pour le meilleur programme possible pour permettre à ceux qui combattent, de gagner, sur les salaires, les retraites, l’emploi et le droit du travail, la redistribution des richesses, la justice sociale, écologique et fiscale, la démocratie.

Un appel entre temps est paru « Gauche : un sursaut nécessaire », il rassemble déjà un peu mais pas suffisamment bien sûr. Nul n’a la prétention de s’imposer par des artifices dans un rassemblement où le collectif doit l’emporter. Jean Luc Mélenchon a proposé une « fédération populaire », Benoit Hamon a affirmé la nécessité de « sortir la gauche de l’impuissance ». Ian Brossat a déclaré son parti disponible « pour se reparler ». Nouvelle Donne, République sociale, Ensemble et d’autres sont pour cette unité. Olivier Besancenot du NPA aussi : « il faut tout repenser, et unifier les forces anticapitalistes et internationalistes, sans calculs hégémoniques ». Le PS et Place Publique ont répété vouloir rassembler la gauche pendant la campagne. Et la jeunesse qui a manifesté pour le climat et pour une part, voté EELV ne comprendrait pas que nous ne nous unissions pas. Pas d’écologie sans social.

C’est pourquoi je reprends une deuxième fois humblement la plume, pour vous proposer de faire un geste, vite, de nous rencontrer dans les jours qui viennent, de nous mettre au travail, de donner les signes d’espoir et de renouveau rapides attendus et nécessaires aux yeux de millions d’électeurs de gauche.

Avec mes salutations militantes renouvelées et aussi déterminées.

Pour la Gauche démocratique et sociale (GDS)

Gérard Filoche

 

 

21 Commentaires

  1. Canna
    Posted 28 mai 2019 at 10:03 | Permalien

    Comme vous avez raison ! La gauche est désespérante.Comment font-ils tous pour ne pas faire passer la vie de nos enfants et petit-enfants avant leur parti. Qu’ils créent une union de la gauche et s’ils ne sont pas capables de faire une primaire pour désigner leur porte parole, qu’ils le tirent au sort.
    Attac avait fait un travail formidable pour convaincre les Français que la constitution européenne qu’on nous demandait de voter était une catastrophe. Il faut faire le même travail pour refaire voter tous ceux qui se sont abstenus en leur expliquant que si l’extrême-droite arrive au pouvoir en France, ce sera pire pour eux que Macron. La guerre des ego, quelle catastrophe !!

  2. Personne
    Posted 28 mai 2019 at 21:26 | Permalien

    Le Malthusianisme fait son grand retour et personne ne semble s’en émouvoir. Le PCF et lutte ouvrière font exception dans ce monde où l’écologie réactionnaire semble s’imposer dans les votes et les médias à moins que cela soit le contraire bien évidemment… Alors Gérard es-tu malthusien ? si ce n’est pas le cas pourquoi veux-tu d’une alliance « à gauche » entre progressistes, démagos qui ont cru faire du chiffre en étant plus verts que verts et des malthusien bon chic bon genre ? Si par contre tu es malthusien dans l’âme, Gérard, s’il te plaît oublie mon adresse mail.

  3. Dumont
    Posted 28 mai 2019 at 21:37 | Permalien

    Les querelles égotistes et partisanes n’ont plus lieu d’être face à l’urgence de la situation. Le pays se délite, le vivre-ensemble s’étiole, les ressources naturelles s’amenuisent à vue d’oeil, l’extrême et vorace rentabilité martyrisé notre système de santé jusque là pourtant si enviable, le mal-être au travail nourrit le malaise social, la guerre du chacun pour soi se fait jour, la vie démocratique et l’engagement civique périclitent. Chacun se réfugie derrière ses remparts identitaires, communautaires ou idéologiques, l’autre devient une menace, un péril pour les maigres apanages du moins privilégié.
    Seule la gauche, unie dans sa diversité, avec les valeurs spontanément humanistes, sincèrement progressistes, passionnément écologistes, peut encore redonner l’espoir auquel tant d’entre nous aspirent, fendre la noirceur ténébreuse de la peur, du clientélisme, de l’injustice sociale et de l’exclusion, de l’anti-républicaine reproduction sociale déplorable qui a pris le dessus sur le mérite des talents individuels de nos enfants, de la destruction par la course effrénée au profit et l’appât du gain perpétuel de notre patrimoine naturel et sauvage planétaire, communément partageable.
    Il nous faut ouvrir les yeux et nos cœurs sur ce qui nous rassemble, au lieu de nous déchirer sur ce qui nous distingue et qui, pourtant, fait notre richesse.
    Albert Jacquard écrivait : « L’autre, individu ou société, nous est précieux dans la mesure où il nous est dissemblable ».
    Nous sommes la gauche, nous sommes l’espoir, nous sommes l’unique réponse envisageable à la brutalité du moment.
    Merci Gérard, ne lâchez rien.

  4. Posted 31 mai 2019 at 14:21 | Permalien

    À mon avis, l’unité de la gauche ne peut pas se faire au niveau des appareils.
    Les Verts sont sur leur nuage et absolument pas disposés à discuter de quoi que ce soit.
    Les différents appareils des partis de gauche sont trop occupés à régler leurs problèmes internes.
    L’unité doit se faire à la base, sur les marchés, aux portes des entreprises, sur les réseaux sociaux …
    Aux militants de se remuer. (Je n’en suis plus un, alors c’est facile à dire :-))
    Et pour ça, les éléments sont tout trouvés
    - convaincre les électeurs écologistes que le programme des Verts, ne s’attaquant pas au libéralisme, n’est que su saupoudrage de taxes et subventions, mais ne s’attaque pas aux causes profondes de la crise écologique
    - et surtout convaincre les électeurs de La Peine que son programme social et économique est absolument incohérent, et son programme écologique inexistant. Le FN ne s’attaque pas aux causes des inégalités, du chômage, bref de la crise économique, et ce n’est pas la fermeture des frontières qui peut la résoudre.
    Chaque mouvement doit présenter ses options, leur confrontation fera naître une synthèse (on aime bien les synthèses au PS …), qui devra ensuite remonter aux appareils. C’est le seul moyen d’avoir une unité qui ait un sens et qui ne soit pas qu’une alliance électoraliste.

  5. Gilbert Duroux
    Posted 1 juin 2019 at 1:50 | Permalien

    Bon courage, Gérard, pour faire l’union de la gauche avec ces oiseaux là :
    https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/lagardere-achete-le-ticket-jadot-saporta
    Je connais ton discours : « c’est les militants qui comptent, pas les chefs ». N’empêche que les chefs douteux, prêts à toutes les compromissions avec les capitalistes, c’est les militants qui les choisissent. Et que la politique qui est finalement avalisée, c’est celle des chefs.

  6. Patricia
    Posted 1 juin 2019 at 10:32 | Permalien

    Bonjour,
    Tu dis être de « gauche » un PS dont l’essentiel des cadres a été aspiré par Macron…!
    Quelle crédibilité accorder à un Glucksmann qui votait Sarkozy en 2007 ? Et Jadot qui est pour une « écologie-libérale », ne craignant pas l’oxymore !Ne parlons pas du PC qui s’associera avec ceux qui lui permettront de garder quelques sièges.
    Qui est prêt à vendre son âme au diable ?

  7. Posted 1 juin 2019 at 11:15 | Permalien

    justement ce qui reste du PS hésité sur son chemin, ils ne sont pas allés a droite avec Mâcon vont ils aller a gauche avec nous, dans une position ou ils ne dirigent plus ?

  8. Posted 1 juin 2019 at 11:17 | Permalien

    y a du vrai
    mais les « chefs » du ps pro hollandais se sont fait écarter,
    ils veulent revenir à la charge, on verra donc
    ils vont faire une offensive contre faure

  9. Gilbert Duroux
    Posted 1 juin 2019 at 18:11 | Permalien

    Où as-tu vu que les chefs du PS pro-hollandais étaient écartés ? C’est le contraire. C’est le premier des chefs, autrement dit le Premier secrétaire du temps de Hollande, autrement dit Cambadélis, qui était mandaté par le PS pour faire le tour des plateaux télé le soir du résultat des européennes.

  10. Posted 2 juin 2019 at 6:31 | Permalien

    ca ne veut rien dire hiérarchiquement ni politiquement

  11. Gilbert Duroux
    Posted 2 juin 2019 at 20:53 | Permalien

    Ah bon ? Ça ne veut rien dire politiquement que ce soit ceux qui ont avalisé, quand il ne l’ont pas initié, le virage à droite du PS qui représentent le PS actuel ? Ça ne veut rien dire politiquement que ce soit ceux qui ont justifié la loi travail, qui ont laissé passer l’idée de déchéance de la nationalité, qui ont voulu exclure Filoche en le traitant d’antisémite qui représentent le PS actuel ? Qu’est-ce qu’il te faut de plus ? Tu veux le retour de Valls et de Hollande au cœur du PS pour émettre des réserves ?

  12. Posted 2 juin 2019 at 23:58 | Permalien

    non mais tu devrais écouter encore une fois ce que je dis, je connais mieux que toi

  13. Posted 2 juin 2019 at 23:59 | Permalien

    Grandeur et misère de l’écologie politique
    JEAN-MARIE HARRIBEY
    29/05/2019
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    Le bon score des Verts à l’élection du parlement européen, notamment en France et en Allemagne, a été commenté comme signifiant la prise de conscience croissante par les électeurs de la crise écologique, notamment du réchauffement du climat et de la forte diminution de la biodiversité. Tandis que l’émiettement et l’effondrement des partis de gauche laissent accroire que l’ancien clivage gauche/droite fondé sur une sociologie de classes est en voie d’extinction. Certains responsables écologistes s’essaient même à théoriser cet effacement au profit de l’écologie qui, désormais, surplomberait tout le reste, c’est-à-dire le social.

    La transcendance, une idée fausse

    David Cormand, secrétaire national des Verts, énonce ainsi cette thèse : « La gauche d’inspiration marxiste telle qu’elle s’est épanouie depuis le début du XIXe siècle est « incomplète » théoriquement et idéologiquement pour répondre aux ravages causés par le modèle de développement. En ayant omis la question écologique, la pensée marxiste a fait deux concessions décisives au capitalisme : l’acceptation du productivisme et la valorisation de la consommation comme moyen d’émancipation. Le temps de l’écologie est venu. La critique sociale du capitalisme est fondamentale, mais l’argument écologique dans la critique des conséquences de la révolution industrielle est essentiel. L’enjeu à venir est de revoir radicalement notre relation à la production et à la consommation. C’est en cela que la pensée écologiste n’est non seulement pas supplétive de la gauche hégémonique du siècle et demi qui vient de s’écouler, mais elle l’englobe et la transcende. »[1]

    Yannick Jadot confirme que « le temps est venu que l’écologie soit la matrice qui réorganise l’économie et qui réorganise le social »[2]. Et Jérôme Gleizes résume le tout par : « la question écologique transcende la question sociale »[3].

    On restera discret à propos de l’affirmation de Cormand selon laquelle le marxisme aurait conçu l’émancipation par « la valorisation de la consommation », tellement elle frise l’inculture ou la fake news. Une telle grossièreté de l’analyse laisse pantois. Plus sérieusement, la question de l’intégration de l’écologie dans le combat émancipateur mérite d’être interrogée. Il est vrai que le mouvement politique qui s’est réclamé de Marx pendant tout le XXe siècle a globalement ignoré l’écologie, au motif que tout relevait des rapports sociaux de production et que la transformation de la société se résumait à la destruction du capitalisme. Autrement dit, que la question sociale submergeait tout. Faut-il alors simplement inverser les termes du problème parce que l’écologie « transcenderait » le social ? Avant même de regarder du côté de la théorie, la mobilisation sociale des Gilets jaunes au cours des six derniers mois en France a répondu à sa manière : l’écologie au détriment du social est une impasse.

    Je soutiens que cette idée de transcendance contient en elle l’idée d’une hiérarchie théorique, stratégique et politique et que cette hiérarchie condamne 1) à ne pas comprendre ce qu’est le capitalisme, 2) à exprimer sans le dire l’intérêt des classes moyennes les plus favorisées, et 3) finalement, à échouer comme les révolutions du XXe siècle ont échoué. Ces dernières ont cru qu’il suffisait de changer la propriété privée en propriété publique et que le pouvoir des travailleurs se substituerait automatiquement à celui des capitalistes, sans s’interroger sur le contenu de la production. Les écologistes galvanisés par leur succès aux élections nous racontent la fable inverse : parce que l’écologie surplomberait le social, l’affaire de l’émancipation serait résolue.

    Or, cette affaire mérite mieux qu’une nouvelle simplification mystificatrice. Premièrement, si la société est certes insérée dans la planète Terre et ses écosystèmes, et non pas l’inverse, cela n’implique pas que l’évolution humaine n’ait aucune autonomie de cheminement. À ce propos, certains théoriciens pionniers de la réflexion écologique ont pu estimer que le rapport de l’Homme à la nature devait être considéré comme une co-évolution[4]. Beaucoup disent aujourd’hui que l’écologie ne peut aller sans le social et vice versa. Mais cette maxime simple ne peut se concrétiser si, dans le même temps, il est implicitement, sinon explicitement, affirmé que le capitalisme pourrait fort bien intégrer la préoccupation écologique, au moyen qui de taxes, qui d’échanges de droits à polluer, globalement grâce à des mécanismes de marché, le rôle de la régulation politique se limitant à vérifier le respect de la concurrence. Le concept d’écologie de marché[5] est aujourd’hui mis en avant sans détour. Il peut en exister une version se présentant sous les meilleurs auspices comme le « Green New Deal », la « Nouvelle donne », ou une version moins propre comme l’écoblanchiment ou « greenwashing ».

    L’écologie peut-elle se couler dans le capitalisme ?

    Au-delà des problèmes sémantiques, on ne peut pas ignorer que la dynamique de l’accumulation du capital est dirigée par le profit à court terme, alors que la temporalité des évolutions naturelles relève du très long terme. Il y a là une incompatibilité de fond entre capitalisme et écologie. La vision de court terme est encore aggravée par la phase actuelle du capitalisme, dominée par la finance mondiale. Ainsi, les banquiers développent aujourd’hui de nombreux mécanismes financiers qualifiés de verts, mais qui visent essentiellement à transformer les biens naturels en supports de nouveaux titres financiers pour « assurer » les placements à risques ou pour « compenser » les dégradations environnementales.[6]

    Tout le monde s’accorde à dire que des centaines de milliards d’euros devront être mobilisés pour financer les investissements de transition (énergie, transports, infrastructures, urbanisme…). Une politique monétaire entièrement nouvelle sera donc nécessaire pour affecter la création de monnaie à ces investissements. Cela signifie une rupture par rapport à l’indépendance des banques centrales et un contrôle social des banques. Autrement dit, une politique écologique retrouvera sur son chemin la question de la propriété des institutions bancaires et des grandes entreprises stratégiques.[7] Se contenter de modifier le régime de propriété conduit à l’échec mais ignorer cela serait également une erreur capitale.

    Il est donc normal de s’interroger sur les alliances que noueront les nouveaux écologistes élus au parlement européen. Le passé n’invite pas trop à l’euphorie, c’est le moins qu’on puisse dire. D’une part, les « écologistes-compatibles-centre droit » ont toujours été nombreux au sein de cette institution. D’autre part, les politiques écologiques de l’Union européenne sont notoirement insuffisantes, en particulier sur le plan de la politique agricole commune et sur celui de lutte contre le réchauffement du climat.

    Plutôt que croire à une « transcendance » du social par l’écologie, il vaudrait mieux travailler à leur fécondation mutuelle. Au moins deux raisons fondamentales plaident en ce sens. D’abord, la destruction des écosystèmes est une figure datée dans l’histoire humaine : elle est concomitante de la généralisation des rapports sociaux capitalistes dans le monde. La question écologique ne surplombe donc pas et ne détermine pas ces rapports. Elle ne peut donc ni se substituer à la transformation de ceux-ci ni les placer en second. Et répétons que l’on peut et doit inverser aussitôt l’affirmation. Je dis souvent que sans l’exploitation de la force de travail, l’exploitation de la nature ne pourrait se faire à grande échelle, et que sans l’exploitation de la nature, celle de la force de travail n’aurait pas de base matérielle.

    Ensuite, ignorer cette interaction – cette dialectique pourrait-on dire si l’on ne craignait pas d’effaroucher les écologistes qui croient en un marxisme n’existant que dans leurs fantasmes libéraux – empêcherait de réfléchir aux forces sociales qui porteront la transformation socio-écologique de la société. Or, là est le nœud crucial. Il faut reconnaître que les forces sociales émanant du salariat sont aujourd’hui frappées de plein fouet par la crise du capitalisme et que les organisations traditionnelles, syndicales et politiques, ne réussissent plus à mobiliser un salariat éclaté et paupérisé. Mais, du côté des forces écologistes, une avancée électorale pourrait être l’arbre qui cache la forêt : qu’est-ce qui garantit que la prise de conscience écologique ne reste pas confinée à une fraction étroite de la société, celle qui finalement souffre le moins de la restructuration capitaliste ? Si, malheureusement, c’était le cas, la « transcendance » du social par l’écologie ne serait qu’un cache-misère, alors que – et c’est sa grandeur – l’écologie politique joue son rôle éminent en portant haut l’aspiration à un mode de vie soutenable.[8] Mais la soutenabilité se définit à la fois socialement et écologiquement.

    [1] D. Cormand, « Tout doit changer », Blog Médiapart, 27 mai 2019.

    [2] Cité par S. de Royer dans Le Monde, 28 mai 2019.

    [3] J. Gleizes, « De l’urgence écologique à la réponse politique », Politis, n° 1555, 30 mai 2019.

    [4] Par exemple, René Passet, L’économique et le vivant, Payot, 1979, 2e éd. Economica, 1996. Pour une présentation : J.-M. Harribey, L’économie économe, Le développement soutenable par la réduction du temps de travail, L’Harmattan, 1997.

    [5] Paul Hawken, « L’écologie de marché ou l’économie quand tout le monde gagne », Éd. Le Souffle d’or, 1997.

    [6] J.-M. Harribey, La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste, LLL, 2013.

    [7] J.-M. Harribey, « Comment financer la transition écologique ? Contribution pour des temps qui s’annoncent chauds », Note pour les Économistes atterrés, octobre 2018.

    [8] En 2005, dans un article « La misère de l’écologie, Réponse à Yves Cochet », Cosmopolitiques, Cahiers théoriques pour l’écologie, n° 10, septembre 2005, p. 151-158, je montrais que le refus par les écologistes les plus éminents des catégories de la critique de l’économie politique les condamnait à dériver vers la théorie néoclassique.

  14. Gilbert Duroux
    Posted 3 juin 2019 at 2:57 | Permalien

    Si tu crois que ça n’a aucun sens de mandater Cambadélis pour commenter le résultat des élections à la télé, tu es le roi des naïfs. On dirait que l’expérience ne t’a rien appris.

  15. Posted 3 juin 2019 at 10:35 | Permalien

    ca n’a aucun sens ni pour le PS ni pour la chaine qui en decide

  16. Gilbert Duroux
    Posted 3 juin 2019 at 17:46 | Permalien

    Ça n’a aucun sens pour le PS de mandater Cambadélis ? Tu veux dire que tes camarades pourraient tout aussi bien envoyer Le Foll, Le Guen ou Le Roux et ça n’aurait aucun sens ?

  17. Posted 3 juin 2019 at 18:01 | Permalien

    il n’existe aucun « mandat » pour ce genre de choses, les chaines choisissent

  18. Gilbert Duroux
    Posted 4 juin 2019 at 17:48 | Permalien

    Ben voyons, ça veut dire que le parti ne maîtrise rien, que n’importe qui peut s’exprimer en son nom, dire le contraire de ce que le camarade d’à côté a dit 5 minutes avant. Je comprends mieux pourquoi les vieux partis sont dans cet état là. Tout se vaut, plus rien ne fait sens. V’est la cour du roi Pétaud !

  19. Posted 4 juin 2019 at 19:47 | Permalien

    c’est pourtant vrai

  20. Posted 4 juin 2019 at 19:47 | Permalien

    Bonjour,

    Je trouve que le positionnement de Clémentine Autain n’est pas clair. Elle propose l’unité de la « gauche radicale », c’est-à-dire une unité au sommet qui, en outre, est partielle.
    En effet, la qualification de « gauche radicale » caractérise les sommets, les appareils plutôt que leurs bases.
    Enfin , l’unité n’est proposée qu’à certains appareils (les radicaux).
    Cette stratégie est donc sectaire envers les appareils non radicaux qu’elle rejette, mais elle est aussi opportuniste envers les appareils radicaux qu’elle privilégie.
    Elle divise la gauche et trempe dans le gauchisme.
    Ceci dit, Clémentine Autain est honnête et nous pouvons la convaincre.

    En revanche, nous, nous commençons par une tactique d’unité à la base, mais sans demander aux militantes et militants de rompre avec leurs appareils, sans les dénoncer : dans un premier temps tactique nous leur expliquons que la composition de la liste tiendra compte de l’investissement individuel et du soutien de leur organisation ; dans un second temps tactique, nous demanderons à leur organisation de soutenir publiquement notre démarche.

    Nous pouvons retarder notre adresse aux appareils sans apparaître sectaire aux yeux de leur base car nous sommes dans le moment très particulier où ces appareils sont gravement discrédités.

    Nous pouvons donc nous adresser à leur base dans un premier temps. Mais, dès que la faiblesse exceptionnelle des appareils aura été vérifiée, nous pourrons dissoudre les dernières méfiances gauchistes et demander à toutes les organisations politiques de gauche de soutenir notre campagne. En échange, dans l’établissement de la liste des candidatures nous tiendrons compte des résultats électoraux de chaque parti. Personne ne sera lésé.

    Pierre R

  21. Posted 5 juin 2019 at 6:51 | Permalien

    Bonjour à tous,

    Effectivement, la phrase de Cormand « C’est en cela que la pensée écologiste n’est non seulement pas supplétive de la gauche hégémonique du siècle et demi qui vient de s’écouler, mais elle l’englobe et la transcende » me semble erronée.

    On pourrait très bien imaginer un système où 0.01 % de la population (70 millions de personnes) aurait une empreinte écologique considérable et les 99.99 autres auraient une vie très frugale en énergie : peu de biens matériels, pas de voyage, déplacement en vélo, peu de chauffage, pas de climatisation, pas de viande, etc. La planète s’en porterait mieux.
    On pourrait aussi imaginer une réduction de l’empreinte écologique des humains via une réduction de la population mondiale…

    Donc le mieux écologique ne garantie pas le mieux social et moins d’inégalités. Remplacer le marxisme par l’écologisme n’a pas vraiment de sens. Il me semble que si Cormand dit l’inverse, c’est parce qu’il ne conçoit pas l’écologie hors du cadre social (il a une culture de gauche).

    Néanmoins, il y a une critique que l’écologie adresse, pas vraiment au marxisme, je dirais plutôt à la gauche d’après guerre, à laquelle il faut réfléchir.

    Quelques exemples :

    J’ai grandi dans les années 80 quand la mondialisation néolibérale se répandait sur la planète de façon exponentielle.
    En cours on apprenait la révolution française, les droits de l’homme, les luttes sociales, les avancés des droits sociaux d’après guerre. A la télé on voyait des usines chinoises où les salariés travaillaient comme des esclaves pour nous fabriquer des chaussures, des vêtements et des jouets.
    Les libéraux disaient : soit ils meurent de faim, soit ils travaillent dans ces usines : c’est donc une chance pour eux. Je ne comprends pas pourquoi la gauche (au sens large : intellectuels / partis / syndicats) n’a pas défendu ces travailleurs chinois. Il fallait trouver des mécanismes pour les aider (par exemple taxer les importations sur des critères sociaux). Un discours anti-capitaliste aurait été de dire : « Salariés, pour noël prochain les jouets et les vêtements seront plus chers, vous pourrez donc moins en acheter, mais ça permettra aux salariés chinois de vivre un peu mieux ». Il me semble que la gauche d’après guerre est restée centrée sur la nation pour les questions sociales, ce qui a d’une certaine façon cautionné la théorie néolibérale sur le calcul d’intérêt mise en avant pour la mondialisation : « elle pose comme principe premier le fait que l’individu est mû par la recherche de son intérêt personnel. L’individu est supposé égoïste ». Pourtant, le combat internationaliste était possible, à la même époque, tout le monde se mobiliser contre l’apartheid en Afrique du Sud.

    On retrouve ce côté national de la gauche dans la construction européenne. Comment se fait-il que la mise en place d’un SMIC européen et des conventions collectives européennes n’aient pas été une revendication forte de la gauche dès le début du marché commun (SMIG à l’époque) ?

    A l’inverse la pensée écologique nous explique qu’il faut systématiquement raisonner au niveau mondial, une centrale nucléaire qui explose au Japon a des répercussions sur toute la planète. Elle pousse donc la gauche d’après guerre à revenir sur un positionnement plus internationaliste (ajout d’une dimension d’espace).

    Autre exemple, on retrouve souvent dans les programmes de gauche la mise en place d’un salaire maximum (par exemple, rapport de 1 à 20 dans les entreprises). C’est bien sûr une bonne chose. Mais si on réalise un raisonnement similaire pour le pétrole, les chiffres sont vertigineux. Le pétrole d’aujourd’hui est âgé de 20 millions à 350 millions d’années, soit environ 200 millions d’années en moyenne. Ce pétrole sera utilisé en à peu près 200 ans. Les générations pétroles consomment donc 1 million de fois plus de pétrole que ce qu’il faudrait si le pétrole était réparti sur toutes les générations de façon durable.

    Pour le nucléaire, c’est encore plus grave. Il reste environ 400 ans d’uranium, soit environ 16 générations. Les déchets nucléaires de longue durée sont dangereux pendant des centaines de milliers d’année. En prenant 250 000 ans (il y a plus!), soit 10 00 générations, ce sont donc 10 000 générations qui devront gérer les déchets générés par seulement 16 générations. Comment la gauche d’après guerre a-t-elle pu cautionner une telle énergie ?
    La pensée écologique traite cette écueil en rajoutant une dimension de temps.

    Il me semble donc que la pensée écologique permet de rajouter une dimension d’espace (internationalisme) et de temps (égalité entre générations actuelles et générations futures, et préservation de la planète) au corpus idéologique de la gauche d’après guerre. Ça permet d’enrichir, mais ça ne remplace pas.

    A bientôt

    Thomas

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