Hégémonie ou unité de la gauche ?

 

Dans un passé récent les écologistes d’EELV se plaignaient de la façon « hégémonique » dont le Parti socialiste les traitaient en ne les écoutant pas suffisamment sur le fond politique et en ne leur donnant pas les postes qu’ils pensaient mériter.

Il est vrai que les dirigeants du PS se disaient « unitaires » mais mesuraient chichement leurs efforts en la matière. Dans leurs négociations avec les autres forces de gauche, la part congrue était souvent de mise, que ce soit avec EELV, au PCF, le MRC. Y compris à l’intérieur du PS, la proportionnelle qui était pourtant la règle entre courants n’était guère respectée. Le discours officiel était bien que la gauche était pluraliste et gagnait à représenter toutes ses sensibilités, mais la pratique suivait difficilement.

 

Idem quand la France insoumise, parce que la candidature de Jean Luc Melenchon était en pôle position et pouvait attirer le vote utile, y compris de millions de voix socialistes, passa le 23 avril 2017 en tête de la gauche. « Hégémonique »,  JL Melenchon ne voulait plus signer d’accord avec personne : le 21 janvier 2016, il refusa une « grande primaire » de toute la gauche qu’il aurait pourtant gagnée haut la main ! Puis après le 29 janvier 2017, il refusa, alors qu’il avait affaire à un candidat de la gauche socialiste, tout accord politique, lui seul devait l’emporter dans une course en tête. Pareil aux législatives : «  FI structure « hégémonique » ? (…) cette volonté hégémonique est de bonne guerre ! Oui, une force ouverte et conquérante affirme sa volonté de prise de pouvoir, de tous les pouvoirs ! La France insoumise (…) se met en situation de gouverner le pays, dans la cohérence et la constance. »

Dans un scrutin européen, dont on sait les limites depuis qu’il existe en 1979, Yannick Jadot obtient avec EELV 13,7 %, en tête de la gauche, alors que la FI est autour de 6 % comme le PS, et que le PCF et générations sont en dessous de 3 %. Et paf ! l’hégémonie est un mal qui ravage et change brutalement de camp, Yannick Jadot semble engager son parti dans un virage au centre toute : « bien entendu, les écologistes sont pour le commerce, la libre entreprise et l’innovation« . Auprès du Figaro, il loue « l’économie de marché, la libre entreprise, l’innovation » et se pose en « pragmatique« , défenseur d’une écologie « ni de gauche, ni de droite« , se proposant de prendre le pouvoir dans le pays et à Paris. « « Je veux rassembler les Français autour de l’écologie ».

Au point que ses amis Julien Bayrou et David Cormand sont obligés de multiplier les bémols : « Dire qu’EELV fait un tournant libéral est un malentendu« , recadre Julien Bayou, porte-parole du parti écolo ajoutant :  »[L'écologie] étend l’idée de solidarité développée par la gauche à l’ensemble du vivant et aux générations futures. » Ce qui n’empêche pas Jadot d’expliquer son souci d’hégémonie au centre et à droite : Je me sens de gauche, l’histoire de ma famille est de gauche, mais ça ne suffit pas. Accueillons avec enthousiasme celles et ceux qui veulent construire avec nous, d’où qu’ils viennent. Certains revendiquent leur appartenance à un camp, à la gauche ? Tant mieux. D’autres n’ont pas cet engagement, cette histoire, cette culture ? Tant mieux aussi s’ils se reconnaissent dorénavant dans notre volonté d’agir, dans notre socle de valeurs. » David Cormand rétorque : « Il n’y a pas de compromis possibles avec le capitalisme (…) En fait, ce que je pense c’est qu’il n’y a pas de survie de la civilisation humaine sur terre dans un modèle capitaliste. (…) D’un point de vue idéologique, Je suis assez convaincu que la pensée écologiste est complète et peut suffire pour apporter une alternance, une alternative victorieuse au statu quo libéral et au risque de l’extrême droite, mais elle ne peut pas le faire seule. Nous sommes un petit parti avec de très grandes idées. Pour pouvoir être à la hauteur de ces grandes idées, nous ne pouvons pas rester le petit outil politique que nous sommes aujourd’hui. »

Franchement ce ping-pong, ca suffit !

La question de l’unité de la gauche est trop sérieuse pour être traitée comme cela. Macron est en train d’amener Le Pen. S’il n’y a pas unité de la gauche, ce sera un désastre pire encore que ce que nous connaissons. La gauche aujourd’hui en réalité est une mosaïque, et aucune de ses composantes n’est en position d’être hégémonique. (1)

Même Olivier Faure le reconnait pour le PS : « Le PS doit avant tout travailler à l’union de la gauche, c’est de sa responsabilité et les réalités concrètes du parti aujourd’hui ne nous permettent plus de prétendre à une quelconque hégémonie ». (…)  Il faut réinventer la gauche et l’écologie. Il faut arriver à fusionner ces identités qui se sont longtemps opposées (…) Il n’y a plus à gauche de parti qui puisse prétendre à l’hégémonie. Nous avons maintenant à chaque échéance électorale un parti qui pense pouvoir remplacer tous les autres. Cela ne peut pas fonctionner comme cela. »

David Cormand, modère aussi : « Il faut se défier de la tentation de l’arrogance. Si nous, nous nous mettons à faire la leçon à tout le monde, personne ne nous accordera le moindre crédit. Le succès ne nous accorde aucun passe-droit mais des devoirs essentiels : un devoir de constance. La tyrannie des ego ne doit pas détruire notre travail commun ».

Comme nous, GDS, François Ruffin ne dit pas autre chose : « C’est la base qui doit réclamer notre unité» Lui, rappelle t il, doit son siège de député à une alliance FI, PC, Ensemble et… EELV.

 

(1)   Quand il y a « réunion unitaire nationale » à Paris, 15 partis de gauche : sont présents : Alternative libertaire (AL), Europe Ecologie les Verts (EELV), Ensemble, La France insoumise, Gauche démocratique et sociale (GDS), Gauche républicaine et sociale (GRS), Générations, Lutte ouvrière (LO), Mouvement des citoyens (MdC), Parti communiste Français (PCF), Parti de gauche (PG), Parti socialiste (PS), Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Parti ouvrier indépendant démocratique (POID), Parti ouvrier indépendant (POI), Parti ouvrier communiste de France (POCF), République & socialisme (R&S)…

 

 

 

 

 

Déposer un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera jamais transmise.

*