Le vent se lève

 

Du fond du restaurant où il trime, l’un des plongeurs sort fumer une cigarette. Il rencontre l’éboueur qui passe derrière sa benne,  ils taillent une petite bavette.  Je les vois de ma fenêtre, deux salariés de deux secteurs différents. Radio France est en grève, je descends promener mon petit chien, la serveuse s’est ajoutée au groupe, et aussi, un ingénieur de chez Renault techno centre, je le connais, il habite au dessus. Un grand bonjour matinal et un petit échange, c’est la vie de quartier, ordinaire. On parle retraite et on casse du sucre sur le dos du gouvernement. A nous quatre on est un Conseil d’état. J’imagine que le musicien de l’orchestre de l’Opéra de Paris, qui est voisin, ou que l’infirmière qui va venir tout à l’heure me faire une piqure, puissent se croiser aussi et je sais ce qu’ils en pensent.

C’est notre classe sociale, ceux qui font la réalité de ce pays. L’autre jour, c’est le boulanger lui-même qui m’a dit : « y’en a marre de ce Macron ». Ma fille RATP s’est fait de trop longs jours de grève. Et les profs de ma petite  fille s’y sont mis. Au bout de quarante-cinq jours, celles et ceux qui ne s’y intéressaient pas au début, ont percuté ce que ça veut dire une retraite calculée sur 43 ans de carrière au lieu des 25 meilleures années.

Le vent se lève : 70 % de l’opinion soutient les mobilisations même après 45 jours de grèves. Les mensonges lancinants de BFM, Cnews, LCI, France inter et Cie, ont échoué. 61 % demandent le RETRAIT du projet. Pourtant les sondeurs sont du côté de Macron, ils ne nous font pas de cadeau. Mais ça se sent, on a gagné la bataille de l’opinion. La vague est devant nous, et va déferler, maintenant sous une forme ou sous une autre. Si Macron résiste davantage, il va payer un prix encore plus fort que le retrait de son projet. Tous les Mai 68 ne se ressemblent pas, si on est en train de gagner, c’est parce que la majorité de notre corps social, des gardiens de musée aux avocats, adhère aux grévistes, même quand ceux-ci, faute de sous, sont obligés de faire pause dans la grève : c’était dans les sourires, le tonus et le nombre des manifestants du 24 janvier, où les chansons, les danses, la musique anti Macron fleurissaient.

 

« C’est la première fois qu’une refondation aussi profonde a lieu en dehors d’un temps de guerre ou de reconstruction« disait-il. Macron a tout fait : éborgner, tabasser, emprisonner. Il a érigé le mensonge permanent en apothéose. N’écrivait-il pas, dans son livre Révolution : « Après plus de vingt ans de réformes successives, le problème des retraites n’est plus un problème financier ». Et ne se contredit il pas en exigeant un « âge d’équilibre » (sans doute à 65 ou 67 ans) et une préalable « commission de financement » ?  Tout en abaissant les cotisations  sociales à 2,8 % au lieu de 28 % pour les hauts salaires de 120 000 à 329 000 euros, soit 3,7 milliards de cadeaux de plus aux riches patrons ?

 

Gérard Filoche

 

lisez l’Humanité dimanche, c’est ma chronique hebdomadaire depuis dix ans, N° 478

 

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