Désavoué sur la sanction sandaleuse contre Anthony Smith, Struillou, le directeur général du travail démissionne

extrait de Le monde

La ministre du travail a critiqué la gestion de « l’affaire Anthony Smith », du nom d’un inspecteur du travail, membre de la CGT, sanctionné pour ses décisions prises durant l’épidémie de coronavirus en avril.

Par Bertrand Bissuel Publié aujourd’hui à 09h59, mis à jour à 10h05

 

Les services de la ministre du travail, Elisabeth Borne, traversent une zone de très fortes turbulences. Vendredi 11 septembre, l’un des piliers de cette administration a présenté sa démission : il s’agit d’Yves Struillou, le chef de la Direction générale du travail (DGT). L’intéressé a pris cette décision très peu de temps après avoir subi un désaveu de la part de Mme Borne. A l’origine de la rupture, il y a « l’affaire Anthony Smith » – un inspecteur du travail, membre de la CGT, récemment sanctionné par sa hiérarchie, qui bénéficie du soutien d’une large partie de ses collègues et d’une campagne de mobilisation orchestrée par plusieurs syndicats, des élus de gauche ainsi que des personnalités d’horizons divers. Le dossier est suivi de très près, à l’Elysée comme à Matignon.

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Selon nos informations, M. Struillou a choisi de démissionner à la suite d’un épisode, pénible pour lui, qui s’est produit jeudi après-midi. Le patron de la DGT participait à une réunion avec Mme Borne et des responsables de directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. D’après une des personnes présentes, la ministre a émis, lors de la rencontre, des observations critiques, notamment sur le rapport disciplinaire ayant conduit à la sanction prononcée contre M. Smith. « Elle trouvait que ce n’était ni fait ni à faire », résume une autre source. Le document en question, d’une trentaine de pages, est signé par le directeur des ressources humaines du ministère, Pascal Bernard, mais M. Struillou a joué un rôle déterminant dans sa rédaction.

Dans l’entourage de Mme Borne, on reconnaît l’existence de « divergences » sur le rapport disciplinaire et « la manière dont le dossier a été conduit ». Le différend avait pris une « ampleur assez importante » qui alimentait un mauvais climat dans les services, ajoute-t-on.

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Les remontrances de Mme Borne résultent d’un conflit social qui a éclaté il y a près de cinq mois, à une époque où elle ne s’était pas encore installée rue de Grenelle – puisque sa prédécecesseure, Muriel Pénicaud, occupait encore les lieux. Le 15 avril, M. Smith avait été suspendu de ses fonctions, pour avoir – aux yeux de sa hiérarchie – « méconnu, de manière délibérée, grave et répétée, les instructions »données à l’ensemble des agents, durant l’épidémie de Covid-19. L’un des griefs portait sur des interventions que l’inspecteur du travail aurait conduites sans le « moindre discernement » à l’égard d’une grosse association d’aide à la personne : celle-ci avait, par exemple, été sommée par M. Smith de fournir à ses salariés des masques de type FFP2 ou FFP3, alors que la doctrine sanitaire nationale réservait de tels accessoires aux soignants.

Mutation d’office

Cinq organisations représentant les fonctionnaires du ministère (CGT, CNT, FO, FSU, Sud) s’étaient dressées contre cette « action folle de répression » « Anthony Smith n’a fait que son devoir », avaient-elles plaidé. Le 21 juillet, plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, et le numéro un de la CGT, Philippe Martinez, s’étaient rassemblées à Paris pour apporter leur soutien à M. Smith, au moment même où celui-ci passait en conseil de discipline. Un peu plus de trois semaines plus tard, le verdict tombait : le fonctionnaire, jusqu’alors en poste dans la Marne, faisait l’objet d’une mutation d’office en Seine-et-Marne. Une sentence que l’intéressé et tous ceux qui l’épaulent ont qualifiée d’injuste et très pénalisante puisqu’elle le contraignait à aller travailler à « 200 kilomètres de son domicile ».

Finalement, dans un geste d’apaisement, le ministère du travail a annoncé, mercredi, que la sanction avait été « aménagée » – autrement dit, allégée : M. Smith sera transféré dans la Meuse, un département limitrophe de celui où il réside ; le fonctionnaire s’est dit « content » en apprenant la nouvelle tandis que son syndicat y a vu un premier « recul ». Sous le sceau de l’anonymat, l’un des acteurs de ce feuilleton, partisan de la « punition » initiale, considère que la CGT a gagné son « bras de fer » et qu’il va être ardu de piloter l’inspection du travail. L’entourage de Mme Borne, de son côté, insiste sur le fait que la ministre est restée « en soutien » de la solution trouvée au départ, à savoir une mutation d’office.

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Bertrand Bissuel

 

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