Stop à l’opération militaro-policière contre les pauvres à Mayotte

L’opération significativement appelée   de « décasage » et nommée « Wuambushu », annoncée par Gérald Darmanin pour « lutter contre l’immigration » à Mayotte commence et va durer 2 mois.
il s’agit d’expulser par la force toutes les familles comoriennes qui se sont installées à Mayotte, femmes et enfants compris et de détruire leurs cases.
400 gendarmes mobiles supplémentaires et  des « brigades de juges » viennent d’arriver sur le territoire mahorais .
Je vous conseille d’écouter 2 juges du syndicat de la magistrature DE MAYOTTE ,
ces 2 collègues argumentent de façon implacable sur le sens de ce choix d’une politique répressive contre les étrangers.
Elles décrivent leur vie quotidienne de  juges et les pressions  qu’elles subissent .
12 magistrats sont envoyés à Mayotte en « renfort », comme « juges des libertés ». Des  greffiers suivront à une semaine d’ intervalle.
En fait ils  sont envoyés à Mayotte comme  parties prenantes d’un dispositif qui comporte notamment un volet de reconduites massives à la frontière d’étrangers en situation irrégulière.
L’appareil judiciaire est clairement mobilisé au service de la police des étrangers.
Espérons qu’il refuse d’oublier qu’ il en est normalement totalement indépendant.
La défenseure des droits, la CNCDH , commission nationale consultative des droits de l’homme, dénoncent cette situation, après un rapport spécial à l’ONU.
Une mission Gisti/ SAF SM/ LDH va partir à Mayotte.
Rien de tout cela n’existerait si Mayotte n’était pas à l’entrée du canal du Mozambique et pas loin du canal de Suez, ce qui est essentiel pour les intérêts stratégiques de la France.
Cette « opération » a lieu alors que le projet de loi « Asile et Immigration » revu en fonction des desiderata de LR doit être examiné par le Sénat à la fin du mois prochain, et qu’ un décret de fichage des mineurs de retour de Syrie vient d être publié. Ce décret dont la LDH, la SAF et le SM vont demander l’annulation devant le conseil d’Etat, ne fixe aucun âge minimum pour les mineurs fichés (donc les bébés y seront) et ne se donne même pas la peine de faire référence à la prévention d’un quelconque trouble pour l’ordre public.Il ne définit pas le temps pendant lequel les enfants resteront sur le fichier (jusqu’à leur majorité ou plus?) En quelque sorte on considère que ces enfants diffusent une dangerosité atavique, héréditaire, transfusée directement de leurs parents.
Bien des fondements juridiques peuvent être mobilisés à l’appui d’un recours devant le Conseil d’État, principe d’égalité entre mineurs, de non discrimination, de proportionnalité entre l’atteinte aux libertés et les risques pour l’ordre public…
Ev Sire-Marin
Communiqué intersyndical : Mayotte 

Contre l’opération Wuambushu et pour un réel

accès aux droits

Nos organisations syndicales CGT, FSU et l’Union syndicale Solidaires s’inquiètent fortement de l’opération Wuambushu, organisée par Gérald Darmanin et validée par Emmanuel Macron, prévue à Mayotte à partir du 21 avril

Cette opération prévoit de détruire massivement des habitats précaires et de multiplier les arrestations et les expulsions quotidiennes jusqu’à plusieurs centaines de personnes migrantes issues des îles voisines. Les destructions visent 5 000 personnes dans 1 000 « bangas », soit 10 % des habitats en tôles dans lesquels vit la moitié de la population de Mayotte. Nous craignons, à l’instar de nombreuses organisations internationales et nationales (CNCDH, UNICEF, LDH notamment) la multiplication des violences et des atteintes aux droits.

Or la situation à Mayotte, département français d’environ 300 000 habitants est déjà catastrophique : 80 % des habitant-es vivent sous le seuil de pauvreté et de nombreuses mesures d’exception sont la règle :

  • le manque d’écoles oblige à accueillir les enfants par demi-journées et plus de 6000 enfants ne sont pas scolarisés ;
  • des milliers d’enfants sont enfermé-es en centres et locaux de rétention administrative (CRA et LRA) et certain-es ont été expulsé-es vers les Comores malgré plusieurs condamnations de la Cour européenne des droits de l’Homme
  • des mineur-es revenant de l’école se sont retrouvé-es sans logement et ne sachant pas où leurs parents se trouvaient, ceux-ci faisant l’objet d’éloignements expéditifs et abusifs.
  • Dans un rapport d’information, la commission des affaires sociales du Sénat parle d’un « système de soins à bout de souffle » : à Mayotte 45 % des habitants de plus de 15 ans déclarent avoir dû renoncer à des soins en 2019, la protection universelle maladie (PUMa) n’y est pas applicable, ni la complémentaire CMU-C, le nombre de lites disponibles est très en-deça des ratios (à peine 40 % de la moyenne hexagonal) et l’Aide Médicale d’État, système de santé pour les personnes sans papiers ne s’applique à Mayotte.
  • L’accès aux demandes d’asile est très compliqué et 86% des demandes d’asile sont rejetées.
  • 10 avocats pour 100 000 habitants, contre 103 pour 100 000 en métropole.
  • plus de 20 000 le nombre de personnes ayant perdu la vie en tentant la traversée depuis les îles voisines depuis 1995, année de l’entrée en vigueur du « visa Balladur » (qui restreint la circulation vers Mayotte depuis les Comores et qui ne donne pas la possibilité de se rendre à La Réunion ou dans l’hexagone)
  • des bacheliers titulaires de ce visa ou sans papiers sont privés d’étude en métropole
  • plus de 1800 habitations détruites, ce qui concerne plus de 8500 personnes, depuis la fin de l’année 2020

L’accès aux droits est mis à mal par l’absence de moyens humains et matériels.

La CGT, la FSU et l’Union syndicale Solidaires appellent le gouvernement à arrêter toutes les mesures répressives. Ce qu’il faut à Mayotte c’est l’égalité des droits (y compris pour les étrangers) et d’accès aux services publics et de réels moyens pour la santé, l’éducation et le logement pour l’ensemble de la population.

Paris le 21 avril 2023

 

La justice met un premier coup d’arrêt à l’opération Wuambushu

Marquant le coup d’envoi de la sinistre chasse à l’homme lancée par le gouvernement à Mayotte, les toutes premières démolitions d’habitations devaient débuter le 25 avril dès 6 heures du matin à Koungou, au lieu-dit Majicavo Koropa Talus II. La juge des référés du tribunal judiciaire de Mamoudzou y a mis un coup d’arrêt. Le 24 avril, elle a « ordonné au préfet de Mayotte de cesser toute opération d’évacuation et de démolition des habitats ».

Douchant les ardeurs préfectorales et ministérielles, la décision constate que ces démolitions constituent une « voie de fait », autrement dit « une exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision portant atteinte au droit de propriété ». En l’occurrence, le préfet entendait faire détruire, sans distinction, tout un ensemble d’habitations indissociables les unes des autres en raison de leur fragilité structurelle qui en fait une sorte de mikado, alors même que le tribunal administratif avait déjà suspendu son arrêté de démolition pour 17 d’entre elles, dont la destruction par ricochet était donc nécessairement irrégulière.

Mayotte souffre d’un déficit chronique de logements sociaux de sorte que les familles qui doivent être relogées n’ont aucune assurance de pouvoir bénéficier d’un logement digne à l’issue des opérations. De même, les biens meubles qu’elles ont pu accumuler pendant des décennies et sur lesquels elles ont investi toutes leurs économies sont voués à la destruction, faute pour l’État de proposer des solutions de stockage adaptées pour chaque famille, provoquant ainsi l’extinction de leur droit de propriété et les appauvrissant encore plus.

Pour la première fois, la justice reconnaît le droit de propriété des biens meubles aux occupants sans droit ni titre de logements informels.

Les déclarations martiales des autorités, qui entendent imposer par la force un programme de destruction laissant des milliers d’habitants dans la plus grande détresse se heurtent donc au rappel des exigences du droit.

En ordonnant en outre au préfet de Mayotte « de mettre à disposition des habitants des lieux de stockage pour la préservation de leurs biens » et « de proposer des solutions de relogement adaptées aux familles concernées », la juge des référés rétablit l’ordre des priorités. Elle impose la seule alternative acceptable aux bulldozers et aux escadrons de CRS, unique crédo d’une administration qui n’hésite pas à brutaliser les plus précaires pour asseoir son autorité.

Mauvaise réponse à la misère qui gangrène Mayotte, le choix de la force pour priver des familles de leurs logements ne peut que l’aggraver. Le gouvernement doit mettre un terme à l’opération Wuambushu.

La décision de justice a provoqué la colère du collectif des « citoyens de Mayotte » qui appelle à la guerre civile et vise nommément devant les media locaux l’une des membres de la délégation d’avocat·es, accusée par ce collectif de nourrir une vengeance personnelle contre les Mahorais, impliquant nos organisations dans ses accusations haineuses. Ces mêmes propos ont été tenus par la députée de Mayotte Estelle Youssoufa la veille de la décision. Et ce alors que nos organisations et les avocat·es de la délégation ont en charge la défense de nombre de Mahorais qui habitent le bidonville de Talus 2, dont la démolition ne respecte pas la loi comme les juges administratifs et judiciaire l’ont constaté.

Nous ne céderons pas aux menaces. La défense des droits des personnes les plus vulnérables est une obligation face à la barbarie.

25 avril 2023

Signataires :

  • Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
  • Groupe d’information et de soutien des immigré⋅es (GISTI)
  • Syndicat des avocats de France (SAF)

 

 

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