Faut-il désespérer de 2024 ?

 

La liste est longue pour nourrir les pessimismes :

-le génocide en cours à Gaza doublé d’une épuration ethnique se poursuit sans que les pays fauteurs de cette guerre coloniale, Israël et US ne se voient isolés et empêchés par des mobilisations populaires suffisantes ; l’extension de la tragédie menace dans toute la région avec ses conséquences mondiales.

-la guerre de Poutine contre l’Ukraine dure depuis deux ans, sans que l’agresseur ne soit stoppé ;

-le sommet annuel de l’Otan (9 juillet) est lourd de menaces de guerres, 2500 milliards par an sont dépensés dans une course planétaire aux armements.

-au Soudan et en Éthiopie, la guerre ravage et divise les peuples qui ont, un temps, voulu se libérer ;

-la moitié de la population mondiale va voter cette année et les tendances vont plutôt à droite et à l’extrême droite que ce soit à Taïwan (13 janvier), en Inde (en avril-mai), en Europe (9 juin), aux US (5 novembre) ;

-l’Assemblée générale de l’ONU (22 septembre) celles de la Banque mondiale, et du FMI, ne semblent pas en mesure d’ouvrir une meilleure coopération internationale en temps de crise monétaire latente et de croissance des dettes ;

-après la décevante COP 28, les prévisions liées au changement climatique accumulent vagues de chaleurs plus importantes, évènements catastrophiques, incendies et inondations.

En France, les ravages destructeurs de 7 ans de libéralisme macronien nourrissent la montée, pourtant résistible, du lepenisme, et surtout la division pitoyable des appareils de la gauche semble fermer les espoirs au sursaut si souhaité et si nécessaire, au point que les hydres d’extrême droite se croient tout permis dans les gros médias dominants des milliardaires.

Voilà le noir tableau auquel nous sommes confrontés.

 

Mais alors allons-nous vivre face à tout cela en nous mortifiant et en nous désolant ?

N’y a-t-il pas dans le seul fait que nous existions et refusions ces malheurs la source du renversement de la situation ? L’existence détermine la conscience y compris celle de la lutte. L’humanité n’est jamais fatalement entrainée dans le gouffre, cela dépend de la lutte des classes, et en leur sein, des humains les plus conscients, s’ils s’organisent et s’unissent.

Quelle est la force sociale qui a le plus intérêt à combattre tous ces périls ? Celle qui produit toutes les richesses, qui n’en reçoit pas la part qu’elle mérite et a tout intérêt à ce qu’elles ne soient pas détruites mais partagées. Le salariat est désormais majoritaire sur la planète, un milliard de plus en trente ans, soit 54 % de la population active. En face de lui, 1 % de la population, l’oligarchie capitaliste, a accumulé tous les moyens de production et les privilèges, mais c’est devenu tellement ostensible, scandaleux, insupportable qu’à tout moment, dans les endroits les plus divers du monde, explosent de vastes mouvements sociaux, et des crises révolutionnaires. Un jour, forcément, les salariats des États-Unis et de la Chine capitalistes bougeront et en Europe, où il y a le plus de traditions, quand ça explosera dans un pays tous les autres seront contaminés. Un « me too » anticapitaliste.

Et pour se conforter dans cette certitude, rappelons qu’après six semaines de grève historiques cet automne 2023, les salariés des trois plus gros groupes automobiles des US, Ford, General Motors et Stellantis (regroupant, notamment, Fiat, Peugeot et Chrysler) ont obtenu 25 % d’augmentation de salaire.

Et pourtant après des décennies de recul sur le plan social, le combat n’était pas gagné.

Le secteur automobile avait réalisé des profits records réalisés après la pandémie, les ventes de véhicules s’étaient envolées. les bénéfices totaux au cours de la dernière décennie avaient atteint la somme astronomique de 250 milliards de dollars – rien qu’aux US ! - les salaires réels des travailleurs de l’automobile avaient chuté de 19 % depuis 2008.

Mais pour l’industrie automobile un arrêt total de la production de dix jours coûte 5 milliards de dollars, le compte a été vite fait. Avec le mouvement des scénaristes à Hollywood qui a duré autant de temps et d’autres qui couvent (les hôtesses de l’air et stewards : 26 000 syndiqués soit 93% ont voté à 99% en faveur de l’autorisation de la grève pour des meilleurs conditions de travail et salaires) la possibilité d’un effet d’entraînement sur d’autres à fait céder les patrons.

« Nous avons réussi ce que, voici encore quelques semaines, on nous disait impossible. »explique le président du syndicat UAW, le syndicat gagnant, Shawn Fain, qui a salué une des plus grandes victoires de l’histoire syndicale du pays. Chaque accord a été conclu sur quatre ans et demi et prévoit, sur cette période, une hausse de 25 % du salaire de base horaire, avec 11% dès la première année. Concrètement, des hausses de salaire pourront atteindre 67% pour un salaire de départ chez Stellantis sur la période par exemple. Les accords rétablissent aussi des mesures d’ajustements réguliers des salaires au coût de la vie, un objectif majeur pour le syndicat. Le syndicat a même obtenu, dans l’accord avec Stellantis, une extension du droit de faire grève, dans un pays où celui-ci est fortement restreint, avec la possibilité de grève pour contester non seulement les décisions de fermeture d’usines, mais aussi les décisions d’investissement de l’entreprise. Certaines revendications n’ont pas abouti, mais elles marquent ce mouvement comme la demande de passer au 32h hebdomadaire avec maintien du salaire de 40 h. Toyota (où aucun syndicat n’est présent) s’aligne sur les hausses de salaires concédées par Ford/GM/Chrysler au syndicat UAW par peur que le syndicat s’implante aussi à Toyota.

La leçon est là, permanente : quand les salariés se mettent en grève, toute la classe en profite. Les revendications « viennent du ventre », elles sont d’abord matérielles, et quand le capitalisme ne cède pas aux besoins qu’il engendre, c’est le système lui-même qui est mis en cause dans sa globalité, la conscience de millions de salariés augmente, l’envie d’un autre monde, celui du partage monte, et la révolution frappe à la porte.  Un « me too » anticapitaliste.

Dans les pays les plus développés, le salariat est fort, cultivé, expérimenté. Dans la France de 2023, il y a eu des milliers de conflits sociaux et de grèves, le combat pour la défense des retraites a duré six mois, il y a eu 14 manifestations de 1 à 2,8 millions de salariés, jusque dans les coins les plus reculés du pays.  Nous n’avons pas gagné, mais le feu n’est pas éteint, il couve et comme ces grèves aux US l’ont démontré, il peut gagner demain. Notre devoir est l’optimisme.

Nous sommes la voie du salariat, en France nous sommes 30 millions, ayons confiance dans cette force, mobilisons là, rassemblons là, unissons-là  et nous sauverons le monde de la barbarie capitaliste qui le menace.

Bonne année 2024 de luttes et de réussites dans les luttes, d’unité de notre classe et vive les unionistes de la gauche.

 

Gérard Filoche

 

 

 

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